COBOLT ou KOBOLD, (Histoire naturelle, Minéralogie et Chimie) en latin cobaltum, cadmia fossilis pro caeruleo, cadmia metallica, etc. c'est un demi-métal, d'un gris qui tire un peu sur le jaunâtre ; il parait composé d'un assemblage de petites lames ou de feuillets : à l'extérieur il a assez de ressemblance avec le bismuth : mais ce qui caractérise particulièrement ce demi-métal, c'est la propriété qu'il a de donner une couleur bleue à la fritte du verre, lorsqu'on le met en fusion avec elle.

On a longtemps regardé le cobalt comme une substance terreuse ; c'est sa grande friabilité qui semble avoir accrédité cette erreur ; mais M. Brandt, savant chimiste suédois, a prouvé dans un mémoire inséré dans les actes de l'académie d'Upsal, qu'on devait le placer au rang des demi-métaux : voici les raisons sur lesquelles il appuie son sentiment : 1° le cobalt présente à l'extérieur le même coup-d'oeil qu'un métal : 2° il a une pesanteur métallique : 3° il entre en fusion dans le feu, et prend en refroidissant une surface convexe, ce qui est un des caractères distinctifs des substances métalliques : 4° le cobalt se dissout dans l'eau-forte, et donne une couleur d'un verd jaunâtre au dissolvant ; les sels alkalis fixes précipitent cette dissolution d'une couleur noire, et l'alkali volatil la précipite d'un rouge très-vif ; si on édulcore la matière précipitée et qu'on y joigne de la matière inflammable, en faisant fondre ce mélange on obtient du cobalt en régule, comme cela se pratique sur les précipités des autres substances métalliques dont on fait la réduction.

Le cobalt ne s'amalgame point avec le mercure, et jamais par la fusion on ne peut l'unir avec le bismuth, quoique les mines de ce dernier demi-métal contiennent presque toujours du cobalt. Il s'unit très-intimement au cuivre, qu'il rend aigre et cassant.

On distingue plusieurs espèces de mines dont on tire le cobalt ; voici les principales, suivant M. Wallerius.

I. La mine de cobalt cendrée : elle a quelque ressemblance avec la mine de plomb cubique ou galene, mais elle ressemble encore plus à la pyrite arsenicale avec qui on la confond souvent mal-à-propos ; cependant le grain de cette mine de cobalt est plus fin, et d'une couleur plus foncée et plus rougeâtre que celle de la pyrite arsenicale.

II. La mine de cobalt spéculaire, ainsi nommée parce qu'on y remarque des lames ou feuillets luisans comme la glace d'un miroir ; ce que M. Wallerius conjecture venir de ce que le cobalt se trouve uni avec du spath feuilleté ou quelqu'autre matière de cette espèce.

III. La mine de cobalt vitreuse, ainsi nommée parce qu'elle ressemble à des scories ou à une matière vitrifiée ; elle est brillante et d'un gris bleuâtre.

IV. La mine de cobalt crystallisée ; on appelle ainsi les mines de cobalt qui affectent une figure régulière et déterminée ; on leur donne differents noms, suivant la figure qu'on y remarque ; par exemple on les appelle mines de cobalt tricotées, en réseaux, &c.

V. Fleurs de cobalt ; c'est une mine de cobalt tombée en efflorescence à l'air, et qui prend une couleur ou rouge, ou violette, ou pourpre, ou fleur de pêcher ; quelquefois ces couleurs ne sont qu'à la surface ; quelquefois elles pénètrent de part en part.

VI. La mine de cobalt terreuse ; cette mine est ainsi nommée parce qu'elle est friable et peu compacte : sa couleur varie ; il y en a d'un blanc tirant sur le verd, de jaune comme de l'ochre, de noire, etc.

