S. m. (Histoire moderne) espèce de religieux mahométants, vagabonds et libertins. On regarde les santons comme une secte d'épicuriens qui adoptent entr'eux cette maxime, aujourd'hui est à nous, demain est à lui, qui en jouira ? Aussi prennent-ils pour se sauver une voie toute opposée à celle des autres religieux turcs, et ne se refusent aucun des plaisirs dont ils peuvent jouir. Ils passent leur vie dans les pélerinages de Jérusalem, de Bagdad, de Damas, du mont Carmel et autres lieux qu'ils ont en vénération, parce que leurs prétendus saints y sont enterrés. Mais dans ces courses ils ne manquent jamais de détrousser les voyageurs lorsqu'ils en trouvent l'occasion ; aussi craint-on leur rencontre, et ne leur permet-on pas d'approcher des caravanes, si ce n'est pour recevoir l'aumône.

La sainteté de quelques uns d'entr'eux consiste à faire les imbéciles et les extravagans afin d'attirer sur eux les yeux du peuple ; à regarder le monde fixement, à parler avec orgueil, et à quereller ceux qu'ils rencontrent. Presque tous marchent la tête et les jambes nues, le corps à moitié couvert d'une méchante peau de quelque bête sauvage, avec une ceinture de peau autour des reins, d'où pend une espèce de gibecière ; quelquefois au-lieu de ceinture, ils portent un serpent de cuivre que leurs docteurs leur donnent comme une marque de leur savoir ; ils portent à la main une espèce de massue.

Les santons des Indes qui passent en Turquie pour le pélerinage de la Mecque et de Jérusalem, demandent l'aumône avec un certain ris méprisant. Ils marchent à pas lents ; le peu d'habillement qui les couvre est un tissu de pièces de toutes couleurs mal assorties et mal cousues.

Dandini, dans son voyage du Mont-Liban, prétend que le titre de santon est un nom générique et commun à plusieurs espèces de religieux turcs, dont les uns s'astraignent par vœu à garder la continence, la pauvreté, etc. et d'autres mènent une vie ordinaire. Il distingue encore les méditatifs, qu'on reconnait aux plumes qu'ils portent sur la tête ; et les extatiques, qui portent des chaînes au cou et aux bras pour marquer la véhémence de l'esprit qui les anime ; quelques-uns qui sont mendiants ; d'autres se consacrent au service des hôpitaux : mais en général les santons sont charlatants, et se mêlent de vendre au peuple des secrets et des reliques telles que des cheveux de Mahomet, etc. Presque tous sont mendiants, et font leurs prières dans les rues, y prennent leurs repas, et n'ont souvent point d'autre asile. Lorsqu'ils n'ont point fait de vœux, si ce genre de vie leur déplait, il leur suffit, pour y renoncer, de s'habiller comme le peuple ; mais la fainéantise et l'oisiveté à laquelle ils sont accoutumés sont de puissants attraits pour les retenir dans leur ancien état : d'autant plus que l'imbécillité des peuples est un fond assuré pour leur subsistance. Guer. mœurs des Turcs, tome I. Dandini, voyage du Liban.