S. m. (Grammaire et Jurisprudence) est une promesse faite à Dieu d'une bonne œuvre à laquelle on n'est pas obligé, comme d'un jeune, d'une aumône, d'un pélerinage.

Pour faire un vœu en général, il faut être en âge de raison parfaite, c'est-à-dire en pleine puberté ; être libre, et avoir la disposition de ce que l'on veut vouer. Ainsi une femme ne peut vouer sans le consentement de son mari, ni une fille, sans le consentement de ses père et mère. Un religieux ne peut s'engager à des jeunes extraordinaires sans la permission de son supérieur.

Il est libre de ne pas faire de vœux ; mais quand on en a fait, on doit les tenir.

Cependant si le vœu a été fait légérement, ou que différentes circonstances en rendent l'accomplissement trop difficile, on en obtient une dispense de l'évêque ou du pape, selon la nature des vœux.

Le vœu solennel de religion dispense de plein droit de tous les autres vœux qu'on aurait pu faire avant que d'entrer dans le monastère ; ce qui a lieu même par rapport à ceux qui s'étaient engagés d'entrer dans un ordre plus sévère que celui dans lequel ils ont fait profession.

Il y a différentes sortes de vœux, qui ont chacun leurs règles particulières, ainsi qu'on Ve l'expliquer dans les subdivisions suivantes.

VOEU ad limina apostolorum, c'est-à-dire d'aller à Rome en pélerinage. La dispense de ce vœu est réservée au pape ; il en est de même de certains autres pélerinages.

VOEU DE CHASTETE, ne consiste pas simplement dans une promesse de ne rien faire de contraire à la pureté, mais aussi dans un renoncement au mariage, et à tout ce qui pourrait porter à la dissipation : lorsque l'on a fait vœu de chasteté perpétuelle, il n'y a que le pape qui puisse en dispenser, quand même le vœu serait simple.

VOEU DE CLOTURE, est un vœu particulier aux religieuses, que leur règle ne permet point de sortir du monastère.

VOEU DE CONTINENCE, Voyez VOEU DE CHASTETE.

VOEU DU FAISAN, Voyez ci-après VOEU DU PAON.

GRANDS VOEUX, on appelle ainsi dans certains ordres les vœux solennels qui seuls lient la personne, de manière qu'elle ne peut plus retourner au siècle ; par exemple les jésuites peuvent être congédiés jusqu'à leur troisième et dernier vœu, quoique leurs deux premiers les lient envers la société. Voyez les lois ecclésiast. de d'Héricourt, tit. des vœux solennels, n. 33. aux notes.

VOEU D'OBEISSANCE, est celui que tous les religieux font d'obéir à leurs supérieurs. Il y a certains ordres qui font en outre vœu d'obéissance speciale au pape, comme les jésuites.

VOEU DU PAON ou DU FAISAN, du temps que la chevalerie était en vogue, était le plus authentique de tous les vœux que faisaient les chevaliers, lorsqu'ils étaient sur le point de prendre quelque engagement pour entreprendre quelque expédition. La chair de paon et du faisan était, selon nos vieux romanciers, la nourriture particulière des preux et des amoureux. Le jour auquel on devait prendre l'engagement, on apportait dans un grand bassin d'or ou d'argent, un paon ou un faisan, quelquefois roti, mais toujours paré de ses plus belles plumes. Ce bassin était apporté avec cérémonie par des dames ou damoiselles ; on le présentait à chacun des chevaliers, lequel faisait son vœu sur l'oiseau ; après quoi on le rapportait sur une table, pour être distribué à tous les assistants, et l'habileté de celui qui le découpait, était de le partager de manière que chacun en put avoir. Les cérémonies de ce vœu sont expliquées dans un mémoire fort curieux de M. de Ste Palaye, sur la chevalerie, où il rapporte un exemple de cette cérémonie, pratiquée à Lille en 1453, à l'occasion d'une croisade projetée contre les Turcs, laquelle néanmoins n'eut pas lieu.

VOEU DE PAUVRETE, est le renoncement aux biens temporels : ce vœu se pratique de différentes manières. Il y a des ordres dans lesquels le vœu de pauvreté s'observe plus étroitement que dans d'autres ; quelques congrégations font même profession de ne posséder aucun bien fonds.

