S. f. (Grammaire) c'est l'union de plusieurs choses entr'elles, qualité en conséquence de laquelle elles forment ou peuvent être regardées comme formant un tout. Ce mot se prend au physique et au moral. On dit la liaison des idées, la liaison des êtres de la nature, la liaison d'un homme avec un autre, la liaison des caractères de l'écriture, etc. Voyez les articles suivants.

LIAISON, (Métaphysique) principe nécessaire pour l'intelligence du monde considéré sous son point de vue le plus général, c'est-à-dire entant qu'il est un être composé et modifiable. Cette liaison consiste en ce que chaque être qui entre dans la composition de l'univers, a la raison suffisante de sa co-existence ou de sa succession dans d'autres êtres. Empruntons un exemple dans la structure du corps humain. C'est un assemblage de plusieurs organes différents les uns des autres et co-existens. Ces organes sont liés entre eux. Si l'on vous demande en quoi consiste leur liaison, et que vous vous proposiez de l'expliquer d'une manière intelligible, vous déduisez de leur structure la manière dont ils peuvent s'adapter les uns aux autres, et par-là vous rendez raison de la possibilité de leur co-existence. Si l'on Ve plus loin, et que l'on vous requière de dire comment ces organes, entant qu'organes, et relativement à leurs fonctions, sont liés ensemble, vous pouvez encore satisfaire à cette question. Le gosier, par exemple, et l'estomac sont deux organes du corps humain. Si vous ne les considérez que comme des êtres composés, et par rapport à leur matière, vous pouvez montrer comment l'un s'ajuste commodément à l'autre, en vertu de leur structure : mais si vous les prenez sur le pied d'organes du corps humain, de parties d'un corps humain, de parties d'un corps vivant, dont l'une sert au passage des aliments, et l'autre à leur digestion, ces deux fonctions expliquent distinctement la raison de la co-existence de ces deux organes.

De ce que chaque être a la raison suffisante de sa co-existence ou de sa succession des autres êtres, il s'ensuit qu'il y a une enchainure universelle de toutes choses, la première étant liée à la troisième par la seconde, et ainsi de suite sans interruption. Rien de plus commun en effet que ces sortes de liaisons. Des planches sont attachées l'une à l'autre par des clous qui les séparent, de manière qu'elles ne se touchent point. La colle est une espèce d'amas de petites chevilles, qui s'insérant de part et d'autre dans les pores du bois, forme un corps mitoyen qui sépare et lie en même temps les deux autres. Dans une chaîne, le premier anneau tient au dernier par le moyen de tous les autres. Le gosier tient aux intestins par l'estomac. C'est-là l'image du monde entier. Toutes ses parties sont dans une liaison qui ne souffre aucun vide, aucune solution ; chaque chose étant liée à toutes celles qui lui sont contiguès, par celles-ci à celles qui suivent immédiatement, et de même jusqu'aux dernières bornes de l'univers. Sans cela on ne pourrait rendre raison de rien ; le monde ne serait plus un tout, il consisterait en pièces éparses et indépendantes, dont il ne résulterait aucun système, aucune harmonie.

La liaison la plus intime est celle de la cause avec l'effet ; car elle produit la dépendance d'existence ; mais il y en a encore plusieurs autres, comme celles de la fin avec le moyen, de l'attribut avec le sujet, de l'essence avec ses propriétés, du signe avec la chose signifiée, etc. sur quoi il faut remarquer que la liaison de la fin avec les moyens suppose nécessairement une intelligence qui préside à l'arrangement, et qui lie tout à la fois l'effet avec la cause qui le produit, et avec sa propre intention. Dans une montre, par exemple, le mouvement de l'aiguille est lié d'une double manière ; savoir, avec la structure même de la montre, et avec l'intention de l'ouvrier.

L'univers entier est rempli de ces liaisons finales, qui annoncent la souveraine intelligence de son auteur. Le soleil élève les vapeurs de la mer, le vent les chasse au-dessus des terres, elles tombent en pluie, et pourquoi ? Pour humecter la terre, et faire germer les semences qu'elle renferme. On n'a qu'à lire Derham, le Spectacle de la nature, pour voir combien les fins des choses sont sensibles dans la nature.

