S. f. (Grammaire) c'est en général tout corps réduit en très-petites portions séparées les unes des autres. Ces portions sont plus ou moins grosses ; et il y a des poudres grossières et des poudres menues.

POUDRE AUX VERS, (Botanique) nom vulgaire de la santoline ou semenecine, petite graine vermifuge, d'un goût amer et désagréable, qui nous vient seche de Perse. Voyez SANTOLINE. (D.J.)

POUDRE A VERS, (Matière médicale) Voyez BARBOTINE et SEMEN CONTRA.

POUDRES OFFICINALES, (Pharm. thér.) on garde dans les boutiques des Apothicaires, sous forme de poudres, un grand nombre de médicaments tant simples que composés. Il est traité des poudres simples dans les articles particuliers destinés aux diverses matières qu'on réduit en poudre pour l'usage de la Médecine. Ainsi il s'agit de la poudre d'iris, de la poudre d'hypecacuanha, ou plutôt de l'iris en poudre et de l'hypecacuanha en poudre. Voyez IRIS et HYPECACUANHA. Car il faut observer que cette expression poudre d'iris, ou poudre d'hypecacuanha, serait au moins équivoque, parce qu'elle est rarement usuelle dans ce sens-là : on ne l'emploie communément que pour désigner des poudres composées, qu'on spécifie par le nom de l'un de leurs ingrédiens déterminé par un choix fort arbitraire, selon l'usage ou l'abus introduit et perpetué en Pharmacie. Voyez COMPOSITION, Pharm. Ainsi, par exemple, il y a une poudre composée d'iris, que cette expression poudre d'iris désignerait spécialement. Il est encore fait mention de ces poudres composées, dans les articles particuliers destinés à la drogue simple qui leur donne leur nom. Voyez, par ex. POUDRE des trois santaux, au mot SANTAL, POUDRE de roses, ou DIARRHODON, au mot ROSES, POUDRE des pattes d'écrevisses, au mot ECREVISSE, etc.

Nous allons rapporter seulement ici la dispensation et les usages de quelques autres poudres composées fort usuelles, et qui portent tout autre nom que celui de leurs matériaux.

Poudre d'algaroth, ou mercure de vie. Le remède qui porte ce nom, est une préparation chimique d'antimoine ; c'est le beurre d'antimoine précipité par l'eau. Voyez sous le mot ANTIMOINE.

Poudre antispasmodique de la pharmacopée de Paris. Prenez du bois de gui de chêne une once et demie, de racine de valeriane sauvage, de dictame blanc et de pivoine mâle ; de semence de pivoine mâle et de corne de pied d'élan préparée, de chacun demi-once ; semence d'arroche deux gros, corail rouge préparé, succin jaune, corne de cerf philosophiquement préparée, de chacun une dragme et demie ; castoreum un scrupule, cinabre factice deux dragmes : faites selon l'art une poudre très-subtile. Cette poudre, pour être réellement efficace, doit être donnée à haute dose dans les maladies nerveuses : la dose ordinaire qui est d'un demi-gros ou d'un gros tout au plus, parait insuffisante. Voyez ci-dessous POUDRE de guttete.

Poudre contre les vers, qu'il faut distinguer de la poudre à vers, Voyez POUDRE à vers ou semen contra. Voyez SEMEN CONTRA. Prenez coralline porphyrisée, semen contra, semences d'absynthe vulgaire, de tanaisie, de pourpier, de citron, des feuilles de scordium et de séné, de rhubarbe choisie, de chacun parties égales ; faites selon l'art une poudre que vous renouvellerez chaque année. Cette poudre composée qui se trouve dans la pharmacopée de Paris, est réellement un bon contre-vers qu'on peut donner à la dose d'une dragme jusqu'à deux ; il est cependant moins éprouvé que les compositions analogues dans lesquelles on fait entrer la racine de fougère et l'écorce de racine de murier. Voyez FOUGERE et MURIER, Mat. med.

POUDRE CORNACHINE, POUDRE de tribus, POUDRE du comte de Warvick ; ce dernier nom lui vient de son inventeur, d'un comte de Warvick qui commandait les galeres du grand duc de Toscane au commencement du dernier siècle. Ce comte de Warvick donna son secret à Marc Cornacchini, professeur de Médecine à Pise, qui en a exposé les vertus et la composition dans un petit traité, d'où le charlatan Aillaud parait avoir tiré la substance de l'écrit qu'il a fait courir, pour annoncer sa poudre qui est purgative comme la poudre cornachine. Voyez SECRETS, Médecine. On voit que cet autre nom de poudre cornachine est dû au professeur Cornacchini ; quant à celui de poudre de tribus, il est dû au nombre des ingrédiens.

La poudre cornachine est un mélange à parties égales de diagrede, de crême de tartre et d'antimoine diaphorétique. Le professeur Cornacchini ne fait pas mention de la lotion de son antimoine diaphorétique ; mais il parait que ce n'est-là qu'une omission, car il emploie pour le préparer, six parties de nitre, pour une d'antimoine ; et il observe qu'après la calcination, la quantité de la matière est à-peu-près la même qu'avant cette opération ; ce qui ne serait certainement point, s'il n'avait enlevé par la lotion une grande partie des sels : quoi qu'il en sait, c'est l'antimoine diaphorétique lavé qu'on emploie dans la composition de la poudre cornachine.

La poudre cornachine est un bon purgatif hydragogue, qui est rentré depuis qu'il a perdu la vogue et l'appui de la charlatanerie dans les classes des purgatifs ordinaires. Voyez PURGATIF. On peut le donner depuis demi-gros jusqu'à un gros, un gros et demi, et même deux gros et davantage dans les sujets vigoureux et dans le cas de vrais relâchements. Voyez PURGATIF.

POUDRE DE GUTTETE VULGAIRE de la pharmacopée de Paris ; prenez bois de gui de chêne, racine de dictame blanc et de pivoine mâle, semences de pivoine mâle, de chacun demi-once ; semence d'arroche et corail rouge préparé, de chacun deux dragmes, cornes de pied d'elan préparées, demi-once, faites une poudre très-subtile.

Cette poudre est regardée comme une espèce de spécifique dans les maladies nerveuses, et principalement dans l'épilepsie, le tremblement des membres convulsif, la paralysie, etc. Mais quoique plusieurs célèbres Médecins ne manquent presque jamais de la mettre en usage dans ces cas, on peut assurer que sa prétendue vertu anti-spasmodique n'est point constatée par un succès décidé, et qu'il parait au contraire la renvoyer avec justice dans la foule des remèdes inutiles : ce n'est pas au reste que la plupart de ces ingrediens ne puissent posséder réellement la vertu anti-spasmodique ; mais cette vertu fût-elle d'ailleurs véritablement démontrée, il parait qu'on ne saurait espérer aucun effet marqué de la petite dose à laquelle on emploie communément cette poudre : cette dose n'excède guère une demi-dragme ; or comme elle ne contient point l'ingredient le plus actif de la poudre anti-spasmodique ci-dessus décrite, savoir la racine de valeriane sauvage, il est encore plus vrai de la poudre de guttete, que de la poudre anti-spasmodique, qu'elle doit être donnée à haute dose. Quant au castoreum et au cinnabre qui entrent dans la poudre anti-spasmodique, et qui n'entrent point dans la poudre de guttete, ce n'est pas-là de quoi fonder une différence qui mérite quelque considération ; car le castor est employé pour cela dans la première en trop petite dose, et le cinnabre n'y est absolument utîle que pour la coloration. Voyez COLORATION, Pharmacie. Il suit que de ces deux poudres qui ont entr'elles beaucoup d'analogie, la poudre anti-spasmodique est la meilleure, et qu'il faut donner l'une et l'autre à haute dose.

