S. m. pl. (Histoire ecclésiastique) disciples ou sectateurs de Michel Servet, chef des Antitrinitaires ou nouveaux Ariens de ces derniers temps. Voyez ANTITRINITAIRE.

On ne peut pas dire exactement que Servet de son vivant ait eu des disciples, ayant été brulé à Genève avec ses livres en 1553, avant que l'on eut donné le temps à ses dogmes de prendre racine. Mais on donne le nom de Servetistes aux Antitrinitaires modernes, parce qu'ils marchent sur les traces de Servet.

Sixte de Sienne donne le nom de Servetistes aux Anabaptistes, et il parait qu'il emploie indifféremment ces deux qualifications. Aussi la doctrine des anciens Anabaptistes de Suisse était-elle conforme à celle de Servet. Voyez ANABAPTISTE.

Comme les livres que Servet a écrits contre le mystère de la Trinité sont fort rares, ses véritables sentiments sont très peu connus. M. Simon qui en avait un exemplaire de la première édition faite en 1531, en parle fort au long dans son histoire critique du vieux Testament. Quoique Servet emploie contre la Trinité un grand nombre des mêmes arguments par lesquels les Ariens attaquaient ce mystère, il proteste néanmoins qu'il est fort éloigné de leurs erreurs. Il est opposé en quelques choses aux Sociniens, et déclare que ses opinions n'ont rien de commun avec celles de Paul de Samosate ; mais Sandius, dans sa Bibliothèque des écrivains antitrinitaires, fait voir le contraire. Au reste, il ne parait pas que cet hérésiarque ait eu aucun système de religion fixe et régulier, au-moins dans la première édition de son livre contre la Trinité, publiée en 1531, sous le titre de Trinitatis erroribus, libri septem, per Michaèlem Servetum, alias Reves, ab Arragoniâ hispanum. L'année suivante il publia ses dialogues sur la Trinité, avec d'autres traités sous ce titre : Dialogorum de Trinitate libri duo, de justitia regni Christi, capitula quatuor, per Michaèlem Servetum, alias Reves, ab Arragoniâ hispanum, anno 1532. Dans la préface de ce dernier ouvrage, il déclare lui-même qu'il est peu content du premier, et qu'il Ve le retoucher. C'est ce qu'il exécuta, et en conséquence il fit paraitre un ouvrage beaucoup plus ample contre le mystère de la Trinité, qui fut imprimé à Vienne en Dauphiné en 1553. Mais le peuple de Genève s'étant saisi des exemplaires de ce livre les brula, et il n'y en eut que deux ou trois qui échappèrent à la recherche rigoureuse qu'en fit faire Calvin ; un de ceux-là fut gardé à Basle, et est à-présent dans la bibliothèque du collège à Dublin.

Ce dernier ouvrage de Servet est intitulé, le rétablissement du Christianisme, Christianismi restitutio, et est divisé en six parties ; la première contient sept livres de la Trinité ; la seconde trois livres de fide et justitiâ regni Christi, legis justitiam superantis, et de charitate ; la troisième est divisée en quatre livres, et traite de regeneratione ac manducatione supernâ et regno Antichristi ; la quatrième ne contient que trente lettres écrites à Jean Calvin ; la cinquième renferme soixante marques du règne de l'Antechrist, et parle de sa manifestation comme déjà présente ; enfin la sixième a pour titre : de mysteriis Trinitatis ex veterum disciplinâ, ad Philipp. Melancht. et ejus collegas apologia. On en trouve deux exemplaires à Paris, un imparfait dans la bibliothèque du roi, et l'autre entier était dans la bibliothèque de M. Colbert.

Les erreurs de Servet sont en très-grand nombre ; car après avoir donné dans les opinions des Luthériens, des Sacramentaires et des Anabaptistes, il renouvella dans les livres dont nous venons de parler, les hérésies de Paul de Samosate, de Sabellius, d'Arius, de Photin et de quelques autres : car il dit " que ceux-là sont athées qui n'ont point d'autre Dieu qu'un assemblage de divinités, qu'un Dieu par connotation ou par accident, et non pas un Dieu souverain, grand, absolu ; qui font consister l'essence divine dans trois Personnes réellement distinctes et subsistantes dans cette essence. Qu'il est bien vrai qu'on peut reconnaître une distinction personnelle dans la Trinité, mais qu'il faut convenir que cette distinction n'est qu'extérieure ; que le Verbe n'a été dès le commencement qu'une raison idéale, qui représentait l'homme futur, et que dans ce verbe ou raison idéale il y avait Jésus-Christ, son image, sa personne, son visage et sa force humaine ; qu'il n'y a point de différence réelle entre le Verbe et le Saint-Esprit ; qu'il n'y a jamais eu en Dieu de véritable et réelle génération et inspiration ; que le Christ est le Fils de Dieu, parce qu'il a été engendré dans le sein d'une vierge par l'opération du Saint-Esprit, et parce que Dieu l'a engendré de sa substance ; et que le Verbe de Dieu descendant du ciel est maintenant la chair de Jesus-Christ, en telle sorte que sa chair est la chair du ciel, que le corps de Jesus-Christ est le corps de la divinité, que la chair est toute divine, qu'elle est la chair de Dieu, qu'elle est céleste et engendrée de la substance de Dieu. Il se raille de la distinction des Personnes, et prétend qu'il n'y a eu qu'une image ou une face personnelle, et que cette image était la personne de Jesus-Christ en Dieu, et qui a été communiquée aux anges ; que le Saint-Esprit est descendu dans les âmes des apôtres comme le Verbe est descendu dans la chair de Jesus-Christ. Après avoir dit beaucoup d'impiétés sur la substance de l'âme, il conclut qu'elle est de Dieu et de sa substance ; que Dieu a mis dans l'âme une spiration créée avec sa divinité, et que par une même spiration, l'âme est substantiellement unie avec Dieu dans une même lumière par le moyen du Saint-Esprit ; que le baptême des enfants est inutile, et qu'il est d'une invention humaine ; qu'on ne commet point de péché avant l'âge de vingt ans ; que l'âme se rend mortelle par le péché ", et beaucoup d'autres erreurs qu'on peut voir dans la bibliothèque des Antitrinitaires de Sandius, pages 9 et 10. Contin. de l'hist. ecclés. de M. Fleury, tom. XXX. liv. CXLIX. n °. 90.

Quant à la personne de Servet, Lubienski et d'autres Antitrinitaires nous le représentent comme un homme qui souffrit la mort fort constamment, et qui prononça un discours au peuple assemblé à son supplice. M. Simon a prétendu que cette harangue était supposée ; et Calvin rapporte que quand on lui eut lu la sentence qui le condamnait à être brulé vif, tantôt il paraissait interdit et sans mouvement, tantôt il poussait de grands soupirs, et quelquefois il faisait des lamentations comme un insensé, et criait à la manière des Espagnols, miséricorde, miséricorde. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il ne retracta point ses erreurs.

Lubienski a encore voulu faire passer cet hérésiarque pour un homme très-savant dans les lettres humaines, et qui avait une profonde connaissance de l'Ecriture ; M. Simon assure au contraire qu'il s'exprimait très-mal en latin, et que ce qu'il cite d'hébreu et de grec prouve qu'il ne savait presque rien de ces deux langues.

Une partie des ouvrages de Servet a été traduite en flamand, et l'on trouve aisément en Hollande ses livres de la Trinité en cette langue. Simon, répons. à quelques théologiens d'Hollande.