Anciennement ce vœu n'était fait qu'au profit de la communauté ; le religieux profès n'était point incapable de recueillir des successions, mais le fonds en appartenait au monastère, lequel lui en laissait seulement l'usufruit et la dispensation. Les papes ont même confirmé ce privilège à divers ordres ; Clément IV. l'accorda en 1265, à celui de S. François et de S. Dominique.

Cette habileté des religieux à succéder a duré en France, jusque dans le xi. siècle.

Présentement l'émission des vœux emporte mort civile, et le religieux profès est incapable de rien recueillir, soit à son profit, ou au profit du couvent ; si ce n'est quelque modique pension viagère, que l'on peut donner à un religieux pour ses menus besoins, ce qu'il ne touche même que par les mains de son supérieur.

VOEUX DE RELIGION, sont ceux qu'un novice profère en faisant profession. Ces vœux qu'on appelle solennels, sont ordinairement au nombre de trois, savoir de chasteté, pauvreté, obéissance. Les religieuses font en outre vœu de clôture ; et dans quelques ordres, les vœux comprennent encore certains engagements particuliers, comme dans l'ordre de Malthe, dont les chevaliers font vœu de faire la guerre aux infidèles.

L'âge auquel on peut s'engager par des vœux solennels ou de religion, a été réglé diversement depuis la puberté où l'on peut contracter mariage, jusqu'à la pleine majorité qui est de 25 ans. Le concîle de Trente l'a enfin fixé à 16 ans : ce qui a été adopté et confirmé par l'ordonnance de Blais. Ceux qui font des vœux avant cet âge, ne contractent point d'engagement valable.

Les vœux que fait le profès, doivent être reçus par le supérieur, et il doit en être fait mention dans l'acte de profession.

La formule des vœux de religion n'est pas la même dans toutes les communautés ; dans quelques-unes, le religieux promet de garder la chasteté, la pauvreté et l'obéissance ; dans d'autres qui sont gouvernées par la règle de S. Benait, le profès promet la conversion des mœurs et la stabilité sous la règle de S. Benait selon les usages de la congrégation dans laquelle il s'engage ; mais quelle que soit la formule des vœux, elle produit toujours le même effet.

Quelques-uns attribuent l'établissement des vœux de religion à S. Basile, lequel vivait au milieu du iv. siècle.

D'autres tiennent que les premiers solitaires ne faisaient point de vœux, et ne se consacraient point à la vie religieuse par des engagements indissolubles : qu'ils n'étaient liés qu'avec eux-mêmes, et qu'il leur était libre de quitter la retraite, s'il ne se sentaient pas en état de soutenir plus longtemps ce genre de vie.

Les vœux du moins solennels ne furent introduits que pour fixer l'inconstance trop fréquente de ceux qui s'étant engagés trop légérement dans l'état monastique, le quittaient de même : ce qui causait un scandale dans l'église, et troublait la tranquillité des familles.

Erasme a cru que les vœux solennels de religion ne furent introduits que sous le pontificat de Boniface VIII. dans le XIIIe siècle.

D'autres prétendent que dès le temps du concîle de Chalcedoine tenu en 451, il fallait se vouer à Dieu sans retour.

D'autres au contraire soutiennent qu'avant Boniface VIII. on ne faisait que des vœux simples, qui obligeaient bien quant à la conscience, mais que l'on en pouvait dispenser.

Ce qui est de certain, c'est qu'alors l'émission des vœux n'emportait point mort civile, et que le religieux en rentrant dans le siècle, rentrait aussi dans tous ses droits.

Mais depuis longtemps les vœux de religion sont indissolubles, à moins que le religieux n'ait réclamé contre ses vœux, et qu'il ne soit restitué.

Anciennement il fallait réclamer dans l'année de l'émission des vœux ; mais le concîle de Trente a fixé le délai à cinq ans ; les conciles de France postérieurs, l'assemblée du clergé de 1573, et les ordonnances de 1629, 1657 et 1666 y sont conformes ; et telle est la jurisprudence des parlements.

Les moyens de restitution sont 1°. le défaut de l'âge requis par les saints decrets et par les ordonnances, 2°. le défaut de noviciat en tout ou en partie, 3°. le défaut de liberté.

Ce n'est point devant le pape que l'on doit se pourvoir pour la réclamation, et il n'est pas même besoin d'un rescrit de cour de Rome pour réclamer.

