adj. terme de la Chirurgie médicale, remède topique qu'on applique sur une partie pour empêcher l'inflammation et le gonflement qui pourrait y survenir. Ce mot vient du verbe latin defendere. Les défensifs se tirent communément de la classe des remèdes astringens et répercussifs. Ils excitent dans les solides une contraction et un ressort qui empêche les vaisseaux de se laisser engorger au point où ils auraient pu l'être sans cette précaution. Fabrice d'Aquapendente ne voulait pas qu'ils fussent appliqués sur le lieu d'une blessure ; mais en chemin, un peu plus haut que la plaie ; c'est pourquoi il leur donne aussi le nom de remèdes qui interceptent, intercipientia. L'usage des défensifs peut être dangereux. Les anciens s'en servaient communément dans toutes les plaies qui demandent une prompte réunion. Ces médicaments qui resserrent le calibre des vaisseaux, s'opposent à l'inflammation ; et c'est un bien d'éviter un accident qui est un grand obstacle à la réunion. Mais ces exemples de réussite ont produit des abus. Il ne faut pas confondre l'inflammation avec ce genre de tumeur ou de gonflement qui arrive aux plaies accompagnées d'étranglement. On risquerait beaucoup à employer les défensifs astringens dans ce dernier cas. Les remèdes huileux et relâchants conviennent bien mieux pour prévenir ces sortes de gonflements, qui sont surtout à craindre dans les plaies, où quelque partie tendineuse ou aponévrotique a été intéressée. Les anciens y étaient assez attentifs, car ils prescrivent souvent comme défensifs l'huîle de myrthe, l'huîle rosat omphacin c'est-à-dire, qui est faite avec des olives qui n'avaient point acquis leur maturité, et dans laquelle on a fait infuser des boutons de roses rouges astringentes : mais l'huile, malgré la vertu que d'autres médicaments peuvent lui donner, agit toujours principalement comme topique adoucissant et relâchant.

Voilà donc deux classes de défensifs, c'est-à-dire, de médicaments capables de défendre une partie malade de quelque accident : il faut donc être attentif à bien saisir l'indication pour faire choix de ces remèdes, et les approprier à l'espèce d'accident dont on veut préserver la partie.

Dans les entorses, et dans toutes les extensions forcées des tendons, ligaments et aponévroses, on applique avec succès, dans les premiers temps, avant que l'inflammation ait pu se former, un défensif fait avec le blanc d'œuf, dans lequel on fait fondre de l'alun crud : c'est la formule la plus usitée ; on y ajoute ordinairement du bol d'Arménie. Ce liniment est très-convenable sur le voisinage des plaies contuses pendant les premiers jours. Mais le remède le plus efficace, et sans lequel tous ces répulsifs seraient peu profitables, c'est la saignée, qu'il faut réiterer prudemment, suivant la nature de la maladie, le danger qu'elle présente ou qu'elle fait craindre, suivant l'âge et les forces. On incorpore le bol d'Arménie dans de la térébenthine ; c'est un défensif qu'on applique avec succès sur les parties contuses intérieurement par la résistance des os, ou par leur fracture ou dislocation. Dans ces derniers cas, la première pièce de l'appareil des anciens était l'étoupade. C'étaient des étoupes trempées dans des blancs d'œufs, auxquels on ajoutait des poudres astringentes, lorsque le cas paraissait demander beaucoup d'astriction. Ces poudres se préparaient avec le bol d'Arménie, le sang-de-dragon, les myrtilles, les balaustes ou fleurs de grenadier, etc. On les mélangeait avec le blanc d'œuf en dose suffisante pour donner au médicament la consistance de miel. La douleur était une contre-indication pour ces topiques. On se servait alors d'huîle de myrthe ou rosat, ou du cerat rosat étendu sur un linge ; et par-dessus on mettait les étoupes trempées dans le blanc-d'œuf avec les poudres astringentes : mais alors on devait plutôt les regarder comme un moyen glutinatif, pour contenir les parties, que comme remède défensif.

Dans les plaies des jointures, Ambraise Paré recommande le défensif fait de blanc d'œuf, d'huîle rosat, avec du bol, du mastic, et de la farine d'orge. Il dit qu'il faut éviter les remèdes émolliens et relâchans, et il prescrit le cataplasme suivant : prenez son, farine d'orge et de fêves, de chacun trois onces ; fleurs de camomille et de mélilot, demi-poignée ; térébenthine, quatre onces ; miel commun, une once ; oximel simple, oxycrat, ou lessive commune, autant qu'il en faut pour faire le cataplasme. Voici une autre formule du même auteur pour le même cas : prenez lie de vin, son de froment, du tan, noix de cyprès, de galles, et térébenthine, pour en faire un cataplasme défensif.

On néglige peut-être trop dans la Chirurgie moderne l'application des défensifs dans le premier appareil des grandes opérations. Les anciens ne manquaient jamais d'appliquer l'alun et le blanc-d'œuf sur l'oeil après l'opération de la cataracte, de la fistule lacrymale, etc. Ils mettaient des défensifs plus composés sur le perinée et le scrotum, après l'opération de la lythotomie, etc. Les accidents qu'on voit survenir quelquefois, faute d'avoir pris ces précautions, justifient la pratique des anciens.

M. Quesnay reconnait une troisième classe de défensifs, qu'il nomme défensifs animés : il en fait deux genres ; car ces défensifs peuvent être employés pour ranimer des chairs contuses, ou les chairs dont l'action organique languit par une stupéfaction causée par la violence d'un coup, ou par quelque mauvaise disposition qui menace de gangrene.

Dans le premier cas, on doit recourir aux remèdes actifs et dissolvants, pour procurer le dégorgement des chairs. Une forte décoction de racine d'aristoloche, de bryone, ou d'autres plantes âcres ou amères, peut servir à dissoudre du sel armoniac, ou, à son défaut, du sel de nitre, du sel marin, des sels lixiviels, et à mouiller les plumaceaux et les compresses qu'on applique extérieurement. L'usage de ces remèdes doit être borné aux chairs qui sont fort contuses : car si l'action organique des chairs médiocrement contuses pouvait se réveiller aisément, les spiritueux suffiraient, les remèdes spiritueux nous fourniraient donc le second genre de défensifs animés. Ils ont assez de vertu pour entretenir la fluidité et le mouvement des sucs, en excitant l'action des solides. D'ailleurs on observe que dans les plaies contuses, le froissement des chairs n'a pas été égal dans toute l'étendue de la contusion ; il n'y a souvent que les chairs les plus voisines de la plaie qui exigent des défensifs dissolvants. On peut appliquer par-dessus les premières compresses, chargées de ces remèdes et bornées à ces chairs, d'autres compresses plus étendues, et trempées dans des liqueurs spiritueuses, pour couvrir le reste de la partie qui est moins contuse.

C'est à ce dernier genre de remède qu'on a recours, quand la débilité de l'action organique dépend d'une disposition qui tend à la gangrene. Ces défensifs spiritueux sont le vin, l'eau-de-vie, l'esprit-de-vin, l'eau vulnéraire, le camphre dissous dans les liqueurs remplies d'huiles volatiles aromatiques, les plantes aromatiques bouillies dans le vin, ou réduites en poudre, et cuites avec le vin en forme de cataplasme. Avec ces poudres, les quatre farines résolutives et le vin, on peut faire des cataplasmes qui seront d'excellents défensifs pour ranimer l'action organique des chairs de la partie blessée, et par-là prévenir la mortification. (Y)