BANDE, COMPAGNIE, (Synonyme) plusieurs personnes jointes pour aller ensemble font la troupe. Plusieurs personnes séparées des autres pour se suivre et ne se point quitter, font la bande. Plusieurs personnes réunies par l'occupation, l'emploi ou l'intérêt, font la compagnie.

On dit une troupe de comédiens, une bande de violons, et la compagnie des Indes.

Il n'est pas honnête de se séparer de sa troupe pour faire bande a part ; et il convient ordinairement de prendre le parti de la compagnie où l'on se trouve engagé. Girard. (D.J.)

TROUPES, (Art militaire) on appelle du nom général de troupes toutes sortes de gens armés et assemblés pour combattre.

Les troupes sont composées principalement de deux sortes de personnes ; savoir de simples combattants et d'officiers.

Les simples combattants sont ceux qui ne sont chargés d'aucune autre chose que d'employer leur personne et leur force dans les fonctions de la guerre.

Les officiers sont ceux qui outre l'obligation de simples combattants, doivent encore être employés à la conduite des troupes, et à y maintenir l'ordre et la règle.

Les troupes sont formées de gens destinés à combattre à pied, et d'autres à combattre à cheval. On ne mêle pas confusément ces deux espèces de combattants. On fait combattre ensemble les gens de pied, de même que ceux de cheval ; on les partage en différents corps, appelés bataillons pour les premiers, et escadrons pour les seconds. Il y a des troupes qui combattent à pied et à cheval, suivant l'occasion ; voyez INFANTERIE, CAVALERIE, DRAGONS, ESCADRON, BATAILLON et EVOLUTION.

Outre les troupes de cavalerie et d'infanterie dont on vient de parler, il y a des troupes légères composées de l'une et l'autre espèce, dont l'objet est d'aller à la découverte, de roder continuellement autour de l'ennemi pour épier ses démarches, le harceler, etc. Ces troupes différent des autres en ce qu'elles ne sont pas, comme celles-ci, destinées à combattre en ligne.

Les troupes d'un état sont nationales ou étrangères. Il y a plusieurs inconvénients à en avoir un trop grand nombre d'étrangères ou d'auxiliaires dans les armées ; car outre qu'elles coutent plus que les nationales, elles sont plus difficiles à conduire, et bien plus difficiles à ramener lorsque l'esprit de sédition et de mutinerie s'y introduit. " Les premiers Romains, dit un auteur célèbre, ne mettaient point dans leurs armées un plus grand nombre de troupes auxiliaires que de romaines ; et quoique leurs alliés fussent proprement des sujets, ils ne voulaient point avoir pour sujets des peuples plus belliqueux qu'eux-mêmes. Mais dans les derniers temps non seulement ils n'observèrent pas cette proportion des troupes auxiliaires, mais même ils remplirent de soldats barbares les corps des troupes nationales, ce qui contribua beaucoup à leur décadence. " Voyez sur cette matière le commentaire sur Polybe de M. le chevalier Folard, tom. II. pag. 379. les réflexions militaires de M. le marquis de Santa-Cruz, tom. I. ch. XIe et suiv. etc.

Les troupes que chaque état entretient doivent être proportionnées à sa richesse et au nombre d'habitants qu'il contient, autrement il est difficîle de les entretenir longtemps.

Suivant M. le président de Montesquieu, " une expérience continuelle a pu faire connaître en Europe, qu'un prince qui a un million de sujets, ne peut, sans se détruire lui-même, entretenir plus de dix mille hommes.

On doit, dit M. de Beausobre sur ce même sujet, établir une proportion entre la quantité de troupes à entretenir, et celle des citoyens que l'on a. Quoiqu'un prince puisse en ménager une partie par un supplément de troupes étrangères, ce supplément casuel ne doit pas le dispenser d'observer cette proportion dans son état : il doit regarder comme un gain de soulager les nationaux d'une partie des occasions qui peuvent en diminuer le nombre, sans cependant laisser perdre le goût des armes, et le point d'honneur de la nation. Les Carthaginois périrent pour avoir outré ce ménagement, et rendu leurs citoyens paresseux. Jusqu'à Auguste les Romains observèrent très-exactement la proportion entre les légions des citoyens et celles des alliés. Les empereurs ayant négligé cette proportion, elle fut perdue de vue et s'évanouit avec l'empire.

Un état, continue le même auteur, qui aurait de grandes villes dont les terres devraient être nécessairement cultivées, où il y aurait beaucoup d'employés, d'artisans, de célibataires, de magistrats, d'ecclésiastiques, de fabriquans, de littérateurs, et qui contiendrait vingt millions d'ames, ne pourrait pas entretenir plus de deux cent mille hommes sous les armes, c'est-à-dire en arracher un plus grand nombre à la culture des terres, aux arts et aux professions nécessaires à l'intérieur de l'état ; encore faudrait-il que cet état n'essuyât pas de longues guerres, et fût fondé sur des lois qui encourageassent la population. Sans ces deux conditions on aurait peine à en entretenir cent mille.