Ce n'est pas non plus devant le supérieur régulier que l'on doit se pourvoir, mais devant l'official du diocèse, par demande en nullité des vœux, ou bien au parlement par la voie de l'appel comme d'abus, s'il y a lieu. Voyez le concîle de Trente, l'instit. de M. de Fleuri, les lois ecclésiastiques, Fuet, les mémoires du clergé.

VOEU DE RESIDENCE, est celui qui oblige à demeurer ordinairement dans une maison, sans néanmoins assujettir à une clôture perpétuelle.

VOEU SIMPLE, est celui qui se fait secrétement et sans aucune solennité ; il n'oblige cependant pas moins en conscience ; mais s'il a été fait trop légérement, ou si par la suite l'accomplissement en est devenu trop difficile, l'évêque en peut dispenser ou commuer une bonne œuvre en une autre.

VOEU SOLEMNEL, est celui qui est fait entre les mains d'un supérieur ecclésiastique pour l'entrée en religion. Voyez ci-devant VOEU DE RELIGION.

VOEU DE STABILITE, est celui que l'on fait dans certaines communautés, de vivre sous une telle règle, comme dans l'ordre de S. Benait.

VOEU DE VIRGINITE, est le vœu de chasteté que fait une personne non encore mariée de garder sa virginité. Voyez VOEU DE CHASTETE. (A)

VOEU CONDITIONNEL, (Morale) c'est un engagement qu'on prend avec Dieu de faire telle ou telle chose qu'on suppose lui devoir être agréable, dans la vue et sous la condition d'en obtenir telle ou telle faveur. C'est une espèce de pacte où l'homme, premier contractant et principal intéressé, se flatte de faire entrer la Divinité par l'appât de quelque avantage réciproque. Ainsi, quand Romulus, dans un combat contre les Sabins, promit à Jupiter de lui bâtir un temple, s'il arrêtait la fuite de ses gens et le rendait vainqueur, il fit un vœu. Idoménée en fit un, quand il promit à Neptune de lui sacrifier le premier de ses sujets qui s'offrirait à ses yeux à son débarquement en Crète, s'il le sauvait du péril imminent où il se trouvait de faire naufrage.

J'ai dit que l'homme avait à la chose le principal intérêt : en effet s'il croyait qu'il lui fût plus avantageux de conserver ce qu'il promet que d'obtenir ce qu'il demande, il ne ferait point de vœu. Romulus ni Idoménée n'en firent qu'après avoir mis dans la balance, l'un les fruits d'une victoire importante avec les frais de construction d'un temple, l'autre la perte d'un sujet avec la conservation de sa propre vie.

Tout homme qui fait un vœu est dès ce moment ce que les Latins appelaient voti reus ; si de plus il obtient ce qu'il demande, il devient (selon leur langage) damnatus voti. C'est, pour le dire en passant, une distinction que n'ont pas toujours su faire les interpretes ni les commentateurs ; et il leur arrive assez fréquemment de confondre ces deux expressions, dont la seconde emporte néanmoins un sens beaucoup plus fort que la première. Elles sont l'une et l'autre empruntées du style usité dans les tribunaux de l'ancienne Rome. Le mot reus n'y était pas restreint au sens odieux et exclusif que nous lui prêtons. Tout accusé, ou même tout simple défendeur, était ainsi qualifié jusqu'à l'arrêt définitif. Reos appelo (dit Cicéron, l. II. de or.) non eos modò qui arguuntur sed omnes quorum de re disceptatur. C'est ici l'évenement conditionnel qui décide le procès, et tient lieu d'arrêt. Se trouve-t-il conforme à l'intention du voteur ? celui-ci est condamné à se dessaisir de la chose promise : y est-il contraire ? elle lui est en quelque sorte adjugée, et il ne doit rien. Romulus ne contracta d'obligation effectivement pour le temple envers Jupiter, que du moment que la victoire se fut déclarée en sa faveur ; sa défaite consommée l'eut absous de son vœu.

