sub. m. en Astronomie, est une des cinq planètes et des trois supérieures, qui est placée entre la terre et Jupiter. Voyez PLANETE.

Son caractère est ♂ , sa moyenne distance du soleil est à la moyenne distance du soleil à la terre : : 1524 : 1000, et son excentricité est à la même moyenne distance du soleil à la terre : : 141 : 1000. L'inclinaison de son orbite, c'est-à-dire, l'angle formé par le plan de son orbite et celui de l'écliptique, est d'un degré 52 min. le temps périodique dans lequel il fait sa révolution autour du soleil, est de 686 jours 23 heures ; cependant les Astronomes varient un peu entr'eux sur ces différents éléments, comme nous le verrons plus bas. Sa révolution autour de son axe se fait en 24 heures 40 min.

Pour le diamètre de Mars, voyez DIAMETRE.

Mars a des phases différentes, selon ses différentes situations, à l'égard de la terre et du soleil, car il parait plein dans ses oppositions et ses conjonctions ; parce qu'alors tout l'hémisphère qu'il nous présente est éclairé par le soleil. Mais dans ses quadratures, nous ne voyons qu'une partie de l'hémisphère qui nous regarde, l'autre n'étant point éclairée, parce qu'elle n'est point tournée du côté du soleil.

Dans la situation acronique de cette planète, c'est-à-dire, lorsqu'elle est en opposition avec le soleil, elle se trouve alors deux fois plus près de la terre que du soleil, phénomène qui a beaucoup servi à faire tomber absolument l'hypothèse de Ptolomée. Voyez ACRONIQUE.

De plus, la distance de Mars à la terre étant alors beaucoup moindre que celle du soleil, sa parallaxe doit être deux ou trois fois plus grande que celle du soleil ; ce qui fait que quoique la parallaxe du soleil soit très-difficîle à déterminer à cause de sa petitesse, on peut la déterminer plus exactement par le moyen de la parallaxe de Mars.

Or, depuis plus d'un siècle les Astronomes ont recherché cette parallaxe avec beaucoup de soin : en France elle fut d'abord trouvée presqu'in sensible, par la comparaison que M. Ricard fit de ces observations avec celles de M. Richer qui fut envoyé à l'île de Cayenne en 1672, comme on le voit dans les observations et les voyages de l'académie royale des sciences publiés en 1693. mais dans la suite feu M. Cassini a cru devoir établir cette parallaxe, tant sur ses propres observations que sur d'autres qui avaient été faites à Cayenne, d'environ 1/4 ou 1/3 de min. ce qui donne la parallaxe de Mars réduite à l'horizon d'environ 25 min. Selon M. Hook et après lui M. Flamstead, la parallaxe de cette planète est tout au plus de 30 secondes. Inst. Astronomie

Le docteur Hook observa en 1665. plusieurs taches sur le disque de Mars, et comme elles avaient un mouvement, il en conclut que la planète tournait autour de son centre. En 1666 M. Cassini observa plusieurs taches sur les deux faces ou hémisphères de Mars, et il trouva en continuant ses observations avec grand soin, que ces taches se mouvaient peu à peu d'Orient en Occident, et qu'elles revenaient dans l'espace de 24 heures, 40 min. à leur première situation. Voyez TACHES.

Mars parait toujours rougeâtre et d'une lumière trouble, d'où plusieurs astronomes ont conclu qu'il est environné d'un atmosphère épaisse et nébuleuse.

Comme Mars tient sa lumière du soleil, qu'il tourne autour de lui et qu'il a ses phases, ainsi que la lune, il peut aussi paraitre presque dichotome, lorsqu'il est dans ses quadratures avec le soleil, ou dans son périgée ; mais il ne parait jamais en croissant comme les planètes inférieures. Voyez PHASES.

La distance de cette planète au soleil est à celle du soleil à la terre, suivant ce qu'on a déjà dit, environ : : 1 1/2 à 1, ou comme 3 à 2 ; de façon que si on était placé dans Mars on verrait le soleil d'un tiers moins grand qu'il ne nous parait ici, et par conséquent le degré de lumière et de chaleur que Mars reçoit du soleil, est moins grand que le degré qu'on en reçoit sur la terre, en raison de 4 à 9. Voyez QUALITE. Cette proportion peut néanmoins varier sensiblement, eu égard à la grande excentricité de cette planète.

La période ou l'année de Mars, suivant qu'on l'a déjà observé, est presque deux fois aussi grande que la nôtre ; et son jour naturel ou le temps que le soleil y parait sur l'horizon (sans faire attention aux crépuscules), est presque par-tout égal à la nuit, parce que son axe est presque perpendiculaire au plan de son orbite. Par cette même raison, il parait que dans un même lieu de sa surface il ne peut y avoir que fort peu de variété de saisons, et presque point de différence de l'été à l'hiver, quant à la longueur des jours et à la chaleur. Néanmoins des lieux situés en différentes latitudes, c'est-à-dire à différentes distances de son équateur, recevront différents degrés de chaleur, par rapport à l'inclinaison différente des rayons du soleil sur l'horizon, comme il nous arrive à nous-mêmes lorsque le soleil est dans l'équinoxe ou dans les tropiques.

M. Grégory fait en sorte de rendre raison par-là des bandes qu'on remarque dans Mars, c'est-à-dire de certaines barres ou filets qu'on y voit et qui y sont placés parallèlement à son équateur ; car comme parmi nous le même climat reçoit en des saisons différentes différents degrés de chaleur, et qu'il en est autrement dans Mars, le même parallèle devant toujours recevoir un degré de chaleur presqu'égal, il s'ensuit de-là que ces taches peuvent vraisemblablement se former dans Mars et dans son atmosphère, comme la neige et les nuages se forment dans le nôtre, c'est-à-dire par les intensités du chaud et du froid constamment différentes en différents parallèles, et que ces bandes peuvent venir à s'étendre en cercles parallèles à l'équateur ou au cercle de la révolution diurne. Ce même principe donnerait aussi la solution du phénomène des bandes de Jupiter, cette planète ayant ainsi que Mars un équinoxe perpétuel.

