S. f. terme de Grammaire, conjugatio : ce mot signifie jonction, assemblage. R conjungère. La conjugaison est un arrangement suivi de toutes les terminaisons d'un verbe, selon les voix, les modes, les temps, les nombres, et les personnes ; termes de Grammaire qu'il faut d'abord expliquer.

Le mot voix est pris ici dans un sens figuré : on personnifie le verbe, on lui donne une voix, comme si le verbe parlait ; car les hommes pensent de toutes choses par ressemblance à eux-mêmes ; ainsi la voix est comme le ton du verbe. On range toutes les terminaisons des verbes en deux classes différentes ; 1°. les terminaisons, qui font connaître que le sujet de la proposition fait une action, sont dites être de la voix active, c'est-à-dire que le sujet est considéré alors comme agent ; c'est le sens actif : 2°. toutes celles qui sont destinées à indiquer que le sujet de la proposition est le terme de l'action qu'un autre fait, qu'il en est le patient, comme disent les Philosophes, ces terminaisons sont dites être de la voix passive, c'est-à-dire que le verbe énonce alors un sens passif. Car il faut observer que les Philosophes et les Grammairiens se servent du mot pâtir, pour exprimer qu'un objet est le terme ou le but d'une action agréable ou desagréable qu'un autre fait, ou du sentiment qu'un autre a : aimer ses parents, parents sont le terme ou l'objet du sentiment d'aimer. Amo, j'aime, amavi, j'ai aimé, amabo, j'aimerai, sont de la voix active ; au lieu que amor, je suis aimé, amabar, j'étais aimé, amabor, je serai aimé, sont de la voix passive. Amants, celui qui aime, est de la voix active ; mais amatus, aimé, est de la voix passive. Ainsi de tous les termes dont on se sert dans la conjugaison, le mot voix est celui qui a le plus d'étendue ; car il se dit de chaque mot, en quelque mode, temps, nombre ou personne que ce puisse être.

Les Grecs ont encore la voix moyenne. Les Grammairiens disent que le verbe moyen a la signification active et passive, et qu'il tient une espèce de milieu entre l'actif et le passif : mais comme la langue grecque est une langue morte, peut-être ne connait-on pas aussi-bien que l'on croit la voix moyenne.

Par modes on entend les différentes manières d'exprimer l'action. Il y a quatre principaux modes, l'indicatif, le subjonctif, l'impératif, et l'infinitif, auxquels en certaines langues on ajoute l'optatif.

L'indicatif énonce l'action d'une manière absolue, comme j'aime, j'ai aimé, j'avais aimé, j'aimerai ; c'est le seul mode qui forme des propositions, c'est-à-dire qui énonce des jugements ; les autres modes ne font que des énonciations. Voyez ce que nous disons à ce sujet au mot CONSTRUCTION, où nous faisons voir la différence qu'il y a entre une proposition et une simple énonciation.

Le subjonctif exprime l'action d'une manière dépendante, subordonnée, incertaine, conditionnelle, en un mot d'une manière qui n'est pas absolue, et qui suppose toujours un indicatif : quand j'aimerais, afin que j'aimasse ; ce qui ne dit pas que j'aime, ni que j'aye aimé.

L'optatif que quelques grammairiens ajoutent aux modes que nous avons nommés, exprime l'action avec la forme de désir et de souhait : plut-à-Dieu qu'il vienne. Les Grecs ont des terminaisons particulières pour l'optatif. Les Latins n'en ont point ; mais quand ils veulent énoncer le sens de l'optatif, ils empruntent les terminaisons du subjonctif, auxquelles ils ajoutent la particule de désir utinam, plut-à-Dieu que. Dans les langues où l'optatif n'a point de terminaisons qui lui soient propres, il est inutîle d'en faire un mode séparé du subjonctif.

L'impératif marque l'action avec la forme de commandement, ou d'exhortation, ou de prière ; prents, viens, Ve donc.