POUDRE PECTORALE ou LOOCH SEC de la pharmacopée de Paris ; prenez mère de perles préparées ; corne de cerf philosophiquement préparée, et ivoire calciné à blancheur, de chacun un gros et demi ; sucre candi en poudre deux gros et demi, beurre de cacao un gros et demi, racines de guimauve et de réglisse seches, gommes arabique et adragan de chacun deux scrupules, de racine seche d'iris de Florence demi-gros, de cachou dix-huit grains ; faites une poudre selon l'art. Ce mélange d'absorbans de matières mucilagineuses ou douces, d'une matière huileuse très-grasse, légèrement animé par le parfum de l'iris et par l'amertume du cachou, est un remède composé avec intelligence, et qui est très-utîle dans les toux gutturales, et dans les toux stomachales : ce serait une addition très-avantageuse à cette poudre, qu'une dose modérée d'opium.

POUDRES STERNUTATOIRES, prenez feuilles seches de marjolaine et de bétoine, fleurs seches de muguet, de chacun un gros, feuilles seches de cabaret un demi-gros, faites une poudre selon l'art.

Cette poudre est un sternutatoire assez puissant, et surtout à raison des feuilles de cabaret : on ne peut cependant le regarder que comme un remède tempéré, en comparaison de beaucoup de remèdes violents dont est pourvue la classe des sternutatoires. Voyez STERNUTATOIRE.

POUDRE TEMPERANTE appelée de Stahl ; prenez tartre vitriolé et nitre purifié de chacun trois gros, cinnabre factice deux scrupules ; faites une poudre subtîle selon l'art.

On croit avec beaucoup de fondement que c'est-là la poudre que le célèbre Stahl employait beaucoup dans sa pratique, sous le nom de poudre tempérante, quoiqu'il ne soit pas évident que c'en fût-là positivement la composition. Quoi qu'il en sait, la poudre que nous venons de décrire, est un remède très-employé dans la pratiqué la plus suivie, et dont la vertu réelle dépend des deux sels neutres ; car le cinnabre ne parait servir qu'à la colorer : cette poudre s'ordonne à petite dose, à celle de cinq, six ou dix grains au plus qu'on réitère plusieurs fois dans la journée, et cela dans la vue d'opérer l'effet annoncé par le titre qu'elle porte, savoir de tempérer. Voyez TEMPERANS, Thérapeutique.

POUDRE DE ZELL connue aussi sous le nom de pulvis auratus germanorum ; prenez cinnabre factice porphyrisé une once, cinnabre d'antimoine pulverisé demi-gros, sucre candi en poudre deux onces ; pulverisez de nouveau ces trois ingrédiens en les porphyrisant ensemble : alors prenez d'ailleurs ambre gris une dragme que vous pulveriserez avec une partie de la poudre précédente et que vous mêlerez ensuite exactement avec tout le reste de cette poudre. Le mélange étant exactement fait, ajoutez peu-à-peu huîle de cannelle un gros, et gardez cette poudre dans un vase exactement fermé.

La poudre de Zelle est un de ces remèdes précieux que la charlatanerie et la crédulité ont mis en vogue en divers temps par la considération même de leur prix, comme si être cher était la même chose qu'être bon. Quoi qu'il en sait, la poudre de Zell n'est véritablement, ou du moins évidemment médicamenteuse, que par l'ambre gris (qui est en même temps son ingrédient le plus cher), et par l'huîle de cannelle, qu'au reste il serait plus conforme aux règles de l'art d'unir d'avance au sucre. Ces deux substances sont cordiales, toniques, stomachiques, échauffantes, aphrodisiaques, nervines ; les cinnabres qui sont donnés pour posséder cette dernière vertu, et même la vertu anti-spasmodique, sont très-vraisemblablement des substances sans vertu, lorsqu'on les prend intérieurement en substance : d'ailleurs c'est pure charlatanerie ou ignorance grossière, que d'employer en même temps le cinnabre factice et le cinnabre d'antimoine, et de les employer en des doses si différentes ; car le cinnabre factice vulgaire, et le cinnabre d'antimoine ne diffèrent point chimiquement ou absolument, et ne diffèrent certainement point médicinalement, lors même qu'on les emploie utilement, par exemple dans les fumigations.

Au reste, la poudre de Zell est très-peu usitée en France. (b)

POUDRE, (Chimie et Pharmacie) produit de la pulvérisation. Voyez PULVERISATION, (Chimie et Pharmacie.)

POUDRE d'Aillaud, voyez SECRETS, (Médecine)

POUDRE DE PROJECTION, (Alch.) voyez sous le mot PROJECTION.

POUDRE DE SYMPATHIE, voyez VITRIOL.

POUDRE D'ALGAROTH, ou MERCURE DE VIE, noms qu'on donne en Chimie, au beurre d'antimoine précipité par l'eau. Voyez à l'article ANTIMOINE.

POUDRE DES CHARTREUX, (Chim. et Mat. méd.) voyez KERMES MINERAL.

POUDRE DU COMTE DE PALMA, (Matière médicale) voyez MAGNESIE BLANCHE.

POUDRE DE SENTINELLI, (Matière médicale) voyez MAGNESIE BLANCHE.

POUDRE SOLAIRE, (Chimie) nom donné par Basîle Valentin et autres chimistes, à une poudre de couleur pourpre qu'on tire de l'or. On l'a fait en préparant un amalgame d'or et de mercure, et après que le mercure a été exhalé par un feu de reverbere, le résidu se mêle avec du soufre et se calcine par un feu gradué, jusqu'à ce qu'il soit réduit en poudre de couleur purpurine. On appelle aussi cette poudre le manteau rouge, et on lui attribue plusieurs vertus, fondées sur l'imagination. (D.J.)

POUDRE DE SYMPATHIE, (Médecine) poudre de vitriol blanc calciné, à laquelle on a donné des vertus occultes pour guérir les hémorrhagies, sans qu'il fût besoin de l'employer intérieurement ni extérieurement sur la blessure. Les effets admirables de la poudre sympathique, firent grand bruit vers le milieu du dernier siècle : tout le monde en a oui parler ; mais tout le monde n'en sait pas l'histoire : retraçons-la briévement.

Le chevalier Kénelme Digby irlandais, étant à Rome, acheta d'un moine italien le secret d'une préparation de vitriol, pour arrêter les hémorrhagies. Il la nomma poudre de sympathie, parce que loin de se contenter des éloges que sa poudre pouvait justement mériter en qualité de styptique dans les légères effusions de sang, il lui donna des vertus romanesques, prétendant que sa poudre guérissait toutes sortes de blessures, sans qu'il fût besoin de toucher, ni même de voir les malades. Un seul fait trompeur en imposa à la crédulité de Jacques I. et fit à sa cour la fortune du remède sympathique. La merveille de ce remède passa la mer avec le chevalier Digby : il vint se réfugier à Paris, détailla avec quelque art dans un ouvrage, la relation de ses cures surprenantes, et s'efforça de prouver par des hypothèses, la possibilité des guérisons sympathiques. Il séduisit par son esprit une nation avide des nouveautés, et surtout des nouveautés agréables. On ne s'entretenait que des miracles de la poudre sympathique ; et comme tout le monde en voulait avoir, les charlatants se multiplièrent pour en distribuer ; ils ne s'embarrassèrent plus dans leurs préparations, de purifier le vitriol. Ils firent et débitèrent diverses poudres blanches, composées des matières les plus bizarres qui s'offrirent à leur imagination, d'ongles, de cheveux, d'os calcinés, pulvérisés, et mêlés avec un peu de vitriol.

Les gens de bon sens se récrièrent en vain contre la crédulité pitoyable des grands et du peuple ; ils ne furent point écoutés : mais ce qu'ils ne purent gagner par des raisonnements solides, la comédie en triompha par la plaisanterie. Montfleury s'avisa de jouer cette folie sur le théâtre, et y jeta tant de ridicule, qu'il en guérit sa nation pour toujours. C'est dans la pièce intitulée la Fille médecin, que notre auteur dramatique a traité ce sujet, et l'a traité si parfaitement, qu'il n'a rien laissé à désirer. La scène de cette pièce, où il se moque ingénieusement de la poudre de sympathie, est un modèle d'excellent comique. Le lecteur à qui je vais la mettre sous les yeux, ne me dédira peut-être pas : les personnages sont, Géronte, père de Lucîle malade, le médecin sympathique, Eraste, Crispin valet, et Lisette suivante. Il est question de la maladie de la fille de Géronte : écoutons leur conversation. Acte III. scène iv.