Les Payens en général avaient de la Divinité des idées trop grossières, pour sentir toute l'indécence du vœu conditionnel. Qu'est-ce en effet que ce marché insolent que la créature ose faire avec son créateur ? c'est comme si elle disait : " Seigneur, je sais que telle ou telle chose serait agréable à vos yeux ; mais avant que de me déterminer à la faire, composons. Voulez-vous de votre côté m'accorder telle ou telle grâce (qui m'importe en effet plus que ce que je vous offre) ? c'est une affaire faite ; pourvu cependant, pour ne rien donner à la surprise, que vous vous désaisissiez le premier. Autrement, n'attendez rien de moi ; je ne suis pas d'humeur à me gêner pour vous complaire, à moins que d'ailleurs je n'y trouve mon compte ".... Eh ! qui es-tu, mortel audacieux, pour oser traiter de la sorte avec ton Dieu, et mettre un indigne prix à tes hommages ? Il semble que tu craignes d'en trop faire ; mais ce que tu peux n'est-il pas à cet égard la mesure exacte de ce que tu dois ? Commence donc par faire sans condition ce que tu sais devoir plaire à l'auteur de ton existence, et lui abandonne le reste. Peut-être que touché de ta soumission il se portera à te refuser l'objet de tes vœux inconsidérés, cette grâce funeste qui causerait ta perte.

Evertère domos totas, optantibus ipsis,

Di faciles.

Nous regardons en pitié le stupide africain, qui tantôt prosterné devant son idole, et tantôt armé contre elle, aujourd'hui la porte en triomphe et demain la traine ignominieusement, lui prodiguant tour-à-tour les cantiques et les invectives, l'encens et les verges ; selon que les événements le mettent vis-à-vis d'elle de bonne ou de mauvaise humeur. Mais l'homme qui a fait un vœu ne se rend-il pas jusqu'à un certain point coupable d'une extravagance et d'une impiété à-peu-près semblables, lorsque n'ayant pas obtenu ce qui en était l'objet, il se croit dispensé de l'accomplir ? N'est-ce pas, autant qu'il est en lui, punir la Divinité, que de la frustrer d'un acte religieux qu'il savait lui devoir être agréable, et dont il lui avait, pour ainsi dire, fait fête ? Je ne vois ici d'autre différence entre l'habitant de la zone brulée et celui de la zone tempérée, que celle qui se remarque entre le paysan grossier et l'homme bien né, dans la manière de corriger leur enfant. Le premier s'emporte avec indécence et use brutalement de peines afflictives : l'autre, plus modéré en apparence, y substitue aussi efficacement la privation de quelque plaisir annoncé d'avance, et présenté dans une riante perspective.

Je ne prétens pas au reste que ces sentiments soient bien distinctement articulés dans le cœur de tout homme qui fait un vœu : mais enfin ils y sont, en raccourci du-moins et comme repliés sur eux-mêmes ; et sa conduite en est le développement. Il faut donc convenir que pour n'y rien trouver d'offensant, il est bien nécessaire que Dieu aide à la lettre ; et qu'ici, comme en beaucoup d'autres rencontres, par une condescendance bien digne de sa grandeur et de sa bonté, il se prête à la faiblesse et à l'imperfection de sa créature. Mais ne serait-ce pas mieux fait de lui sauver cette nécessité ?

Tout ce qui peut caractériser un véritable marché se retrouve d'ailleurs dans le vœu conditionnel. On renfle ses promesses, à proportion du prix qu'on attache à la faveur qu'on attend...

Nunc te marmoreum... fecimus...

Si foetura gregem suppleverit, aureus esto.

Il n'est pas non plus douteux que qui avait promis une hécatombe, se comparant à celui qui pour pareil événement et en pareilles circonstances n'avait promis qu'un bœuf, n'estimât son espérance d'être exaucé mieux fondée dans la raison de 100 à 1. Peut-on supposer que les dieux n'entendissent pas leur intérêt, ou qu'ils ne sussent pas compter ?

Mais si plutôt on eut voulu supposer (ce qui est très-vrai) que la Divinité n'a besoin de rien pour elle-même et qu'elle aime les hommes, on en eut conclu que les offres les plus déterminantes qu'on puisse lui faire sont celles qui se trouvent liées à quelque utilité réelle pour la société : et le vœu conditionnel, dirigé de ce côté là, eut pu du-moins, à raison de ses suites, trouver grâce à ses yeux. Mais ces reflexions étaient encore trop subtiles pour le commun des payens. Accoutumés à prêter à leurs dieux leurs propres gouts et leurs propres passions, il était naturel que dans leurs vœux ils cherchassent à les tenter par l'appât des mêmes biens qui sont en possession d'exciter l'humaine cupidité. Et comme entre ceux-ci l'or et l'argent tiennent sans contredit le premier rang ; delà cet amas prodigieux de richesses dont regorgeaient leurs temples et autres lieux de dévotion, à proportion de leur célébrité. Richesses, qui détournées une fois de la voie de la circulation n'y rentraient plus, et y laissaient pour le commerce un vide ruineux et irréparable. Delà l'appauvrissement insensible des états, pour enrichir quelques lieux particuliers, où tant de matières précieuses allaient se perdre comme dans un gouffre ; n'y servant tout-au-plus qu'à une vaine montre, et à nourrir l'ostentation puérîle des ministres qui en étaient les dépositaires souvent infidèles.

