adj. (Grammaire) Ce mot s'applique dans un grand nombre de cas différents. On dit de celui qui se présente avant tous les autres dans un compte à faire, qu'il est le premier ; dans un lieu, qu'il occupe la première place : dans un ordre de choses distinguées par des attributs, qu'il est le premier ; dans le temps, etc. Voyez les articles suivants.

PREMIER, (Géométrie) On appelle figures premières, en Géométrie, celles qui ne peuvent être divisées en d'autres figures plus simples qu'elles. Voyez FIGURE. Tels sont le triangle parmi les figures planes, et la pyramide parmi les solides ; car toutes les figures planes sont composées de triangles, et toutes les solides sont composées de pyramides.

Les nombres premiers ou simples sont ceux qui n'ont point d'autres diviseurs qu'eux-mêmes, ou que l'unité ; ainsi 3 est un nombre premier, parce qu'il n'est divisible exactement que par lui-même, ou par 1. Le nombre 5 est aussi un nombre premier, etc.

Quand on compare un nombre à un autre, et que ces deux nombres n'ont aucun commun diviseur différent de l'unité, on les appelle nombres premiers entr'eux ; ainsi 4 et 9 sont des nombres premiers entr'eux, parce qu'il n'y a aucun diviseur de 9 qui le soit aussi de 4 ; par où vous voyez que des nombres premiers entr'eux peuvent fort bien n'être pas des nombres premiers, puisque 4 et 9 considérés séparément, ont des diviseurs différents de l'unité ; mais des nombres premiers sont nécessairement premiers entr'eux.

Pour trouver la suite des nombres premiers, il n'y a qu'à parcourir tous les nombres depuis 1 jusqu'à l'infini ; examiner ceux qui n'ont point d'autre diviseur que l'unité ou qu'eux-mêmes, les ranger par ordre, et l'on aura par ce moyen autant de nombres premiers que l'on voudra.

Par le moyen des nombres premiers on trouvera facilement tous les diviseurs simples ou premiers d'un nombre quelconque, tel que 5250 ; pour cela il n'y aura qu'à diviser d'abord le nombre proposé par 2, premier des nombres simples, et l'on aura 2625 pour quotient, qui n'est plus divisible par 2 ; essayant donc de le diviser par 3, le second des nombres simples, on aura 875 au quotient qui n'est pas divisible par 3 ; on le divisera donc par 5, et l'on aura 175, que l'on continuera à diviser par 5 ; ce qui produira 35 au quotient, que l'on divisera encore par 5 pour avoir 7 au quotient, qui est un nombre simple ou premier ; ainsi tous les diviseurs simples ou premiers du nombre 5250 sont 2, 3, 5, 5, 5, 7. Voyez la science du calcul du père Reyneau, et les leçons de mathématiques de M. Privat de Molieres. (E)

A l'occasion des nombres premiers, nous insérerons, à la fin de ce volume, une table qui nous parait assez bien entendue, et qui est tirée d'un livre anglais d'algèbre assez ancien et assez peu connu ; cette table donne le premier et le plus simple diviseur de chaque nombre depuis 1 jusqu'à 100000 ; on voit bien que les nombres pairs en doivent être exclus, puisque ces nombres sont déjà divisibles par 2. On voit au premier rang horizontal de la table les deux ou trois premiers chiffres à droite du nombre proposé, et au premier rang vertical les deux derniers chiffres du même nombre. Supposons, par exemple, qu'on veuille savoir si 41009 est un nombre premier, je cherche au haut d'une des tables le chiffre 410 dans le premier rang horizontal, et ensuite les chiffres 09 dans le premier rang vertical de la même table, et je trouve au-dessous de 410 et vis-à-vis 09 le nombre 23 qui m'indique que 23 divise exactement 41009 ; en effet, le quotient est 1783, que je trouve à la première table et par la même méthode, être un nombre premier ; ce qui est indiqué par un p qui se trouve dans cette table au-dessous de 17 et vis-à-vis 83. En voilà assez pour faire connaître l'usage de cette table.

