S. f. (Grammaire) discours adressé à quelqu'un sur une chose dont on veut être instruit. Il se dit aussi des différents points d'une science ou d'un art qu'on peut avoir à discuter ; de quelques traités composés d'une manière sceptique et inquisitive.

QUESTION, (Jurisprudence) est un point sur lequel on n'est pas d'accord, et qui est soumis à la décision du juge.

Question agitée, est celle qui est débattue par les auteurs ou par les parties.

Question appointée, est lorsque dans une cause d'audience les parties ont été appointées à écrire et produire.

Question controversée, est celle sur laquelle les parties, les juges, ou les auteurs sont partagés.

Question départagée, est celle où il y a eu partage d'opinions entre les juges, lesquels ont depuis pris un parti à la pluralité des voix.

Question de droit, est celle qui roule sur un point de droit, comme quand il s'agit d'expliquer le sens d'une loi dont on fait l'application à la cause, ou de déterminer quel est le droit d'une partie dans telle ou telle circonstance.

Question de droit public, est celle où le public se trouve intéressé, et qui doit se décider par les principes du droit public.

Question d'état, est celle qui concerne l'état d'une personne, c'est-à-dire sa liberté, les droits de sa naissance, tels que sa filiation, sa légitimité, la validité de son mariage.

Question étrangère, est celle qui n'a point de rapport à celle qui fait le véritable objet de la contestation.

Question de fait, est celle dont la décision ne dépend que de la discussion des faits.

Question indécise, est celle qui est encore pendante devant le juge, et soumise à sa décision.

Question majeure, est celle qui intéresse directement ou indirectement beaucoup de personnes ; on l'appelle majeure, parce qu'elle est plus importante que les questions ordinaires.

Question mixte, est celle qui nait de la contrariété des lais, coutumes, statuts et usages de deux pays différents ; par exemple, lorsque la coutume du domicîle répute un homme majeur à 20 ans, et que celle du lieu où les biens sont situés ne répute majeur qu'à 25 ans ; dans ce cas, il s'agit de savoir, si on doit se régler par la coutume du domicile, ou par celle de la situation des biens, c'est une question mixte, parce qu'il se trouve deux lois différentes, qui sont pour ainsi dire, mêlées ensemble sur les questions mixtes. Voyez Dumolin, Dargentré, Stockmans, Voet, Rodemburge, Burgundus, Froland, Boulenais.

Question mue, est celle qui est déjà élevée, à la différence de celle qui n'est pas encore née.

Question partagée, est celle sur laquelle les opinions des auteurs ou des juges sont partagées, de manière qu'il s'en trouve autant pour soutenir un parti que pour l'autre. Voyez QUESTION DEPARTAGEE.

Question pendante, est celle qui est actuellement soumise à la décision du juge.

Question de pratique, est celle qui ne roule que sur quelque point d'usage de la pratique judiciaire.

Question problématique, est celle sur laquelle il y a des raisons et des autorités pour et contre, tellement que l'on est embarrassé à la décider.

Question de procédure, est celle qui ne touche que l'ordre de la procédure et l'instruction.

Question triviale, est celle qui est déjà rebattue, et dont la décision est notoire et connue de tout le monde. Voyez CAUSE, CONTESTATION, INSTANCE, PROCES. (A)

QUESTION ou TORTURE, (Jurisprudence) est une voie que l'on emploie quelquefois dans les affaires de grand criminel pour faire avouer à l'accusé le crime dont il est prévenu, ou pour avoir révélation de ses complices.

Cette voie consiste à faire souffrir à l'accusé des tourments violents, qui ne sont pas néanmoins ordinairement capables de lui causer la mort.

On appelle cette torture question, parce qu'à mesure que l'on fait souffrir l'accusé, on lui fait des questions sur son crime et sur ses complices, si l'on soupçonne qu'il en ait.

L'usage de la question est fort ancien, puisqu'on la donnait chez les Grecs ; mais les citoyens d'Athènes ne pouvaient y être appliqués, excepté pour crime de lése-majesté : on donnait la question 30 jours après la condamnation ; il n'y avait pas de question préparatoire. Voyez Cursius Fortunatus, rhetor. schol. l. II.

Chez les Romains, la loi 3 et 4, ad leg. jul. majest. fait voir que la naissance, la dignité et la profession de la milice garantissaient de la question ; mais on exceptait, comme à Athènes, le crime de lése-majesté.

Ce qu'il y avait de plus étrange, c'est que l'on donnait la question à des tiers, quoique non-accusés, et seulement dans la vue d'acquérir des preuves ou témoignages du crime et des coupables ; c'est ainsi que par le S. C. Silanien, qui fut fait du temps d'Auguste, il fut défendu d'ouvrir ni de publier un testament quand le testateur avait été tué dans sa maison, avant d'avoir mis à la question les esclaves, et fait punir ceux qui étaient coupables de la mort du défunt.

