S. f. (Grammaire) jugement fondé sur des preuves qui n'ont qu'un certain degré de vraisemblance, c'est-à-dire sur des circonstances dont l'existence n'a pas une liaison assez étroite avec la chose qu'on en conclut, pour qu'on puisse assurer positivement que les unes étant, l'autre sera ou ne sera pas : mais qu'est-ce qui met en état d'apprécier cette liaison ? l'expérience seule. Qu'est-ce que l'expérience, relativement à cette liaison ? Un plus ou moins grand nombre d'essais, dans lesquels on a trouvé que telle chose étant donnée, telle autre l'était ou ne l'était pas ; en sorte que la force de la conjecture, ou la vraisemblance de la conclusion, est dans le rapport des événements connus pour, aux événements connus contre : d'où il s'ensuit que ce qui n'est qu'une faible conjecture pour l'un, devient ou une conjecture très-forte, ou une même démonstration pour l'autre. Pour que le jugement cesse d'être conjectural, il n'est pas nécessaire qu'on ait trouvé dans les essais que telles circonstances étant présentes, tel événement arrivait toujours, ou n'arrivait jamais. Il y a un certain point indiscernable où nous cessons de conjecturer, et où nous assurons positivement ; ce point, tout étant égal d'ailleurs, varie d'un homme à un autre, et d'un instant à un autre dans le même homme, selon l'intérêt qu'on prend à l'évenement, le caractère, et une infinité de choses dont il est impossible de rendre compte. Un exemple jettera quelque jour sur ceci. Nous savons par expérience, que quand nous nous exposons dans les rues par un grand vent, il peut nous arriver d'être tués par la chute de quelque corps ; cependant nous n'avons pas le moindre soupçon que cet accident nous arrivera : le rapport des événements connus pour, aux événements connus contre, n'est pas assez grand pour former le doute et la conjecture. Remarquez cependant qu'il s'agit ici de l'objet le plus important à l'homme, la conservation de sa vie. Il y a dans toutes les choses une unité qui devrait être la même pour tous les hommes, puisqu'elle est fondée sur les expériences, et qui n'est peut-être la même ni pour deux hommes, ni pour deux actions de la vie, ni pour deux instants : cette unité réelle serait celle qui résulterait d'un calcul fait par le philosophe stoïcien parfait, qui se comptant lui-même et tout ce qui l'environne pour rien, n'aurait d'égard qu'au cours naturel des choses ; une connaissance au-moins approchée de cette unité vraie, et la conformité des sentiments et des actions dans la vie ordinaire à la connaissance qu'on en a, sont deux choses presqu'indispensables pour constituer le caractère philosophique ; la connaissance de l'unité constituera la philosophie morale spéculative ; la conformité de sentiments et d'actions à cette connaissance, constituera la philosophie morale pratique.