Si le nombre proposé a moins de quatre chiffres, on le trouvera à la première table ; et s'il n'a qu'un ou deux chiffres, il se trouve à la première colonne verticale de cette table et à côté la lettre p, ou le plus petit diviseur, selon que le nombre est premier ou non.

PREMIER MOBILE, dans l'Astronomie de Ptolémée, signifie la neuvième ou la plus grande sphère des cieux, dont le centre est celui du monde, et en comparaison de laquelle la terre n'est qu'un point.

Les sectateurs de Ptolémée prétendent que le premier mobîle contient toutes les autres sphères au-dedans de lui, et qu'il leur donne du mouvement en tournant lui-même, et les faisant tourner toutes, et achever leur révolution en 24 heures. Les autres orbes particuliers sont destinés à produire les différents autres mouvements que l'on observe dans les corps célestes, et pour chacun desquels il a fallu, pour ainsi dire, imaginer un orbe mobîle particulier. L'Astronomie est aujourd'hui délivrée de tout ce fatras d'orbes mobiles depuis le système de Copernic, qui explique heureusement les phénomènes célestes par le mouvement de la terre. (O)

PREMIER, planètes premières, (Astronomie) se dit des planètes qui tournent autour du Soleil. Voyez PLANETE. Ces planètes sont Saturne, Jupiter, Mars, la Terre, Vénus et Mercure. On les appelle ainsi pour les distinguer des planètes secondaires ou satellites. Voyez SECONDAIRE et SATELLITE.

Il y a des auteurs qui n'accordent le nom de premières planètes qu'aux planètes supérieures ; savoir, Saturne, Jupiter et Mars ; mais sur quel fondement ?

PREMIER, premier vertical, (Astronomie) est le cercle vertical qui passe par les pôles du méridien ; c'est-à dire, c'est un grand cercle qui passe par le zénith et le nadir, et qui est perpendiculaire au plan du méridien. Voyez VERTICAL, ZENITH et NADIR.

Premiers verticaux, en terme de Gnomonique, ou cadrants premiers verticaux, sont ceux qui sont projetés sur le plan du premier vertical, ou sur des plans qui lui sont parallèles. Voyez CADRAN.

Ces cadrants sont ceux que nous appelons cadrants directs, ou cadrants au nord et au sud. Un cadran, tel que ceux dont nous parlons, s'il est tourné au midi, regardera le pôle austral, et par conséquent le stîle (dont l'angle avec le plan doit être le complément de la latitude du lieu), ou, ce qui revient au même, qui doit être parallèle à l'axe de la terre, aura sa pointe tournée en-bas sur le plan de ce cadran.

Les cadrants qui sont directement au nord, ont le sud par-derrière. Ainsi il ne faut, pour avoir un cadran au nord, que tracer un cadran au sud, et le retournant de l'autre côté, en omettant les heures inutiles entre 5 et 7, et entre 4 et 8 ; seulement il faut observer que le stîle doit être incliné de bas en haut, et tourner sa pointe vers le pôle du nord. Voyez CADRAN. (O)

PREMIER, (Critique sacrée) primus, ; ce mot signifie dans l'Ecriture, le premier à l'égard du temps, I. Reg. 22. 9. Il dénote 2°. celui qui donne l'exemple aux autres : manus etiam magistrorum fuit in hac primâ transgressione, I. Esdras, ix. 2. les magistrats donnaient les premiers le mauvais exemple. 3°. Ce qui est le plus éminent en prix : sume aromata primae myrrhae, Exode xxx. 33. prenez des parfums de la myrrhe la plus excellente. 4°. Pour l'ordre et le rang : voici le nom des douze Apôtres ; le premier est Simon, Mat. Xe 12. est mis ici pour , le premier, non en dignité, mais en ordre, en rang, qui est vraisemblablement fondé sur l'âge ou sur la vocation. C'est ainsi qu'il est dit dans l'Ecclésiastesiastique, cessez le premier de manger, prior, comme l'a rendu l'interprete latin. 5°. Premier, signifie le principal, le plus grand, I. Tim. j. 15. Il veut dire aussi premièrement ; Alexander qui primus regnavit in Graeciâ, I. Marc. j. 1. Alexandre qui regna premièrement dans la Grèce. 6°. Il se prend encore pour avant que : haec descriptio prima facta est à praeside Syriae Cyrino, Luc IIe 2. ce dénombrement se fit avant que Cyrénus fût gouverneur de Syrie ; car on sait certainement qu'il ne l'était point sous le règne d'Hérode. (D.J.)