Le Médecin sympathique.

Le logis de monsieur Géronte, est-ce-là ?

Géronte.

Oui ; voici ma maison, monsieur, et me voilà.

Crispin.

Voici le médecin en question sans doute !

A sa mine,

Eraste.

Dans peu nous le saurons, écoute.

Le médecin.

Votre fille a, dit-on, besoin de mon secours,

Monsieur, et je viens mettre une allonge à ses jours.

La santé par mes soins, à qui tout est facile,

Va faire élection chez vous de domicîle ;

Car je guéris par-tout où je me vois mandé :

Tutò, citò, monsieur, et de plus jucundè.

Géronte.

Mais par malheur pour moi ma fille prévenue,

D'un autre médecin qui dès hier l'avait vue,

S'étant sur ce chapitre expliquée aujourd'hui,

Ne veut se laisser voir à personne qu'à lui.

J'en suis fâché, monsieur ; car pour ne vous rien taire,

Vous ne sauriez la voir.

Le médecin.

Il n'est pas nécessaire.

Et je puis sans cela la guérir dès ce soir.

Géronte.

Quoi ! vous la guérirez sans la voir ?

Le médecin.

Sans la voir.

Cela ne sert de rien.

Géronte.

L'admirable méthode !

Je suis ravi, monsieur, de vous voir si commode ;

Et sans perdre de temps, puisque votre bonté

Veut bien lever pour nous cette difficulté,

Je vous vais de son mal, faire un récit sincère,

Afin que vous sachiez,

Le médecin.

Il n'est pas nécessaire.

Que je le sache ou non, tout cela m'est égal.

Géronte.

Quoi, monsieur, sans la voir, et sans savoir son mal,

Vous guérirez ma fille ?

Le médecin.

Et cent autres comme elle !

J'ai trouvé, pour guérir, une mode nouvelle,

Prompte, sure, agréable, et facile.

Géronte.

Tant mieux !

Crispin.

Voici quelque sorcier,

Eraste.

Ou quelque cerveau creux.

Géronte.

Puisque vous ne voulez ni la voir, ni l'entendre,

Dites-nous que faut-il, monsieur, lui faire prendre ?

Le médecin.

Rien du tout.

Géronte.

Rien du tout ! Quand vous traitez quelqu'un,

Quoi ! Vous n'ordonnez pas quelque remède ?

Le médecin.

Aucun.

Géronte.

Ni sans savoir son mal, sans le voir, sans remède,

Vous le guérissez ?

Le médecin.

Oui.

Géronte.

Certes il faut qu'on vous cede :

Les autres médecins vont être désolés.

Le médecin.

Les autres médecins, monsieur, dont vous parlez,

Sont gens infatués d'une vieille méthode ;

Qui n'ont pas le talent d'inventer une mode

Pour guérir un malade.

Géronte.

Allons de grâce au fait.

Quelle cause produit ce surprenant effet ?

Que faut-il pour guérir Lucile, qui s'obstine ?

Le médecin.

De ses ongles rognés, ou bien de son urine,

Ou même si l'on veut de ses cheveux ; après

Par l'occulte vertu d'un mixte que je fais,

Je prétens la guérir, fut-elle en Amérique ?

Lisette à part.

Je gage que voici le docteur sympathique

Dont on a tant parlé.

Géronte.

Ce secret me surprend !

Mais comment se produit un miracle si grand ?

Comment s'opere-t-il ? Voyons, je vous en prie.

Le médecin.

C'est par cette vertu dite de sympathie :

Voici comment. Ce sont des effets merveilleux !

De ces ongles rognés, monsieur de ces cheveux,

Ou bien de cette urine, il sort une matière,

Comme de tous nos corps, subtile, singulière,

Que Démocrite appelle en ses doctes écrits,

Atomes, petits corps, monsieur, que je m'applique

A guérir par l'effort d'un mixte sympathique.

Ces petits corps guéris dès ce moment, dès-lors

Vont à-travers de l'air chercher les petits corps,

Qui sont sortis du corps du malade ; de grâce

Suivez-moi pas à pas ; ils pénètrent l'espace

Qui les a séparés depuis qu'ils sont dehors,

Sans s'arrêter jamais aux autres petits corps,

Qui sont sortis du corps de quelqu'autre ; de sorte

Qu'ayant enfin trouvé dans l'air qui les transporte,

Les petits corps pareils à ceux dont nous parlons ;

Les susdits petits corps, comme des postillons,

Guéris par la vertu du mixte sympathique,

Leur portent la santé que je leur communique ;

Et le malade alors reprenant la vigueur,

Se sent gaillard, dispos, sans mal, et sans douleur.

Crispin.

Ainsi ces petits corps qui vont avec vitesse

Emportent par écrit avec eux leur adresse,

Et pour connaître ceux qu'ils vont chercher si loin,

Sans doute ils sont marqués, monsieur, à quelque coin.

Géronte.

Maraut, te tairas-tu ? mais docteur, écoutez ;

Ce remède est-il sur ?

Le médecin.

Sur ! si vous en doutez,

Qu'un malade ait la fiévre, et qu'on me donne en main

De ses ongles rognés, de ses cheveux ; soudain

Les mettant dans un arbre avec certains mélanges

Mon mixte produira des prodiges étranges ;

Et par un changement que l'on admirera,

L'homme perdra la fiévre, et l'arbre la prendra.

Crispin.

Ainsi si vous vouliez, vous donneriez les fiévres

A toute la forêt d'Orléans.

Géronte.

Si tes lèvres...

Eraste.

Cet homme aux petits corps n'a pas l'esprit trop sain....

Eraste avait raison ; mais les rires du parterre sur le médecin sympathique, et ses battements de mains à chaque discours du valet, confondirent tout ensemble les vendeurs de poudre, ceux qui en faisaient usage, et les Gérontes qui auraient eu beaucoup de penchant à donner leur confiance à ce remède. Ridiculum acri, etc. (D.J.)

POUDRE A CANON, composition qui se fait avec du salpêtre, du soufre, et du charbon mêlés ensemble, et mise en grains qui prennent aisément feu, et qui se raréfient ou s'étendent avec beaucoup de violence par le moyen de leur vertu élastique. Voyez ÉLASTICITE, RAREFACTION, etc.

C'est à cette poudre que nous devons tout l'effet des pièces d'artillerie et de mousqueterie, de sorte que l'art militaire moderne, les fortifications, etc. en dépendent entièrement. Voyez CANON, ARTILLERIE, FORTIFICATION, etc.

L'invention de la poudre est attribuée par Polydore Virgile, à un chimiste, qui ayant mis par hasard une partie de cette composition dans un mortier, et l'ayant couvert d'une pierre, le feu y prit et fit sauter la pierre en l'air avec beaucoup de violence.

Thevet dit que la personne dont on vient de parler était un moine de Fribourg, nommé Constantin Anelzen ; mais Belleforest et d'autres auteurs soutiennent, avec plus de probabilité, que ce fut un nommé Barlholde Schwartz, qui en allemand signifie le noir : on assure du moins que ce fut le premier qui enseigna l'usage de la poudre aux Vénitiens en 1380, pendant la guerre qu'ils eurent avec les Génois ; qu'elle fut employée pour la première fois contre Laurent de Médicis, dans un lieu qui s'appelait autrefois fossa Clodia, aujourd'hui Chioggia, et que toute l'Italie s'en plaignit comme d'une contravention manifeste aux lois de la bonne guerre.