L'infinitif énonce l'action dans un sens abstrait, et n'en fait par lui-même aucune application singulière, et adaptée à un sujet ; aimer, donner, venir ; ainsi il a besoin, comme les prépositions ; les adjectifs, etc. d'être joint à quelqu'autre mot, afin qu'il puisse faire un sens singulier et adapté.

A l'égard des temps, il faut observer que toute action est relative à un temps, puisqu'elle se passe dans le temps. Ces rapports de l'action au temps sont marqués en quelques langues par des particules ajoutées au verbe. Ces particules sont les signes du temps ; mais il est plus ordinaire que les temps soient désignés par des terminaisons particulières, au moins dans les temps simples : tel est l'usage en grec, en latin, en français, etc.

Il y a trois temps principaux ; 1°. le présent, comme amo, j'aime ; 2°. le passé ou prétérit, comme amavi, j'ai aimé ; 3°. l'avenir ou futur, comme amabo, j'aimerai.

Ces trois temps sont des temps simples et absolus, auxquels on ajoute les temps relatifs et combinés, comme je lisais quand vous êtes venu, etc. Voyez TEMS, terme de Grammaire.

Les nombres. Ce mot, en terme de Grammaire, se dit de la propriété qu'ont les terminaisons des noms et celles des verbes, de marquer si le mot doit être entendu d'une seule personne, ou si on doit l'entendre de plusieurs, Amo, amas, amat, j'aime, tu aimes, il aime ; chacun de ces trois mots est au singulier : amamus, amatis, amant, nous aimons, vous aimez, ils aiment ; ces trois derniers mots sont au pluriel, du-moins selon leur première destination ; car dans l'usage ordinaire on les emploie aussi au singulier : c'est ce qu'un de nos grammairiens appelle le singulier de politesse. Il y a aussi un singulier d'autorité ou d'emphase ; nous voulons, nous ordonnons.

A ces deux nombres les Grecs en ajoutent encore un troisième, qu'ils appellent duel : les terminaisons du duel sont destinées à marquer qu'on ne parle que de deux.

Enfin il faut savoir ce qu'on entend par les personnes grammaticales ; et pour cela il faut observer que tous les objets qui peuvent faire la matière du discours sont 1°. ou la personne qui parle d'elle-même ; amo, j'aime.

2°. Ou la personne à qui l'on adresse la parole ; amas, vous aimez.

3°. Ou enfin quelqu'autre objet qui n'est ni la personne qui parle, ni celle à qui on parle ; rex amat populum, le roi aime le peuple.

Cette considération des mots selon quelqu'une de ces trois vues de l'esprit, a donné lieu aux Grammairiens de faire un usage particulier du mot de personne par rapport au discours.

Ils appellent première personne celle qui parle, parce que c'est d'elle que vient le discours.

La personne à qui le discours s'adresse est appelée la seconde personne.

Enfin la troisième personne, c'est tout ce qui est considéré comme étant l'objet dont la première personne parle à la seconde.

Voyez combien de sortes de vues de l'esprit sont énoncées en même temps par une seule terminaison ajoutée aux lettres radicales du verbe : par exemple, dans amare, ces deux lettres a, m, sont les radicales ou immuables ; si à ces deux lettres j'ajoute o, je forme amo. Or en disant amo, je fais connaître que je juge de moi, je m'attribue le sentiment d'aimer ; je marque donc en même temps la voix, le mode, le temps, le nombre, la personne.

Je fais ici en passant cette observation, pour faire voir qu'outre la propriété de marquer la voix, le mode, la personne, etc. et outre la valeur particulière de chaque verbe, qui énonce ou l'essence, ou l'existence, ou quelqu'action, ou quelque sentiment, etc. le verbe marque encore l'action de l'esprit qui applique cette valeur à un sujet, soit dans les propositions, soit dans les simples énonciations ; et c'est ce qui distingue le verbe des autres mots, qui ne sont que de simples dénominations. Mais revenons au mot conjugaison.