PREMIER, primus, (Histoire moderne) se dit de ce qui n'est précédé d'aucun autre en ordre, en dignité ou en degré parmi différentes choses de la même espèce, ou d'une espèce semblable.

Ainsi l'on dit premier ministre, premier mobile, le premier maréchal de France, le premier capitaine d'un régiment.

Premier se dit aussi de celui qui précède d'autres êtres de la même espèce, mais qui n'ont pas existé en même temps. Ainsi nous disons que Jules-César fut le premier des empereurs romains. Guillaume le conquérant le premier des rois normands.

Premier se dit aussi quelquefois par ordre de priorité, seulement sans marquer de prééminence ; on dit en ce sens que l'électeur de Mayence est le premier des électeurs, qui sont au reste fort indépendants de lui. C'est ce qu'on appelle premier entre égaux, primus inter pares.

PREMIER, (Histoire moderne) c'est ainsi que l'on nomme dans l'université de Louvain, un jeune homme qui, après avoir étudié la Logique dans un des collèges, soutient un examen devant plusieurs docteurs de cette université, et resout un certain nombre de questions relatives à la dialectique, qui lui sont proposées. Celui qui se trouve en état de résoudre le plus de ces questions, obtient le titre de primus ou de premier ; cet acte se passe avec beaucoup de solennité ; toutes les villes des Pays-Bas, qui envoyent leur jeunesse étudier à Louvain, tiennent à grand honneur, lorsque c'est un de leurs citoyens qui a été déclaré premier ; communément à son retour dans sa patrie, on lui fait une reception aussi pompeuse que pourrait être celle d'un ambassadeur ; toute la ville célèbre cet événement fortuné. Ceux qui se destinent à l'état ecclésiastique sont ordinairement très-assurés d'obtenir des bénéfices, des dignités, et même des évêchés par la suite lorsqu'ils ont été premiers de Louvain. On sent que rien n'est plus propre à encourager la jeunesse que ces sortes de distinctions ; il serait à souhaiter qu'elles eussent lieu dans tous les pays où les sciences sont cultivées ; seulement on pourrait tourner l'esprit des jeunes gens vers des objets plus utiles et plus intéressants que ne sont des problèmes de dialectique.

PREMIER, s. m. (terme de jeu de Paume) c'est un des endroits de la galerie des jeux de paume. Il y a deux premiers dans chaque galerie d'un jeu de paume. L'un de ces premiers est le plus près de la porte, et l'autre de la corde.

PREMIER-NE, s. m. (Théologie) terme qui a différentes significations dans l'Ecriture, où il se prend quelquefois pour ce qui est le premier, le plus distingué en chaque chose. Ainsi Jesus-Christ est appelé dans S. Paul, le premier-né de toute créature, et dans l'Apocalypse, le premier né d'entre les morts ; c'est-à-dire, engendré du Père avant qu'aucune créature eut été produite, et le premier qui soit ressuscité par sa propre vertu. Ainsi dans Isaïe, primogeniti pauperum marquent les plus malheureux d'entre les pauvres ; et dans Job, primogenita mors, la plus terrible de toutes les morts.

Mais le nom de premier-né se prend plus proprement pour ce qui nait ou ce qui provient pour la première fois des hommes, des animaux, des arbres, des plantes, etc.