Mais ce qui fait connaître que l'invention de la poudre est beaucoup plus ancienne, c'est que Pierre Mexia dit, dans ses leçons diverses, que les Mores étant assiégés en 1343, par Alphonse XI. roi de Castille, ils tirèrent certains mortiers de fer, qui faisaient un bruit semblable au tonnerre ; ce qui est confirmé par dom Pedre, évêque de Léon, qui dans la chronique du roi Alphonse, qui fit la conquête de Tolede, rapporte que dans un combat naval, entre le roi de Tunis et le roi more de Séville, il y a plus de 400 ans, ceux de Tunis avaient certains tonneaux de fer dont ils lançaient des foudres. Ducange ajoute que les registres de la chambre des comptes font mention de poudre à canon dès l'année 1338. Voyez CANON.

En un mot, il parait que Roger Bacon eut connaissance de la poudre plus de 150 ans avant la naissance de Schwartz. Cet habîle religieux en fait la description en termes exprès dans son traité de nullitate magiae, publié à Oxfort en 1216. Vous pouvez, dit-il, exciter du tonnerre et des éclairs quand vous voudrez ; vous n'avez qu'à prendre du soufre, du nitre, et du charbon, qui séparément ne font aucun effet, mais qui étant mêlés ensemble et renfermés dans quelque chose de creux et de bouché, font plus de bruit et d'éclat qu'un coup de tonnerre.

Manière de faire la poudre à canon. Il y a plusieurs compositions de la poudre à canon, par rapport aux doses de ces trois ingrédiens ; mais elles reviennent à-peu-près au même dans la plupart des écrivains pyrotechniques.

Le soufre et le salpêtre ayant été purifiés et réduits en poudre, on les met avec de la poussière de charbon dans un mortier humecté d'eau ou d'esprit-de-vin, ou de quelque chose de semblable : on pîle le tout pendant vingt-quatre heures, et l'on a soin de mouiller de temps en temps la masse pour l'empêcher de prendre feu ; enfin on passe la poudre au crible, ce qui lui donne la forme de petits grains ou globules que l'on fait sécher pour la dernière façon ; car la moindre étincelle que l'on ferait tomber dessus d'un briquet, enflammerait le tout sur-le-champ, et causerait un éclat des plus violents.

Il n'est pas difficîle de rendre compte de cet effet, car le charbon qui se trouve sur le grain où tombe l'étincelle, prenant du feu comme une amorce, le sel et le nitre se fondent promptement, le charbon s'enflamme, et dans le même instant tous les grains contigus subissent le même sort ; on sait d'abord que le salpêtre étant igné, se raréfie à un degré prodigieux. Voyez SALPETRE et RAREFACTION.

Newton raisonne sur cette matière en ces termes : Le charbon et le soufre qui entrent dans la poudre prennent feu aisément et allument le nitre ; et l'esprit de nitre étant raréfié par ce moyen se tourne en vapeur et s'échappe avec éclat, à-peu-près de la même manière que la vapeur de l'eau sort d'un éolipyle ; de même le soufre étant volatile, il se change en vapeur et augmente l'éclat. Ajoutez que la vapeur acide du soufre, et en particulier celle qui se distille sous une cloche, en huîle de soufre, venant à entrer avec violence dans le corps fixe du nitre, déchaine l'esprit du nitre, et excite une plus grande fermentation, ce qui augmente encore la chaleur, de sorte que le corps fixe du nitre en se raréfiant, se change aussi en fumée, et rend l'explosion plus prompte et plus violente ; car si on mêle du sel de tartre avec de la poudre à canon, et que l'on échauffe ce mélange jusqu'à ce qu'il prenne feu, l'explosion sera plus prompte et plus violente que celle de la poudre seule, ce qui ne peut venir que de la vapeur de la poudre qui agit sur le sel de tartre, et raréfie ce sel. Voyez POUDRE FULMINANTE.

L'explosion de la poudre à canon nait donc de l'action violente par laquelle tout le mélange étant promptement échauffé, se raréfie, et se change en fumée et en vapeur par la violence de cette action, s'échauffant au point de jeter une lueur ; elle parait aux yeux en forme de fumée. Voyez FEU.

M. de la Hire attribue toute la force et tout l'effet de la poudre au ressort ou élasticité de l'air renfermé dans les différents grains de la poudre, et dans les intervalles ou espaces qui se trouvent entre ces grains : la poudre étant allumée donne du jeu au ressort de toutes ces petites parties d'air et les dilate tout-à-la-fais ; c'est-là ce qui fait l'effet, la poudre même ne servant qu'à allumer un feu qui puisse mettre l'air en mouvement, après quoi tout le reste se fait par l'air seul. Voyez AIR.

La poudre à canon est une matière de grande conséquence, tant pour la spéculation que pour la guerre, et pour le commerce, dans lequel il s'en fait un débit incroyable, et elle mérite que nous entrions dans un détail encore plus particulier sur ce qui la regarde.

Pour faire donc de la bonne poudre, il faut avoir soin que le salpêtre soit bien purifié, et qu'il paraisse comme de beaux morceaux de crystal, autrement il faut le purifier en lui ôtant tout le sel fixe ou commun et les parties terrestres : cela fait, il faut dissoudre dix livres de nitre dans une quantité suffisante d'eau claire ; faites reposer, filtrer, et évaporer le tout dans un vaisseau verni jusqu'à ce qu'il soit diminué de moitié, ou jusqu'à ce qu'il paraisse au-dessus une petite peau ; pour-lors vous pouvez ôter le vaisseau de dessus le feu et le mettre à la cave. En vingt-quatre heures de temps, les crystaux s'étant formés, il faut les séparer de la liqueur ; continuez de même à crystalliser ainsi plusieurs fois la liqueur jusqu'à ce que tout le sel en soit tiré ; mettez ensuite ces crystaux dans un chauderon, et le chauderon sur une fournaise où il n'y ait d'abord qu'un feu modéré, que vous augmenterez par degrés jusqu'à ce que le nitre commence à fumer, à s'évaporer, à perdre son humidité, et à devenir d'un beau blanc. Pendant ce temps-là il faut le remuer continuellement avec une cuillere à pot, de peur qu'il ne reprenne sa première forme, par ce moyen vous lui ôterez toute sa graisse et ordure. Versez ensuite dans le chauderon assez d'eau pour en couvrir le nitre ; et lorsqu'il se trouve dissout et réduit à la consistance d'une liqueur épaisse, il faut le remuer avec la cuillere, sans aucune interruption, jusqu'à ce que toute l'humidité se soit évaporée de nouveau, et que le nitre soit réduit à une forme seche et blanche. Il faut prendre les mêmes précautions pour le soufre, en choisissant celui qui se trouve en gros volume, clair, et d'un beau jaune, qui ne soit point extrêmement dur ni compacte, mais poreux ; cependant il ne faut pas qu'il soit trop luisant ; si en l'approchant du feu il se consomme entièrement et ne laisse après lui que peu ou point de matière, c'est une marque de sa bonté ; de même, si on le presse entre deux plaques de fer assez chaudes pour le faire couler, et qu'en coulant il paraisse jaune, desorte cependant que la matière qui reste soit de couleur rougeâtre, on peut conclure qu'il fera de la bonne poudre : mais si le soufre renferme beaucoup de matières hétérogènes, on peut le purifier de cette manière : Faites fondre le soufre dans une grande cuillere ou pot de fer sur un petit feu de charbon bien allumé, mais qui ne jette point de flamme ; écumez tout ce qui vient au-dessus et qui nage sur le soufre : immédiatement après ôtez-le du feu et passez-le dans un linge double, sans rien presser ni précipiter, et vous aurez du soufre bien purifié, puisque toute la matière hétérogène sera restée dans le linge.

A l'égard du charbon, qui est le troisième ingrédient, il faut le choisir gros, clair, exempt de nœuds, bien brulé et cassant.

Il y a trois sortes de poudre, savoir de la poudre à canon, de la poudre à fusil, et de la poudre à pistolet ; et il y a deux espèces de chacune de ces sortes de poudre, savoir de la forte et de la faible ; mais toutes ces différences ne viennent que des différentes proportions des trois ingrédiens.