Mais, selon nos usages, on ne traite point ainsi les domestiques, lesquels sont personnes libres ; on n'ordonne d'ailleurs la question, que quand la nature du crime et la qualité des preuves le permettent, et on ne la fait point subir à d'autres personnes qu'aux accusés, et seulement lorsqu'il y a des indices qui ne sont pas suffisans pour condamner l'accusé, mais qui sont assez forts pour déterminer les juges à ordonner la question.

Les lois des Visigots commencèrent à mettre plusieurs sages restrictions à l'usage de la question.

Suivant la loi salique, on la donnait seulement aux esclaves ; et celui qui avait fait mourir dans les tourments de la question l'esclave innocent d'un autre maître, était obligé de lui en donner un autre pour toute satisfaction.

Les anciennes ordonnances portent que les nobles de Champagne ne pouvaient être appliqués à la question, sinon pour crime qui mérite la mort ; que les capitouls de Toulouse étaient pareillement exempts de cette épreuve. On en usait de même pour toutes les personnes qualifiées, mais cela ne s'observe plus.

Pour ordonner la question, il faut un crime constant qui mérite peine de mort, et que la preuve soit considérable. Un seul indice ne suffit point, ni la déclaration d'un seul témoin, si elle n'est accompagnée d'autres indices.

La confession seule de l'un des accusés ne suffit pas non plus pour condamner les autres accusés à la question.

La déclaration d'un condamné à mort, et celle d'un blessé, en mourant, sont pareillement insuffisantes.

Les juges peuvent condamner l'accusé à la question les preuves tenantes, et ensuite condamner l'accusé à telle peine qu'il y échet, excepté celle de mort ; à laquelle il ne peut plus être condamné, à moins qu'il ne survienne de nouvelles preuves depuis la question.

On peut, par le jugement de mort, ordonner que le condamné sera préalablement appliqué à la question, pour avoir révélation de ses complices ; c'est ce qu'on appelle la question préalable.

Il n'appartient qu'aux cours souveraines d'ordonner que l'accusé sera seulement présenté à la question sans y être appliqué ; c'est une grâce qu'on accorde aux impuberes, aux vieillards décrépits, aux malades et valétudinaires, auxquels la question ne pourrait être donnée sans danger de la vie ; on présente l'accusé à la question pour tâcher de tirer de lui la vérité par la terreur des peines.

Les femmes grosses ne peuvent être appliquées ni présentées à la question ; mais on ne s'en rapporte pas à leur déclaration, on les fait visiter.

Les sentences de condamnation à la question ne peuvent être exécutées qu'elles n'aient été confirmées par arrêt avant la question.

L'accusé doit être interrogé après avoir prêté serment.

La question se donne en présence des commissaires, et l'on doit dresser procès-verbal de l'état de la question, et des réponses, confessions, dénégations et variations à chaque article de l'interrogation.

Les commissaires peuvent faire modérer et relâcher une partie des rigueurs de la question, si l'accusé confesse son crime, et s'il varie, le faire mettre dans les mêmes rigueurs ; mais lorsqu'il a été délié, et entièrement ôté de la question, il ne peut plus y être remis.

L'accusé étant ôté de la question doit être de nouveau interrogé sur les déclarations et sur les faits par lui confessés ou déniés.

Quelque nouvelle preuve qui survienne, l'accusé ne peut être appliqué deux fois à la question pour un même fait.

Tous juges, tant royaux que subalternes, peuvent condamner à la question, à l'exception des juges ecclésiastiques, quoique quelques auteurs aient avancé le contraire.

On appelle question préparatoire celle qui est ordonnée avant le jugement définitif ; il faut de puissants indices pour ordonner la question préparatoire : la question définitive est celle que l'on donne au condamné avant l'exécution pour avoir révélation de ses complices.

Ce jugement de mort porte que le condamné sera préalablement appliqué à la question ordinaire et extraordinaire.

La question ordinaire à Paris, se donne avec six pots d'eau et le petit tréteau ; l'extraordinaire, avec six autres pots et le grand tréteau, qui serre et étend davantage le criminel.

On la donne ailleurs avec des coins et des brodequins ; on se sert aussi à Paris de cette sorte de question, quand l'accusé est condamné à mort.

En quelques endroits, comme dans les Pays-bas, on donne la question en chauffant les pieds.

Dans le nord, on met l'accusé dans la boue.

En Angleterre, l'usage de la question est inconnu.

