S. f. (Grammaire) On désigne indistinctement par ce mot tout être inanimé, soit réel, soit modal ; être est plus général que chose, en ce qu'il se dit indistinctement de tout ce qui est, au lieu qu'il y a des êtres dont chose ne se dit pas. On ne dit pas de Dieu, que c'est une chose ; on ne le dit pas de l'homme. Chose se prend encore par opposition à mot ; ainsi il y a le mot et la chose ; il s'oppose encore à simulacre ou apparence. Cadit persona, manet res.

CHOSES, (LES) Jurisprudence sont un des trois objets du droit, suivant ce qui est dit dans les instituts de Justinien, liv. I. tit. IIe paragr. 12. qui rapporte tout le droit à trois objets, les personnes, les choses, et les actions ; personas, res, vel actiones.

On entend dans le droit, sous ce terme de choses, tout ce qui est distinct des personnes et des actions : quelques-uns distinguent encore les obligations, et ne comprennent sous le terme de choses que les biens ; cependant il s'applique aussi à plusieurs autres objets, comme on le verra par les différentes divisions qui suivent.

Les choses sont corporelles ou incorporelles, mobiliaires ou immobiliaires ; elles sont dans notre patrimoine ou communes et publiques ; elles sont sacrées ou profanes, fungibles ou non fungibles, possibles ou impossibles.

Il y a aussi de certaines choses que l'on appelle douteuses, litigieuses, les choses jugées, les choses de pure faculté, et autres distinctions, que nous allons expliquer chacune selon leur ordre alphabétique.

CHOSES hors du commerce, ou hors le patrimoine, sont celles qui par leur nature ne peuvent être acquises par des particuliers. Telles sont les choses communes ou publiques ; celles qui appartiennent à des corps et communautés ; les choses appelées de droit divin, qui comprennent les choses sacrées, religieuses et saintes.

CHOSES communes : sont celles dont l'usage est commun à tous les hommes, telles que l'air, l'eau des fleuves et des rivières, la mer et ses rivages. Ces choses sont appelées communes, parce que n'ayant pu entrer dans la division des choses qui s'est faite par le droit des gens, elles sont demeurées dans leur premier état, c'est-à-dire communes quant à l'usage, suivant le droit naturel, et dont la propriété n'en appartient à personne en particulier.

Quoique l'eau des fleuves et des rivières soit commune pour l'usage à tous les hommes, cependant, suivant notre droit français, la propriété des fleuves et rivières navigables, soit par rapport à leur rivage et à leur lit, soit par rapport à la pêche et à la navigation, aux ponts, moulins, et autres édifices que l'on peut construire sur ces fleuves et rivières, appartient au Roi. Les seigneurs hauts-justiciers ont le même droit sur les rivières non-navigables, chacun dans l'étendue de leur seigneurie.

Pour ce qui est de la mer et de ses rivages, quoique personne ne puisse en prétendre la propriété, cependant les puissances politiques peuvent en empêcher l'usage, soit pour la pêche, soit pour la navigation.

Ainsi en France il n'y a que le Roi, ou ceux qui ont permission de lui, qui puissent faire équiper des vaisseaux et les mettre en mer. Personne aussi ne peut avoir des salines sans la permission du Roi ; ce sont des droits que les rois se sont réservés dans leurs états, et qui sont des marques de leur souveraineté.

On ne doit pas confondre les choses des communes avec les choses communes. Les premières sont celles dont la propriété appartient à quelque communauté, et dont l'usage est commun à tous ceux qui la composent ; tels sont les prés et bois qui appartiennent à une communauté d'habitants, les hôtels ou maisons communes des villes, leurs portes, murailles, remparts et fortifications, et autres choses semblables.

CHOSES corporelles, sont celles qui ont un corps matériel, soit animé ou inanimé ; tels sont les fruits, les grains, les bestiaux, les terres, prés, bois, maisons, à la différence des choses incorporelles, qui ne tombent point sous les sens, et que l'on ne peut voir ni toucher, mais que nous concevons seulement par l'entendement ; telles que les droits et actions, les successions, les servitudes, et autres choses semblables. Voyez ci-après CHOSES incorporelles.

CHOSES douteuses, en Droit, sont celles dont l'évenement est incertain, ou celles qui dépendent de l'interprétation d'une clause, d'un testament, ou de quelqu'autre acte. Il en est parlé dans un très-grand nombre de textes de droit, indiqués par M. Brederode, au mot dubium. Laurent Valla a fait un traité de rebus dubiis.

CHOSES de faculté ou de pure faculté, merae facultatis, sont celles qu'il est libre de faire quand on veut, et que l'on peut aussi ne pas faire sans qu'il en résulte aucun inconvénient ; tel est, par exemple, le droit de passage qui appartient à quelqu'un dans l'héritage d'autrui. Ces sortes de choses ou de droits ne se perdent point par le non-usage, et la prescription ne commence à courir à cet égard que du jour de la contradiction, par exemple, du jour que le passage a été refusé.

CHOSES fungibles, res fungibiles, sont celles que l'on peut remplacer par d'autres de même espèce, comme l'argent monnoyé, du grain, des liqueurs, etc. Elles sont opposées à celles que l'on appelle en droit non fungibles, que l'on ne peut pas remplacer par d'autres semblables, et qui gissent en estimation, comme une maison, un cheval, etc.

CHOSES non fungibles, voyez ci-dessus CHOSES fungibles.