Voici ces proportions. Pour la forte poudre à canon on prend ordinairement 100 livres de salpêtre, 25 livres de soufre et autant de charbon : et pour la faible 100 liv. de salpêtre, 20 livres de soufre, et 24 livres de charbon. Pour la forte poudre à fusil 100 livres de salpêtre, 18 de soufre, et 20 de charbon : pour la faible 100 livres de salpêtre, 15 de soufre et 18 de charbon. Pour la forte poudre à pistolet 100 livres de salpêtre, 12 de soufre, et 15 de charbon : et pour la faible 100 livres de salpêtre, 10 de soufre, et 18 de charbon.

D'autres auteurs prescrivent d'autres proportions. Semienowitz veut que pour la poudre à mortier on prenne 100 livres de salpêtre, 15 de soufre, et autant de charbon. Pour la poudre à gros canon 100 livres de salpêtre, 15 de soufre, et 18 de charbon. Pour la poudre à fusil et à pistolet 100 livres de salpêtre, 8 de soufre, et 10 de charbon.

Miethius veut que sur une livre de salpêtre on mette 3 onces de charbon, et 2 onces ou 2 onces et un quart de soufre, et il assure qu'il n'est pas possible de faire de la poudre à canon meilleure que celle-ci. Il ajoute que c'est sans aucun fondement que l'on a introduit la coutume de faire de la poudre plus faible pour les mortiers que pour les canons, et que c'est pour multiplier les frais sans nécessité, puisqu'au lieu de 24 livres de poudre commune qu'il faut pour charger un gros mortier, et par conséquent 240 liv. pour dix charges, il fait voir par son calcul que 180 livres de poudre forte produiront le même effet.

A l'égard du détail de l'opération, il faut réduire d'abord en poudre très-fine, tous les ingrédiens, les humecter ensuite avec de l'eau claire ou du vinaigre, ou de l'esprit-de-vin, ou avec de l'eau et de l'esprit-de-vin mêlés ensemble, ou avec de l'urine dont on se sert ordinairement, les bien battre pendant vingt-quatre heures pour le moins, et les réduire en grains. Pour cet effet on prend un crible, avec un fond de parchemin épais et plein de petits trous ronds, on mouille la première masse de poudre pilée avec 20 onces d'esprit de vinaigre, de vin, 13 d'esprit de nitre, 2 d'esprit de sel ammoniac, et une de camphre, dissous dans de l'esprit-de-vin ; on mêle toutes ces choses ensemble, ou bien on prend 40 onces d'eau-de-vie et une de camphre que l'on mêle et que l'on dissout pour faire le même effet. Après qu'on a formé toute la composition en grosses boules comme des œufs, on les met dans le crible avec une boule de bois que l'on agite dans le crible, afin qu'elle brise les boules de poudre ; celle-ci en passant ainsi par les petits trous, se forme en petits grains proportionnés à ces trous.

Quand on veut faire une grande quantité de poudre, on se sert de moulins, avec lesquels on fait plus d'ouvrage dans un jour, qu'un homme n'en pourrait faire en cent. Voyez MOULIN.

On peut faire la poudre à canon de différentes couleurs, mais la noire est la meilleure.

Pour faire de la poudre blanche, prenez 10 livres de salpêtre, une de soufre, et deux de sciure de sureau, ou du même bois réduit en poudre ; mêlez le tout ensemble, et faites l'opération de la manière qu'il est dit ci-dessus ; ou bien mêlez deux livres de sciure de bois, avec dix livres de nitre et une livre et demie de soufre, seché et réduit en poudre fine, ou bien encore du bois pourri, seché et pulvérisé, avec deux livres trois onces de sel de tartre, faites en de la poudre, et enfermez-là pour la garantir de l'air.

Il faut observer aussi, qu'en faisant de la poudre à pistolet, si vous la voulez forte, il faut la remuer plusieurs fois pendant qu'elle est dans le mortier, la mouiller avec de l'eau distillée d'écorce d'orange et de citron, et la battre pendant vingt heures.

La poudre grenue a plus de force que celle qui est en poussière, parce que l'air se trouve comprimé dans chacun de ses grains, et les gros grains font plus d'effet que les petits ; c'est pourquoi les grains de poudre à canon sont toujours plus gros que ceux des autres poudres, et en chargeant une pièce d'artillerie, il ne faut point briser les grains.

Il y a trois manières d'éprouver la bonté de la poudre. 1°. A la vue ; car si elle est trop noire, c'est une marque qu'elle a été trop mouillée, ou qu'on y a mis trop de charbon ; de même si on la frotte sur du papier blanc, elle le noircit plus que de la bonne poudre ; mais si elle est d'une espèce de couleur d'azur tirant un peu sur le rouge, c'est un signe qu'elle est bonne. 2°. Au tact ; car si en la pressant entre les extrémités des doigts, les grains se brisent aisément, et retournent en poussière douce, c'est un signe qu'il y a trop de charbon ; ou si en la pressant avec les doigts sur une planche dure et unie, on trouve des grains plus durs les uns que les autres qui impriment dans les doigts une espèce de dentelure, c'est un signe que le soufre n'a point été mêlé comme il faut avec le nitre, et que par conséquent la poudre ne vaut rien. 3°. Par le feu ; car si l'on met des petits tas de poudre sur du papier blanc, à la distance de trois pouces ou davantage les uns des autres, et qu'en mettant le feu à un de ces tas, il se consume tout seul avec promptitude, et presqu'imperceptiblement, sans mettre le feu aux autres, mais en donnant un petit coup, et en faisant monter en l'air une petite fumée blanche, en forme de cercle, c'est un signe que la poudre est bonne ; si elle laisse des taches noires sur le papier, c'est qu'elle a trop de charbon, ou que le charbon n'est point assez brulé ; si elle y fait des taches de graisse, c'est que le soufre ou le nitre n'ont point été assez bien purifiés ; si l'on met deux ou trois grains sur un papier, à un pouce de distance les uns des autres, et qu'en mettant le feu à l'un ils prennent tous à-la-fais, sans laisser derrière eux d'autre marque qu'une petite fumée blanche, et sans endommager le papier, c'est encore un signe que la poudre est bonne : il en est de même si en mettant le feu à quelques grains de poudre dans la main d'une personne, ils ne brulent point la peau ; mais si l'on remarque des taches noires, c'est une marque que la poudre fait son effet en bas, qu'elle n'est point assez forte, et qu'elle manque de nitre.

Pour racommoder la poudre gâtée, les marchands ont coutume de l'étendre sur une voîle de navire, de la mêler avec une quantité égale de bonne poudre, de la bien remuer avec une pelle, de la faire sécher au soleil, de la remettre dans des barrils, et de la garder dans un lieu propre et sec.

D'autres racommodent la poudre, quand elle est fort mauvaise, en la mouillant avec du vinaigre, de l'eau, de l'urine et de l'eau-de-vie, en la pilant bien fin, en la tamisant, et en ajoutant à chaque livre de poudre une once et demie ou deux onces de salpêtre fondu suivant le point auquel elle est gâtée ; ensuite il faut mouiller et mêler ces ingrédiens, de manière que dans la composition il ne paraisse aucune différence. Pour cet effet on coupe la masse et on l'examine, et si elle est bien uniforme, on la met en grain comme il est dit ci-dessus.

Au cas que la poudre soit absolument gâtée, tout ce qu'on peut faire, c'est d'en extraire le salpêtre avec de l'eau, en la faisant bouillir, filtrer, évaporer et crystalliser à l'ordinaire, et en la mêlant de nouveau avec du soufre et du charbon. Chambers.