Sur la question, voyez les traités faits par Odofredus, Ambertus de Astramonia, Antonius de Canavio, Baldus de Periglis, Bartolus à Saxoferrato, Jacobus de Arena, Paulus Grillandus Cursius, et voyez aussi Fontanon, Imbert, Bouchel, le tit. 19 de l'ordon. criminelle. (A)

QUESTION, (Procédure criminelle) on vient de lire des détails instructifs pour des juges criminels ; mais puisqu'il n'est point défendu d'examiner les matières les plus délicates du droit, nous profiterons de ce privilège en suivant l'exemple de plusieurs savants et citoyens, qui de tout temps ont osé exposer les inconvénients qu'ils croyaient apercevoir dans la pratique de la question, ou pour mieux parler de la torture. La soumission des sujets demande bien qu'on obéisse aux magistrats, mais non pas qu'on les croie infaillibles, et qu'entre deux usages, ils n'aient pu embrasser le pire. C'est pour cela qu'il est permis de représenter avec respect les abus, afin d'éclairer le souverain, et de le porter par sa religion et par sa justice, à les réformer.

Je pourrais remarquer que les Athéniens n'usaient de la question qu'en cas de crime de lèse-majesté, et qu'ils ne connaissaient point la question préparatoire ; que chez les Romains, la naissance, la dignité, la profession militaire garantissaient de ce tourment, et que les seuls esclaves sur lesquels on avait droit de vie et de mort, y étaient exposés ; que semblablement du temps de Charlemagne, la question ne se donnait qu'aux esclaves : mais ces remarques sont faibles dès que la loi de la nature crie contre cette pratique, sans y mettre aucune exception vis-à-vis de qui que ce sait.

Indépendamment de la voix de l'humanité, la question ne remplit point le but auquel elle est destinée. Que dis-je, c'est une invention sure pour perdre un innocent, qui a la complexion faible et délicate, et sauver un coupable qui est né robuste. Ceux qui peuvent supporter ce supplice, et ceux qui n'ont pas assez de force pour le soutenir, mentent également. Le tourment qu'on fait souffrir dans la question est certain, et le crime de l'homme qui souffre ne l'est pas ; ce malheureux que vous appliquez à la torture songe bien moins à déclarer ce qu'il sait, qu'à se délivrer de ce qu'il sent. Ainsi, comme le dit Montagne, les gehennes sont d'une dangereuse invention ; c'est, continue-t-il, " un essai de patience plus que de vérité ; car, pourquoi la douleur fera-t-elle plutôt confesser à un malheureux ce qui est, qu'elle ne le forcera de dire ce qui n'est pas ? et au rebours, si celui qui n'a pas fait ce dont on l'accuse, est assez patient que de supporter ces tourments, pourquoi ne le sera celui qui a fait un crime, un si beau guerdon que celui de la vie lui étant assuré ? en un mot, c'est un moyen plein d'incertitude et de danger : que ne dirait-on, que ne ferait-on pas pour fuir à si grieves douleurs ? D'où il advient que celui que le juge a gehenné pour ne le faire mourir innocent, il le fasse mourir innocent et géhenné ".

Un état bien lamentable est donc celui d'un homme innocent, à qui la question arrache l'aveu d'un crime ; mais l'état d'un juge qui se croyant autorisé par la loi, vient de faire souffrir la torture à cet homme innocent, doit être selon moi, un état affreux. A-t-il quelques moyens de le dédommager de ses souffrances ? Il s'est trouvé dans tous les temps des hommes innocens, à qui la torture a fait avouer des crimes dont ils n'étaient point coupables. La véhémence de la douleur, ou l'infirmité de la personne, fait confesser à l'innocent ce qu'il n'a pas commis ; et l'obstination des coupables qui se trouvent robustes et plus assurés dans leurs crimes, leur fait tout dénier.

Charondas, liv. IX. rép. 1. en rapporte un exemple très-déplorable. Un mari accusé d'avoir assassiné sa femme, nie le fait ; les présomptions étaient toutes contre lui, et même le soir de sa retraite, il avait violemment maltraité cette femme, et s'était ensuite sauvé du logis. Sur ces demi-preuves, on l'applique à la question ; il confesse le meurtre ; on le condamne à la mort. Appel du jugement. Dans le temps qu'on fait le rapport du procès, tout entier à sa charge, la femme qui s'était cachée dans la maison d'un prêtre, son corrupteur, se représente. On comprend bien que l'arrêt qui intervint, déchargea de l'accusation le prétendu coupable : mais la torture qu'il avait soufferte, le juge, ou si l'on veut, la loi, pouvait-elle réparer les maux qu'il avait endurés ?

Si je le voulais bien, il me serait facîle de citer plusieurs autres exemples de gens appliqués à la question, qui préférant une prompte mort à de longs supplices, ont, pour s'en délivrer, confessé des crimes dont ils n'étaient pas coupables. Voyez S. Jérôme, épit. 34. et Papon, l. XXIV. tit. 8. nomb. 1. et Louis Vivès, dans son comment. sur S. Augustin, de civit. Dei, liv. XIX. ch. VIe où il se déclare hautement contre la torture.

