THRÉSOR PUBLIC, (Synonyme) en latin fiscus, aerarium. Le premier mot se dit proprement du trésor du prince, parce qu'on le mettait autrefois dans des paniers d'osier ou de jonc, et le second du trésor de l'état.

A Rome, sous les premiers empereurs, on appelait aerarium, les revenus publics, ceux de l'épargne, destinés aux besoins et aux charges de l'état ; et on nommait fiscus, ceux qui ne regardaient que l'entretien du prince en particulier ; mais bien-tôt après, ces deux mots furent confondus chez les Romains, et nous avons suivi leur exemple. Aussi le dictionnaire de Trévoux définit le fisc par trésor du roi, ou du royaume indifféremment : car, ajoute ce dictionnaire, la différence de ces deux choses que l'on remarquait dans le commencement de l'empire romain, ne se trouve point en France. Il n'y a que trop d'autres pays où le trésor du prince et le trésor public sont des termes synonymes : voyez cependant THRESOR PUBLIC. Du mot fisc, on a fait confisquer, confiscare, bona fisco addicère, par la raison que tous les biens que les empereurs confisquaient, appartenaient à leur fisc, et non point au public. Les biens de Séjan, dit Tacite (annal. liv. V.), furent transportés du trésor public dans le fisc de l'empereur. L'usage des confiscations devint si fréquent, qu'on est fatigué de lire dans l'histoire de ce temps-là, la liste du nombre infini de gens dont les successeurs de Tibere confisquèrent les biens. Nous ne voyons rien de semblable dans nos histoires modernes ; on n'a point à dépouiller des familles de sénateurs qui aient ravagé le monde. Nous tirons du moins cet avantage, dit M. de Montesquieu, de la médiocrité de nos fortunes, qu'elles sont plus sures ; nous ne valons pas la peine qu'on confisque nos biens : et le prince qui les ravirait serait un mauvais politique.

Le fisc des pontifes s'appelait arca ; et celui qui en avait la garde, était honoré du titre d'arcarius, comme il parait par plusieurs inscriptions recueillies de Gruter, qu'il ne s'agit pas de transcrire ici. Art. de M(D.J.)

FISC, (Jurisprudence) en latin fiscus, se prend en général pour le domaine du prince, ou pour celui de quelque seigneur particulier.

Il a été ainsi appelé du latin fiscus, qui dans l'origine signifie un panier d'osier, parce que du temps des Romains on se servait de semblables paniers pour mettre de l'argent.

Du temps de la république il n'y avait qu'un seul fisc, qui était le trésor public ; mais du temps des empereurs, le prince avait son trésor et domaine particulier, distinct de celui de l'état ; et l'on donna le nom de fisc au trésor des empereurs, pour le distinguer du trésor public, qu'on appelait aerarium, et qui était destiné pour l'entretien de l'état ; au lieu que le fisc du prince était destiné pour son entretien particulier, et celui de sa maison.

Confisquer une chose, signifie l'attribuer au fisc ; ce qui est une peine qui a lieu en certains cas.

Cicéron, dans son oraison pro domo sua, observe que dans l'âge d'or de la république, le fisc ou trésor public n'était point augmenté par la confiscation ; cette peine était alors inconnue.

Ce ne fut que dans le temps de la tyrannie de Sylla que fut faite la loi Cornelia, de proscript. qui déclara les biens des proscrits acquis au profit du fisc.

La confiscation avait lieu du temps des empereurs, mais ils ne faisaient guère usage de ce droit ; c'est pourquoi Pline, dans le panégyrique qu'il a fait de Trajan, le loue principalement de ce que sous son règne la cause du fisc ne prévalait point ordinairement : quae praecipua tua gloria est, dit-il, saepius vincitur fiscus, cujus mala causa nunquam est nisi sub bono principe.