On peut aussi regarder ce mot comme un terme métaphorique tiré de l'action d'atteler les animaux sous le joug, au même char et à la même charrue ; ce qui emporte toujours l'idée d'assemblage, de liaison, et de jonction. Les anciens Grammairiens se sont servis indifféremment du mot de conjugaison, et de celui de déclinaison, soit en parlant d'un verbe, soit en parlant d'un nom : mais aujourd'hui on emploie declinatio et declinare, quand il s'agit des noms ; et on se sert de conjugatio et de conjugare, quand il est question des verbes.

Les Grammairiens de chaque langue ont observé qu'il y avait des verbes qui y énonçaient les modes, les temps, les nombres, et les personnes, par certaines terminaisons, et que d'autres verbes de la même langue avaient des terminaisons toutes différentes, pour marquer les mêmes modes, les mêmes temps, les mêmes nombres, et les mêmes personnes : alors les Grammairiens ont fait autant de classes différentes de ces verbes, qu'il y a de variétés entre leurs terminaisons, qui malgré leurs différences, ont cependant une égale destination par rapport au temps, au nombre, et à la personne. Par exemple, amo, amavi, amatum, amare ; j'aime, j'ai aimé, aimé, aimer ; moneo, monui, monitum, monere, avertir ; lego, legi, lectum, légère, lire ; audio, audivi, auditum audire, entendre. Ces quatres sortes de terminaisons différentes entr'elles, énoncent également des vues de l'esprit de même espèce : amavi, j'ai aimé ; monui, j'ai averti ; legi, j'ai lu ; audivi, j'ai entendu : vous voyez que ces différentes terminaisons marquent également la première personne au singulier et au temps passé de l'indicatif ; il n'y a de différence que dans l'action que l'on attribue à chacune de ces premières personnes, et cette action est marquée par les lettres radicales du verbe, am, mon, leg, aud.

Parmi les verbes latins, les uns ont leurs terminaisons semblables à celles d'amo, les autres à celles de moneo, d'autres à celles d'audio. Ce sont ces classes différentes que les Grammairiens ont appelées conjugaisons. Ils ont donné un paradigme, , exemplar, c'est-à-dire un modèle à chacune de ces différentes classes ; ainsi amare est le paradigme de vocare, de nuntiare, et de tous les autres verbes terminés en are : c'est la première conjugaison.

Monere doit être le paradigme de la seconde conjugaison, selon les rudiments de la méthode de P. R. à cause de son supin monitum ; parce qu'en effet, il y a dans cette conjugaison un plus grand nombre de verbes qui ont leur supin terminé en itum, qu'il n'y en a qui le terminent comme doctum.

Legère est le paradigme de la troisième conjugaison ; et enfin audire l'est de la quatrième.

A ces quatre conjugaisons des verbes latins, quelques grammairiens pratiques en ajoutent une cinquième qu'ils appellent mixte, parce qu'elle est composée de la troisième et de la quatrième ; c'est celle des verbes en ere, io ; ils lui donnent accipere, accipio pour paradigme ; il y a en effet dans ces verbes des terminaisons qui suivent légère, et d'autres audire. On dit audior, audiris, au lieu qu'on dit accipior, acciperis, comme legeris, et l'on dit accipiuntur, comme audiuntur, &c.

Ceux des verbes latins qui suivent quelqu'un de ces paradigmes sont dits être réguliers, et ceux qui ont des terminaisons particulières, sont appelés anomaux, c'est-à-dire irréguliers, (R. privatif, et , règle) comme fero, fers, fert ; volo, vis, vult, etc. on en fait des listes particulières dans les rudiments ; d'autres sont seulement défectifs, c'est-à-dire qu'ils manquent ou de prétérit ou de supin, ou de quelque mode, ou de quelque temps, ou de quelque personne, comme oportet, poenitet, pluit, &c.