Outre les observations qu'on vient de voir, qui servent à décider de la bonté de la poudre, on s'est servi de différentes machines propres à cet effet, appelées éprouvettes. Voyez EPROUVETTE. Comme ces instruments ne servaient qu'à comparer les poudres les unes avec les autres, sans faire juger de leur force particulière, on en a quitté l'usage, et l'on se sert aujourd'hui pour éprouver la poudre, d'un petit mortier qui porte un boulet de fonte de 60 livres, lorsque trois onces de poudre mises dans ce mortier, qui est toujours pointé à 45 degrés, chassent le boulet à 50 taises, c'est la vraie force de la poudre de guerre, à 45 taises, c'est celle de la poudre défectueuse que l'on a raccommodée. Mémoires d'Artillerie de S. Remy, troisième édition. Voyez ce mortier et les autres espèces d'éprouvettes, Pl. II. de fortification.

Cette dernière manière d'éprouver la poudre parait la moins fautive et la plus exacte ; cependant ses effets sont fort variables, même avec la même poudre : car il arrive que la même quantité de poudre dans la même épreuve porte quelquefois à 55 taises, et ensuite à 30. Cette distance du jet varie aussi suivant les degrés de chaud ou de froid, de condensation et raréfaction de l'air. M. Belidor avait fait cette observation dans ses expériences aux écoles d'artillerie de la Fere. Les épreuves des poudres faites à Essonne au mois de Juin 1744, ont donné la même chose, c'est-à-dire, que ces épreuves qui furent commencées à sept heures du matin, et qui durèrent jusqu'à midi, donnèrent des distances qui allèrent toujours en diminuant ; ce qui est conforme aux épreuves de M. Belidor, qui avait remarqué que les portées des pièces sont plus longues le matin où l'air est frais, que vers le milieu du jour où il est plus chaud.

" Pour connaître la force ou l'extension de la poudre, on a fait, dit M. Dulacq (théorie nouvelle sur le mécanisme et l'artillerie), plusieurs expériences en mettant de la poudre au centre de plusieurs circonférences concentriques, à-l'entour desquelles on a rangé de la poudre. On a Ve que la poudre s'enflammait circulairement, puisque toute une circonsérence prenait feu à-la-fais. On a Ve aussi par l'éloignement des circonférences qui s'enflammaient l'une et l'autre, l'étendue de la dilatation de la poudre. Conséquemment à ces expériences et à quelques autres à-peu-près semblables, faites avec toutes les précautions nécessaires pour bien s'en assurer, on a fixé le volume du fluide (ou celui qui forme la poudre entièrement enflammée) environ à 4000 fois le volume de la poudre en grains. Ensorte que si l'on prend quelque quantité de poudre que l'on voudra, la flamme de cette poudre formera un volume 4000 fois plus grand ", c'est-à-dire, qu'une sphère de poudre étant enflammée librement au milieu de l'air, formerait une autre sphère dont le diamètre serait seize fois plus grand ; car on sait que les sphères sont entr'elles comme les cubes des diamètres, et par conséquent les diamètres, comme les racines cubes des sphères, c'est-à-dire, dans cet exemple, comme la racine cube de 1, qui est 1, est à la racine cube de 4000, qui est à-peu-près 16.

" Pour m'assurer, dit le même M. Dulacq, de l'extension de la poudre enflammée, j'ai fait mettre sur une grande table de noyer bien polie, dans une chambre bien fermée, un grain de poudre seul, et ensuite prenant huit fois le diamètre de ce grain de poudre, j'ai rangé plusieurs autres grains seuls de cette poudre à cette distance, et donnant le feu à un seul de ces grains de poudre, la flamme s'étant étendue seize fois plus loin, a toujours communiqué le feu d'un grain à l'autre.

J'ai ensuite pris environ une demi-amorce, et ayant pris huit fois le diamètre de cette masse de poudre, que j'ai mis le plus régulièrement qu'il m'a été possible sur la table, j'en ai rangé plusieurs autres de la même manière à cette distance ; le feu d'une de ces amorces a toujours communiqué le feu d'amorce en amorce à toutes les autres. J'ai fait les mêmes épreuves en augmentant les quantités de la poudre, et les éloignant de leurs diamètres, la chose m'a toujours réussi de même.

Pour voir si la poudre s'étendait circulairement étant sur un plan.... j'ai tracé un carré dont les côtés étaient divisés également en un nombre égal de parties, ce qui formait dans ce grand carré plusieurs petits carrés, dont chaque côté était huit fois celui de l'axe de la poudre, qui était régulièrement, et en égale quantité répandue sur chacun de leurs angles ; le feu d'un de ces tas de poudre a toujours successivement communiqué de l'un à l'autre, à ceux qui étaient dans chaque angle des petits carrés, ce qui prouve que toutes les extensions étaient égales, etc.

Pour m'assurer si cette extension ne pouvait point excéder huit fois le diamètre d'un tas à l'autre, j'ai recommencé mes expériences. Au-lieu de ranger les tas à des distances égales, j'ai rangé le deuxième tas de poudre à huit diamètres ; le troisième à neuf, le quatrième à dix, le cinquième à onze, en augmentant toujours d'un diamètre chaque fais, j'ai trouvé qu'ils allaient quelquefois jusqu'à dix diamètres ; mais jamais ils ne l'ont pu surpasser. Si cela arrivait toujours ainsi dans toutes les poudres, on voit que le globe enflammé serait environ 8000 fois plus grand que le globe de poudre, puisque son axe serait vingt fois plus grand ". Ce plus ou moins d'extension dépend de la bonne ou mauvaise qualité de la poudre, de la nature de l'air qui environne la poudre, et du soufre et du salpêtre plus ou moins raffiné dont elle est composée.

Toutes ces observations se rapportent assez à celles de M. Bigot de Moragues, officier d'artillerie dans la marine, d'un mérite distingué ; il dit dans son essai sur la poudre, qu'il en a trouvé qui augmentait 5600 fois son volume étant enflammée, et d'autre qui ne l'augmentait que 4000 fois ; mémoires d'artillerie de Saint Remy, troisième édition. M. Belidor a aussi donné une théorie sur la poudre ; on la trouve dans son bombardier français, et dans l'édition des mémoires qu'on vient de citer. (Q)

POUDRE, (Artificier) la poudre à canon s'emploie dans l'artifice ou grainée pour faire crever avec bruit le cartouche qui la renferme, ou réduite en poudre, qu'on nomme poussier, dont l'effet est de fuser lorsqu'il est comprimé dans un cartouche.

On en forme aussi une pâte (en la détrempant avec de l'eau) que l'on emploie à différents usages, et particulièrement pour faire de l'amorce et de l'étoupille.

Pour la réduire en poussier, on la broye sur une table avec une mollette de bois, et on la passe au tamis de soie le plus fin ; on met à-part ce qui n'a pu passer pour s'en servir à faire les chasses des pots-à-feu ; c'est ce qu'on nomme relien : cette poudre à moitié écrasée est plus propre à cet usage que la poudre entière, dont l'effet est trop prompt pour que la garniture que la chasse doit jeter puisse bien prendre feu.

L'auteur de ce mémoire voulant connaître la meilleure proportion des matières pour composer la poudre, a fait des essais graduels, ou partant du premier degré de force que le charbon seul, et le charbon joint au soufre peuvent donner au salpêtre jusqu'au terme où la force de la poudre commence à diminuer par la trop grande quantité de ces matières, ces essais lui ont donné les résultats ci-après.

1°. Le charbon seul et sans soufre étant joint au salpêtre en augmente la force jusqu'à quatre onces de charbon de bois tendre sur une livre de salpêtre, et la poudre faite dans cette proportion s'enflamme assez subitement dans le bassinet du fusil, pour faire juger que le soufre ne contribue point, ou contribue de bien peu à l'inflammation dans la poudre ordinaire, elle a donné à l'éprouvette neuf degrés, ainsi qu'il est marqué à la table ci-après des essais sur la poudre : il est à remarquer que le canon de l'éprouvette ne contenait qu'une charge de fusil, et que par les épreuves faites en grand au moulin à poudre d'Essonne rapportées à la suite de la table des essais, il a été reconnu que cette poudre augmente de force à proportion qu'on en augmente la quantité, par comparaison à une pareille quantité de poudre ordinaire ; et qu'à trois onces, elle est supérieure à celle que la même table indique pour être la plus forte des poudres composées avec du soufre.