Peut-être s'imagine-t-on que c'était au-moins une ressource toute prête dans les besoins pressants de l'état. Tout porte en effet à le penser ; et c'eut été un bien réel qui pouvait naître de l'abus même : mais malheur au prince qui dans les pays même de son obéissance eut osé le tenter, et faire passer à la monnaie tous ces ex voto, ou seulement partie, pour se dispenser de fouler ses peuples ! Toute la cohorte des prêtres n'eut pas manqué de crier aussitôt à l'impie et au sacrilège ; on l'eut chargé d'anathèmes ; on l'eut menacé hautement de la vengeance céleste ; et plus d'un bras armé sourdement d'un fer sacré se fût prêté à l'exécution. Que sait-on ? ce même peuple dont il eut cherché à procurer le soulagement, vendu, comme il l'était, à la superstition et à ses prêtres, eut peut-être été le premier à rejeter le bienfait, et à se soulever contre le bienfaiteur. Pour en faire perdre l'envie à qui eut pu être tenté de l'entreprendre, on faisait courir certaines histoires sur les châtiments effrayans qui devaient avoir suivi pareils attentats ; on les débitait ornées de toutes les circonstances qui pouvaient leur assurer leur effet, et la légende payenne insistait fort sur ces articles. On citait en particulier l'exemple de nos bons ancêtres les Gaulois, qui, dans une émigration sous Brennus, avaient trouvé bon, en passant par Delphes, de s'accommoder des offrandes du temple d'Apollon ; exemple néanmoins des plus mal choisis, puisqu'on ne pouvait se dissimuler que, malgré leur sacrilège présumé, ils n'avaient pas laissé de se faire en Asie un assez bon établissement. Les Gaulois de leur côté avaient aussi leurs histoires, pour servir d'épouvantail aux impies et de sauve-garde à leurs propres temples. L'or de Toulouse n'était-il pas passé en proverbe ? Voyez Aul. Gell. l. III. c. ix. Enfin une nouvelle religion ayant paru dans le monde, les princes qui l'avaient embrassée, affranchis par elle de ces vaines terreurs, firent main-basse indistinctement sur tous les ex voto : leur témérité n'eut aucune mauvaise suite, et il se trouva que cet or était dans le commerce d'un aussi bon emploi que tout autre. C'est ainsi qu'une secte amasse et thésaurise, sans le savoir, pour sa plus cruelle ennemie ; et souvent dans la même secte, une branche particulière pour quelqu'une des autres dans lesquelles elle vient avec le temps à se partager.

Si le vœu conditionnel admet un choix, même entre les choses qu'on peut toutes supposer agréables à Dieu ; à plus forte raison exige-t-il que ce qu'on promet soit innocent et légitime en soi. Il serait également absurde et impie de prétendre acheter les faveurs du ciel par un outrage fait au ciel même, c'est-à-dire par un crime. Tel fut le vœu d'Idoménée. Sans qu'il soit besoin d'un plus long commentaire, on en sent assez toute l'horreur : pour y mettre le comble, il ne manquait à ce roi barbare que de l'accomplir ; et c'est ce qu'il fit, et sur son propre fils, malgré le cri de la nature. Funeste exemple des excès où peut porter la religion mal entendue !... Celui qui suit a quelque chose de moins odieux, et tient même un peu du burlesque. J'ai connu un homme qui, pour se débarrasser une bonne fois des importuns, et sanctifier en quelque sorte son avarice et sa dureté, avait fait vœu à Dieu de ne se rendre jamais caution pour personne. Chaque fois qu'on lui en faisait la proposition, il prenait une contenance dévote et citait son vœu, qui lui liait les mains et enchainait sa bonne volonté ; renvoyant ainsi son monde bien édifié, à ce qu'il pensait, de sa religion et de sa délicatesse de conscience, dont il ne doutait pas que Dieu ne lui tint un grand compte. On tenta plusieurs fois de lui ouvrir les yeux sur l'illusion grossière où il était ; ce fut en vain : il ne put ou ne voulut jamais comprendre qu'il lui fût permis de se départir de ce qu'il avait si solennellement et de si bon cœur promis à Dieu. Et en effet il fut toute sa vie plus fidèle à ce vœu singulier qu'à aucun de ceux de son baptême. A quoi tenait-il que tout d'un temps il ne s'interdit aussi par vœu l'exercice de l'aumône et de tout autre acte de charité ? Article de M. RALLIER DES OURMES, à qui l'Encyclopédie doit d'ailleurs de bons articles de Mathématiques.