On voit souvent dans Mars de grandes taches disparaitre après quelques années ou quelques mois, tandis qu'on y en voit d'autres se former et subsister plusieurs mois, plusieurs années. Ainsi il faut qu'il se fasse dans Mars d'étranges changements, puisqu'ils sont si sensibles à une telle distance, et que la surface de la terre soit bien tranquille en comparaison de celle de Mars ; car à peine s'est-il fait depuis 4000 ans quelques changements sensibles sur la surface de notre globe. Nos terres, nos grandes chaînes de montagnes, nos mers n'offrent que des changements qui ne seraient point aperçus de Mars avec les meilleures lunettes. Il faut néanmoins que la terre ait eu des révolutions considérables, car enfin des arbres enfoncés à de fort grandes profondeurs, des coquillages et des squeletes de poissons ensevelis sous les terres et dans les montagnes, en sont d'assez bonnes preuves. M. FORMEY.

Outre la couleur rougeâtre de Mars, on prétend avoir encore une autre preuve qu'il est couronné d'une atmosphère. Lorsqu'on voit quelques-unes des étoiles fixes près de son corps, elles paraissent alors extrêmement obscures et presqu'éteintes.

Si on imaginait un oeil placé dans Mars, il verrait à peine Mercure, excepté sur le disque du soleil ou dans sa conjonction avec cet astre, c'est-à-dire lorsque Mercure passe sur le soleil et qu'il nous parait alors à nous-mêmes en forme de taches. Un spectateur placé dans Mars verrait Vénus à la même distance du soleil que Mercure nous parait, et la terre à la même distance que nous voyons Vénus ; et quand la terre serait en conjonction avec le soleil et fort près de cet astre, le même spectateur placé dans Mars verrait alors ce que M. Cassini a aperçu dans Vénus, c'est-à-dire que la terre lui paraitrait en croissant, ainsi que la lune son satellite.

Dans la planète de Mars on observe beaucoup moins d'irrégularités par rapport à son mouvement, que dans Jupiter et dans Saturne : l'excentricité de son orbite est constante, au-moins sensiblement, et le mouvement de son aphélie est égal et uniforme ; aussi est-ce de toutes les planètes celle dont le mouvement de l'aphélie est le mieux connu, et que M. Newton a choisi pour en déduire le mouvement des aphélies des planètes inférieures. Supposant avec Kepler la moyenne distance de Mars au soleil de 152350 parties, dont la moyenne distance du soleil à la terre en contient 100000, l'excentricité de Mars sera, suivant M. le Monnier, de 14115/100000. Kepler fait aussi la plus grande équation du centre de 10° 37'1/2, laquelle ayant été vérifiée, s'est trouvée conforme aux observations, comme il parait par le résultat des recherches faites à ce sujet, et publié il y a 30 ans par MM. Cassini et Maraldi.

La détermination du lieu de l'aphélie par M. de la Hire, qui le place en 1701 à 0° 35'35''de la vierge, s'accorde assez avec ce qui se trouve dans les mémoires de l'académie des Sciences de l'année 1706, où l'on assure que par les observations du lieu de Mars, faites alternativement proche l'aphélie et le périhelie, on a reconnu qu'il fallait le supposer de 20 minutes moins avancé que selon les tables rudolphines.

M. Newton ayant pris vraisemblablement un milieu entre les deux résultats du mouvement de l'aphélie de Mars, donnés par Kepler et par Bouillaud, l'établit de 1° 58'1/3 en 100 ans, c'est-à-dire de 35'plus grand que selon la procession des équinoxes ; il l'a ensuite établi de 33'20''; mais il semble que le mouvement de cet aphélie pourrait être mieux connu en y employant les plus récentes observations comparées à celles de Tycho et du dernier siècle. M. de la Hire a déterminé le lieu du nœud de Mars pour 1701, au 17° 25'20''; cependant la détermination rapportée dans le volume de l'académie de 1706, parait encore plus exacte : elle place le lieu du nœud ascendant à 17° 13'1/2. On ne connait pas néanmoins encore assez le mouvement du nœud de Mars pour assurer s'il est fixe dans le ciel étoilé, ou s'il a un mouvement réel, soit direct, soit retrograde. La plupart des Astronomes depuis Kepler lui donnent un mouvement rétrograde, relativement aux étoiles fixes ; il n'y a guère que les conjonctions prises de cette planète aux étoiles zodiacales, qui puissent conduire à décider cette question.

L'inclinaison de son orbite au plan de l'écliptique, est assez connue, à cause que dans l'opposition de cette planète au soleil, sa latitude géométrique est très-grande. Kepler l'a déterminée de 1° 50'30''; Bouillaud de 1° 51'4''; Stréet de 1° 52'00''; M. de la Hire, 1° 51'00''. Nous avons pris 1° 52'qui est à-peu-près moyenne entre toutes ces déterminations ; cependant M. Cassini fait l'inclinaison de 1° 50'45''. Tout ceci est tiré des institutions astronom. de M. le Monnier. Il y a une remarque singulière à faire sur cette planète : la terre a un satellite ; Jupiter, environ cinq fois aussi loin du soleil que la terre, en a quatre ; et Saturne, près de deux fois aussi loin que Jupiter, en a cinq, sans compter l'anneau qui lui tient lieu de plusieurs satellites pour l'éclairer pendant la nuit. L'esprit systématique, la commodité des analogies, et le penchant que nous avons à faire agir la nature selon nos vues et nos besoins, n'ont pas manqué de persuader à bien des philosophes que les satellites avaient été donnés aux planètes les plus éloignées du soleil, comme un supplément à la lumière affoiblie par l'éloignement, et qu'ils leur avaient été donnés en d'autant plus grand nombre, qu'elles étaient plus éloignées de cet astre. Mais la planète de Mars vient rompre ici la chaîne de l'analogie, étant beaucoup plus loin du soleil que nous, et n'ayant point de satellite, du-moins n'a-t-on pu lui en découvrir aucun jusqu'ici, quelque soin que l'on se soit donné pour cela. M. de Fontenelle fait cette remarque dans la pluralité des mondes, et il ajoute que si Mars n'a point de satellite, il faut qu'il ait quelque chose d'équivalent pour l'éclairer pendant ses nuits. Il conjecture que la matière qui compose cette planète est peut-être d'une nature semblable à celle de certains phosphores, et qu'elle conserve pendant la nuit une partie de la lumière qu'elle a reçue durant le jour. Voilà de ces questions sur lesquelles il est permis, faute de faits, de penser également le pour et le contre. (O)

MARS, en Chronologie, est le troisième mois de l'année, selon la manière ordinaire de compter. Voyez MOIS et AN.