Il n'y a que les êtres finis qui puissent être assujettis à une semblable liaison ; et l'assemblage actuel des êtres finis, liés de cette manière entr'eux, forme ce qu'on appelle le monde, dans lequel il est aisé d'observer que toutes les choses, tant simultanées que successives, sont indissolublement unies. Cela se prouve également des grands corps, comme ceux qui composent le système planétaire, et des moindres qui font partie de notre globe. Le soleil et la terre sont deux grands corps simultanés dans ce monde visible. Si vous voulez expliquer le changement des saisons sur la terre et leurs successions régulières, vous ne la trouverez que dans le mouvement oblique du soleil parcourant l'écliptique ; car, si vous supposiez que cet astre suive la route de l'équateur, il en résulterait une égalité perpétuelle de saisons. Otez tout à fait le soleil, voilà la terre livrée à un engourdissement perpétuel, les eaux changées en glace, les plantes, les animaux, les hommes détruits sans retour, plus de générations, plus de corruptions, un vrai cahos. Le soleil renferme par conséquent la raison des changements que la terre subit. Il en est de même des autres planètes relativement à leur constitution et à leur distance du soleil. Les petits corps coexistants sont dans le même cas. Pour qu'une semence germe, il faut qu'elle soit mise en terre, arrosée par la pluie, échauffée par le soleil, exposée à l'action de l'air ; sans le secours de ces causes, la végétation ne réussira point. Donc la raison de l'accroissement de la plante est dans la terre, dans la pluie, dans le soleil, dans l'air ; donc elle est liée avec toutes ces choses.

Cet assemblage d'êtres liés entr'eux de cette manière n'est pas une simple suite ou serie d'un seul ordre de choses ; c'est une combinaison d'une infinité de series mêlées et entrelacées ensemble ; car, pour ne pas sortir de l'enceinte de notre terre, n'y trouve-t-on pas une foule innombrable de choses contingentes, soit que nous regardions à la composition des substances, soit que nous observions leurs modifications. Il y a plus, une seule serie de choses contingentes se subdivise manifestement en plusieurs autres. Le genre humain est une serie qui dérive d'une tige commune, mais qui en a formé d'autres sans nombre. On peut en dire autant des animaux et même des végétaux. Ceux-ci dans chacune de leurs espèces constituent de pareilles series. Les plantes naissent les unes des autres, soit de semence, soit par la séparation des tiges, soit par toute autre voie. Personne ne saurait donc méconnaître la multiplicité des series, tant dans le règne animal que dans le végétal. Les autres êtres successifs, par exemple, les météores les plus bizarres et les plus irréguliers forment également des series de choses contingentes, quoique ce ne soit pas suivant cette uniformité d'espèce qui règne dans les series organisées. Si de la composition des substances nous passons à leur modification, la même vérité s'y confirme. Considérez un morceau de la surface extérieure de la terre exposée à un air libre, vous la verrez alternativement chaude, froide, humide, seche, dure, molle ; ces changements se succedent sans interruption, durent autant que la suite des siècles, et coexistent aux générations des hommes, des animaux et des plantes. Le corps d'un homme pendant toute la durée de sa vie n'est-il pas le théâtre perpétuel d'une suite de scènes qui varient à chaque instant ? car à chaque instant il se fait déperdition et réparation de substance. De la terre, si nous nous élevons aux corps célestes, nous serons en droit de raisonner de la même manière. Les observations des astronomes ne nous permettent pas de douter que toutes les planètes ne soient des corps semblables à la terre, et ne doivent être compris sous une espèce commune. Les mêmes observations découvrent sur la surface de ces planètes des générations et des corruptions continuelles. En vertu donc de l'argument tiré de l'analogie, on peut conclure qu'il y a dans toutes les planètes plusieurs series contingentes, tant de substances composées que de modifications. Le soleil, corps lumineux par lui-même, et qui compose avec les étoiles fixes une espèce particulière de grands corps du monde, est également sujet à divers changements dans sa surface. Il doit donc y avoir dans cet astre et dans les étoiles fixes une serie d'états contingens. C'est ainsi que de toute la nature sort en quelque sorte une voix qui annonce la multiplicité et l'enchainure des series contingentes. Les difficultés qu'on pourrait former contre ce principe, sont faciles à lever. En remontant, dit-on, jusqu'au principe des généalogies, jusqu'aux premiers parents, on rencontre la même personne placée dans plusieurs series différentes. Plusieurs personnes actuellement vivantes ont un auteur commun, qui se trouve par conséquent dans la généalogie de chacun. Mais cela ne nuit pas plus à la multiplicité des series, que ne nuit à un arbre la réunion de plusieurs petites branches en une seule plus considérable, et celle des principales branches au tronc. Au contraire c'est de-là que tire sa force l'enchainure universelle des choses. On objecte encore que la mort d'un fils unique sans postérité rompt et termine tout d'un coup une serie de contingens, qui avait duré depuis l'origine du monde. Mais si la serie ne se continue pas dans l'espèce humaine, néanmoins la matière, dont ce dernier individu était composé, n'étant point anéantie par sa mort, subit des changements également perpétuels, quoique dans d'autres series. Et d'ailleurs aucune serie depuis l'origine des choses n'est venue à manquer, aucune espèce de celles qui ont été créées ne s'est éteinte. Pour acquérir une idée complete de cette matière, il faut lire toute la première section de la Cosmologie de M. Wolf.

LIAISON, est en Musique un trait recourbé, dont on couvre les notes qui doivent être liées ensemble.

