adj. (Grammaire et Morale) qui est contre le devoir, la bienséance et l'honnêteté. Un des principaux caractères d'une belle âme, c'est le sentiment de la décence. Lorsqu'il est porté à l'extrême délicatesse, la nuance s'en répand surtout, sur les actions, sur les discours, sur les écrits, sur le silence, sur le geste, sur le maintien ; elle relève le mérite distingué ; elle pallie la médiocrité ; elle embellit la vertu ; elle donne de la grâce à l'ignorance.

L'indécence produit les effets contraires. On la pardonne aux hommes, quand elle est accompagnée d'une certaine originalité de caractère, d'une gaiété particulière et cynique, qui les met au-dessus des usages : elle est insupportable dans les femmes. Une belle femme indécente est une espèce de monstre, que je comparerais volontiers à un agneau qui aurait de la férocité. On ne s'attend point à cela. Il y a des états dont on n'ose exiger la décence : l'anatomiste, le médecin, la sage-femme sont indécents sans conséquence. C'est la présence des femmes qui rend la société des hommes décente. Les hommes seuls sont moins décents. Les femmes sont moins décentes entr'elles qu'avec les hommes. Il n'y a presqu'aucun vice qui ne porte à quelqu'action indécente. Il est rare que le vicieux craigne de paraitre indécent. Il se croit trop heureux quand il n'a que cette faible barrière à vaincre. Il y a une indécence particulière et domestique ; il y en a une générale et publique. On blesse celle-ci peut-être toutes les fois qu'entrainé par un goût inconsidéré pour la vérité, on ne ménage pas assez les erreurs publiques. Le luxe d'un citoyen peut devenir indécent dans les temps de calamité ; il ne se montre point sans insulter à la misere d'une nation. Il serait indécent de se réjouir d'un succès particulier au moment d'une affliction publique. Comme la décence consiste dans une attention scrupuleuse à des circonstances légères et minutieuses, elle disparait presque dans le transport des grandes passions. Une mère qui vient de perdre son fils ne s'aperçoit pas du désordre de ses vêtements. Une femme tendre et passionnée, que le penchant de son cœur, le trouble de son esprit et l'yvresse de ses sens abandonne à l'impétuosité des désirs de son amant, serait ridicule si elle se ressouvenait d'être décente, dans un instant où elle a oublié des considérations plus importantes. Elle est rentrée dans l'état de nature : c'est son impression qu'elle suit, et qui dispose d'elle et de ses mouvements. Le moment du transport passé, la décence renaitra ; et si elle soupire encore, ses soupirs seront décents.