Ce mois était le premier mois parmi les Romains. On conserve encore cette manière de compter parmi quelques calculs ecclésiastiques, en particulier lorsqu'il s'agit de compter le nombre d'années qui se sont écoulées depuis l'incarnation de Notre-seigneur, c'est-à-dire depuis le 25 de Mars.

En Angleterre le mois de Mars est à proprement parler le premier mois, la nouvelle année commençant au 25 de ce mais-là. Les Anglais le comptent néanmoins comme le troisième, pour s'accommoder à la coutume de leurs voisins, et il en résulte seulement qu'à cet égard on parle d'une façon et que l'on écrit de l'autre. Voyez AN.

En France on a commencé l'année à Pâques jusqu'en 1564 : de sorte que la même année avait ou pouvait avoir deux fois le mois de Mars, et on disait Mars devant Pâques et Mars après Pâques. Lorsque Pâques arrivait dans le mois de Mars, le commencement du mois de Mars était d'une année et la fin d'une autre.

C'est Romulus qui divisa l'année en dix mois, et donna le premier rang à celui-ci, qu'il nomma du nom de Mars son père. Ovide dit néanmoins que les peuples d'Italie avaient déjà ce mois avant Romulus, et qu'ils le plaçaient fort différemment : les uns en faisaient le troisième, d'autres le quatrième, d'autres le cinquième, et d'autres le sixième ou même le dixième de l'année. C'était en ce mois que l'on sacrifiait à Anna-Perenna, qu'on commençait les comices, que l'on faisait l'adjudication des baux et des fermes publiques ; que les femmes servaient à table les esclaves et les valets, comme les hommes le faisaient aux saturnales ; que les vestales renouvellaient le feu sacré. Le mois de Mars était sous la protection de Minerve, et il a toujours eu 31 jours. Le mois de Mars passait pour être malheureux pour les mariages, aussi-bien que le mois de Mai. Numa changea l'ordre institué par Romulus, et fit commencer l'année au premier Janvier : l'année se trouva ainsi de douze mois, dont Janvier et Février étaient les premiers. C'est dans le mois de Mars vers la fin, que le printemps commence, le soleil entrant au signe du bélier. Chambers.

MARS, (Mythologie) le dieu des batailles était, selon Hésiode, fils de Jupiter et de Junon. Bellone sa sœur conduisait son char ; la Terreur et la Crainte, et , que la Fable fait ses deux fils, l'accompagnaient.

Tout le monde connait d'après Homère, les principales aventures de Mars ; 1°. son jugement au conseil des douze dieux pour la mort d'Allyrotius fils de Neptune : Mars se défendit si bien qu'il fut absous ; 2°. la mort de son fils Ascalaphus, tué au siege de Troie, qu'il courut vanger lui-même ; mais Minerve le ramena du champ de bataille, et le fit asseoir malgré sa fureur. 3°. Sa blessure par Diomède, dont la même déesse conduisait la pique : Mars en la retirant jeta un cri épouvantable, tel que celui d'une armée entière qui marche pour charger l'ennemi. Le médecin de l'Olympe mit sur sa blessure un baume qui le guérit sans peine, car dans un dieu il n'y a rien de mortel. 4°. Enfin les amours de Mars et de Vénus sont chantés dans l'Odyssée ; les captifs mis en liberté par Vulcain lui-même qu'on déshonorait, s'envolèrent, l'un dans la Trace et l'autre à Paphos. C'est au sujet de cette aventure que Lucrèce adresse ces beaux vers à Vénus.

Hunc tu, diva, tuo recubantem corpore sancto,

Circumfusa super, suaveis ex ore loquelas

Funde.

" Dans ces moments heureux, que livrée à ses embrassements vous le tenez entre vos bras sacrés, employez, belle déesse, pour adoucir son caractère, quelques-unes de ces douces paroles dont le charme est si ravissant ".

Je laisse à l'abbé Banier l'application de toutes ces fictions fabuleuses ; j'aime mieux m'occuper des faits.

Les anciens monuments représentent Mars sous la figure d'un grand homme armé d'un casque, d'une pique, et d'un bouclier, tantôt nud, tantôt avec l'habit militaire, même avec un manteau sur les épaules, quelquefois barbu, mais assez souvent sans barbe. Mars vainqueur parait portant un trophée, et Mars gradivus dans l'attitude d'un homme qui marche à grands pas.

Il me semble que le culte de Mars n'a pas été fort répandu chez les Grecs ; car Pausanias qui fait mention de tous les temples des dieux et de toutes les statues qu'ils avaient dans la Grèce, ne parle d'aucun temple de Mars, et ne nomme que deux ou trois de ses statues, en particulier celle de Lacédémone, qui était liée et garottée, afin que le dieu ne les abandonnât pas dans les guerres qu'ils auraient à soutenir. Mais son culte triomphait chez les Romains, qui regardaient ce dieu comme le père de Romulus, et le protecteur de leur empire. Parmi les temples qu'il eut à Rome, celui qu'Auguste lui dédia après la bataille de Philippes, sous le nom de Mars vangeur, passait pour le plus célèbre. Vitruve remarque que les temples de Mars étaient de l'ordre dorique, et qu'on les plaçait ordinairement hors des murs, afin que le dieu fût là comme un rempart, pour délivrer les murs des périls de la guerre. Cependant dans la ville d'Halicarnasse le temple de ce dieu fut érigé au milieu de la forteresse. Les saliens, prêtres de Mars, formaient à Rome un collège sacerdotal très-considérable. Voyez SALIENS.

Le gramen, le coq et le vautour lui étaient consacrés. On lui immolait d'ordinaire le taureau, le verrat et le bélier.

Il y a une inscription qui prouve qu'on le mettait quelquefois dans la classe des divinités infernales ; et à qui ce titre convenait-il mieux qu'à un dieu meurtrier, dont le plaisir était de repeupler sans cesse de nouveaux habitants le royaume de Pluton ?

Les principaux noms qu'il portait sont expliqués dans cet ouvrage ; mais le plus ingénieux de tous, est celui qu'Homère lui donne, en l'appelant Alloprosallos, inconstant, dévoué tantôt à un parti, tantôt à l'autre. Lycophron le nomme cruentis pastum praeliis ; car, dit-il, le carnage est sa nourriture. (D.J.)