Un très-grand nombre de verbes s'écartent de leur paradigme, ou à leur prétérit, ou à leur supin ; mais ils conservent toujours l'analogie latine ; par exemple, sonare fait au prétérit sonui, plutôt que sonavi ; dare fait dedi, et non pas davi, etc. On se contente d'observer ces différences, sans pour cela regarder ces verbes comme des verbes anomaux. Au reste ces irrégularités apparentes viennent de ce que les Grammairiens n'ont pas rapporté ces prétérits à leur véritable origine ; car sonui vient de sonere, de la troisième conjugaison, et non de sonare : dedi est une syncope de dedidi prétérit de dedere. Tuli, latum, ne viennent point de fero. Tuli qu'on prononçait touli, vient de tollo ; sustuli vient de sustulo ; et latum vient de par syncope de , suffero, sustineo.

L'auteur du Novitius dit que latum vient du prétendu verbe inusité, lare, lo, mais il n'en rapporte aucune autorité. Voyez VOSSIUS, de art. gramm. t. II. p. 1. 150.

C'est ainsi que fui ne vient pas du verbe sum : nous avons de pareilles pratiques en français : je vas, j'ai été, j'irai, ne viennent point d'aller. Le premier vient de vadere, le second de l'italien stato, et le troisième du latin ire.

S'il eut été possible que les langues eussent été le résultat d'une assemblée générale de la nation, et qu'après bien des discussions et des raisonnements, les philosophes y eussent été écoutés et eussent eu voix délibérative ; il est vraisemblable qu'il y aurait eu plus d'uniformité dans les langues. Il n'y aurait eu, par exemple, qu'une seule conjugaison et un seul paradigme, pour tous les verbes d'une langue ; mais comme les langues n'ont été formées que par une sorte de métaphysique d'instinct et de sentiment, s'il est permis de parler ainsi ; il n'est pas étonnant qu'on n'y trouve pas une analogie bien exacte, et qu'il y ait des irrégularités : par exemple, nous désignons la même vue de l'esprit par plus d'une manière ; soit que la nature des lettres radicales qui forment un mot, amène cette différence, ou par la seule raison du caprice et d'un usage aveugle ; ainsi nous marquons la première personne au singulier, quand nous disons j'aime ; nous désignons aussi cette première personne en disant je finis, ou bien je reçais, ou je prends, etc. Ce sont ces différentes sortes de terminaisons auxquelles les verbes sont assujettis dans une langue, qui font les différentes conjugaisons, comme nous l'avons déjà observé. Il y a des langues où les différentes vues de l'esprit sont marquées par des particules, dont les unes précèdent et d'autres suivent les radicales : qu'importe comment, pourvu que les vues de l'esprit soient distinguées avec netteté, et que l'on apprenne par usage à connaître les signes de ces distinctions ?

Parmi les auteurs qui ont composé des grammaires pour la langue hébraïque, les uns comptent sept conjugaisons, d'autres huit : Masclef n'en veut que cinq, et il ajoute qu'à parler exactement ces cinq devraient être réduites à trois. Quinque illae, accurate loquendo, ad tres essent reducendae. Grammaire Hebraïc. ch. IVe n. 4. p. 79. édit. 2.

Nous nous contenterons d'observer ici que les verbes hébreux ont voix active et voix passive. Ils ont deux nombres, le singulier et le pluriel ; ils ont trois personnes, et en conjuguant on commence par la troisième personne, parce que les deux autres sont formées de celle-là, par l'addition de quelques lettres.

En hébreu, les verbes ont trois genres, comme les noms, le genre masculin, le féminin, et le genre commun ; en sorte que l'on connait par la terminaison du verbe, si l'on parle d'un nom masculin, ou d'un nom féminin ; mais dans tous les temps la première personne est toujours du genre commun. Au reste les Hébreux n'ont point de genre neutre ; mais lorsque la même terminaison sert également pour le masculin ou pour le feminin, on dit que le mot est du genre commun ; c'est ainsi que l'on dit en latin, hic adolescens, ce jeune homme, et haec adolescens, cette jeune fille ; civis bonus, bon citoyen, et civis bona, bonne citoyenne ; et c'est ainsi que nous disons, sage, utile, fidèle, tant au masculin qu'au féminin ; on pourrait dire aussi que dans les autres langues, telles que le grec, le latin, le français, etc. toutes les terminaisons des verbes dans les temps énoncés par un seul mot sont du genre commun ; ce qui ne signifierait autre chose sinon qu'on se sert également de chacune de ces terminaisons, soit qu'on parle d'un nom masculin ou d'un nom féminin.