2°. Du soufre ayant été ajouté par degrés aux doses de salpêtre et de charbon ci-dessus, les essais qui en ont été faits ont augmenté en force jusqu'à une once, et à cette dose la poudre a donné 15 degrés.

3°. La dose de charbon ayant été diminuée d'autant pesant qu'on y a ajouté de soufre, c'est-à-dire d'une once ; cette poudre composée de

a donné 17 degrés.

4°. Ayant comparé cette poudre à 17 degrés avec les poudres faites dans les proportions qui en approchent le plus, elle les a surpassées en force, et de même les poudres faites suivant les proportions les plus en usage en Europe et en Chine.

Celle d'Europe, composée de 2 onces 5 gros un tiers de charbon et de pareille quantité de soufre sur une livre de salpêtre, n'ayant donné qu'onze degrés.

Et celle de Chine, composée de 3 onces de charbon et de 2 onces de soufre sur la livre de salpêtre, que 14 degrés.

Ces essais sur la poudre ont été faits avec du charbon de bois de coudre, dont on fait usage en Allemagne ; en France, on préfère le charbon de bois de bourdaine, et en Chine celui de saule ; ces trois espèces diffèrent peu entr'elles pour la qualité, et c'est moins à l'espèce de charbon qu'à la dose de cette matière que l'on doit attribuer le plus ou le moins de force des différentes poudres.

La poudre se fabrique dans des moulins que l'eau fait agir, où un certain nombre de pilons armés d'une boite de fonte sont alternativement élevés, et retombent perpendiculairement sur la matière ; les mortiers qui la contiennent sont creusés dans l'épaisseur d'une forte pièce de bois qui a la longueur de la batterie ; chaque mortier contient 20 livres de matière.

Le salpêtre et le soufre sont ordinairement broyés à-part sous une meule avant d'être mis dans les mortiers ; on tamise le soufre pour en ôter de petites pierres qui s'y trouvent assez communément ; le charbon s'emploie tel qu'il est, sans aucune préparation particulière.

Le temps que la poudre doit être battue dépend de plusieurs choses auxquelles il faut avoir égard pour le diminuer ou l'augmenter, suivant qu'il y a plus ou moins de force employée ; telles sont un courant d'eau plus ou moins rapide, la pesanteur des pilons et la distance d'où ils tombent, les matières plus ou moins broyées, etc. 12 à 13 heures suffisent communément dans les grands moulins tel qu'est celui d'Essonne. Le maître poudrier doit porter ses attentions sur tous ces objets ; il doit savoir que la poudre ne gagne à être battue que jusqu'à un certain point, passé lequel, le battage l'affoiblit, et il doit s'étudier à connaître ce point.

On humecte la composition avec de l'eau pure d'abord en la mettant dans le mortier, ensuite de trois heures en trois heures. On la change de mortier, premièrement sans la mouiller lorsqu'elle a été battue une heure, et ensuite chaque fois qu'on l'humecte ; la quantité d'eau est réglée par des mesures qui diminuent de grandeur à chaque mouillage ; la première contient une pinte mesure de Paris. Trop d'eau affoiblit la poudre, mais il en faut assez pour lier les matières, et même un peu plus qu'il ne faut pour ne point risquer qu'elles prennent feu.

La poudre ayant été suffisamment battue, on la porte dans le grainoir, où des ouvriers la forment en grain en la passant dans une espèce de crible de peau bien tendue, et percée de trous de grandeur à y passer la plus grosse poudre ; on met sur la matière un rouleau de bois de 9 à 10 pouces de diamètre et d'un pouce et demi d'épaisseur, qui étant agité circulairement par le mouvement que l'on donne au grainoir, force par son poids et par son frottement la matière à se mettre en grain.

On repasse ensuite la poudre par un tamis de crin, où le grain encore humide et tendre acheve de se former et prend de la solidité ; la bonne poudre reste sur le tamis, et le poussier qui passe à-travers est reporté dans les mortiers pour en refaire la poudre ; on ne le pîle que pendant deux heures, et on y met moins d'eau.

Après que la poudre est tamisée, on la fait sécher à l'air sur des tables couvertes de draps ; il serait bien qu'on la garantit du soleil, qui y cause de l'altération ; celle qui a séché à l'ombre, est toujours plus forte.

Lorsqu'elle est bien seche, on la passe successivement par différents autres tamis pour séparer les différentes grosseurs de grains ; on la renferme ensuite dans des sacs de toile, et on la met en barrils.

On destine pour la chasse celle dont le grain est le plus fin ; il est assez ordinaire de la lisser, quoique cela n'ajoute rien à sa qualité. Pour la lisser, on la renferme dans un tonneau qui est traversé par l'axe d'une roue que l'eau fait tourner, elle y devient luisante par le frottement : on la tamise encore à la sortie du lissoir, pour en ôter le poussier.

Cette manière de fabriquer la poudre, qui est la seule en usage en France, donne un grain anguleux et de forme irrégulière. En Suisse, où se fabrique la meilleure poudre de l'Europe, on la graine parfaitement ronde ; cette forme sphérique, qui laisse entre les grains des interstices réguliers et plus grands que dans la poudre ordinaire, en rend l'inflammation plus subite, et l'ensemble de leur action plus parfait, d'où il résulte une plus grande force, mais ce n'est ni la seule cause, ni la principale de la force de cette poudre, elle la doit à une qualité particulière du salpêtre du pays que l'on y tire des étables sur les montagnes.

Il y a deux moyens pour former la poudre ronde ; l'un et l'autre sont d'usage en Suisse, et y réussissent également : dans les grandes fabriques, c'est par le moyen d'une machine ; et dans les petites, on lui donne cette forme à la main.

Nos Pl. représentent cette machine, dont voici l'explication.

La fig. 1. est une bobine de bois qui doit traverser l'axe A, sur lequel elle tournera.

La fig. 2. est la même bobine couverte d'une étoffe appelée futaine, cousue en forme de sac, dont les extrémités sont clouées sur les côtés de la bobine. B est l'ouverture du sac, par lequel on le remplit de poudre. Le diamètre du sac doit être d'un bon tiers plus grand que celui de la bobine.

La fig. 3. représente la bobine remplie de poudre, dont la partie B qui la ferme est liée et repliée dessus. La poudre de forme irrégulière dont on la remplit pour y être arrondie, doit y être mise au moment qu'on vient d'achever de la grainer, et pendant qu'elle est encore humide.

La fig. 4. représente la même bobine enfilée sur son axe, et prête à tourner sur la table ronde qui la porte, lorsque l'arbre C de la machine sera mis en mouvement ; le mouvement lui est donné par une roue que l'eau fait tourner ; celle qui fait mouvoir les pilons sert en même temps à cet usage.

La table est garnie de rayons de distance en distance ; ces rayons sont des barres de bois demi-rondes qui y sont clouées.

Ce sont ces rayons qui, par la résistance qu'ils font au mouvement de la bobine, compriment la poudre qui y est renfermée, et impriment aux grains un mouvement de rotation et un frottement qui les arrondit.

L'arbre de la machine peut mouvoir trois bobines, contenant chacune cent livres de poudre : leur mouvement doit être tel qu'un homme puisse les suivre à son pas ordinaire ; une demi-heure suffit pour que la poudre qui y est renfermée soit parfaitement arrondie ; on la tamise ensuite pour en ôter le poussier, et pour séparer les différentes grosseurs de grains qui s'y sont formées.