MARS, (Littérature) c'était le premier mois de l'année chez les Romains ; quoiqu'il eut pris son nom du dieu Mars, on l'avait mis sous la protection de Minerve.

Les calendes de ce mois étaient remarquables par plusieurs cérémonies. On allumait le feu nouveau sur l'autel de Vesta : on ôtait, dit Ovide, les vieilles branches de laurier, et les vieilles couronnes tant de la porte du roi des sacrifices, que des maisons des flamines et des haches des consuls, pour en substituer de nouvelles. Le même jour on célébrait les matronales et les ancilies, ou la fête des boucliers sacrés. Le 6 arrivaient les fêtes de Vesta ; le 14 les équiries : le 15, la fête d'Anna-Perenna ; le 17, les libérales, et le 19, la grande fête de Minerve, appelée les quinquatries, qui duraient cinq jours ; enfin le 25 on célébrait les hilaries.

On trouve ce mois personnifié sous la figure d'un homme vêtu d'une peau de louve, parce que la louve était consacrée au dieu Mars. " Il est aisé, dit Ausone, de reconnaître ce mois par la peau de louve dont il est ceint, c'est le dieu Mars lui même qui la lui a donnée ; le bouc pétulant, l'hirondelle qui gazouille, le vaisseau plein de lait et l'herbe verdoyante, nous annoncent dans ce mois le printemps qui commence à renaître ". (D.J.)

MARS, temple de, (Architecture ancienne) On voit encore aujourd'hui quelques vestiges de cet ancien temple dans un endroit de Rome appelé la place des prêtres, entre la rotonde et la colonne antonine. Sa forme était périptère, c'est-à-dire qu'il était environné d'allées en forme de cloitre. Sa manière était picnostîle ou à colonnes pressées. Palladio a donné le plan de tout l'édifice d'après une aîle qui de son temps subsistait encore presqu'entière. (D.J.)

MARS, FER, ou ACIER, REMEDES MARTIAUX, (Matière medicale et Chimie pharmaceutique) les remèdes que la Médecine tire du fer, sont 1°. le fer en substance ou la limaille de fer : 2°. ses différentes chaux, savoir la rouille de fer, le safran appelé apéritif, et le safran appelé astringent ; le safran de mars antimonié de Stahl, l'aethiops martial de Lemery le fils, et la terre douce de vitriol : 3°. les sels neutres martiaux, sous forme concrete, ou sous forme liquide ; savoir, le vitriol de mars et le sel de rivière, qui est un véritable vitriol de mars ; le tartre martial ou calibé, le sirop, l'extrait de mars et la boule d'acier ; les teintures martiales tirées par les acides végétaux, et même les teintures ordinaires tirées par l'esprit-de-vin, qui sont des dissolutions de sels martiaux, ou qui ne sont rien ; enfin la teinture martiale alkaline de Sthaal : 4°. les fleurs martiales appelées aussi ens martis, et mars diaphorétique : 5°. les eaux martiales ordinaires, c'est-à-dire non vitrioliques ; l'eau appelée extinctionis fabrorum, c'est-à-dire dans laquelle les forgerons éteignent le fer rougi au feu, et les liqueurs aqueuses dans lesquelles on fait éteindre à dessein des morceaux de fer rouillés et rougis au feu.

La limaille de fer ou d'acier qu'on emploie sans qu'elle soit calcinée ni rouillée, telle qu'elle nous vient des ouvriers qui polissent le fer, doit être broyée sur le porphyre jusqu'à ce qu'elle soit réduite dans l'état d'alkool, ou poudre très-subtile.

Les différentes chaux de mars se préparent de la manière suivante, 1°. la rouille se fait d'elle-même, comme tout le monde sait, il n'y a qu'à la détacher en ratissant légérement du fer, où elle s'est formée ; et la porphyriser, si on veut la porter à un état de plus grande ténuité. Ce remède n'est proprement qu'une même chose avec le suivant, qui est beaucoup plus usité.

Safran de mars appelé apéritif : prenez limaille de fer ou lames de fer, telle quantité qu'il vous plaira ; la limaille vaut mieux, parce qu'elle hâte l'opération ; prenez donc de la limaille par préférence, exposez-la à la rosée, ou arrosez-la de temps en temps avec de l'eau de pluie, jusqu'à ce qu'elle soit convertie en rouille, que vous alkooliserez sur le porphyre. Les anciens Chimistes ont exigé expressément et exclusivement la rosée, et même la rosée du mois de Mai ; voyez avec combien de fondement à l'article ROSEE, (Chimie). Voilà pourquoi ce safran de mars est ordinairement prescrit dans les livres de Médecine, sous le nom de safran de mars préparé à la rosée de Mai, Maïali rore.

Safran de mars, appelé plus communément astringent qu'apéritif, préparé par le soufre : prenez limaille de fer récente et non rouillée, et fleurs de soufre, parties égales, faites-en une pâte avec suffisante quantité d'eau ; placez cette pâte dans un vaisseau convenable, et laissez-la fermenter pendant cinq ou six heures ; alors calcinez la matière à un feu violent, la remuant très-souvent avec une spatule de fer. Le soufre commencera par se bruler, et immédiatement après la matière paraitra noire, et en continuant à la calciner à grand feu, en remuant assiduement la matière pendant environ deux heures, elle prendra une couleur rouge foncée, qui annonce que l'opération est achevée. Cette opération ne diffère point réellement du colcothar artificiel, ou vitriol martial très-calciné. Voyez VITRIOL.

Safran de mars appelé astringent : les Chimistes ont donné sous ce nom diverses chaux de mars, ou pour mieux dire des chaux de mars préparées de diverses façons, mais communément par la calcination proprement dite. Le safran de mars astringent de la pharmacopée de Paris est préparé le plus simplement, et par cela même le mieux qu'il est possible ; ce n'est autre chose que de la limaille de fer calcinée par la réverbaration pendant plusieurs heures, et jusqu'à ce qu'elle soit réduite en une poudre rouge qu'on lave plusieurs fais, qu'on seche et qu'on porphyrise. L'utilité de ces fréquentes lotions n'est certainement pas fort évidente ; cependant elle pourrait peut-être servir à titre d'imbibition pour réduire en safran ou en rouille quelques parties de fer qui pourraient avoir échappé à la calcination.

