EAU DE, (Chimie et Matière médicale) l'eau de luce est une liqueur laiteuse, volatile, très-pénétrante, formée par la combinaison de l'esprit volatil de sel ammoniac, avec une petite portion d'huîle de karabé.

Cette eau, dont feu M. du Balen, apoticaire de Paris, a eu seul le secret pendant longtemps, a excité la curiosité des Chimistes. Quelques-uns ne connaissant cette nouvelle liqueur que par réputation, l'ont confondue avec une autre eau volatîle de couleur bleue qui a fait du bruit à Paris, sous le nom du sieur Luce, apoticaire de Lille en Flandre ; les autres, plus à portée d'analyser l'eau de luce du sieur du Balen, en ont d'abord reconnu les principes constitutifs.

Il serait trop long de faire ici l'énumération de tous les procédés que l'envie de découvrir le mystère de cette préparation a fait imaginer ; il suffit de rappeler que tous ces procédés se réduisent à trouver un intermède qui rende miscible l'esprit de sel ammoniac à l'huîle de karabé. Celui que M. de Machi vient de rendre public, est un des plus raisonnables et des plus ingénieux : l'eau de luce qui en résulte est blanche, pénétrante, et parait avoir toutes les qualités de l'eau de luce du sieur du Balen. Malgré ces avantages, nous sommes fondés à avancer que le procédé de M. de Machi n'est pas le plus simple qu'il soit possible d'employer, puisqu'il se sert de l'intermède de l'esprit-de-vin pour combiner l'esprit volatil avec l'huile, et que tout intermède devient inutîle pour cette combinaison, puisqu'elle peut s'exécuter par le seul rapport de ces deux principes : elle s'execute en effet par le procédé suivant.

Mettez dans un flacon de crystal quelques gouttes d'huîle blanche de karabé rectifiée, versez dessus le double de bon esprit volatil de sel ammoniac ; bouchez le flacon avec son bouchon de crystal, et portez-le pendant quelques jours dans la poche de la culotte, la plus grande partie de l'huîle se dissoudra. Ajoutez pour lors une pareille quantité du même esprit volatil ; et après avoir laissé le tout en digestion à la même chaleur pendant quelques jours encore, vous trouverez l'huîle entièrement combinée avec l'alkali volatil, sous la forme et la consistance d'un lait clair de couleur jaunâtre. Ce produit n'est proprement qu'une espèce de savon resout. Conservez-le dans le même flacon exactement fermé.

Il est essentiel, pour le succès de ce procédé, de n'exposer à l'action de l'alkali volatil que trois ou quatre gouttes d'huîle de karabé ; si on emploie cette dernière matière jusqu'à la quantité d'un gros, le procédé ne réussit point.

Pour faire l'eau de luce, il suffit de verser quelques gouttes du savon que nous venons de décrire sur de l'esprit volatil de sel ammoniac bien vigoureux : on en ajoute plus ou moins à une quantité donnée d'esprit volatil, suivant le degré de blancheur et d'odeur de karabé qu'on veut donner à son eau de luce. Extrait de deux écrits de M. Betbeder, médecin de Bordeaux, insérés dans le recueil périodique d'observations de Médecine, etc. l'un au mois d'Octobre 1756, et l'autre au mois de Mai 1757.

Le procédé de M. de Machi dont il a été fait mention au commencement de cet article, est rapporté dans le même ouvrage périodique au mois de Juin 1756 : voici ce procédé.

Prenez un gros d'huîle de succin extrêmement blanche, faites-la dissoudre dans suffisante quantité d'esprit-de-vin : il en faudra bien près de deux onces. Ajoutez y deux autres onces d'esprit-de-vin, et servez-vous de cette dissolution pour préparer le sel volatil ammoniac suivant la méthode ordinaire ou celle qu'on emploie pour les esprits ou les sels volatils aromatiques huileux. Cette liqueur vous servira à blanchir de bon esprit volatil préparé avec la chaux vive, et la liqueur blanche ne sera sujette à aucun changement ; elle sera toujours laiteuse, ne fera jamais de dépôt, et remplira par conséquent toutes les conditions désirées pour faire une bonne eau de luce. Quelques gouttes de la première liqueur suffisent, mais on ne craint rien de la surabondance : l'auteur en a mêlangé presque à partie égale d'esprit volatil, et la liqueur était seulement plus épaisse et plus blanche, à-peu-près comme est du bon lait de vache, et sans qu'il ait paru le plus leger sédiment.

L'eau de luce n'a de vertus réelles que celles de l'esprit volatil de sel ammoniac, tant dans l'usage intérieur que dans l'usage extérieur. La très-petite portion d'huîle de succin qu'elle contient, ne peut être comptée pour rien dans l'action d'un remède aussi efficace. Voyez SEL AMMONIAC et SEL VOLATIL. (b)