S. m. (Grammaire) discours chrétien prononcé en chaire, dans une église, pour instruire et édifier les fidèles.

SERMON DE J. C. (Critique sacrée) c'est ainsi qu'on nomme le discours que J. C. tint sur la montagne à ses apôtres, et qui se trouve dans S. Matthieu, ch. Ve VIe VIIe Il importe de nous étendre plus que de coutume sur ce discours de notre Seigneur, parce qu'il renferme plusieurs préceptes qui paraissent impraticables, à cause des conséquences qui en résultent nécessairement. Par exemple, J. C. dit : " Ne résistez point à celui qui vous fait du mal ; au contraire si quelqu'un vous frappe à la joue droite, présentez-lui aussi l'autre joue ", chap. Ve v. 39. C'est interdire la défense, qui est du droit naturel de tous les hommes, sans quoi ils ne sauraient se conserver. De même : " Si quelqu'un vous veut faire un procès pour avoir votre robe, laissez-lui aussi votre manteau ". Qu'on pratique ce précepte, et les gens de biens seront exposés à toutes les injures des méchants ; on les frappera, et on se moquera de leur patience, qui les exposera à de nouvelles injures, et au mépris. On les dépouillera de leur bien, et on les réduira eux et les leurs à la mendicité. Encore : " Ne vous amassez point des trésors sur la terre, où les vers et la rouille les consument, chap. VIe Ve 19. " Est-il donc défendu à un chrétien de profiter des bénédictions du ciel, de l'héritage de ses ancêtres, et du succès de son travail ? Ne peut-il rien amasser pour l'avenir, ni prévenir les revers de l'adversité ? Faudra-t-il qu'il vive au jour la journée, pendant qu'il peut très-innocemment se mettre à l'abri de la disette, et amasser de quoi subsister, lorsque l'âge ou la maladie le mettront hors d'état de travailler ? J. C. dit de même : " Ne vous mettez point en peine de ce qui regarde votre vie, de ce que vous mangerez, de ce que vous boirez, et à l'égard de votre corps de quoi vous vous habillerez, ch. Ve v. 25 ". Sur quoi le seigneur propose à ses disciples, l'exemple des oiseaux de l'air, qui ne sement ni ne moissonnent, et qui n'amassent rien dans les greniers : et celui des lis des campagnes, qui ne travaillent ni ne filent, et que Dieu prend soin de vêtir. Il défend aussi d'avoir aucun souci pour le lendemain, parce que le lendemain aura soin de ce qui le regarde, ibid. Ve 31. 33. Il veut enfin que ses disciples demandent les choses qui leur sont nécessaires, assurés que Dieu les leur donnera, chap. VIIe Ve 7. et suiv.

Pour accorder ces préceptes de J. C. avec la prudence et la justice, les interpretes ont cherché des explications ; ils ont limité les expressions générales du Sauveur ; ils y ont apposé des conditions. Quelques-uns ont cru que l'évangéliste avait obmis quelques paroles de J. C. qui auraient servi à entendre ses commandements, et à prévenir les mauvaises conséquences qui en résulteraient, si les Chrétiens les observaient à la rigueur ; d'autres ont imaginé des conseils évangéliques, c'est-à-dire, des conseils de perfection, qu'on n'est pas obligé de pratiquer pour être sauvé ; mais qui donnent à ceux qui les observent, un mérite supérieur aux autres, et des degrés de gloire dans le ciel. C'est une mauvaise défaite : tout est précepte, commandement ; et si bien commandement, que notre Seigneur finit son sermon sur la montagne, par la comparaison d'un homme prudent, qui bâtit sa maison sur le roc ; c'est celui qui observe les commandements qu'il vient de donner ; et d'un homme insensé qui bâtit sa maison sur le sable, chap. VIIe Ve 24. et suiv.

Cependant, comme on convient que si les Chrétiens voulaient observer plusieurs de ces commandements de J. C. la société serait bien-tôt renversée ; les gens de bien en proie à la violence des méchants ; le fidèle exposé à mourir de faim, parce qu'il n'aurait rien épargné dans sa prospérité, pour se nourrir et se vêtir dans l'adversité : en un mot, tout le monde avoue que les préceptes de N. S. ne sont pas incompatibles avec la sûreté et la tranquillité publiques : voilà ce qui a obligé les interpretes à recourir à des restrictions, à des modifications, à des paroles sousentendues ; mais tout cela n'est pas nécessaire, et nous parait trop recherché : un législateur qui donne des préceptes, doit s'expliquer clairement ; les paradoxes ne conviennent point dans les lois ; chacun y apporterait des restrictions et des modifications à son gré.

Ce qui a jeté les interpretes dans l'erreur, c'est qu'ils ont cru que les préceptes du Seigneur dans ces trois chapitres, regardaient tous les Chrétiens ; au lieu qu'ils devaient prendre garde, qu'encore qu'il y en ait beaucoup qui soient communs à tous les Chrétiens, il y en a beaucoup d'autres qui sont particuliers aux apôtres du Seigneur, et qui leur ont été donnés pour l'exercice du ministère dont ils furent revêtus. C'est ce que l'on verra, si l'on fait attention au récit de S. Luc, qui rapporte en abrégé le sermon de J. C. sur la montagne. Consultons-le ; cet évangéliste nous raconte, chap. VIe Ve 12. et suivants, que J. C. ayant passé la nuit en prières sur la montagne, lorsqu'il fut jour, appela ses disciples, c'est-à-dire, tous ceux qui faisaient profession de croire en lui ; et qu'alors il en choisit douze, qu'il nomma ses apôtres. Après cela il descendit dans la plaine avec ceux qu'il venait de se choisir, et guérit un grand nombre de malades. Ensuite il monta sur le penchant de la montagne, s'y assit, et ses disciples s'approchèrent de lui, Matth. c. Ve v. j. Ce sont donc ici les disciples auxquels il avait conféré l'apostolat : alors jetant les yeux sur eux, il leur dit ; ce sont les paroles de S. Luc, chap. VIe Ve 20. C'est donc à eux qu'il s'adresse, et non en général à toute la troupe, qui était au-bas de la montagne. Il vient de leur confier une charge ; il leur donne ses instructions ; rien de plus clair et de plus simple.

