S. f. (Médecine) espèce de fièvre accompagnée d'un délire subit, commune à ceux qui font des voyages de long cours dans des climats chauds, et surtout à ceux qui passent sous la ligne.

L'histoire suivante donnera une idée de cette maladie, et de la manière de la traiter.

Un matelot âgé de trente à quarante ans, assez grand, mais fluet, fut attaqué d'une calenture si violente, que quatre de ses camarades suffisaient à peine pour le retenir : il s'écriait de temps en temps qu'il voulait aller dans les champs : il avait la vue égarée, furieuse ; son corps était dans une chaleur brulante, et son pouls fort déréglé, sans aucune vibration distincte. Le chirurgien du vaisseau tâcha de le saigner : mais quoique la veine du bras fût assez ouverte, il n'en put jamais tirer une once de sang ; on lui ouvrit la veine du front avec aussi peu de succès ; on passa à la jugulaire, il en sortit deux onces de sang fleuri, après quoi il cessa de couler, quoique l'ouverture fût assez large ; on répéta les saignées, on en tirait de trois ouvertures à la fois ; le sang coulait plus librement à mesure que les vaisseaux se vuidaient. Après une évacuation considérable, la fièvre diminua de même que l'agitation ; le malade avait la vue moins égarée, il ne criait plus ; le pouls devint plus régulier, la chaleur se modéra, et la fureur se ralentit, de façon qu'un seul homme suffisait pour le contenir. On lui tira environ cinquante onces de sang par les trois ouvertures dont on a parlé : l'ayant fait coucher, on lui donna une once de sirop de diacode dans un verre d'eau d'orge ; après quoi il dormit fort tranquillement pendant quelques heures, et ne sentit en s'éveillant qu'une faiblesse qui venait du sang qu'on lui avait tiré, et un malaise par tout le corps produit apparemment par la violence des convulsions qu'il avait eues, et des efforts qu'il avait faits pour s'échapper.

Il est vraisemblable que quand les matelots sont attaqués de cette chaleur violente et de cette maladie, ce qui leur arrive ordinairement pendant la nuit, ils se lèvent, s'en vont sur le bord, et se jettent dans la mer, croyant aller dans les prés ; ce qui rend cette conjecture d'autant plus vraisemblable, c'est que dans la mer Méditerranée, il arrive souvent en été dans des temps chauds, que des gens de mer disparaissent sans qu'on sache ce qu'ils sont devenus ; ceux qui restent dans le bâtiment, pensent que tous ceux qui disparaissent ainsi se sont sauvés sans qu'on s'en soit aperçu. Quant à celui dont il est parlé ci-dessus, le médecin apprit d'un de ses camarades, qu'ayant soupçonné son dessein, il l'avait saisi, comme il était sur le point de s'élancer dans l'eau, et qu'on l'avait conservé par ce moyen. Si les calentures sont plus fréquentes pendant la nuit que pendant le jour, c'est qu'alors les bâtiments sont plus fermés et reçoivent moins d'air. Philosoph. transact. abr. vol. IV. par le docteur Olivier.

Le docteur Shaw veut qu'on traite cette maladie de la manière suivante.

Il faut tâcher de procurer du repos : on donnera de l'eau d'orge avec du vin blanc ; on proscrira la bière, et toute liqueur spiritueuse, et on prescrira un régime faible et liquide. Le premier pas qu'on ait à faire dans la cure, c'est de saigner ; il arrive assez souvent que les vaisseaux sont pleins d'un sang si épais, qu'on est obligé d'en ouvrir plusieurs pour évacuer assez de sang ; la veine jugulaire est préférable à celle du bras. Huit ou dix heures après la saignée, on donnera l'émétique, on appliquera au cou un large épispastique, on reviendra à la saignée aussi-tôt qu'on le pourra ; le soir lorsque le malade sera prêt à reposer, on lui donnera un parégorique.

Si la maladie est suffisamment calmée, on ordonnera le purgatif doux qui suit.

Prenez feuilles de séné deux gros et demi, rhubarbe un demi-gros, sel de tartre un demi-scrupule, graine de coriandre broyée un scrupule ; faites infuser le tout dans suffisante quantité d'eau de fontaine ; et sur deux onces et demie de la liqueur passée, ajoutez sirop solutif de rose six gros ; sirop de corne de cerf deux gros ; esprit de nitre dulcifié, sel volatil huileux, de chacun trente gouttes. Faites-en une potion que le malade prendra deux ou trois fais, selon que la maladie l'exigera, et en gardant un régime exact.

Voilà la manière ordinaire de traiter la calenture. (N)