Le procédé pour former à la main la poudre ronde est à-peu-près le même ; il diffère seulement en ce qu'il ne faut pas que la poudre soit grainée, on la passe seulement par un tamis pour diviser et réduire en poussier la composition qui est en masse lorsqu'on la tire du mortier ; on en remplit un petit sac de forme ordinaire et de toîle d'un tissu serré, on le lie le plus près que l'on peut de la matière sans cependant la fouler ; et ensuite en appuyant les deux mains dessus, on le roule avec force sur une table bien solide en poussant toujours devant soi, évitant de se rouler dans un sens contraire ; comme le sac devient flasque et lâche à mesure que la matière se comprime en la roulant, il faut en baisser de temps en temps la ligature, pour lui rendre la solidité qu'il doit avoir, pour que le roulement produise son effet ; le sac ne doit pas contenir plus de quinze livres de matière, ni moins de trois livres, et il suffit de la rouler pendant une heure au plus pour qu'elle y soit formée en grains parfaitement ronds.

TABLE DES ESSAIS

Qui ont indiqué la meilleure proportion pour composer la poudre.

Epreuves faites au moulin à poudre d'Essonne le 12. Février 1756, sur les poudres des numeros 5. 13. et 20. de la table des essais. Ces poudres y avaient été fabriquées le 10 et 11 dudit mois ; et les épreuves en ont été faites avec l'éprouvette d'ordonnance qui est un mortier de sept pouces, lequel a trois onces de poudre, doit jeter à cinquante taises un globe de cuivre du poids de soixante livres pour que la poudre soit recevable ; le produit moyen de ces épreuves a été, savoir :

Il résulte de ces épreuves que la poudre n°. 13. qui est celle que les essais mentionnés en la table de l'autre part ont indiquée pour être la meilleure proportion des matières, est plus forte que celle n°. 20. dont on fait usage en France.

Et que la poudre sans soufre n°. 5. augmente de force à proportion qu'on en augmente la quantité, par comparaison à une pareille quantité d'autre poudre, puisqu'à trois onces elle a surpassé les poudres de comparaison auxquelles à deux onces et au-dessous elle était inférieure.

A juger de ces poudres par les épreuves ci-dessus, il parait que celle n°. 13. qui a conservé dans les épreuves, en petit comme en grand, la supériorité sur le n°. 20. sera très-propre pour le fusil ; et que celle n°. 5. sans soufre qui gagne dans les épreuves en grand, conviendra mieux pour l'artillerie que la poudre ordinaire, puisqu'avec une plus grande force elle donne moins de fumée, et qu'elle ne cause point ou très-peu d'altération à la lumière des canons, le soufre étant ce qui produit ces deux mauvais effets dans la poudre ordinaire ; celle-ci s'est bien conservée, et a même gagné en force depuis plus d'une année qu'elle est fabriquée. Il résulterait aussi de l'usage qu'on en ferait une économie considérable sur la quantité que consomment la grosse artillerie et les mines par la propriété qu'elle a d'être plus forte en grand qu'en petit volume ; ses effets connus jusqu'à trois onces donnent tout lieu de le présumer. Les poudriers observeront qu'elle doit être battue deux heures de moins que la poudre ordinaire.

POUDRE fine, (Artillerie) c'est celle dont le grain est extrêmement délié. Son usage est pour amorcer l'artillerie, et pour charger les petites armes, comme fusils, pistolets, carabines, mousquetons, etc. (D.J.)

POUDRE FULMINANTE, (Fortification) c'est ainsi qu'on appelle une composition de trois parties de salpêtre, de deux parties de sel de tartre, et d'une partie de soufre, pilées et incorporées ensemble ; si on la met dans une cuillere de fer ou d'argent sur un petit feu pendant un quart d'heure, ou une petite demi-heure, elle s'enflamme, et fait une si grande détonation, qu'un gros de cette poudre fulmine, et fait presque autant de bruit qu'un canon, ce qui lui a donné le nom de poudre fulminante. Elle a deux effets particuliers, différents de ceux de la poudre à canon : l'un, qu'elle fait un si grand bruit sans être enfermée, qu'elle perce, pour ainsi dire, les oreilles ; l'autre, qu'au contraire de la poudre à canon, elle agit du haut en bas d'une telle force, qu'elle perce une cuillere de cuivre ; celle de fer résiste davantage.

Comme l'effet de cette poudre vient de l'étroite liaison des parties du tartre avec le salpêtre et le soufre ; il résulte que si l'on fait chauffer ces matières à un grand feu, elle produit beaucoup moins d'effet dans sa détonation, parce qu'elles ont été trop agitées pour pouvoir se lier intimement.

On fait aussi pareille chose avec de l'or, ce qu'on appelle de l'or fulminant. Voyez OR FULMINANT, traité des feux d'artifices, par M. Frezier. (Q)

POUDRE-GRENEE, (Artillerie) c'est une poudre dont le grain est trop gros : elle sert à charger les piéces d'artillerie, et même les mousquets, soit les plus légers qu'on porte en campagne, soit les plus pesans qu'on emploie à la défense des places. (D.J.)

POUDRE MUETTE, (Fortification) c'est une erreur de croire qu'il y ait de la poudre vraiment muette, c'est-à-dire, qui ne fasse aucune détonation, lorsqu'elle prend feu dans un lieu renfermé, comme dans un canon ou ailleurs, de sorte qu'elle s'ouvre un passage, et chasse, par exemple, un boulet sans faire aucun bruit ; car tout le monde sait que le bruit n'est autre chose qu'une agitation de l'air dans un mouvement subit et violent ; il ne peut cesser ou diminuer qu'à mesure que le mouvement se ralentira : sur ce principe on voit clairement qu'en ôtant l'activité de la poudre, on lui ôterait la force de faire jour au-travers des obstacles qu'on lui oppose dans un canon, puisqu'en ôtant ces obstacles, comme dans un fusil chargé de poudre, sans bourre ni boulet, il se fait encore une détonation. On peut étendre plus au long ce raisonnement ; mais sans s'y arrêter davantage, il suffit de dire que c'est l'invention des arquebuses à vent qui a donné lieu à ce faux bruit répandu par le peuple, qu'il y a de la poudre muette, c'est-à-dire, qui ne fait point de bruit dans le canon. Voyez ARQUEBUSE A VENT. Frezier, traité des feux d'artifices. (Q)

POUDRE se dit dans l'Ecriture, de la sciure de chêne, de buis, ou de la limaille métallique qu'on jette sur le papier pour prendre sur le champ l'humidité dont l'air n'a pas eu le temps de se charger.

POUDRE ou POUSSIERE, (Maréchalerie) battre la poudre ou la poussière, en terme de manège ; c'est lorsque le cheval ne fait pas à chaque temps ou à chaque mouvement assez de chemin avec ses jambes de devant, et qu'il pose ses pieds de devant près de l'endroit d'où il les a levés.

Un cheval bat la poudre au terre-à-terre, lorsqu'il n'embrasse pas assez de terrain avec les épaules, et qu'il fait tous ses temps trop courts, comme s'il les faisait dans la même place. Voyez TERRE-A-TERRE.

Il bat la poudre aux courbettes, lorsqu'il les hâte trop, et qu'il les fait trop basses. Voyez COURBETTE.

Il bat la poudre au pas, lorsqu'il Ve un pas court, ou qu'il avance peu, soit qu'il aille au pas par le droit ou sur un rond, ou qu'il passege. Voyez PAS, PASSEGER.

POUDRE A CHEVEUX, en terme de Gantier-Parfumeur ; c'est un amidon bien passé et bien pulvérisé pour sécher les cheveux naturels et les perruques. Ce sont les Gantiers-Parfumeurs qui la fabriquent, et en font le commerce.

POUDRE DE SENTEUR, (Parfumeur) ce sont des poudres que les Gantiers tirent des fleurs ou des drogues aromatiques, comme la poudre de violette, la poudre de Chypres, et autres. Elles servent à donner de l'odeur aux poudres à cheveux.

POUDRE, (Tannerie) c'est le tan pilé dont se servent les Tanneurs pour tanner leurs cuirs. Les cuirs forts reçoivent jusqu'à cinq poudres, c'est-à-dire, qu'on y remet cinq fois de nouveau tan. (D.J.)