Il ne faut après cela que considérer divers endroits du sermon de J. C. pour voir que c'est à ses apôtres qu'il parle : " Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde, la ville assise sur une montagne, Matth. c. Ve v. 13. 14. ". Tout cela convient, non en général aux chrétiens, mais aux apôtres de J. C. destinés par leur ministère à préserver le monde du vice, et à prévenir les jugements de Dieu sur les hommes, en procurant la conversion des pécheurs. Ils étaient la lumière du monde par la prédication de l'Evangîle ; ils étaient la ville assise sur une montagne, pour servir de modèle et de spectacle à l'univers ; ils étaient la lampe qui devait éclairer tous ceux qui sont dans la maison, savoir dans l'Eglise de Dieu. Il les avertit qu'il n'est point venu abolir la loi ou les prophetes, mais les accomplir, ibid. Ve 19. C'est une instruction dont ils avaient grand besoin dans leur ministère. Il leur parle des peines et des récompenses, non-seulement de ceux qui auront observé ou violé la loi, ce qui ne regarde que les particuliers ; mais aussi de ceux qui auront enseigné aux hommes à la violer, ou à l'observer, ibid.

Le Seigneur dit encore à ses mêmes disciples : " Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et les autres choses vous seront accordées par-dessus, ibid. chap. VIe Ve 33. ". On peut donner à ces paroles un sens qui se rapporte à tous les Chrétiens en général, je l'avoue ; mais le vrai sens convient aux apôtres du Sauveur : cherchez à établir le royaume de Dieu et sa justice ; c'était à eux à établir le royaume de Dieu, dont ils étaient les ministres.

" Ne donnez point les choses saintes aux chiens, et ne jetez point vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, et que se tournant contre vous, ils ne vous déchirent, ibid. chap. VIIe Ve 6 ". Cela regarde évidemment les seuls apôtres, appelés à prêcher l'Evangile, et à qui J. C. donne ce précepte de prudence.

On voit donc clairement dans S. Luc, que le sermon du Seigneur, s'adresse aux apôtres, et non à la troupe ; en voici de nouvelles preuves. Après leur avoir prédit les persécutions qu'ils souffriront à cause de lui, il ajoute : " Réjouissez-vous alors, et soyez transportés de joie, parce qu'une grande récompense vous est assurée dans le ciel : car c'est ainsi que leurs pères ont traité les prophetes, Luc, VIe Ve 23 ". J. C. parle donc à ses apôtres, et les avertit des persécutions qu'ils auront à souffrir, comme les prophetes en ont essuyé. De même encore, il emploie la comparaison suivante : " Un aveugle peut-il conduire un autre aveugle ? ne tomberont-ils pas tous deux dans la fosse ? ibid. Ve 39 ". Ce propos regarde les seuls apôtres, appelés par leur ministère à conduire les autres hommes.

Dès qu'on a posé ce principe, que le sermon de notre Seigneur s'adresse à ses apôtres, il n'y a plus aucune difficulté. Tous les préceptes qui semblent choquer la prudence, la justice, ruiner la sûreté publique, et jeter le trouble dans la société ; tous ces préceptes, dis-je, sont très-justes, et n'ont plus besoin de limitation, ni de restriction. Les apôtres de J. C. occupés de leurs fonctions, ne doivent point s'amasser des trésors sur la terre. Il fallait sur toutes choses qu'ils se gardassent d'avarice ; ce défaut seul pouvant détruire tout le fruit de leur ministère. Ce sont eux que Dieu nourrira comme les oiseaux du ciel, qu'il vétira comme les lis des champs ; ce sont eux qui à l'exemple de leur maître, au ministère duquel ils ont succédé, doivent quand on leur frappe sur une joue, présenter aussi l'autre, c'est-à-dire, user de la plus grande modération. Ils seront les victimes du monde, mais la foi chrétienne dont ils sont les ministres, ne peut s'établir autrement que par la patience ; ce sont eux qui ne doivent être en aucun souci du lendemain, parce que Dieu s'est chargé immédiatement de pourvoir à tous leurs besoins. Ce fut aussi pour cela que le Seigneur après les avoir choisis, les envoya, et leur défendit de faire aucune provision pour le voyage, parce que l'ouvrier est digne de son salaire, Luc, c. ix. Ve 3. et suivant, Matth. c. Xe Ve 1. et suivant.

Il ne faut pas cependant conclure de-là, que tous les préceptes des chap. Ve VIe et VIIe de S. Matthieu, ne regardent que les apôtres ; car ces saints hommes ont deux caractères, celui de fidèles, et celui d'apôtres de J. C. le Seigneur leur donne des commandements qui leur conviennent en ces deux qualités, et d'autres qui ne sont relatifs qu'à leur qualité d'apôtres et à leur ministère. Beausobre, remarques critiques. (D.J.)