Les Grecs ont trois espèces de verbes par rapport à la conjugaison ; chaque verbe est rapporté à son espèce suivant la terminaison du thême. On appelle thême, en termes de grammaire grecque, la première personne du présent de l'indicatif. Ce mot vient de pono, parce que c'est de cette première personne que l'on forme les autres temps ; ainsi l'on pose d'abord, pour ainsi dire, ce présent, afin de parvenir aux formations régulières des autres temps.

La première espèce de conjugaison est celle des verbes qu'on appelle barytons, de , grave, et de , ton, accent, parce que ces verbes étaient prononcés avec l'accent grave sur la dernière syllabe ; et quoique aujourd'hui cet accent ne se marque point, on les appelle pourtant toujours barytons : tendo, verbero, sont des verbes barytons.

2. La seconde sorte de conjugaison, est celle des verbes circonflexes : ce sont des verbes barytons qui souffrent contraction en quelques-unes de leurs terminaisons, et alors ils sont marqués d'un accent circonflexe ; par exemple amo, est le baryton, et le circonflexe.

Les barytons et les circonflexes sont également terminés en à la première personne du présent de l'indicatif.

3. La troisième espèce de verbes grecs, est celle des verbes en , parce qu'en effet ils sont terminés en , sum.

Il y a six conjugaisons des verbes barytons ; elles ne sont distinguées entr'elles que par les lettres qui précèdent la terminaison.

On distingue trois conjugaisons de verbes circonflexes : la première est des barytons en : la seconde de ceux en , et la troisième de ceux en : ces trois sortes de verbes deviennent circonflexes par la contraction en .

On distingue quatre conjugaisons des verbes en ; et ces quatre jointes à celles des verbes barytons, et à celles des circonflexes, cela fait treize conjugaisons dans les verbes grecs.

Tel est le système commun des Grammairiens ; mais la méthode de P. R. réduit ces treize conjugaisons à deux : l'une des verbes en qu'elle divise en deux espèces : 1. celle des verbes qui se conjuguent sans contraction, et ce sont les barytons : 2. celle de ceux qui sont conjugués avec contraction, et alors ils sont appelés circonflexes. L'autre conjugaison des verbes grecs est celle des verbes en .

Il y a quatre observations à faire pour bien conjuguer les verbes grecs : 1. il faut observer la terminaison. Cette terminaison est marquée ou par une simple lettre, ou par plus d'une lettre.

2. La figurative, c'est-à-dire, la lettre qui précède la terminaison ; on l'appelle aussi caractéristique, ou lettre de marque. On doit faire une attention particulière à cette lettre 1. au présent, 2. au prétérit parfait, 3. et au futur de l'indicatif actif ; parce que c'est de ces trois temps que les autres sont formés. La subdivision des conjugaisons, et la distinction des temps des verbes, se tire de cette lettre figurative, ou caractéristique.

3. La voyelle, ou la diphtongue qui précède la terminaison.

4. Enfin, il faut observer l'augment. Les lettres que l'on ajoute avant la première syllabe du thême du verbe, ou le changement qui se fait au commencement du verbe, lorsqu'on change une breve en une longue, est ce qu'on appelle augment ; ainsi il y a deux sortes d'augments. 1. L'augment syllabique qui se fait en certains temps des verbes qui commencent par une consonne, par exemple, , verbero, est le thême sans augment ; mais dans , verberabam, est l'augment syllabique, qui ajoute une syllabe de plus à .

2. L'augment temporel se fait dans les verbes qui commencent par une voyelle breve, que l'on change en une longue, par ex. , traho, , trahebam.

Ainsi non seulement les verbes grecs ont des terminaisons différentes, comme les verbes latins ; mais de plus, ils ont l'augment qui se fait en certains temps, et au commencement du mot.