L'empereur Constantin, par une loi du mois de Février 320, défendit de faire souffrir à ceux qui seraient redevables au fisc, ni les prisons ordinaires, qui ne sont, dit-il, que pour les criminels ; ni les fouets et autres supplices, inventés, dit-il, par l'insolence des juges, et qui étaient néanmoins ordinaires en ce temps-là pour la simple question : il voulut qu'on les tint seulement arrêtés en des lieux où on eut la liberté de les voir. Cette loi est bien opposée à ce que prétend Zozime, que quand il fallait payer les impôts à Constantin, on ne voyait par-tout que fouets et que tortures ; à moins que l'on ne dise que cela se pratiquait ainsi de son règne avant cette loi.

Par une autre loi de la même année, concernant les femmes qui se remarient dans l'année du deuil, il ordonna que les choses dont il les privait iraient à leurs héritiers naturels, et non au fisc, à moins qu'elles ne manquassent d'héritiers jusqu'au dixième degré ; " ce que nous ordonnons, dit-il, afin que l'on ne puisse pas nous accuser de faire pour nous enrichir, ce que nous ne faisons que pour l'intérêt public, et pour corriger les désordres ".

Il ne voulut pas non plus profiter des choses naufragiées, quod enim jus habet fiscus in aliena calamitate, ut de re tam luctuosa compendium sectetur. L. 1. cod. de naufragiis.

Les empereurs Antonin le Pieux, Marc-Antonin, Adrien, Valentin et Théodose le Grand, se relâchèrent aussi beaucoup des droits du fisc par rapport aux confiscations ; et Justinien abolit entièrement ce droit. Voyez ce qui a été dit à ce sujet au mot CONFISCATION.

Le fisc jouissait chez les Romains de plusieurs droits et privilèges. Il pouvait revendiquer la succession qui était déniée à celui qui avait argué mal-à-propos le testament de faux. Il était aussi préféré au fidéicommissaire, lorsque le testateur avait subi quelque condamnation capitale. Il avait la faculté de poursuivre les débiteurs des débiteurs, lorsque le principal débiteur avait manqué. On lui accordait la préférence sur les villes, dans la discussion des biens de leur débiteur commun, à moins que le prince n'en eut ordonné autrement.

Il avait pareillement la préférence sur tous les créanciers chirographaires, et même sur un créancier hypothécaire du débiteur commun, dans les biens que le débiteur avait acquis depuis l'obligation par lui contractée au profit de ce particulier, encore que celui-ci eut l'hypothèque générale : le fisc était même en droit de répeter ce qui avait été payé par son débiteur à un créancier particulier.

Il était aussi préféré aux donataires, et à la dot même qui était constituée depuis l'obligation contractée avec lui.

S'il avait été mal jugé contre le fisc, la restitution en entier lui était accordée contre le jugement.

Lorsque quelque chose avait été aliénée en fraude et à son préjudice, il pouvait faire révoquer l'aliénation.

Outre les cas dont on a déjà parlé, un testament demeurait sans effet.

Il y avait encore diverses causes pour lesquelles il pouvait revendiquer les biens des particuliers ; savoir ceux qui avaient été acquis par quelque voie criminelle, après la mort du coupable ; les fideicommis tacites, qui étaient prohibés ; l'hérédité qui était refusée à l'héritier, pour cause d'indignité ; les biens de ceux qui s'étaient procuré la mort, pourvu que le crime fût constant ; les biens des ôtages et prisonniers décédés ; ceux du débiteur qui était mort insolvable ; ce qui restait après que les créanciers étaient payés ; les biens vacans, pourvu qu'il les réclamât dans les quatre années ; la dot de la femme qui avait été tuée, et dont le mari n'avait pas vengé la mort ; les fruits perçus pendant l'accusation de faux, lorsque le demandeur succombait ; les libertés qui avaient été accordées en fraude du fisc.

Lorsqu'on trouvait un trésor dans quelque fonds du fisc, ou public, ou religieux, il en appartenait la moitié au fisc ; et si l'inventeur tenait le fait caché, et que cela vint ensuite à être connu, il était obligé de rendre au fisc tout le trésor, et encore autant du sien.