Depuis que Dieu eut fait mourir par l'épée de l'ange exterminateur tous les premiers-nés des Egyptiens, et qu'il en eut préservé ceux des Israélites, il ordonna que tous les premiers-nés de ceux-ci, tant des hommes que des animaux domestiques et de service, lui fussent consacrés, Exode XIIIe Il n'y avait que les enfants mâles qui fussent soumis à cette loi. Si le premier enfant d'une femme était une fille, le père n'était obligé à rien, ni pour elle, ni pour tous les autres enfants même mâles qui suivaient ; et si un homme avait plusieurs femmes, il était obligé d'offrir au Seigneur les premiers-nés de chacune d'elles. Ces enfants premiers-nés étaient offerts au temple, et leurs parents les rachetaient pour la somme de cinq sicles. Voyez SICLE.

Si c'était un animal pur, comme un veau, un agneau, etc. on devait l'offrir au temple, mais on ne pouvait pas le racheter ; on le tuait ; on répandait son sang autour de l'autel ; on brulait les graisses sur le feu de l'autel, et la chair était pour les prêtres. Mais on rachetait ou l'on tuait les premiers-nés des animaux impurs, comme l'âne, le cheval, etc. Quelques commentateurs prétendent qu'on tuait les premiers-nés des chiens, mais qu'on n'en donnait rien aux prêtres parce qu'on n'en faisait aucun trafic.

A l'égard des premiers fruits des arbres, les trois premières années le fruit était censé impur ; la quatrième année tout le fruit était au Seigneur, le propriétaire n'avait droit de les cueillir pour lui que la cinquième année.

Quelques-uns prétendent que Jesus-Christ n'était pas soumis à la loi de Moïse, qui porte, omne masculinum adaperiens vulvam, parce qu'il vint au monde sans rompre les sceaux de la virginité de sa mère. D'autres veulent qu'il y fut soumis parce que les paroles de la loi sont équivalentes à celles-ci, omne masculinum primogenitum. D'autres prétendent que les paroles de Moïse, dans un sens prophétique, ne regardaient que Jesus-Christ, qui par sa naissance a ouvert le sein de Marie ; au lieu que dans la naissance des autres hommes, omnium mulierum, non partus infantis, sed viri coitus vulvam reserit, dit Origène, homel. XIVe in Luc.

Voici les cérémonies que les Juifs modernes observent pour le rachat de leurs premiers-nés. Si c'est une fille, il n'y a aucune cérémonie particulière ; mais si c'est un garçon, quand l'enfant a trente jours accomplis, on mande un des descendants d'Aaron, celui qui plait le plus au père ; et plusieurs personnes s'étant rendues dans la maison, le père apporte dans une tasse ou dans un bassin beaucoup d'or et d'argent, puis on met l'enfant entre les mains du prêtre, qui demande tout haut à la mère si ce garçon est à elle. Elle répond qu'oui. Il ajoute, n'avez-vous jamais eu d'autre enfant, soit mâle ou femelle, ou même d'avorton, ou de fausse couche ? Elle répond, non. Cela étant, dit le sacrificateur, cet enfant, comme premier-né, m'appartient. Puis se tournant du côté du père, il dit : Si vous en avez envie, il faut que vous le rachetiez. Cet or et cet argent, répond le père, ne vous sont présentés que pour cela. Le sacrificateur répond : vous voulez donc le racheter ? Oui, je le veux, répond le père. Alors le sacrificateur se tournant vers l'assemblée dit : cet enfant, comme premier-né, est donc à moi, suivant cette loi : rachetez celui qui est agé d'un mois pour cinq sicles d'argent, etc. mais je me contente de ceci en échange. En achevant ces paroles, il prend deux écus d'or ou environ, plus ou moins, selon sa volonté ; et après cela il rend l'enfant au père et à la mère. Ce jour-là est un jour de réjouissance dans la famille. Si le père ou la mère sont de la race des sacrificateurs, ou des lévites, ils ne rachettent point leur fils. Léon de Modene, Cérémon. des Juifs, part. IV. ch. ix.