Voilà une première différence entre les verbes grecs, et les verbes latins.

2. Les Grecs ont un mot de plus ; c'est l'optatif, qui en grec a des terminaisons particulières, différentes de celles du subjonctif ; ce qui n'est pas en latin.

3. Les verbes grecs ont le duel, au lieu qu'en latin ce nombre est confondu avec le pluriel. Les Grecs ont un plus grand nombre de temps ; ils ont deux aoristes, deux futurs, et un paulò-post futur dans le sens passif, à quoi les Latins suppléent par des adverbes.

5. Enfin les Grecs n'ont ni supins, ni gérondifs proprement dits ; mais ils en sont bien dédommagés par les différentes terminaisons de l'infinitif, et par les différents participes. Il y a un infinitif pour le temps présent, un autre pour le futur premier, un autre pour le futur second, un pour le premier aoriste, un pour le second, un pour le prétérit parfait ; enfin il y en a un pour le paulò-post futur, et de plus il y a autant de participes particuliers pour chacun de ces temps-là.

Dans la langue allemande, tous les verbes sont terminés en en à l'infinitif, si vous en exceptez seyn, être, dont l'e se confond avec l'y. Cette uniformité de terminaison des verbes à l'infinitif, a fait dire aux Grammairiens, qu'il n'y avait qu'une seule conjugaison en allemand ; ainsi il suffit de bien savoir le paradigme ou modèle sur lequel on conjugue à la voix active, tous les verbes réguliers, et ce paradigme, c'est lieben, aimer ; car telle est la destination des verbes qui expriment ce sentiment, de servir de paradigme en presque toutes les langues : on doit ensuite avoir des listes de tous les verbes irréguliers.

J'ai dit que lieben était le modèle des verbes à la voix active ; car les Allemands n'ont point de verbes passifs en un seul mot : tel est aussi notre usage, et celui de nos voisins ; on se sert d'un verbe auxiliaire auquel on joint ou le supin qui est indéclinable, ou le participe qui se décline.

Les Allemands ont trois verbes auxiliaires ; haben, avoir ; seyn, être ; werden, devenir. Ce dernier sert à former le futur de tous les verbes actifs ; il sert aussi à former tous les temps des verbes passifs, conjointement avec le participe du verbe ; surquoi il faut observer qu'en allemand, ce participe ne change jamais, ni pour la différence des genres, ni pour celle des nombres ; il garde toujours la même terminaison.

A l'égard de l'anglais, la manière de conjuguer les verbes de cette langue n'est point analogue à celle des autres langues : je ne sai si elle est aussi facîle qu'on le dit pour un étranger qui ne se contente pas d'une simple routine, et qui veut avoir une connaissance raisonnée de cette manière de conjuguer. Wallis, qui était anglais, dit que comme les verbes anglais ne varient point leur terminaison, la conjugaison qui fait, dit-il, une si grande difficulté dans les autres langues, est dans la sienne une affaire très-aisée, et qu'on en vient fort aisément à bout, avec le secours de quelques mots ou verbes auxiliaires. Verborum flexio seu conjugatio, quae in reliquis linguis maximam sortitur difficultatem, apud anglos levissimo negotio peragitur... verborum aliquot auxiliarium adjumento ferè totum opus perficitur. Wallis, gramm. ling. Ang. ch. VIIIe de verbo.

C'est à ceux qui étudient cette langue à décider cette question par eux-mêmes.

Chaque verbe anglais semble faire une classe à part ; la particule prépositive to, est comme une espèce d'article destiné à marquer l'infinitif ; de sorte qu'un nom substantif devient verbe, s'il est précédé de cette particule : par exemple, murder, veut dire meurtre, homicide ; mais to murder, signifie tuer : lift, effort ; to lift, enlever : love, amour, amitié, affection ; to love, aimer, etc. Ces noms substantifs qui deviennent ainsi verbes, sont la cause de la grande différence qui se trouve dans la terminaison des infinitifs ; on peut observer presque autant de terminaisons différentes à l'infinitif, qu'il y a de lettres à l'alphabet, a, b, c, d, e, f, g, etc. to flea, écorcher ; to rob, voler, dérober ; to find, trouver ; to love, aimer ; to quaff, boire à longs traits ; to jog, secouer, pousser ; to cath, prendre, saisir ; to thank, remercier ; to call, appeler ; to lam, battre, frapper ; to run, courir ; to help, aider ; to wear, porter ; to toss, agiter ; to rest, se reposer ; to know, savoir ; to box, battre à coups de poing ; to marry, marier, se marier.