Safran de mars antimonié : prenez huit onces de limaille de fer, et seize onces d'antimoine cru, mettez l'un et l'autre dans un creuset, et poussez le feu jusqu'à la fusion parfaite des matières ; ajoutez alors ce qu'on aurait pu faire également dès le commencement de l'opération, deux ou trois onces de sel de tartre, ou de cendres gravelées. Lorsque la matière sera bien en fusion, versez-la dans un cône chauffé et graissé, le régule se précipitera, et il se formera au-dessus des scories brillantes et de couleur brune ; séparez ces scories, concassez-les grossièrement, et les exposez ensuite à l'ombre dans un lieu humide ; par exemple dans une cave, elles y tomberont bientôt d'elles-mêmes en poussière ; jetez cette poudre dans l'eau froide ou tiede, et l'y agitez fortement. Laissez ensuite reposer la liqueur pour donner lieu aux parties les plus grossières de tomber au fond ; cela fait, versez par inclination l'eau trouble qui surnage ; reversez de nouvelle eau sur le marc, et répétez cette manœuvre jusqu'à ce que l'eau ressorte aussi claire qu'on l'a employée. Rassemblez ensemble toutes vos lotions, et les laissez s'éclaircir d'elles-mêmes ; ce qui arrive à la longue par le dépôt qui se forme d'un sédiment très-fin et très-subtil : pour abreger, on peut filtrer la liqueur ; faites sécher votre sédiment, ou ce qui sera resté sur le filtre ; c'est une poudre rougeâtre de couleur de brique pilée : vous n'en aurez qu'une très-petite quantité, comparaison faite avec ce qui vous restera de la partie grossière des scories, après qu'elles auront été épuisées de tout ce qu'elles peuvent fournir par le lavage. Faites sécher cette poudre, et la mettez ensuite à détonner dans un creuset avec le triple de son poids de salpêtre ; édulcorez avec de l'eau la masse rouge qui vous restera après la détonation. Décantez ou filtrez la liqueur, vous aurez un sédiment d'un rouge pâle, qui étant desséché, se réduira en poudre très-fine et très-subtîle ; ce sera le safran de mars antimonié apéritif de Stahl.

Cette description est celle que M. Baron a donnée dans ses additions à la chimie de Lemeri, d'après la dissertation de Stahl sur les remèdes martiaux, insérée dans son opuscule.

Aethiops martial : prenez la quantité qu'il vous plaira de limaille d'acier bien pure, mettez-la dans un pot de terre non vernissé, ou dans un vaisseau de verre ou de porcelaine, versez dessus ce qu'il faut d'eau claire pour qu'elle surpasse la limaille de trois ou quatre travers de doigt, remuez le mélange tous les jours avec une spatule de fer, et ayez soin d'ajouter de nouvelle eau pour en entretenir toujours la même hauteur au-dessus de la limaille ; celle-ci à la longue perdra sa forme brillante et métallique, et se réduira en une poussière très-fine, aussi noire que l'encre ; c'est ce qui lui a fait donner le nom d'aethiops. C'est cette poussière même qui étant desséchée et porphyrisée, forme l'aethiops martial. Addition à la chimie de Lemeri, par M. Baron, d'après le mémoire de Lemeri fils, mém. de l'acad. royale des Sciences, 1735. Il est remarqué avec raison dans la pharmacopée de Paris, que cette opération peut être considérablement hâtée, si l'on traite la limaille de fer par la machine de la garaye. Voyez HYDRAULIQUE, (Chimie).

La chaux martiale que les Chimistes appellent terre douce de vitriol, n'est autre chose que du colcothar convenablement édulcoré. Voyez VITRIOL.

Quant au vitriol de mars et au sel de rivière, voyez VITRIOL.

Tartre martial : prenez tartre blanc en poudre, ou mieux encore, crême de tartre en poudre une livre, limaille de fer brillante, c'est-à-dire non rouillée et très-fine, porphyrisée pour le mieux, trois ou quatre onces ; une proportion exacte n'est pas nécessaire ici, parce qu'on ne se propose point d'unir tout ce fer au tartre, et que la portion de fer qui n'est point dissoute, reste sur la chausse. Faites bouillir ces matières dans une marmite de fer avec environ douze livres d'eau pendant environ une demi-heure, ou jusqu'à ce que le tartre soit fondu, et qu'il se soit suffisamment empreint de fer ; passez la liqueur chaudement à la chausse, et placez-la dans un vaisseau convenable loin du feu pour crystalliser. Après cette première crystallisation, décantez la liqueur surnageante, faites-en évaporer à-peu-près la moitié sur le feu, remettez-la à crystalliser, et enfin réitérez ces évaporations et ces crystallisations, jusqu'à ce que vous n'obteniez plus de crystaux. Prenez tous vos crystaux, faites-les bien sécher au soleil, ou à une chaleur artificielle équivalente, et serrez-les pour l'usage. Ce sel est bien éloigné de l'état neutre, le tartre n'y est pas saoulé de fer à beaucoup près ; aussi la plupart de ses propriétés chimiques sont-elles peu changées. Il est par exemple fort peu soluble, comme dans son état pur ou nud ; aulieu que lorsqu'il est parfaitement neutralisé avec le fer, comme il l'est dans la préparation suivante, il devient très-soluble.

Teinture de mars tartarisée, ou sirop de mars, et extrait de mars tartarisé : prenez douze onces de limaille de fer, trente-deux onces de beau tartre blanc, faites bouillir ce mélange dans une grande marmite, ou dans un chauderon de fer, avec douze ou quinze livres d'eau de pluie, pendant douze heures ; remuez de temps en temps la matière avec une spatule de fer, et ayez soin de mettre d'autre eau bouillante dans le chauderon à mesure qu'il s'en consumera ; laissez ensuite reposer le tout, et vous verrez qu'il demeurera dessus une liqueur noire, qu'il faut filtrer, et la faire évaporer dans une terrine de grès au feu de sable, jusqu'à consistance de sirop : vous en aurez quarante-quatre onces. Lemeri, cours de Chimie.

