S. f. (Chimie) Les Chimistes désignent par ce mot l'agitation intérieure qu'éprouve un liquide dans le sein duquel s'opère actuellement l'union chimique de certaines substances.

Les substances connues qui s'attachent avec effervescence, sont l'eau en masse jetée sur la chaux vive, et les acides appliqués aux alkalis, soit salins, soit terreux ; aux substances métalliques, aux matières huileuses, et à certains sels neutres.

L'effervescence a lieu, soit que les deux matières qui contractent union, soient avant leur mélange résoutes en liqueur ; soit que l'une des deux seulement soit liquide. Mais il est essentiel à l'effervescence que l'une de ces deux substances soit liquide ; premièrement, parce que c'est une circonstance nécessaire pour la dissolution ou union (V. MENSTRUE) ; secondement, parce que l'effervescence ne peut avoir lieu proprement que dans un liquide, comme il parait par la définition, et comme on Ve le voir clairement.

Le mouvement de l'effervescence consiste en la formation d'un nombre considérable de bulles qui se succedent rapidement, et qui s'élèvent à la surface du liquide, où elles crevent en lançant à une certaine distance des molécules du même liquide. La surface du liquide effervescent est sensiblement couverte d'un nombre prodigieux de petits jets, ou d'une pluie qui s'en détache, et qui y retombe.

Cet effet est dû manifestement à l'éruption d'un fluide leger et élastique. M. Musschenbroeck qui a fait sur les effervescences des expériences dont nous allons parler dans un instant, l'appelle une matière élastique semblable à de l'air : Mr. Halles a démontré que c'était du véritable air.

Je pense que l'air dégagé dans les effervescences, était uni, lié, combiné chimiquement avec l'un des deux corps qui contractent union, ou avec tous les deux, et par cela même fixe, ou non élastique (voyez MIXTION) ; et non pas entortillé, dévidé, ou roulé sur les parties de ces corps, et qu'il était dégagé par leur union, selon les lois de la précipitation ou des affinités. C'est sur ce point de vue que j'ai considéré l'effervescence, lorsque je l'ai appelée une précipitation d'air, dans un mémoire sur les eaux minérales de Selters, présenté à l'académie royale des Sciences en 1750. Voyez mém. présentés à l'acad. royale des Sciences, tome II. analyse des eaux minérales de Selters, premier mémoire.

C'est donc se faire une idée très-fausse de l'effervescence, que de regarder le mouvement qui la constitue, comme l'effet de la grande force d'attraction, avec laquelle les deux corps à unir, tendent l'un vers l'autre, des chocs violents qu'ils opèrent et qu'ils essuient, des rejaillissements, etc. et en général, que de l'attribuer directement aux corps mêmes qui s'unissent (voyez l'article CHIMIE, pag. 415. col. 2.) ; car il existe des unions sans effervescence, quoiqu'elles soient opérées bien plus rapidement que celle de plusieurs corps qui se dissolvent avec effervescence : celle de l'huîle de vitriol et de l'eau de la première espèce. Je cite à dessein celle-ci, parce que quelques auteurs ont appelé effervescence l'action réciproque de l'eau et de l'huîle de vitriol, que Frideric Hoffman, par exemple, propose comme une découverte, la qualification d'effervescence qu'il a donnée à cette action.

L'effervescence est ordinairement accompagnée d'une espèce de sifflement ou de pétillement, et de chaleur : je dis ordinairement, parce que les effervescences legeres ne sont pas accompagnées d'un bruit sensible, et qu'on a observé des effervescences sans production de chaleur, et même avec production réelle de froid.

Le pétillement s'explique bien aisément par l'éruption violente d'un fluide élastique, tel que l'air rassemblé en bulles.

On ne sait absolument rien sur la production de la chaleur, ni sur celle du froid. Cette chaleur est quelquefois telle, qu'elle produit l'inflammation dans les matières convenables ; celle qui s'excite par l'action de l'acide nitreux concentré, et de plusieurs matières huileuses, est de ce dernier genre (voyez INFLAMMATION DES HUILES). On a prétendu que la chaux s'était échauffée dans certaines circonstances, jusqu'à allumer du bois (voyez CHAUX). L'acide du vinaigre versé sur les alkalis terreux, non calcinés, produit des effervescences froides.