Ces infinitifs ne se conjuguent pas par des changements de terminaison, comme les verbes des autres langues ; la terminaison de ces infinitifs ne change que très-rarement. Ils ont deux participes ; un participe présent toujours terminé en ing, having, ayant, being, étant ; et un participe passé terminé ordinairement en ed ou 'd, loved, aimé : mais ces participes n'ont guère d'analogie avec les nôtres ; ils sont indéclinables, et sont plutôt des noms verbaux qui se prennent tantôt substantivement et tantôt adjectivement : ils énoncent l'action dans un sens abstrait ; par exemple, your marrying signifie votre marier, l'action de vous marier plutôt que votre mariant. Coming est le participe présent de to come, arriver, et signifie l'action d'arriver, de venir, ce que notre participe arrivant ne rend point. Les Anglais disent his coming, son arrivée, sa venue, son action d'arriver, et l'idée qu'ils ont alors dans l'esprit, n'a pas la même forme que celle de la pensée que nous avons quand nous disons venant, arrivant. C'est de la différence du tour, de l'imagination, ou de la différente manière dont l'esprit est affecté, que l'on doit tirer la différence des idiomes et du génie des langues.

C'est avec l'infinitif et avec les deux noms verbaux ou participes dont nous venons de parler, que l'on conjugue les verbes anglais, par le secours de certains mots et de quelques verbes auxiliaires. Ces verbes sont proprement les seuls verbes. Ces auxiliaires sont to have, avoir ; to be, être ; to do, faire, et quelques autres. Les personnes se marquent par les pronoms personnels i, je ; thou, tu ; he, il ; she, elle : et au pluriel, we, nous ; you, vous ; they, ils ou elles, sans que cette différence de pronoms apporte quelque changement dans la terminaison du nom verbal que l'on regarde communément comme verbe.

Les grammaires que l'on a faites jusqu'ici pour nous apprendre l'Anglais, du moins celles dont j'ai eu connaissance, ne m'ont pas paru propres pour nous donner une idée juste de la manière de conjuguer des Anglais. On rend l'anglais par un équivalent français, qui ne donne pas l'idée juste du tour littéral anglais, ce qui est pourtant le point que cherchent ceux qui veulent apprendre une langue étrangère ; par exemple, i do dine, on traduit je dine ; thou dost dine, tu dines ; he does dine, il dine. i, marque la première personne ; do, veut dire faire ; et dine, diner : il faudrait donc traduire, je ou moi faire diner, tu fais diner, il ou lui fait diner. Et de même there is, on traduit au singulier, il y a ; there, est un adverbe qui veut dire là, et is est la troisième personne du singulier du présent du verbe irrégulier to be, être, et are sert pour les trois personnes du pluriel ; ainsi il fallait traduire there is, là est, et there are, là sont, et observer que nous disons en français, il y a.

Le sens passif s'exprime en anglais, comme en allemand et en français, par le verbe substantif, avec le participe du verbe dont il s'agit, i am loved, je suis aimé.

Pour se familiariser avec la langue anglaise, on doit lire souvent les listes des verbes irréguliers qui se trouvent dans les grammaires, et regarder chaque mot d'un verbe comme un mot particulier, qui a une signification propre ; par exemple, i am, je suis ; thou art, tu es ; he is, il est : we are, nous sommes ; ye are, vous êtes ; they are, ils sont, etc. Je regarde chacun de ces mots-là avec la signification particulière, et non comme venant d'un même verbe. Am, signifie suis, comme sun signifie soleil, ainsi des autres.