VOEU, s. f. (Littérat. moderne) on appelle vœux ou ex voto, des présents qu'on a voués, et qu'on fait aux églises, après qu'on s'est rétabli de maladie. Ces présents sont des tableaux, des statues, des têtes, des bras, des jambes d'argent. Le tableau de la croisée de Notre-Dame de Paris, qui représente la sainte famille, est un vœu. Le tableau de S. Yves, qui est dans la croisée du cloitre, est encore un vœu. Il y a des églises en Espagne, en Italie, toutes garnies de semblables vœux. (D.J.)

VOEUX solennels des Romains, (Histoire romaine) au temps de la république, les Romains offraient souvent des vœux et des sacrifices solennels pour le salut de l'état. Depuis que la puissance souveraine eut été déférée aux empereurs, on offrait en différentes occasions des sacrifices pour la conservation du prince, pour le salut, la tranquillité et la prospérité de l'empire ; de-là ces inscriptions de la flatterie si ordinaires aux monuments, Vota publica. Salus Augusta. Salus generis humani. Securitas publica, etc. Le jour de la naissance des princes était encore célébré avec magnificence par des vœux et des sacrifices ; c'était un jour de fête qui a été quelquefois marqué dans les anciens calendriers. On solennisait ainsi le 23 du mois de Septembre, viiij. kal. Octob. le jour de la naissance d'Auguste.

Les jours consacrés pour offrir des vœux et des sacrifices, étaient l'avénement des princes à l'empire, l'anniversaire de leur avénement, les fêtes quinquennales et décennales, et le premier jour de l'année civile, tant à Rome que dans les provinces. Les Chrétiens mêmes faisaient des prières pour la conservation des empereurs payens et pour la prospérité de l'empire. Nos, disait Tertullien, pro salute imperatorum Deum invocamus aeternum, Deum verum, et Deum vivum, quem et ipsi imperatores propitium sibi praeter caeteros malunt : imperatoribus precamur vitam prolixam, imperium securum, domum tutam, exercitus fortes, senatum fidèlem, populum probum et orbem quietum. (D.J.)

VOEUX, (Antiquité grecque et romaine) l'usage des vœux était si fréquent chez les Grecs et chez les Romains, que les marbres et les anciens monuments en sont chargés ; il est vrai que ce que nous voyons, se doit plutôt appeler l'accomplissement des vœux que les vœux mêmes, quoique l'usage ait prévalu d'appeler vœu ce qui a été offert et exécuté après le vœu.

Ces vœux se faisaient ou dans les nécessités pressantes, ou pour le succès de quelque entreprise, de quelque voyage, ou pour un heureux accouchement, ou par un mouvement de dévotion, ou pour le récouvrement de la santé. Ce dernier motif a donné lieu au plus grand nombre des vœux ; et en reconnaissance l'on mettait dans les temples la figure des membres dont on croyait avoir reçu la guérison par la bonté des dieux. Entre les anciens monuments qui font mention des vœux, on a trouvé une table de cuivre, sur laquelle on a gravé plusieurs guérisons opérées par la puissance d'Esculape. Le lecteur peut s'instruire à fond sur cette matière dans le traité de Thomasini, de donariis et tabellis votivis.

Enfin on faisait tous les ans des vœux après les calendes de Janvier, pour l'éternité de l'empire et pour les succès de l'empereur.

Mais une chose plus étrange et moins connue, c'est l'usage qui s'établit parmi les Romains sur la fin de la république, de se faire donner une députation particulière dans un lieu choisi, sous prétexte d'aller à quelque temple célèbre accomplir un vœu qu'on feignait avoir fait. Cicéron écrit à Atticus, lettre 2. liv. XVIII. que s'il n'accepte pas le parti que lui propose César de venir servir sous lui dans les Gaules, en qualité de lieutenant, il a en main un moyen de s'absenter de Rome, c'est de se faire députer ailleurs pour rendre un vœu. Cicéron pélerin est une idée assez plaisante ! Voilà comme les hommes de son temps se servaient de la crédulité et de la superstition des peuples, pour cacher les véritables ressorts de leurs actions ! (D.J.)

