S. m. en Musique, est une manière de chant qui approche beaucoup de la parole ; c'est proprement une déclamation en musique, dans laquelle le musicien doit imiter autant qu'il est possible, les inflexions de voix du déclamateur. Ce chant est ainsi nommé récitatif, parce qu'il s'applique au récit ou à la narration, et qu'on s'en sert dans le dialogue.

On ne mesure point le récitatif en chantant ; car cette cadence qui mesure le chant, gâterait la déclamation : c'est la passion seule qui doit diriger la lenteur ou la rapidité des sons. Le compositeur, en notant le récitatif sur quelque mesure déterminée, n'a en vue que d'indiquer à-peu-près comment on doit passer ou appuyer les vers et les syllabes, et de marquer le rapport exact de la basse continue et du chant. Les Italiens ne se servent pour cela que de la mesure à quatre temps, mais les François entremêlent leur récitatif de toutes sortes de mesures.

Le récitatif n'est pas moins différent chez ces deux nations, que le reste de la musique. La langue italienne douce, flexible et composée de mots faciles à prononcer, permet au récitatif toute la rapidité de la déclamation. Ils veulent d'ailleurs que rien d'étranger ne se mêle à la simplicité du récitatif, et croiraient le gâter en y mêlant aucun des ornements du chant. Les François au contraire, en remplissent le leur autant qu'ils peuvent. Leur langue, plus chargée de consonnes, plus âpre, plus difficîle à prononcer, demande plus de lenteur, et c'est sur ces sons ralentis qu'ils épuisent les cadences, les accens, les ports-de-voix, même les roulades ; sans trop s'embarrasser si tous ces agréments conviennent au personnage qu'ils font parler, et aux choses qu'ils lui font dire. Aussi dans nos opéra, les étrangers ne peuvent-ils distinguer ce qui est récitatif, et ce qui est air. Avec tout cela, on prétend en France que le récitatif français l'emporte infiniment sur l'italien ; on y prétend même que les Italiens en conviennent, et l'on Ve jusqu'à dire qu'ils ne font pas de cas de leur propre récitatif. Ce n'est pourtant que par cette partie que le fameux Porpora s'immortalise aujourd'hui en Italie, comme Lully s'est immortalisé en France. Quoi qu'il en sait, il est certain que d'un commun aveu, le récitatif français approche plus du chant, et l'italien de la déclamation. Que faut-il de plus pour décider la question sur ce point ? (S)