Les Espagnols ont trois conjugaisons, qu'ils distinguent par la terminaison de l'infinitif. Les verbes dont l'infinitif est terminé en ar, font la première conjugaison : ceux de la seconde se terminent en er : enfin ceux de la troisième en ir.

Ils ont quatre auxiliaires, haver, tener, ser et estar. Les deux premiers servent à conjuguer les verbes actifs, les neutres et les réciproques : ser et estar sont destinés pour la conjugaison des verbes passifs.

La manière de conjuguer des Espagnols, est plus analogue que la nôtre à la manière des Latins. Leurs verbes ne sont précédés des pronoms personnels, que dans les cas où ces pronoms seraient exprimés en latin par la raison de l'énergie ou de l'opposition. Cette suppression des pronoms vient de ce que les terminaisons espagnoles font assez connaître les personnes.

Ce n'est pas ici le lieu de suivre toute la conjugaison, ce détail ne convient qu'aux grammaires particulières ; je n'ai voulu que donner ici une idée du génie de chacune des langues dont je parle par rapport à la conjugaison.

Les Italiens, dont tous les mots, si l'on en excepte quelques prépositions ou monosyllabes, finissent par une voyelle, n'ont que trois conjugaisons comme les Espagnols. La première est en are, la seconde en re long ou en re bref, et la troisième en ire.

On doit avoir des listes particulières de toutes les terminaisons de chaque conjugaison régulière, rangées par modes, temps, nombres et personnes ; en sorte qu'en mettant les lettres radicales devant les terminaisons, on conjugue facilement tout verbe régulier. On a ensuite des listes pour les irréguliers, sur quoi on peut consulter la méthode italienne de Veneroni, in -4°. 1688.

A l'égard du français, il faut d'abord observer que tous nos verbes sont terminés à l'infinitif ou en er, ou en ir ou en oir, ou en re, ainsi ce seul mot technique er-ir-oir-re, énonce par chacune de ces syllabes chacune de nos quatre conjugaisons générales.

Ces quatre conjugaisons générales sont ensuite subdivisées en d'autres à cause des voyelles, ou des diphtongues, ou des consonnes qui précèdent la terminaison générale ; par exemple, er est une terminaison générale, mais si er est précédé du son mouillé faible, comme dans envo-yer, ennu-yer, ce son apporte quelques différences dans la conjugaison ; il en est de même dans re, ces deux lettres sont quelquefois précédées de consonnes, comme dans vaincre, rendre, battre, &c.

Je crois que plutôt que de fatiguer l'esprit et la mémoire de règles, il vaut mieux donner une paradigme de chacune de ces quatre conjugaisons générales, et mettre ensuite au-dessus une liste alphabétique des verbes que l'usage a exceptés de la règle.

Je crois aussi que l'on peut s'épargner la peine de se fatiguer après les observations que les Grammairiens ont faites sur les formations des temps ; la seule inspection du paradigme donne lieu à chacun de faire ses remarques sur ce point.

D'ailleurs les Grammairiens ne s'accordent point sur ces formations. Les uns commencent par l'infinitif : il y en a qui tirent les formations de la première personne du présent de l'indicatif : d'autres de la seconde, etc. l'essentiel est de bien connaître la signification, l'usage et le service d'un mot. Amusez-vous ensuite tant qu'il vous plaira à observer les rapports de filiation ou de paternité que ce mot peut avoir avec d'autres. Nous croyons pouvoir nous dispenser ici de ce détail, que l'on trouvera dans les grammaires françaises. (F)

CONJUGAISON, en Anatomie, s'entend d'une paire de nerfs ou de deux nerfs, ayant la même origine et servant à la même opération de sentiment ou de mouvement, n'y ayant presqu'aucun nerf qui n'ait son semblable. Voyez NERF.

Les anciens Médecins ne connaissent que sept paires ou conjugaisons de nerfs ; les modernes en ont découvert quarante. Voyez NERF. Chambers. (L)