VOEU des Juifs, (Critique sacrée) le premier vœu dont il soit parlé dans l'Ecriture, est celui de Jacob, qui allant en Mésopotamie, voua au Seigneur la dixme de ses biens, et promit de s'attacher à son culte avec fidélité. L'usage des vœux étant très-bien étendu et très-fréquent chez les Juifs, Moïse pour procurer leur exécution, établit des lois fixes à l'égard de ceux qui voueraient leurs biens, leur personne, leurs enfants, et même des animaux au Seigneur. Ces lois sont rapportées dans le Lévitique, ch. xxxvij. Par exemple, quand on s'était voué pour le service du tabernacle, il fallait racheter son vœu, si on ne voulait pas l'accomplir. Il en était de même des biens et des animaux que l'on vouait à Dieu en oblation ; on pouvait les racheter, à moins que les animaux n'eussent les qualités requises pour être immolés, ou pour être dévoués à toujours par la consécration ; semblablement celui qui avait voué son champ ou sa maison à Dieu, pouvait la racheter, en donnant la cinquième partie du prix de l'estimation.

Les Juifs faisaient aussi des vœux, soit pour le succès de leurs entreprises, de leurs voyages, soit pour recouvrer leur santé, ou pour d'autres besoins ; dans ces cas ils coupaient leurs cheveux, s'abstenaient de vin, et faisaient à Dieu des prières pendant trente jours, avant que d'offrir leur sacrifice. Voyez Josephe, de la guerre des Juifs, liv. II. ch. xxvj. (D.J.)

VOEUX de chevalerie, (Histoire de la Chev.) engagements généraux ou particuliers, que prenaient les anciens chevaliers dans leurs entreprises, par honneur, par religion, et plus encore par fanatisme. Voyez ENGAGEMENT.

Sait que l'on s'enfermât dans une place pour la défendre, soit qu'on en fit l'investissement pour l'attaquer, soit qu'en pleine campagne on se trouvât en présence de l'ennemi ; les chevaliers faisaient souvent des serments et des vœux inviolables, de répandre tout leur sang plutôt que de trahir, ou d'abandonner l'intérêt de l'état.

Outre ces vœux généraux, la superstition du temps leur en suggérait d'autres, qui consistaient à visiter divers lieux saints auxquels ils avaient dévotion ; à déposer leurs armes ou celles des ennemis vaincus, dans les temples et dans les monastères ; à faire différents jeunes, à pratiquer divers exercices de pénitence. On peut voir la Colombière, théâtre d'honneur, c. xxj, des vœux militaires ; mais en voici quelques exemples qui lui ont échappé, et qui se trouvent dans l'histoire de Bertrand du Guesclin.

Avant que de partir pour soutenir un défi d'armes proposé par un anglais, il entendit la messe ; et lorsque l'on était à l'offrande, il fit à Dieu celle de son corps et de ses armes qu'il promit d'employer contre les infidèles, s'il sortait vainqueur de ce combat. Bientôt après, il en eut encore un autre à soutenir contre un anglais, qui en jetant son gage de bataille, avait juré de ne point dormir au lit sans l'avoir accompli. Bertrand relevant le gage, fit vœu de ne manger que trois soupes en vin au nom de la sainte Trinité, jusqu'à ce qu'il l'eut combattu. Je rapporte ces faits pour la justification de ceux qu'on voit dans nos romans ; d'ailleurs ces exemples peuvent servir d'éclaircissements à quelques passages obscurs des anciens auteurs, tels que le Dante.

Du Guesclin étant devant la place de Moncontour que Clisson assiégeait depuis longtemps sans pouvoir la forcer, jura de ne manger de viande, et de ne se déshabiller qu'il ne l'eut prise ; " jamais ne mangerai chair, ne dépouillerai ne de jour, ne de nuit ". Une autre fois il avait fait vœu de ne prendre aucune nourriture après le souper qu'il allait faire, jusqu'à ce qu'il eut Ve les Anglais pour les combattre. Son écuyer d'honneur, au siège de Bressière, en Poitou, promit à Dieu de planter dans la journée sur la tour de cette ville la bannière de son maître qu'il portait, en criant du Guesclin, ou de mourir plutôt que d'y manquer.