Quand le mélange a bouilli quelque temps, il s'épaissit comme une bouillie, il se gonfle, et il passerait par dessus les bords de la marmite, si on n'y prenait garde ; il faut donc dans ce temps-là beaucoup modérer le feu : c'est aussi là le temps d'ajouter de nouvelle eau bouillante. Si après avoir filtré la teinture, on met bouillir derechef le marc resté sur le filtre dans de nouvelle eau comme devant, on en retirera encore de la teinture, mais en moindre quantité. On peut même en réitérant plusieurs fois ce procédé, dissoudre la plus grande partie de la limaille de fer qui restera, et la réduire en teinture. Lemeri, cours de Chimie.

Cette teinture est fort sujette àmoisir et à se décomposer. On y ajoute ordinairement une petite quantité d'esprit-de-vin ; par exemple, celle d'environ deux onces sur la quantité ci-dessus mentionnée, pour prévenir cette altération. M. Baron pense qu'on la préviendrait plus efficacement, si on employait à sa préparation la crême de tartre au lieu de tartre blanc, dont les impuretés occasionnent très-vraisemblablement selon lui, cettemoisissure. Cela peut être ; cependant on connait en Chimie plus d'un sel neutre sujet àmoisir, dans la composition duquel n'entre aucun principe chargé d'impuretés : et d'un autre côté, ces impuretésmoisissantes du tartre ne paraissent pas en être véritablement séparées par l'opération qui le convertit en crême de tartre. La crême de tartre est un acide encore fort impur ; au reste il faut tenter. Le même chimiste soupçonne encore, il assure même que le plus sur moyen de prévenir l'inconvénient dont nous parlons, c'est de réduire le temps de l'ébullition à une ou deux heures, ou encore mieux, de ne point faire bouillir du tout le mélange ; et il pense encore que cette réforme non seulement empêcherait de consumer du charbon en pure perte, mais même qu'elle contribuerait à la perfection de la préparation, puisque la longue ébullition occasionne la décomposition du tartre, et le rend par-là moins propre à dissoudre le fer. Je ne suis certainement pas pour les longues ébullitions ; cependant je ne saurais penser que la longue ébullition soit ici aussi nuisible, et même aussi inutîle que M. Baron l'avance, car 1°. la décomposition que le tartre peut éprouver dans cette ébullition n'est pas démontrée ; et quand même le tartre s'altérerait réellement, ce serait plutôt avec profit qu'avec dommage, ce serait les impuretés qui s'en détacheraient ; il se réduirait tout au plus à l'état de crême de tartre. 2°. On ne voit point pourquoi une liqueur claire, chimiquement homogène, une vraie lessive ou dissolution chimique déposée par la filtration, serait plus altérable, parce qu'elle aurait été produite par une longue ébullition. Il est très-vraisemblable au contraire, que si cette ébullition trop prolongée nuisait à la perfection de l'opération, ce serait seulement en détruisant son propre ouvrage ; c'est-à-dire en décomposant sur la fin de l'opération le sel neutre qu'elle aurait précédemment formé ; mais alors les débris de cette décomposition resteraient sur le filtre, et la lessive filtrée ne serait ni plus ni moins constante. 3°. Une heure d'ébullition ou la digestion a un degré de chaleur inférieur, parait absolument insuffisante ici, puisque demi-heure d'ébullition ne fait qu'imprégner légérement le tartre des particules du fer dans la préparation du tartre chalibé ; car ce dernier sel qui diffère tant par le degré de saturation de celui dont il est ici question, ne doit cette différence qu'à la briéveté de l'ébullition qu'on emploie pour le préparer.

Si l'on réduit la teinture du syrop ci-dessus décrit en consistance du miel épais, cette préparation prendra le nom d'extrait de mars, et elle sera un peu plus de garde.

La boule martiale de mars ou d'acier est une matière qui ne diffère des précédentes que par l'excès de tartre, et parce qu'il n'y a qu'une très-petite portion des deux ingrédiens employés qui soit réellement combinée. Mais comme c'est précisément cette portion qui passe dans l'eau ou dans les liqueurs dans lesquelles on fait infuser cette boule pour l'usage, il est clair que la partie utîle et employée de la boule martiale est exactement semblable au sel neutre martial tartareux dont nous venons de parler. La préparation de ces boules est décrite sous le mot BOULE DE MARS. Voyez cet article.

Les teintures martiales tirées avec les acides végétaux fermentés ou non fermentés, tels que le vinaigre, le vin du Rhin qui est acidule, le suc de citron, etc. ne diffèrent que par le moindre degré de saturation, de consistance, et de concentration de la teinture de Mars tartarisée, avec laquelle elles ont d'ailleurs la plus grande analogie.

Les teintures spiritueuses réellement chargées de fer ne sont, comme nous l'avons déjà insinué, que des dissolutions de sels neutres martiaux par l'esprit de vin. La teinture de Ludovic, et la teinture de Mynsicht, qui sont les seules que la Pharmacopée de Paris ait adoptées, sont, la première une dissolution légère de syrop de Mars, à la préparation duquel on a employé le vitriol martial à la place de la limaille de fer. Voyez VITRIOL. Et la seconde, qu'une dissolution de fleurs martiales. Voyez la suite de cet article.