Il faut considérer les hommes qui composent la milice, comme vivant beaucoup moins que les autres, comme célibataires, et les plus vigoureux d'entr'eux comme incapables de faire la guerre avec l'activité réquise dès qu'ils ont fait vingt campagnes. Otez de ces vingt millions d'ames les femmes, les vieillards, les enfants, les hommes hors d'état de servir par leurs infirmités et leur défaut de force ou de courage ; ceux qui sont mal conformés ; les gens exempts du service par leur aisance, les charges et les emplois ; les ecclésiastiques, les magistrats et gens de lois, et les hommes en état de travailler dont les provinces ont besoin, et vous verrez qu'il ne vous en restera pas davantage pour porter la guerre au-dehors et pour l'entretenir. Plus un état est étendu, moins il est peuplé à proportion d'un petit ; plus il est urbanisé, et moins il contient de soldats.

Rome ne renfermait aucun cultivateur. Les esclaves y composaient la classe des domestiques et celle des artisans. Le célibat y était regardé avec ignominie ; les citoyens, à l'exception d'un très-petit nombre de prêtres et d'augures, n'étaient destinés qu'aux armes, et elles étaient unies aux charges du gouvernement. Sur la fin du règne d'Auguste cette capitale contenait quatre millions cent trente-sept mille citoyens inscrits dans le dénombrement, et d'âge à être admis aux charges ou dans la milice ; le total du peuple de tout âge et de tout sexe était de treize millions cinquante-un mille cent soixante-dix-huit ames. La milice composée de citoyens n'était que de cent quatre-vingt-sept mille deux cent cinquante, tant infanterie que cavalerie, en sorte que le nombre des âmes était à celui des soldats, comme 75 ou 76 est à 1 ; il aurait été au-moins de 150 à 1, si l'ancienne Rome eut eu en citoyens le nombre de domestiques et de célibataires de toute condition qu'on trouve dans les villes modernes ". Tableau militaire dec Grecs imprimé à la suite du commentaire sur Enée le tacticien.

Ce n'est pas tant le grand nombre de troupes qui fait la sûreté des états, que des troupes bien disciplinées, et commandées par des chefs consommés dans l'art de la guerre. Les Romains firent toutes leurs conquêtes avec de petites armées, mais bien exercées dans toutes les manœuvres militaires. " Car une armée formée et disciplinée de longue main, dit un grand capitaine, quoique petite, est plus capable de se défendre et même d'acquérir, que ces armées qui ne s'assurent que sur leur grand nombre. Les grandes conquêtes se sont presque toujours faites par les armées médiocres, comme les grands empires se sont toujours perdus avec leurs peuples innombrables ; et cela parce que ceux qui avaient à combattre ces armées si nombreuses, ont voulu leur opposer une exacte discipline et un bon ordre, et les autres ayant négligé toute bonne discipline et ordre, ont voulu récompenser ce défaut par le grand nombre d'hommes, qui leur a causé toute confusion, et n'a servi qu'à les faire perdre plus honteusement ". Traité de la guerre par M. le duc de Rohan.

Que l'exacte discipline puisse suppléer avantageusement au nombre des troupes, c'est ce que les Grecs et ensuite les Romains ont fait voir dans le degré le plus évident. Les premiers avec leurs petites armées surent vaincre celles de Xerxès et de Darius infiniment plus nombreuses ; et les autres celles de Mithridate et des autres princes de l'Asie qui avaient armé des peuples entiers contre eux. Les anciens bien persuadés que le nombre de troupes sans une bonne discipline ne fait rien à la guerre, ne négligeaient rien pour mettre les leurs en état de ne rien trouver d'impossible, et quels que fussent leurs soldats, ils savaient en faire de bonnes troupes. Lorsque Scipion eut le commandement de l'armée romaine en Espagne, les troupes étaient mauvaises et découragées, parce qu'elles avaient souvent été battues sous les autres généraux. Ce grand homme s'appliqua d'abord à les remettre sous les lois de la discipline, et il trouva bientôt ensuite le moyen de prendre Numance, qui jusque-là avait été l'écueil de la valeur romaine. C'est par-là que Belisaire se distingua sous Justinien, et qu'il fut le boulevard de l'empire. Avec un général qui avait toutes les maximes des premiers Romains, il se forma, dit l'illustre auteur de l'esprit des lois, une armée telle que les anciennes armées romaines. Voyez DISCIPLINE MILITAIRE et EXERCICE. (Q)