On lit dans la même histoire plusieurs autres vœux faits par des chevaliers assiégés, comme de manger toutes leurs bêtes ; et pour dernière ressource, de se manger les uns les autres par rage de faim, plutôt que de se rendre. On jure de la part des assiégeants, de tenir le siège toute sa vie, et de mourir en bataille, si l'on venait la présenter, ou de donner tant d'assauts qu'on emportera la place de vive force. J'ai vœu à Dieu et à S. Yves, dit Bertrand aux habitants de Tarascon, que par force d'assaut vous aurez. De-là ces façons de parler si fréquentes avoir de vœu, vouer, vouer à Dieu, à Dieu le vœu, etc. Cependant Balzac exaltant la patience merveilleuse des François au siège de la Rochelle, la met fort au-dessus de celle de nos anciens chevaliers, quoiqu'ils s'engageassent par des serments dont il rappelle les termes, à ne se point désister de la résolution qu'ils avaient prise.

La valeur, ou plutôt la témérité, dictait encore aux anciens chevaliers des vœux singuliers, tels que d'être le premier à planter son pennon sur les murs ou sur la plus haute tour de la place dont on voulait se rendre maître, de se jeter au milieu des ennemis, de leur porter le premier coup ; en un mot, de faire tel explait, etc. Voyez encore la Colombière au sujet des vœux dictés par la valeur : les romans nous en fournissent une infinité d'exemples. Je me contente, pour prouver que l'usage nous en est connu par de meilleures autorités, de rapporter le témoignage de Fraissart. James d'Endelée, suivant cet historien, avait fait vœu qu'à la première bataille où se trouverait le roi d'Angleterre, ou quelqu'un de ses fils, il serait le premier assaillant ou le meilleur combattant de son côté, ou qu'il mourrait à la peine ; il tint parole à la bataille de Poitiers, comme on le voit dans le récit du même auteur. Ste Palaye, Mém. sur l'ancienne chevalerie.

Mais le plus authentique de tous les vœux de l'ancienne chevalerie, était celui que l'on appelait le vœu du paon ou du faisan, dont nous avons parlé ci-dessus. (D.J.)

VOEU du paon, (ancienne Chevalerie) voyez ci-devant pag. 411. col. 2. et PAON, vœu du. (D.J.)

VOEU rendu, (Inscription antique) on appelle ainsi des tableaux que l'on pend dans les églises, et qui contiennent une image du péril dont on est échappé. Les payens nous ont servi d'exemple ; ils ornaient leurs temples de ces sortes de tableaux, qu'ils appelaient tabellae votivae ; ainsi Tibulle a dit,

Picta decet templis multa tabella tuis.

Juvenal, Sat. 14. peint la chose plus fortement.

Mersâ rate naufragus assem

Dùm rogat, et pictâ se tempestate tuetur.

Ces sortes de tableaux ont pris le nom d'ex voto, parce que la plupart étaient accompagnés d'une inscription qui finissait par ces mots, ex voto, pour marquer que celui qui l'offrait, s'acquittait de la promesse qu'il avait faite à quelque divinité dans un extrême danger, ou pour rendre public un bienfait reçu de la bonté des dieux. On reconnaissait la qualité et le motif de l'inscription ou du tableau par ces caractères.

Les recueils de Gruter, de Reinesius et de Boissard sont remplis de ces sortes de vœux. (D.J.)

VOEUX, (Numismatique) on voit par les monnaies des empereurs, qu'il y avait des vœux appelés quinquennalia, decennalia, vicennalia, pour cinq ans, pour dix ans, pour vingt ans. Les magistrats faisaient aussi graver ces vœux sur des tables d'airain et de marbre. On trouve dans des médailles de Maxence et de Decentius, ces mots, votis quinquennalibus, multis decennalibus. Sur les médailles d'Antonin le Pieux et de Marc Aurele, on a un exemple des vœux faits pour vingt ans, vota suscepta vicennalia ; mais on a déjà traité cette matière au mot MEDAILLE VOTIVE.

Quand ces vœux s'accomplissaient, on dressait des autels, on allumait des feux, on donnait des jeux, on faisait des sacrifices, avec des festins dans les rues et places publiques. (D.J.)