Teinture martiale alkaline de Stahl. Ayez de bonne eau-forte, dans laquelle vous jetterez du fil d'acier, peu à-la-fais, et à différentes reprises, jusqu'à ce qu'il ne se fasse plus de dissolution, ce que vous reconnoitrez, lorsqu'en ajoutant de nouveau fil de fer, il ne s'excitera aucun mouvement dans la liqueur, et que ce fil restera dans son entier ; alors vous serez sur d'avoir une dissolution de sel dans l'esprit de nitre, aussi chargée qu'il est possible de l'avoir, et telle qu'il la faut pour la réussite du reste de l'opération. Prenez ensuite de l'huîle de tartre par défaillance, ou une lessive de cendres gravelées la plus chargée qu'il se peut, et bien filtrée. Laissez tomber dans cette liqueur alkaline quelques gouttes de votre dissolution de fer ; elles iront d'abord au fond, mais l'effervescence de l'acide avec l'alkali les ramenera bien-tôt à la surface sous la forme d'écume ; remuez le mélange pour faire rentrer cette écume dans la liqueur ; l'acide nitreux qui tenait le fer en dissolution, abandonnera ce métal pour s'unir avec ce qu'il lui faut d'alkali pour reproduire du nitre, tandis que le reste de la liqueur alkaline saisira le fer devenu libre, et en fera la dissolution : continuez à ajouter ainsi successivement et goutte à goutte, de la solution de fer par l'esprit de nitre, jusqu'à ce que la liqueur ait pris une couleur rouge de sang très-foncée, ce qui est une marque que l'alkali est bien chargé de fer. Il ne s'agit plus présentement que de séparer cette dissolution alkaline de fer d'avec le nitre regénéré qui s'y trouve confondu ; c'est ce qui arrive quelquefois de soi-même, si la dissolution du fer dans l'acide nitreux est bien concentrée, ou si l'on fait cette opération dans un lieu frais, ou dans un temps froid ; car alors le nitre se précipite en aiguilles très-fines ; mais on peut accélérer cette séparation, en soumettant le mélange à une légère évaporation. Lorsque tout le nitre est précipité, on décante la liqueur, et l'on a par-là une teinture alkaline martiale, c'est-à-dire, une dissolution de fer par un alkali dans toute sa pureté. Le procédé dont on vient de donner la description, est tiré entièrement de l'opusculum de Stahl. Additions au cours de Chimie de Lemery, par M. Baron.

Fleurs martiales. Pulverisez et mêlez ensemble exactement douze onces de limailles de fer, et huit onces de sel armoniac bien sec : mettez le mélange dans une cucurbite de terre, capable de résister au feu nud, et dont il n'y ait qu'un tiers au plus de rempli : placez-la dans un fourneau, et garnissez-en le tour avec quelques petits morceaux de brique et du lut, pour empêcher que le feu ne s'élève trop : adaptez sur la cucurbite un chapiteau avec un petit récipient, et lutez exactement les jointures : laissez la matière en digestion pendant 24 heures, puis donnez dessous la cucurbite un feu gradué, il distillera premièrement une liqueur dans le récipient, puis il s'élevera des fleurs qui s'attacheront au chapiteau, et sur les bords de la cucurbite ; continuez un feu assez fort, jusqu'à ce qu'il ne monte plus rien ; laissez alors refroidir le vaisseau, et le délutez, vous trouverez dans le récipient une once et demie d'une liqueur semblable en tout à l'esprit volatil du sel armoniac ordinaire, mais d'une couleur un peu jaunâtre ; ramassez les fleurs avec une plume, vous en trouverez deux onces et deux dragmes : elles sont jaunâtres, d'un goût salé vitriolique, très-pénétrant, gardez-les dans une bouteille de verre bien bouchée, ce sont les fleurs martiales. Ces fleurs ne sont autre chose que la substance même du sel armoniac empreinte du mars, et sublimée par la force du feu ; elles ne tiennent leur couleur jaune que d'une portion du fer qu'elles ont enlevé ; elles ne sont non plus alkalines que le sel armoniac même. Si on les mêle avec du sel de tartre, elles rendent une odeur subtîle et urineuse, pareille à celle qui vient du mélange du même sel avec le sel armoniac. Lemery, Cours de chimie.

Il reste au fond de la cucurbite après la sublimation des fleurs, une matière fixe et noirâtre, qui est composée en partie d'un sel neutre, formé par l'union du fer avec l'esprit acide du sel armoniac, et en plus grande partie de fer superflu, c'est-à-dire, qui n'a été ni sublimé, ni dissous. C'est de cette précipitation du sel armoniac opérée par le fer, qu'est provenu l'alkali volatil qui s'est élevé pendant l'opération que nous venons de décrire. Voyez SEL ARMONIAC, SUBSTANCES METALLIQUES, PRECIPITATION et RAPPORT.

Quand aux eaux minérales martiales, voyez MINERALES (eaux) : les liqueurs aqueuses dans lesquelles on éteint du fer rougi au feu, doivent aussi y être rapportées, comme nous l'avons déjà insinué, en rangeant ces liqueurs dans la même division que les eaux martiales.

Les préparations martiales tiennent un rang distingué dans la classe des remédes. Le fer est le remède par excellence des maladies chroniques, qui dépendent des obstructions. Tomson dit, dans une dissertation sur l'usage médicinal du fer, que les Médecins n'ont pas proposé le manger comme une ressource plus assurée contre la faim, que le fer contre les obstructions.

Une opinion médicinale assez générale sur les médicaments martiaux, est encore la distinction qu'on a faite anciennement de leurs vertus en apéritive et astringente.

Un dogme plus récent, c'est que ces remèdes diffèrent considérablement en activité, selon qu'ils sont plus ou moins disposés à être dissous par les humeurs digestives, ou du-moins à passer avec elles dans les secondes voies : et ces différences se déduisent de trois sources principales ; 1°. de leur état de dissolution actuelle par quelque menstrue approprié, ou de l'état contraire que les Chimistes appellent nud, libre ou pur. Cette différence se trouve entre les sels neutres martiaux, et les liqueurs salines martiales d'une part, et la limaille, les safrants, l'aethiops martial de l'autre. 2°. La faculté de passer dans les secondes voies du fer libre ou nud, est déduite de sa pulvérisation ou division extrême ; et la qualité contraire, la prétendue impossibilité de passer dans les secondes voies, de la grossiereté de ses parties, c'est-à-dire, de la pulvérisation imparfaite. 3°. Enfin l'insolubilité du fer dans les premières voies même, chargées de sucs acides, est attribuée à son état de calcination, ou privation de phlogistique ; et la solubilité du fer dans ces sucs est par conséquent réservée au seul fer entier, c'est-à-dire, chimiquement inaltéré.

