S. f. pl. (Art militaire) on donne ce nom aux troupes, qui après un combat désavantageux, quittent le champ de bataille en désordre, et se retirent en foule en fuyant de tous côtés. Voyez FUITE.

Le plus grand malheur qui puisse arriver à des troupes battues, c'est de se retirer ainsi. Car en gardant leur ordre de bataille, elles se font toujours respecter de l'ennemi, qui n'ose s'en approcher qu'avec circonspection. Si les différentes tentatives qu'elles doivent faire pour lui échapper sont infructueuses, il est toujours prêt à les recevoir à composition ; mais en fuyant sans ordre, on s'expose à périr presqu'indubitablement. Loin de songer à se défendre, on jette les armes pour fuir plus légèrement ; tous les fuyards étant saisis du même esprit de crainte, s'embarrassent les uns les autres, de manière que l'ennemi qui est à leur trousse, en fait, sans effort et sans danger, tel carnage qu'il juge à-propos. Ajoutez à cela que lorsque la frayeur s'est une fois emparée d'une troupe, elle se précipite elle-même dans les plus grands dangers. Rivières, marais impraticables, rien ne l'arrête. On court alors à une mort certaine et honteuse, plutôt que de s'arrêter pour regarder l'ennemi en face, et lui en imposer par une contenance assurée, qui suffit seule pour modérer l'activité de sa poursuite, et quelquefois même pour le faire fuir lui-même (comme il y en a plusieurs exemples), si l'on est capable de faire quelques efforts pour profiter du désordre dans lequel sa poursuite doit l'avoir mis. " Dans une armée de vaillans hommes, dit Agamemnon dans Homère, il s'en sauve toujours plus qu'il n'en périt ; au lieu que les lâches n'acquièrent pas de gloire, mais leur lâcheté leur ôtant les forces, ils deviennent la proie des ennemis ".

M. le maréchal de Puysegur qui rapporte ces paroles d'Homère dans son livre de l'art de la Guerre, observe aussi à cette occasion, qu'en combattant vaillamment et en bon ordre, on perd beaucoup moins de monde, et que la perte des hommes est bien plus grande dans les déroutes.

Lorsqu'une troupe est une fois mise en désordre, on ne doit la poursuivre, suivant les plus habiles militaires, qu'autant qu'il est nécessaire pour la disperser entièrement, et la mettre hors d'état de se rallier. C'était la pratique des Lacédémoniens. Ils pensaient aussi, et avec raison, qu'il n'est pas digne d'un grand courage de tuer ceux qui cedent et qui ne se défendent pas.

Si la poursuite des fuyards peut être susceptible de quelqu'inconvénient, lorsqu'on s'y abandonne trop inconsidérement, c'est surtout lorsqu'une aîle ou une autre partie de l'armée a battu celle de l'armée ennemie qui lui était opposée. Car si la partie victorieuse s'attache trop opiniâtrement à la poursuite des fuyards, elle laisse sans défense le flanc des troupes qu'elle couvrait dans l'ordre de la bataille ; alors si l'ennemi peut tomber dessus, et qu'il attaque en même temps ces troupes par le flanc et par le front, il les mettra bientôt en désordre, ainsi que le reste de l'armée, malgré la victoire de l'une des parties de cette armée. Le chevalier de Folard en rapporte plusieurs exemples tant anciens que modernes, dans son commentaire sur Polybe, II. vol. pp. 444. et suivantes. On en trouve aussi dans l'art de la Guerre par M. le maréchal de Puysegur, qui observe que les fautes de cette espèce sont aussi anciennes que la guerre. " Il est si naturel, dit cet auteur, à des hommes qui combattent de la main pour s'ôter la vie, de ne songer qu'à ce qui se passe où ils sont, et non à ce qui se fait ailleurs, que quand ils ont tant fait que de renverser ceux contre lesquels ils combattaient, il n'est pas surprenant qu'ils cherchent à profiter de l'avantage qu'ils ont pris sur eux au péril de leur vie ; et il n'y a que l'art et la science de la Guerre qui puissent mettre de justes bornes à cette poursuite ". Art de la Guerre, liv. II. page 80. (Q)

FUYARD, (de milice) art milit. ce mot pris substantivement, signifie un sujet miliciable, qui ayant été averti de se rendre au jour indiqué pardevant le commissaire préposé à la levée de la milice, pour y tirer au sort, et qui ayant négligé ou refusé de s'y trouver, a été déclaré fuyard par le procès-verbal du tirage de la milice, sur la dénomination du syndic ou des garçons de la communauté.

Les garçons ou hommes mariés miliciables qui tombent dans ce cas, doivent être poursuivis et contraints de servir pendant dix ans, à la décharge de ceux auxquels le sort est échu, et qui les arrêtent, ou des communautés qui ont des miliciens à fournir.

Ceux qui pour raisons légitimes ne peuvent se présenter à la levée, doivent commettre une personne, à l'effet de déclarer les causes de leur absence, et de tirer pour eux, à peine d'être déclarés fuyards.

Ceux qui sont engagés pour entrer par la suite dans un état qui doit les exempter du service de la milice, ne sont pas pour cela exempts de tirer au sort.

Ceux qui se prétendent engagés dans les troupes, doivent en justifier par certificats des officiers qui ont reçu leurs engagements, et cependant joindre sans délai leurs régiments, sans pouvoir reparaitre dans la province, même avec congé, qu'ils ne justifient qu'ils ont joint leurs corps et passé en revue, à peine d'être arrêtés et mis en prison pour six mois, et condamnés de servir dans la milice pendant dix ans ; ils encourent la même peine si après avoir joint ils restent plus de six mois dans la province.

Ceux qui ont été déclarés fuyards ne sont plus reçus à tirer au sort, ni déchargés de cette qualité, au cas que par surprise ou autrement, ils parviennent à s'y faire admettre.

Les fuyards arrêtés sont présentés au commissaire chargé de la levée, et par lui constitués miliciens.

Les fuyards constitués miliciens, doivent servir dans la milice pendant dix ans, n'ont pas le droit d'en faire constituer d'autres en leur place, et sont sujets, comme tout autre milicien, aux peines des ordonnances concernant le service de la milice.

Ceux qui pretendent avoir des raisons valables pour se faire décharger de la qualité de fuyard, doivent les exposer à l'intendant de la province, qui y prononce suivant le mérite de la demande.

Tous ces moyens violents employés pour forcer des citoyens à embrasser un état pénible et souvent dangereux, auquel leurs inclinations répugnent, semblent attaquer les droits de la nature et de la société ; mais on abandonnera cette opinion, si l'on veut bien considérer que dans tout état l'intérêt général est le fondement et la mesure de ces droits ; que l'homme est à la société ce que la société est à lui ; qu'il lui doit les mêmes secours relatifs qu'il peut en prétendre pour sa conservation et son bonheur, et que tout individu dans un corps politique ne peut en être regardé que comme ennemi, quand il lui refuse ces secours, et qu'il sacrifie la chose publique à son avantage particulier.

Il y a autant de moyens de servir la patrie, que de classes différentes de citoyens ; celui du service de la milice est un des plus nécessaires, et en même temps des plus onéreux aux sujets ; le bien général et particulier exigent que la charge en soit répartie sur le plus grand nombre d'hommes possible, préférablement sur ceux qui n'ont pas d'état, d'industrie, ou fonctions essentielles pour la société, et que le législateur sévisse contre ceux qui, sans raisons légitimes, cherchent à s'y soustraire par des moyens frauduleux. Voyez LEVEE DES TROUPES. Cet article est de M. DURIVAL le jeune.