Il y avait aussi chez les anciens Hébreux une autre sorte de premiers-nés, que l'on amenait au temple pour en faire des repas de charité. Il en est parlé au Deuteronome, ch. XIIe Ve 17. et 18. et ch. XVe Ve 19. On les appelait autrement prémices. Voyez PREMICES. Calmet, Dictionnaire de la Bible, tome III. p. 264.

Les premiers-nés des hommes chez les Hébreux, comme parmi toutes les autres nations, avaient des privilèges particuliers ; et comme parmi eux la polygamie était en usage, il était important de fixer ces droits. Voici ce que Moïse en ordonne, Deutéronome, xxi. Ve 12. Si un homme a deux femmes dont il aime l'une et n'aime pas l'autre, et que ces deux femmes aient eu des enfants de lui, et que le fils de celle qu'il n'aime pas soit l'ainé, lorsqu'il voudra partager son bien entre les enfants, il ne pourra donner au fils de celle qu'il aime les droits de premier-né, ni le préférer au fils de celle qu'il n'aime pas. Mais si le fils de celle qu'il n'aime pas est l'ainé, il le reconnaitra pour tel, et lui donnera une double portion dans tout ce qu'il possede. Voilà d'abord ce qui était statué pour reconnaître et constater le droit de primogéniture ou d'ainesse.

Les privilèges des premiers-nés consistaient premièrement au droit de sacerdoce, qui avant la loi, était attaché à l'ainé de la famille. Secondement en ce qu'il avait la double portion entre ses frères.

Le droit de sacerdoce n'appartient proprement à l'ainé, à l'exclusion de ses frères, que quand les frères demeuraient ensemble dans un même lieu et dans une même famille ; car dès que les frères étaient séparés, et faisaient famille à part, chacun devenait le chef et le prêtre de sa maison.

Quant au double lot, on l'explique de deux manières. Les uns croient qu'on donnait à l'ainé la moitié de toute la succession, et que l'autre moitié se partageait par parties égales aux autres frères. Mais les rabbins enseignent au contraire que le premier-né prenait le double lot de chacun de ses frères. Ainsi si un père avait laissé six fils, on faisait sept portions égales, l'ainé en avait deux, et chacun de ses frères en avait une. Si l'ainé était mort, et avait laissé des enfants, son droit passait à ses enfants et à ses héritiers. Les filles n'avaient nulle part à ces privilèges, quand même elles auraient été les ainées de leurs frères ou de leurs sœurs. On trouve dans l'Ecriture quelques faits qui dérogent à ces lois générales ; par exemple, Isaac transporta le droit de premier-né d'Esau à Jacob ; Jacob le transporta de Ruben à Joseph, et David d'Adonias à Salomon. Mais ces événements arrivèrent par une providence particulière, et par une révélation de Dieu. Calmet, Dictionnaire de la Bible tome III. pag. 265.

PREMIER-OCCUPANT, droit du, (Droit naturel) manière d'acquérir la propriété des biens qui n'appartiennent à personne.

Les hommes sont convenus entr'eux que toutes choses qui n'étaient point entrées dans le premier partage, et qui se trouvaient inconnues, seraient laissées à celui qui s'en emparerait avant toute autre, soit par prise de possession, soit autrement, en sorte que par ce moyen il acquérerait légitimement la propriété de ces sortes de choses.

Ce qui fonde le droit du premier-occupant dans le cas dont il s'agit ici, c'est qu'il a donné à connaître avant tout autre le dessein qu'il avait de s'emparer de telle ou telle chose, étant à portée de le faire. Si donc il témoigne son intention par quelque acte significatif, comme par un acte corporel, par une marque faite à certaines choses, etc. ou si les autres ont manifestement renoncé en sa faveur au droit qu'ils avaient aussi-bien que lui sur une chose, il peut alors acquérir la propriété originaire de cette chose, sans aucune prise de possession actuelle.