Dans le plein-chant, on appelle aussi liaison une suite de plusieurs notes passées sur la même syllabe, parce qu'en effet elles sont ordinairement attachées ou liées ensemble.

Quelques-uns nomment encore quelquefois liaison ce qu'on appelle plus proprement syncope. Voyez SYNCOPE.

Liaison harmonique est le prolongement ou la continuation d'un ou plusieurs sons d'un accord sur celui qui le suit ; de sorte que ces sons entrent dans l'harmonie de tous deux. Bien lier l'harmonie, est une des grandes règles de la composition, et celle à laquelle on doit avoir le plus d'égard dans la marche de la basse fondamentale. Voyez BASSE et FONDAMENTAL. Il n'y a qu'un seul mouvement permis sur lequel elle ne puisse se pratiquer : c'est lorsque cette basse monte diatoniquement sur un accord parfait : aussi de tels passages ne doivent-ils être employés que sobrement, seulement pour rompre une cadence, ou pour sauver une septième diminuée. On se permet aussi quelquefois deux accords parfaits de suite, la basse descendant diatoniquement, mais c'est une grande licence qui ne saurait se tolérer qu'à la faveur du renversement.

La liaison harmonique n'est pas toujours exprimée dans les parties ; car, quand on a la liberté de choisir entre les sons d'un accord, on ne prend pas toujours ceux qui la forment ; mais elle doit au moins se sous-entendre. Quand cela ne se peut, c'est, hors le cas dont je viens de parler, une preuve assurée que l'harmonie est mauvaise.

Liaison, dans nos anciennes musiques. Voyez LIGATURE. (S)

LIAISON, (Architecture) Mâçonnerie en liaison. Voyez MAÇONNERIE.

Liaison en Architecture, est une manière d'arranger et de lier les pierres et les briques par enchainement les unes avec les autres, de manière qu'une pierre ou une brique recouvre le joint des deux qui sont au-dessous.

Vitruve nomme les liaisons de pierres ou de briques alterna coagmenta.

Liaisons de joint, s'entend du mortier ou du plâtre détrempé, dont on fiche et jointoye les pierres.

Liaison à sec, celle dont les pierres sont posées sans mortier, leurs lits étant polis et frottés au grais, comme ont été construits plusieurs bâtiments antiques faits des plus grandes pierres.

On se sert aussi de ce terme dans la décoration, tant extérieure qu'intérieure, pour exprimer l'accord que doivent avoir les parties les unes avec les autres, de manière qu'elles paraissent être unies ensemble et ne faire qu'un tout harmonieux, ce qui ne peut arriver qu'en évitant l'union des contraires.

LIAISON, dans la coupe des pierres, est un arrangement des joints, qu'il est essentiel d'observer pour la solidité. A B, fig. 17. représente les joints de lit aussi-bien que les lignes qui lui sont parallèles, a a, b b, c c, et les joints de tête. Poser les pierres en liaison, c'est faire en sorte que les joints de tête de différentes assises qui sont contiguès, ne soient pas vis-à-vis les uns des autres. Comme, par exemple, les joints a a, b b, ne doivent point être vis-à-vis les uns des autres. Ceux d'une troisième assise pouvaient être vis-à-vis des premiers, comme les joints c c vis-à-vis des joints a a : les joints e e vis-à-vis des joints c c laissant toujours une assise entre deux, et c'est une régularité qu'on affecte quelquefois. Lorsque les joints de deux assises contiguès sont vis-à-vis les uns des autres, les pierres sont alors posées en déliaison. On ne peut pas mieux comparer ce qu'on appelle liaison dans la coupe des pierres, qu'à une page d'un livre : les lignes représentent les assises ou joints de lit, et chaque mot une pierre, les séparations des mots les joints de tête. On voit clairement que les intervalles des mots dans différentes lignes ne sont pas vis-à-vis les uns des autres. Ce serait même un défaut, s'ils s'y rencontraient trop fréquemment, cela ferait des rayures blanches du haut en bas des pages, qu'on appelle en terme d'Imprimerie, chemin de saint Jacques. (D)

LIAISON, terme de Cuisinier, est une certaine quantité de farine, de jaunes d'œufs, et autres matières semblables qu'on met dans les sauces pour les épaissir.

LIAISON, (Ecriture) signifie aussi dans l'écriture le produit de l'angle gauche de la plume, une ligne fort délicate, qui enchaine les caractères les uns avec les autres.

Il y en a de deux sortes ; les liaisons de lettres, les liaisons de mots : les premières se trouvent au haut ou au bas des lettres qui ne sont pas intrinséquement un seul corps, mais deux, comme en a, m, n, etc. et les joignent pour n'en faire qu'un extrinséquement : les secondes se trouvent à la fin des finales, et sont une suite de cette finale pour servir de chaîne au mot suivant.