Nous observerons sur ces différentes opinions 1°. que l'usage des remédes martiaux ne saurait être aussi général contre les obstructions, même les plus évidentes, les plus décidées. Stahl observe (dans la dissertation déjà citée), que ces remédes sont souvent utiles dans les maladies chroniques légères, ou dans les suites peu rébelles de ces maladies, chronicorum reliquiis tenerioribus ; mais qu'on ne peut les regarder comme une ressource assurée et solide contre les maladies chroniques graves ; et même que leur usage imprudent peut causer des accidents soudains et funestes. Il faut avouer cependant que l'expérience prouve que les remèdes martiaux sont presque spécifiques dans les maladies de la matrice. Voyez MATRICE (maladie de la). Leur singulière vertu pour provoquer les règles est établie par une suite d'observations si constante, qu'il ne reste ici aucun lieu au doute. Il est vrai aussi que la suppression des règles est ordinairement une maladie chronique légère. Les remédes martiaux convenablement administrés, font aussi très-bien dans les fleurs-blanches, et même dans le flux immodéré des règles, les autres pertes des femmes, et généralement dans tous les flux contre nature dépendants de relâchement, tels que certaines diarrhées, la diabetes, la queue des gonorrhées virulentes, etc. Voyez ces articles et RELACHEMENT (Médecine), HEMORRHAGIE et REGLES, (Médecine). Ceci nous conduit naturellement à dire un mot de cette contrariété apparente d'action dans un remède qui est en même temps apéritif et astringent.

Les Médecins chimistes modernes les plus éclairés, Ettmuller, Stahl, Cartheuser, etc. conviennent généralement que le fer, et toutes ses préparations indistinctement, n'ont qu'une seule et unique vertu ; savoir, la vertu qu'ils ont appelée tonique, fortifiante, roborante, excitante, astringente ; et que ce n'est que relativement à l'état particulier du sujet qui use de ces remèdes qu'ils produisent tantôt l'effet appelé apéritif, et tantôt l'effet appelé spécialement astringent ou styptique. Ils avouent pourtant que certaines matières martiales, telles que le vitriol, et surtout son eau mère ; le colcotar, etc. sont éminemment styptiques, et doivent être regardées comme occupant l'extrême degré d'énergie dans l'ordre de ces remèdes. Tous les autres dont nous avons fait mention sont seulement astringens toniques.

L'extrême division du fer soit calciné, soit non calciné, parait véritablement utile. Il est démontré par la couleur noire, que tous les remèdes martiaux, et même ceux qu'on prend sous forme de dissolution, donnent aux excréments, que la plus grande partie de ces remédes ne passe pas dans les secondes voies.

Il parait donc convenable de favoriser, autant qu'on peut, ce passage par l'atténuation des parties du remède, et même par leur division absolue, c'est-à-dire, leur dissolution dans un menstrue convenable.

Mais il n'est certainement pas exact de regarder les chaux martiales, le fer dépouillé de phlogistique comme insoluble par les acides des premières voies, et moins encore d'imaginer que cette dissolution est nécessaire pour que le fer passe dans le sang, ou du moins pour qu'il exerce un effet médicamenteux. Il est démontré au contraire que les acides les plus faibles, tels que les acides végétaux et la crême de tartre, attaquent la rouille du fer ; et que Lemery qui l'emploie dans la préparation de son tartre calibé, ne manque pas pour cela son opération. Il est prouvé aussi par l'observation, que la rouille de fer et le safran de mars le plus calciné, dont le peuple use très-communément, agissent véritablement, soit qu'il y ait des acides dans les premières voies, soit qu'il n'y en ait point. Nous croyons cependant que s'il n'est pas absolument nécessaire, il est cependant meilleur, plus convenable de se servir par préférence de l'aethiops martial, et de la teinture de mars tartarisée ; mais presque sans distinction de l'action de l'absence ou de la présence des acides dans les premières voies.

Il est généralement reçu chez les vrais médecins, que le mars doit être donné à très-petite dose : car ce remède est vif, actif, vraiment irritant et échauffant ; il élève le pouls ; il cause une espèce de fièvre, qui, quoiqu'elle doive être regardée comme un effet salutaire, comme un bien, doit cependant être contenue dans des justes bornes. La dose de safran, de la limaille, de l'aethiops martial, etc. ne doit pas être portée au-delà de cinq ou six grains. Celle de toutes les teintures peut être beaucoup plus considérable, parce que sans en excepter la teinture tartarisée, le fer y est contenu en une très-foible proportion. Elle peut être d'une ou de plusieurs dragmes. Au reste il n'y a en ceci aucune règle générale ; la dose des teintures doit être déterminée sur leur degré de saturation et de concentration. La teinture alkaline de Stahl fait, par exemple, une exception à la règle générale que nous venons d'établir ; elle est très- martiale ; elle ne peut être prescrite que par gouttes.

Les fleurs martiales étant composées de fer, et d'une autre substance assez active et dominante ; savoir, le sel armoniac ; le médecin doit avoir principalement égard dans leur administration à cet autre principe. Voyez SEL ARMONIAC. La dose ordinaire de ces fleurs est d'un demi-gros.

Le tartre martial ou calibé est le plus faible de tous les remèdes officinaux tirés du fer. On pourrait le donner sans danger jusqu'à une dose considérable, si la crême de tartre elle-même n'exigeait d'être donnée à une dose assez modérée. Voyez TARTRE. On le donne communément à un gros.

Les eaux martiales sont encore infiniment plus faibles. Il est assez connu qu'on en prend plusieurs pintes sans danger. Voyez MINERALES (eaux).

Les remèdes martiaux solides se donnent communément avec d'autres remèdes sous forme de bol, d'opiat, etc. ou se réduisent seuls sous la même forme avec des excipiens appropriés, comme conserve, marmelade des fruits, etc. ils sont trop dégoutants pour la plupart, lorsqu'on les prend en poudre dans un liquide.

Les sels martiaux tartarisés doivent être donnés dissous dans des liqueurs simples, et qui ne les altérent point, comme l'eau et le vin. Lorsqu'on les fait fondre dans des décoctions d'herbes ou de racines, ils s'y décomposent en très-grande partie ; ils troublent ces liqueurs qui en prennent le nom de bouillons noirs, et ils les rendent abominables au gout.

Le fer entre dans quelques préparations pharmaceutiques officinales ; par exemple dans l'opiat mésanterique, la poudre d'acier, les pilules et tablettes d'acier de la pharmacopée de Paris, l'emplâtre opodeldoch, et l'emplâtre stiptique, etc. On prépare encore pour l'usage extérieur un baume auquel le fer donne son nom, mais dont il est un ingrédient assez inutile. Ce baume est connu sous le nom de baume calibé, et plus communément sous celui de baume d'aiguilles ; il est fort peu usité, et parait propre à fort peu de chose. Il en est fait mention au mot NITRE, en parlant de l'action de l'acide nitreux sur les huiles. (b)