ÉTAT, (Grammaire et Synonyme) situation dit quelque chose d'accidentel et de passager. Etat dit quelque chose d'habituel et de permanent.

On se sert assez communément du mot de situation pour les affaires, le rang ou la fortune, et de celui d'état pour la santé.

Le mauvais état de la santé est un prétexte assez ordinaire dans le monde, pour éviter des situations embarrassantes ou désagréables.

La vicissitude des événements de la vie fait souvent que les plus sages se trouvent dans de tristes situations ; et que l'on peut être réduit dans un état déplorable, après avoir longtemps vécu dans un état brillant. Girard Synonymes. (D.J.)

SITUATION, s. f. en Géométrie et en Algèbre, signifie la position respective des lignes, surfaces, etc.

M. Leibnitz parle dans les actes de Leipsic d'une espèce particulière d'analyse, qu'il appelle analyse de situation, sur laquelle on pourrait établir une sorte de calcul.

Il est certain que l'analyse de situation est une chose qui manque à l'algèbre ordinaire. C'est le défaut de cette analyse, qui fait qu'un problême parait souvent avoir plus de solutions qu'il n'en doit avoir dans les circonstances limitées où on le considere. Par exemple, qu'on propose de mener par l'angle C, fig. 12. Alg. d'un carré A B C D une ligne F C G, qui soit terminée par les côtés A D et A B prolongés, et qui soit égale à une ligne donnée L M. Il est certain que ce problème ainsi proposé n'a que deux solutions, et qu'on ne peut mener par le point C plus de deux lignes E C H, G C F qui satisfassent à la question. Cependant si on réduit ce problême en équation en prenant A G pour inconnue, on trouvera qu'il monte au quatrième degré. Voyez l'application de l'Algèbre à la Géométrie de M. Guisnée, et le neuvième livre de sections coniques de M. de l'Hôpital, d'où il s'ensuit que le problême a quatre solutions ; et il en a quatre en effet ; parce qu'on peut faire passer par le point C deux lignes C O, C Q, dont les parties O P, Q R, terminées par les côtés A D et A B (prolongées ou non) soient égales à la ligne donnée L M ; ce qui différentie les lignes O P et Q R d'avec les lignes G F, E H ; c'est que les extrémités de ces deux-ci se trouvent sur les côtés A D et A B prolongés vers H et vers F, au-lieu que O P a une de ses extrémités sur A D non-prolongé, et l'autre sur A B prolongé vers O ; et de même Q R a l'une de ses extrémités sur A B non-prolongée, et l'autre sur A D prolongée vers Q. Le calcul algébrique ne peut exprimer autre chose que la condition que les extrémités G, F, E, H, soient sur A D et A B prolongées ou non ; et voilà pourquoi le calcul donne quatre solutions du problême. Il est vrai que cette abondance de l'algèbre qui donne ce qu'on ne lui demande pas, est admirable et avantageuse à plusieurs égards, mais aussi elle fait souvent qu'un problême qui n'a réellement qu'une solution en prenant son énoncé à la rigueur, se trouve renfermé dans une équation de plusieurs dimensions, et par - là ne peut en quelque manière être résolu. Il serait à souhaiter que l'on trouvât moyen de faire entrer la situation dans le calcul des problêmes ; cela les simplifierait extrêmement pour la plupart ; mais l'état et la nature de l'analyse algébrique ne paraissent pas le permettre. Voyez sur cela mon traité de dynamique, seconde édition, article 176 ; voyez aussi l'article ÉQUATION vers la fin.

Dans le tome VIII. des Mémoires de l'académie de Petersbourg, on trouve un mémoire de M. Euler, qui a pour titre, Solutio problematis ad Geometriam situs pertinentis, c'est-à-dire solution d'un problême qui a rapport à la Géométrie des situations. Mais on ne voit dans ce mémoire rien qui ait rapport à l'analyse de situation dont nous parlons ; il s'agit seulement de savoir par quel chemin on doit passer pour traverser des ponts disposés sur une rivière qui serpente, et les traverser de manière qu'on ne passe jamais deux fois sur le même. (O)

SITUATION, (Poésie dramatique) situation en fait de tragédie, dit l'abbé Nadal, est souvent un état intéressant et douloureux ; c'est une contradiction de mouvements qui s'élèvent tout-à-la-fais, et qui se balancent ; c'est une indécision en nous de nos propres sentiments, dont le spectateur est plus instruit, pour ainsi dire, que nous-mêmes sur ce qu'il y a à conclure de nos mœurs, si elles sont frappées comme elles doivent l'être.