C'est ainsi que l'on se rend maître des pays déserts que personne ne s'était encore appropriés ; car ils commencent à appartenir au premier qui y met le pied avec intention de les posséder, et qui pour cet effet les cultive, et y plante ou y établit des bornes par lesquelles il distingue ce dont il veut s'emparer d'avec ce qu'il veut laisser en commun. Que si plusieurs à-la-fais s'emparent de certaines contrées, l'expédient le plus ordinaire est d'assigner à chacun une certaine portion de terre, après quoi on regarde celles qui restent comme appartenant à tout le corps.

On acquiert aussi par droit de premier-occupant, les bêtes sauvages, les oiseaux, les poissons de la mer, des rivières, des lacs ou des étangs, et les perles ou autres choses semblables que la mer jette sur le rivage en certains endroits ; bien entendu que le souverain n'ait pas expressément défendu aux particuliers de prendre ces sortes de choses.

En effet, le chef de l'état est censé s'être emparé de toutes les choses mobilières qui se trouvent dans l'enceinte de ses terres, lorsqu'il ne les donne pas à d'autres ; si donc il ne témoigne pas qu'il veut laisser ces sortes de biens en communauté, ils lui appartiennent véritablement autant que leur constitution naturelle le permet. Je dis autant que leur constitution naturelle le permet, car les bêtes sauvages, par exemple, qui sont dans les forêts du pays, peuvent passer dans les forêts d'un autre état, où l'on n'a pas droit de les aller réclamer : mais il ne s'ensuit point de-là qu'elles n'appartinssent pas auparavant au maître des forêts qu'elles ont quitté. Le droit de propriété que celui-ci avait n'en était pas moins réel pour être chancelant et sujet à s'évanouir : il en est ici comme des rivières. L'eau qui coule chaque jour dans nos campagnes est nôtre, quoiqu'elle s'enfuie incessamment pour passer sur les terres d'autrui d'où elle ne reviendra plus.

Enfin on peut acquérir par droit de premier-occupant une chose qui a déjà eu un autre maître, pourvu que le droit de celui-ci ait été entièrement éteint, comme quand le propriétaire d'une chose l'a jetée ou abandonnée avec un dessein formel et suffisamment manifesté de ne plus la tenir pour sienne ; ou lorsque l'ayant perdue malgré lui, il la regarde ensuite comme ne lui appartenant plus, et ne pense point à la recouvrer.

Il faut rapporter à ceci, ce qu'on appelle un trésor, c'est-à-dire un argent dont on ignore le maître, car il est au premier qui le trouve, à-moins que les lois civiles n'en disposent autrement. Ce trésor devrait encore appartenir au premier qui le découvre, quand même il l'aurait trouvé dans le fond d'autrui ; car ce n'est pas un accessoire du fonds, comme les métaux, les minéraux et autres choses semblables qui y sont censées attachées, et dont, à cause de cela, le propriétaire du fonds peut être regardé comme en possession.

Il y a des excellentes notes de M. Barbeyrac sur cette matière dans son édition de Puffendorf ; voyez-les. (D.J.)

PREMIER-PRIS, terme de Lansquenet, c'est le coupeur dont celui qui tient la main amène le premier la carte. Celui qui est ainsi pris le premier, est obligé d'arroser tous les autres coupeurs, c'est-à-dire de leur payer à chacun autant que vaut le fond du jeu. Le grand usage de prononcer le mot de premier-pris en a fait un substantif ; quand on voit un homme triste, pâle et défait, on dit en proverbe tiré du lansquenet, qu'il a l'air d'un premier-pris. Acad. des jeux.

PREMIERES-COULEURS, (Joaillier) sortes d'émeraudes qui se vendent au marc ; c'est ce qu'on appelle plus ordinairement negres-cartes. (D.J.)