S. f. (Botanique) art de tirer le suc des arbres en les perçant. Il y a dans les plantes des sucs aqueux, vineux, oléagineux, gommeux, résineux, bitumineux ; il y a de toutes sortes de couleurs et de qualités. Ces sucs sortent quelquefois d'eux-mêmes et se coagulent en gomme. Quelquefois ils sortent par incision de leur écorce, comme sont les sucs de la scammonée, du pavot, etc. qu'on fait ensuite dessécher au soleil. On tire des sucs par contusion, par expression ou par la distillation.

Mais il y a une nouvelle manière de tirer des sucs, particulièrement les sucs des arbres. Elle se fait par la térébration ; c'est-à-dire en perçant le tronc d'un arbre avec une tarière, lorsque la seve vers le commencement du printemps commence à monter. Cette manière a été inconnue aux anciens, du-moins on ne sache pas qu'aucun en ait fait mention ; nous tenons cette invention des Anglais. L'immortel Bacon, chancelier d'Angleterre, parle de cette térébration ; mais il ne la propose que comme un remède pour faire mieux fructifier les arbres : c'est pour cela qu'il la compare à la saignée. On a bien enchéri sur les premières vues de Bacon. Les Anglais ont mis la térébration en règle et l'ont réduite en méthode. Ensuite ils ont trouvé que ces sucs tirés par cette térébration méthodique pouvait avoir de grandes utilités.

Voici l'ordre qu'il y faut garder, selon le docteur Tonge : Il y a, dit-il, différentes manières de tirer le suc d'un arbre. Pour en avoir beaucoup, il ne suffit pas d'entamer l'arbre légèrement avec un couteau. Il faut percer le tronc du côté du midi, passer au-delà de la moèlle, et ne s'arrêter qu'à un pouce près de l'écorce, qui est du côté du septentrion. On doit conduire la tarière de telle sorte que le trou monte toujours, afin de donner lieu à l'écoulement de la seve.

Il est bon d'observer que le trou doit être fait proche de la terre ; premièrement pour ne point gâter le tronc de l'arbre ; secondement, afin qu'il ne soit pas besoin d'un long tuyau pour conduire la seve dans le vaisseau qui la doit recevoir.

Une racine coupée par l'extrémité rend plus de suc qu'une branche, parce qu'il en monte au-dessus de la racine plus qu'au-dessus de la branche ; aussi l'écoulement doit être plus abondant. Il est probable que plus les arbres approchent de leur perfection, plus il en distille de seve.

Il y a aussi plus de sels dans la racine que dans l'écorce ; plus dans les végétaux durant le printemps que durant l'automne ; parce que durant les mois d'été les sucs salins s'évaporent en partie, et en partie mûrissent par l'action et le mélange de la lumière.

C'est une observation de Théophraste, que quand les plantes et les arbres poussent, c'est alors qu'ils ont le plus de seve ; mais lorsqu'ils cessent de germer et de produire, alors leur seve a le plus de force, et caractérise mieux la nature de la plante ; et qu'à cause de cela les arbres qui rendent la résine, ne doivent être incisés qu'après leur pousse. Il y a aussi tout lieu de penser que le suc des vieux arbres dont les parties organiques ne forment point de nouvelle seve, est plus mûr que celui des autres.

Ainsi le temps de percer les arbres pour en extraire le suc, c'est depuis la fin de Janvier jusqu'au milieu du mois de Mai. Le noyer ne se doit percer qu'à la fin de Mars. M. Midfort, homme d'une attention merveilleuse à ramasser et à conserver des sucs, assure que le peuplier et le frêne sont inondés de seve à la fin de Mars, et que le sycomore donne des sucs même en pleine gelée.

Les arbres ne donnent aucun suc en automne, et n'en donnent au printemps qu'environ durant un mois. Quand le printemps est trop sec, on tire très-peu de seve ; s'il est fort humide, il en distille davantage, et toujours à proportion de ce qu'il en monte par les pores du tronc.

La térébration ou le percement des arbres se fait avec plus de succès à midi, dans la chaleur du jour, parce que les sucs sont d'ordinaire plus en mouvement. La chaleur fait monter la seve, c'est un alembic fait de la main de la nature, et les alembics artificiels n'en sont que des copies.

Les arbres qui fournissent abondamment des sucs sont le peuplier, le frêne, le plâne ou sycomore, le saule, le bouleau, le noyer, le chêne, l'ormeau, l'érable, etc.

M. Ratrai, savant écossais, dit qu'il sait par sa propre expérience, que dans le printemps on pourra en un mois tirer du bouleau une assez grande quantité de seve, pour égaler le poids de l'arbre avec ses branches, ses feuilles et ses racines.

Le docteur Hervey est descendu de la térébration des arbres à la ponction des plantes. Il a trouvé le secret de tirer des têtes des pavots l'opium le plus pur. Il commence par exposer au soleil durant quelques heures les plantes entières, ensuite il en pique les têtes, et en peu de temps il en tire plein une tasse de suc de pavot, qui est l'opium véritable. Mais ce qu'on a déjà essayé de faire sur les pavots, se peut aussi pratiquer sur les péones mâles et sur plusieurs autres plantes singulières dont on célèbre les vertus. On se flatte d'obtenir par la térébration les gommes, les résines, les teintures, les sels, les odeurs.

On conjecture que les sucs qui coulent d'eux-mêmes, sont plus efficaces que les sucs et les extraits qu'on fait en chimie, parce que dans ces préparations forcées, on perd souvent et nécessairement les parties volatiles qui font la vertu de plusieurs végétaux. Les sucs concrets coagulés ou le sel succulent, comme l'appellent si bien Lauremberg et Schroder, a deux avantages sur le sel tiré par la voie de l'incinération. 1°. Il est plus doux, plus tempéré, moins sec et moins mordicant. 2°. Il tient encore de la plante le soufre et le mercure que le sel tiré des cendres n'a plus du tout. Enfin on ne peut trouver que des avantages à perfectionner la méthode de la térébration. (D.J.)