La fameuse effervescence froide qui produit des vapeurs chaudes (phénomène effectivement fort singulier), est celle qui est excitée par le mélange de l'acide vitriolique et du sel ammoniac.

Les expériences de M. Musschenbroeck, que nous avons déjà annoncées, consistent à avoir excité des effervescences par un grand nombre de divers mélanges, à avoir observé la quantité de matière élastique qu'elles produisaient dans le vide, et à avoir comparé la violence du mouvement et le degré de chaleur excité par le même mélange dans l'air et dans le vide. Il a résulté de ces expériences, que la plupart des effervescences produisaient de la matière élastique et de la chaleur ; que le mouvement et la chaleur produits par ce mélange, étaient différents dans l'air et dans le vide ; et qu'il n'y avait aucune proportion entre ces trois phénomènes, le mouvement, la production de la matière élastique, et la chaleur. Voyez additamenta ad tentamina experiment. nat. captorum in acad. del Cimento.

Les expériences de M. Halles nous ont instruit davantage, parce qu'étant faites dans un volume d'air déterminé, et dont on a pu mesurer l'augmentation et la diminution réelle, on a pu déterminer l'absorption aussi-bien que la production de l'air, ce qui est impossible en faisant ces expériences dans le vide. Les expériences de M. Halles nous ont appris donc, que les matières qui excitent par leur mélange une violente effervescence, produisent d'abord de l'air, mais que la plupart en absorbent ensuite ; circonstance qui empêche de savoir si la quantité d'air produit, est proportionnelle à la violence de l'effervescence, comme cela devrait être naturellement : car la cause de l'absorption et celle de la production de l'air peuvent agir dans le même temps, et se détruire réciproquement, du moins quant aux effets apparents. Les causes matérielles de l'absorption de l'air, sont des vapeurs qui s'élèvent des corps effervescens, et que nous connaissons sous le nom de clissus (voyez CLISSUS ). Pour mettre la dernière main aux ingénieuses expériences de M. Halles sur cette matière, il faudrait donc trouver le moyen de mettre l'air produit par les effervescences, à l'abri de l'action des clissus élevés en même temps, ou constater l'efficacité spécifique de ces clissus sur l'air, leur point de saturation ; ce qui est assez difficile, mais non pas impossible. Voyez l'analyse de l'air, de M. Halles, p. 174. de la traduct. franç. sous ce titre : Expériences sur les différentes altérations de l'air dans les fermentations ; et pag. 186. sous ce titre : Effets de la fermentation des substances minérales sur l'air. On trouvera dans ces articles plusieurs expériences très-intéressantes sur les effervescences, parmi plusieurs expériences sur des fermentations ; car l'auteur confond ces deux phénomènes sous le même titre.

L'effervescence diffère essentiellement de la fermentation, surtout par ses produits, quoiqu'elle ait avec la fermentation plusieurs propriétés communes (voyez FERMENTATION). L'effervescence ne ressemble en rien à l'ébullition ou bouillonnement des liquides par l'action du feu (voyez EBULLITION). L'effervescence est un des signes auxquels on reconnait le point de saturation dans la préparation des sels neutres. Voyez NEUTRE (Sel), TURATIONTION. (b)

EFFERVESCENCE, (Médecine) est un terme aussi employé par certains médecins, pour signifier un mouvement intestin qu'ils supposent dans les humeurs du corps humain, tel, par exemple, que celui qui est produit par le mélange de deux liqueurs, dont l'une est acide et l'autre alkaline. Il n'existe point de semblable mouvement dans l'économie animale ; on peut le démontrer à priori, parce qu'il n'y a rien dans nous qui puisse causer une effervescence. Il n'y a point dans notre corps de sel acide, ni de sel lixiviel, dont le concours puisse produire un semblable effet ; il en conste par expérience : car le sang qui se répand d'un corps dont on vient de couper la tête, ou qui sort d'une artère ouverte, reçu dans un vase, ne donne aucune marque de mouvement intestin particulier, il parait sans agitation sensible dans aucune de ses parties. Cependant il est reçu de tout le monde, que le mouvement d'effervescence est de nature à tomber évidemment sous les sens. Voyez les préleçons de Boerhaave sur les instituts et les notes d'Haller, §. 176. dont cet article est extrait. (d)