Je ne serais pas même embarrassé d'alléguer de nouvelles raisons contre la torture, qu'on n'a point encore proposées. Il est du-moins certain que si l'on ne peut ôter la vie à un homme sur une preuve douteuse, celle que l'on arrache par la force des tourments, sera toujours douteuse ; et par conséquent la confession extorquée ne peut servir de fondement à une condamnation à la mort. Si l'on croit ne devoir pas prononcer de jugement sur la confession volontaire d'une personne, on ne peut pas mieux ordonner le dernier supplice sur la confession que l'on arrache à force de supplices.

Une autre réflexion s'offre à mon esprit ; comme nous prétendons que la religion, la justice et les mœurs s'opposaient au combat judiciaire, nous devrions trouver également que les tortures y sont contraires ; autrement nous sommes inconséquents dans nos principes ; car il n'est pas moins possible qu'un accusé criminel résiste à la violence de la question, qu'il l'était que ce même homme vainquit et subjuguât son accusateur ; cependant, malgré cet inconvénient commun aux duels et aux tortures, on a gardé l'usage des tortures dans ces mêmes pays, où l'on a sévérement réprimé les duels, du-moins par les lais.

J'ajoute que la question, loin d'être utîle pour découvrir les vrais complices d'un crime, pourrait quelquefois nuire à ce projet. Lorsque Guillaume Laud, évêque de Londres, menaça Felton, qui avait assassiné le duc de Buckingham, de le faire appliquer à la torture, s'il ne déclarait ses complices, il lui répliqua : " Mylord, je ne sais ce que les tourments de la question me feront dire, mais il se pourra que je vous nommerai comme le premier de mes complices, ou quelqu'autre membre du conseil du roi ; ainsi vous ferez bien de m'épargner des tourments inutiles. "

Enfin la question contre les criminels n'est point dans un cas forcé : nous voyons aujourd'hui une nation très-polie, et aussi éclairée que respectueuse envers l'humanité, qui a rejeté ce supplice sans inconvénient, même dans le cas de haute trahison ; il n'est donc pas nécessaire par sa nature. Mais tant d'habiles gens et de beaux génies ont écrit sur cette matière, qu'il est inutîle que je m'étende davantage à la discuter. Ainsi pour exemple, je renvoye le lecteur en particulier, à l'ouvrage de Jean Grevius. Il est intitulé, Tribunal reformatum, in quo sanioris et tutioris justitiae via judici christiano in processu criminali demonstratur, rejectâ et fugatâ torturâ, cujus iniquittatem, multiplicem fallaciam, atque illicitum inter christianos usum, aperuit, Joh. Grevius Clivensis Hamb. 1624, in-4°. Cet ouvrage a produit des effets salutaires en Hollande. On a laissé dormir la loi qui prescrivait la question ; on n'en a fait aucun usage dans les Provinces-Unies depuis plus de cent ans.

Je couronne mon article par ces paroles de Quintilien, Inst. Orat. lib. V. c. iv. Sicut in tormentis quoque, qui est locus frequentissimus, cùm pars altera quaestionem, vera fatendi necessitatem vocet, altera saepè etiam causam falsa dicendi, quòd illis patientia, facilè mendacium faciat, aliis, infirmitas necessarium. Ajoutez le passage du jurisconsulte Ulpien, in lib. I. §. quaest. de quaest. Statutum est non semper fidem tormentis, nec tamen nunquam adhibendam fore. Etenim res est fragilis, quaestio et periculosa, veritatem fallat ; nam plerique patientiâ, sive duritiâ tormentorum, ita tormenta contemnunt, ut exprimi eis veritas, nullo modo possit : alii tantâ sunt impatientiâ, ut quaevis mentiri, quam pati tormenta velint. Ita fit, ut etiam vario modo fateantur, ut non tantùm se, verùm etiam alios criminentur. (D.J.)

QUESTIONS perpétuelles, (Histoire romaine) c'est ainsi qu'on appelait chez les Romains, les matières criminelles, dont le jugement était commis à des magistrats particuliers, que le peuple créait à cet effet, et qui furent nommés quaesitores parricidii, questeurs du parricide.

Ce fut seulement l'an de Rome 604, que quelques-unes de ces commissions furent rendues permanentes. On divisa peu-à-peu toutes les matières criminelles en diverses parties, qu'on appela des questions perpétuelles, quaestiones perpetuae, c'est-à-dire des recherches perpétuelles. On créa divers préteurs pour faire ces recherches, et on en attribua un certain nombre à chacun d'eux, suivant les conjonctures. On leur donna pour un an la puissance de juger les crimes qui en dépendaient, et ensuite ils allaient gouverner leurs provinces. Voyez de plus grands détails au mot RECHERCHES perpétuelles. (Jurisprudence romaine)