Outre cela on rencontre fréquemment du cobalt dans les mêmes mines qui fournissent le bismuth. On en trouve aussi quelquefois dans la mine d'arsenic, que l'on nomme testacée ; c'est pour cela que les minéralogistes allemands l'appellent cobalt testacée, (schirben-kobolt), quoique ce soit une vraie mine d'arsenic. On en rencontre aussi en petite quantité dans la mine d'arsenic d'un rouge cuivreux, que les Allemands appellent kupfernikkel, mais ce n'est qu'accidentellement. On croit devoir avertir en général, que les ouvriers des mines d'Allemagne, et quelques auteurs d'après eux, ont souvent confondu les mines de cobalt avec celles d'arsenic, et ont indifféremment donné le nom de cobalt à des mines arsenicales, qui ne contiennent que peu ou point de ce demi-métal ; ce qu'il y a de certain, c'est que toutes les mines de cobalt sont chargées d'une portion d'arsenic très-considérable, que l'on est obligé d'en dégager par le grillage pour en séparer le cobalt ou la matière propre à colorer le verre en bleu. On se sert pour cela d'un fourneau dont on trouvera la représentation parmi les Planches de Minéralogie dans celle du cobalt et de l'arsenic : la figure 1. représente l'attelier et le fourneau pour la calcination du cobalt ; A B est un fourneau de réverbere dans lequel on met la mine de cobalt, pour que la flamme en dégage la partie arsenicale qui est reçue dans une galerie ou cheminée de bois horizontale C D, qui a ordinairement 100 pas de longueur ; l'arsenic qui y passe sous la forme d'une fumée blanche fort épaisse, se condense et s'attache aux parois de cette cheminée sous la forme de petits crystaux ou d'une farine légère, que les Allemands nomment gifftmehl, d'où on l'enlève au bout d'un certain temps par les fenêtres, E E E, qui sont pratiquées de distance en distance le long de la galerie ou cheminée horizontale ; ces fenêtres se ferment lorsqu'on fait griller la mine de cobalt ; F F sont les piliers sur lesquels la cheminée horizontale est soutenue ; G est une coupe perpendiculaire d'un fourneau à griller la mine de cobalt ; H est la coupe perpendiculaire de la cheminée horizontale, dans laquelle la fumée arsenicale est reçue.

Après que la mine de cobalt a été grillée dans le fourneau que nous venons de décrire, on la retire, on l'écrase dans un moulin par le moyen de deux meules qui tournent verticalement, ensuite on la fait calciner de nouveau jusqu'à ce qu'il n'en parte plus aucune fumée ; pour lors on retire le cobalt, dont on mêle une partie avec deux parties et même plus de potasse et de cailloux ou de quartz pulverisés, et l'on en fait ce qu'on appelle le saffre, smalte ou azur, dont on se sert pour peindre en bleu la fayence et la porcelaine, pour colorer le verre, faire du bleu d'empois, etc. Nous donnerons une description détaillée de ce travail à l'art. SAFFRE ; nous nous contenterons de dire ici que les manufactures où l'on traite ainsi le cobalt, sont un objet de commerce très-considérable pour la Misnie, et produisent un très-grand revenu à l'électeur de Saxe.

L'exportation du cobalt crud est défendue en Saxe sous des peines très-rigoureuses ; il y a des commis établis pour en empêcher la contrebande ; et tout le cobalt qui se recueille dans le pays doit être livré, suivant la taxe qui en a été faite par le conseil des mines, aux manufactures de saffre. Voyez SAFFRE.

On a souvent tenté de tirer de l'argent des mines de cobalt ; mais quand il s'y en trouve, ce n'est qu'accidentellement : il n'y a donc point de meilleur parti que de les travailler pour en tirer la couleur bleue propre à faire le saffre.

Une manière courte d'éprouver si une mine de cobalt fournira un beau bleu, c'est de la faire fondre dans un creuset avec deux ou trois fois son poids de borax, qui deviendra d'un beau bleu si le cobalt est d'une bonne qualité.

Il y a des mines de cobalt en plusieurs endroits de l'Europe ; mais les plus abondantes et les meilleures sont celles de Schneeberg en Misnie ; le cobalt s'y trouve ordinairement joint aux mines de bismuth. Il s'en trouve aussi en Bohème dans la vallée de Joachim (Joachims-thal), au Hartz, dans le duché de Wirtemberg, aux Pyrenées, dans la province de Sommerset en Angleterre, en Alsace, etc. Il parait que les Chinois, et surtout les Japonais, ont aussi des mines de cobalt chez eux, par les porcelaines bleues si estimées qui venaient autrefois de leur pays ; mais il y a lieu de croire que leurs mines sont épuisées, ou du moins que le cobalt dont ils se servent actuellement est d'une qualité inférieure, attendu que le bleu de leurs porcelaines modernes n'est plus si beau.

L'exploitation des mines de cobalt est dangereuse ; il y règne très-souvent des vapeurs arsenicales, qui font périr ceux qui y travaillent ; outre cela leurs pieds et leurs mains sont souvent ulcérés par ce minéral qui est très-corrosif.

Les mineurs allemands donnent aussi le nom de cobalt à un être qui n'existe que dans leur imagination ; ils veulent désigner par là un fantôme ou démon souterrain à qui ils attribuent la figure d'un petit nain ; ce prétendu gnome lorsqu'il n'est pas de bonne humeur étrangle les mineurs ; mais lorsqu'il est bénévole, il leur fait découvrir les filons les plus riches. (-)