Au milieu de toutes les considérations qui nous divisent et qui nous déchirent, nous semblons céder à des intérêts où nous inclinons le moins, notre vertu ne nous assure jamais plus que lorsque notre faiblesse gagne de son côté plus de terrain : c'est alors que le poète qui tient dans sa main le secret de nos démarches, est fixé par ses règles sur le parti qu'il doit nous faire prendre, et tranche d'après elle sur notre destinée.

C'est dans le Cid qu'il faut chercher le modèle des situations. Rodrigue est entre son honneur et son amour, Chimene est entre le meurtrier de son père et son amant ; elle est entre des devoirs sacrés et une passion violente ; c'est de-là que naissent des agitations plus intéressantes les unes que les autres ; c'est là où s'épuisent tous les sentiments du cœur humain, et toutes les oppositions que forment deux mobiles aussi puissants que l'honneur et l'amour.

La situation de Cornelie entre les cendres de Pompée et la présence de César, entre sa haine pour ce grand rival et l'hommage respectueux qu'il rend à la vertu ; les ressentiments en elle d'une ennemie implacable sans que sa douleur prenne rien sur son estime pour César ; tout cela forme de chaque scène où ils se montrent ensemble une situation différente. Dans de pareilles circonstances, leur silence même serait éloquent et leur entrevue une poésie sublime, mais les présenter vis-à-vis l'un de l'autre, c'est pour Cornelie avoir déjà fait les beaux vers, et ces tirades magnifiques qui mettent les vertus romaines dans leur plus grand jour.

Il est aisé de ne pas confondre les coups de théâtre et les situations : l'un est passager, &, à le bien prendre, n'est point une partie essentielle de la tragédie, puisqu'il serait facîle d'y suppléer ; mais la situation sort du sein du sujet et de l'enchainement de quelques incidents, et par conséquent s'y trouve beaucoup plus liée à l'action. (D.J.)

SITUATION, s. f. (Architecture) espace de terrain propre à y élever un bâtiment, ou pour planter un jardin. Il est d'autant plus avantageux que le fonds en est bon, l'exposition heureuse et les vues belles ; c'est ce qu'on nomme vulgairement assiette. (D.J.)

SITUATION DU TERREIN, (Jardinage) est la chose la plus essentielle pour planter un jardin. Si le choix n'est pas heureux, les arbres mourront en peu de temps. Quoiqu'il y ait cependant des moyens pour améliorer les mauvaises terres, ils sont de grande dépense, souvent même il arrive que malgré les amandements, les arbres ayant atteint le fond naturel de la terre, y périssent.

Cinq conditions sont nécessaires à une bonne situation ; une exposition saine, un bon terroir, l'eau, la vue d'un beau pays, et la commodité du lieu.

Une exposition saine est celle d'un lieu qui n'est pas trop élevé, crainte des vents, ni trop bas, à cause des marécages ; il faut la demi côte ou la plaine. Dans une terre humide, la mi-côte est meilleure ; dans une terre légère, la plaine est préférable et de moindre entretien.

Un bon terroir signifie une terre fertîle et abondante : sans cette condition il est inutîle de planter un jardin. Voyez TERROIR.

L'eau, qui est la troisième condition, est une des plus essentielles : les habitants d'un pays, s'ils paraissent sains, vous font juger de la bonté de l'eau ; et en y faisant cuire des légumes, vous connoitrez sa qualité. Sans son secours les végétaux périraient dans les grandes chaleurs ; il n'en faut pas cependant une si grande quantité, parce qu'elle rendrait le lieu aquatique et mal-sain.

La vue d'un beau pays, quoique moins nécessaire que les précédentes conditions, est du goût de tout le monde ; et la commodité du lieu ne l'est pas moins, par l'utilité qu'on en peut retirer.