CHOSES impossibles, en Droit, sont celles que l'on ne peut réellement faire, ou qui ne sont pas permises suivant les lais. Ces sortes de choses n'obligent point ; c'est-à-dire que si l'on a stipulé une clause de cette nature, ou si un testateur a opposé une telle condition à sa libéralité, le tout est regardé comme non écrit. Voyez les lois 31. et 188. au digeste de reg. jur. et liv. XLV. tit. j. l. 35. et liv. L. tit. XVIIe l. 18.

CHOSES jugées, en Droit, se prend quelquefois pour ce qui résulte d'un jugement, quelquefois on entend par-là le jugement même ; enfin le terme de chose jugée est souvent restreint au cas où le jugement a acquis une telle force, qu'il devient hors de toute atteinte. Opposer l'autorité de la chose jugée, c'est fonder sa demande ou ses défenses sur quelque jugement rendu entre les parties, ou dans une espèce semblable. L'autorité de la chose jugée est si grande, qu'elle passe pour une vérité constante ; res judicata pro veritate habetur.

Suivant l'ordonnance de 1667, tit. xxvij. art. 5. les sentences et jugements qui doivent passer en force de chose jugée, sont ceux rendus en dernier ressort, et dont il n'y a point d'appel, ou dont l'appel n'est pas recevable, soit que les parties y eussent formellement acquiescé, ou qu'elles n'en eussent interjeté appel dans le temps, ou que l'appel en ait été déclaré péri. L'article 12. dit que si la sentence a été signifiée, et que trois ans après la signification il y ait eu sommation d'en appeler, l'appel ne sera plus recevable six mois après la sommation ; mais la sentence passera en force de chose jugée. Le délai pour les églises, hôpitaux, colléges, au lieu de trois ans, est de six ans. Au défaut de ces sommations, les sentences, suivant l'art. 17. n'ont force de chose jugée qu'après dix ans, à compter du jour de la signification ; et au bout de vingt ans, à l'égard des églises, hôpitaux, colléges.

CHOSES litigieuses, voyez DROITS LITIGIEUX.

CHOSES, appelées mancipi, chez les Romains, étaient celles qui étaient possédées en pleine propriété. Elles étaient ainsi appelées de mancipium, qui signifiait le droit de propriété et de domaine dont les seuls citoyens romains jouissaient sur tous les fonds de l'Italie, sur les héritages de la campagne, sur les esclaves, et sur les animaux qui servaient à faire valoir ces mêmes fonds. Toutes ces choses étaient appelées res mancipi ou mancipii, à la différence des provinces tributaires des Romains, où les particuliers n'avaient que l'usufruit et la possession de leurs fonds et des choses qui y étaient attachées ; c'est pourquoi on les nommait res nec mancipi. Par l'ancien droit romain, l'usucapion n'avait lieu que pour les choses appelées mancipi, soit meubles ou immeubles : les choses appelées nec mancipi étaient seulement sujettes à la prescription ; mais Justinien supprima ces distinctions frivoles entre ces deux manières de posséder et de prescrire. Voyez Institut. liv. II. tit. VIe l'hist. de la Jurisprudence rom. de M. Terrasson, liv. II. §. 8. pag. 133.

CHOSES, hors du patrimoine, voyez ci-devant CHOSES hors du commerce.

CHOSES possibles, en Droit, sont celles qu'il est au pouvoir de quelqu'un de faire, et qui sont permises par les lais. Voyez ci-devant CHOSES impossibles.

CHOSES prophanes, en Droit, sont opposées aux choses sacrées, religieuses, et saintes.

CHOSES de pure faculté, voyez ci-devant CHOSES de faculté.

CHOSES publiques, sont celles dont le public a l'usage ; telles que les rivières navigables et leurs rivages, les rues et places publiques. Chez les Romains, le peuple avait la propriété de ces choses ; au lieu que parmi nous elle appartient au roi ou au seigneur haut-justicier, dans la justice duquel elles sont situées. Les choses publiques et les choses communes conviennent en ce que l'usage en est commun à tous les hommes, mais elles diffèrent en ce que la propriété des choses publiques appartient à quelqu'un ; au lieu que celle des choses communes n'appartient à personne. Voyez le tit. des instit. de rerum divisione.

CHOSES religieuses, sont les lieux qui servent à la sépulture des fidèles. Chez les Romains, chacun pouvait de son autorité privée rendre un lieu religieux, en y faisant inhumer un mort. Mais parmi nous cela ne suffit pas pour mettre ce lieu hors du commerce ; il ne devient religieux qu'autant qu'il est beni et destiné pour la sépulture ordinaire des fidèles. Voyez le tit. de rerum divisione, §. 9. et de Boutaric, ibid.

CHOSES sacrées, sont celles qui ont été consacrées à Dieu par les évêques, avec les solennités requises, comme les vases sacrés, les églises, etc. Voyez aux inst. de rer. divis. et de Boutaric, sur le §. 8 de ce titre.

CHOSES saintes, en Droit, sont celles que les lois ordonnent de respecter, telles que les portes et les murailles des villes, la personne des souverains, les ambassadeurs, les lois mêmes. On appelle ces choses, saintes, parce qu'il est défendu, sub sanctione poenae, de leur faire injure, ou d'y donner aucune atteinte. Voyez le §. 10. aux institut. de rerum divisione. L'usage des portes et des murailles des villes appartient à la communauté, et à chacun des particuliers qui la composent ; mais la police et la garde en appartiennent au roi, ou au seigneur justicier, s'il y en a un dans le lieu. Voyez de Boutaric, sur le §. cité. (A)