Le fisc succédait aux hérétiques, lorsqu'il n'y avait point de parents orthodoxes ; à ceux qui étaient reconnus pour ennemis publics ; à ceux qui contractaient des mariages prohibés, lorsqu'il ne se trouvait ni père et mère ou autres ascendants, ni enfants ou petits-enfants, ni frères et sœurs, oncles ou tantes. Il succédait pareillement à celui qui était relégué, même dans les biens acquis depuis l'exil. La succession ab intestat de celui qui avait été condamné pour délit militaire, lui appartenait aussi, de même que celle du furieux, à laquelle les proches avaient renoncé. Enfin il succédait au défaut du mari, et généralement de tous les autres héritiers généraux ou particuliers.

Mais il y avait cela de remarquable par rapport aux successions qu'il recueillait en certains cas, à l'exclusion des héritiers, qu'il était obligé de doter les filles de celui auquel il succédait.

Il y avait encore bien d'autres choses à remarquer sur ce qui s'observait chez les Romains à l'égard du fisc ; mais le détail en serait trop long en cet endroit.

En France il n'y a qu'un seul fisc public, qui est celui du prince ; tout ce qui est acquis au fisc lui appartient, ou à ceux qui sont à ses droits, tels que les fermiers, qui dans certains cas profitent des confiscations.

Les seigneurs féodaux et justiciers ont aussi droit de fisc, nonobstant que quelques auteurs aient avancé que le roi a seul droit de fisc ; ce qui ne doit s'entendre que des lieux dont il a la seigneurie immédiate.

En effet, un fief est confisqué par droit de commise au profit d'un seigneur féodal, quoiqu'il ne soit pas seigneur justicier.

Le seigneur qui a droit de justice, a non-seulement les confiscations par droit de commise, mais ses juges peuvent prononcer d'autres confiscations, et des amendes applicables à son fisc particulier.

L'église n'a point de fisc, comme les seigneurs ; c'est pourquoi le juge d'église ne peut condamner en l'amende, si ce n'est pour employer en œuvres pieuses.

Les principes que nous suivons par rapport au fisc, sont la plupart tirés du droit romain : on tient pour maxime que ses droits sont inaliénables et imprescriptibles. Le fisc est toujours réputé solvable, exempt de toutes contributions ; il est préféré pour l'achat des métaux, il a une hypothèque tacite. La péremption n'a point lieu contre lui, ses causes sont revues sur pièces nouvelles. On reçoit des sur-enchères aux adjudications des biens du fisc ; il n'est point garant des défauts des choses qu'il vend ; il est déchargé des dettes des biens qu'il met hors de sa possession, et les créanciers ne peuvent s'adresser qu'à l'acquéreur : on ne doit pas néanmoins le favoriser dans les choses douteuses. En fait de succession, il ne vient qu'au défaut de tous ceux qui peuvent avoir quelque droit aux biens, conformément à la maxime, fiscus post omnes.

Sur les droits de fisc, voyez au digeste le titre de jure fisci ; et au code de privilegio fisci ; les lois civiles, tom. IV. liv. I. tit. VIe sect. 7. Bouchel, biblioth. du dr. fr. au mot fisc.

Voyez aussi les traités de privilegiis fisci, par Martinus Garratus Landents ; Fr. Lucanus, de Parmâ, Matth. de afflictis ; Peregrinus ; Chopin, de dom. lib. III. tit. xxjx. Andr. Gaill. lib. I. observ. xx. Joann. Galli, quest. ccclx. Dumolin, tom. II. p. 626. Stockmants, decis. xcvj. (A)

FISC, dans les anciens auteurs, signifie souvent fief ou bénéfice, parce que dans la première institution des fiefs les princes donnaient à leurs fidèles ou sujets, de leurs terres fiscales ou patrimoniales à titre de bénéfice, pour en jouir seulement leur vie durant ; et comme ces terres n'étaient point entièrement aliénées, elles étaient toujours regardées comme étant du domaine du seigneur, c'est pourquoi elles retenaient le nom de fisc. Voyez le gloss. de Ducange, au mot fiscus. (A)