S. m. (Grammaire) C'est un idiotisme grec, c'est-à-dire, une façon de parler exclusivement propre à la langue grecque, et éloignée des lois générales du langage. Voyez IDIOTISME. C'est le seul article qui, dans l'Encyclopédie, doive traiter de ces façons de parler ; on peut en voir la raison au mot GALLICISME. Je remarquerai seulement ici que dans tous les livres qui traitent des éléments de la langue latine, l'hellénisme y est mis au nombre des figures de construction propres à cette langue. Voici sur cela quelques observations.

1°. Cette manière d'envisager l'hellénisme, peut faire tomber les jeunes gens dans la même erreur qui a déjà été relevée à l'occasion du mot gallicisme ; savoir que les hellénismes ne sont qu'en latin. Mais ils sont premièrement et essentiellement dans la langue grecque, et leur essence consiste à y être en effet un écart de langage exclusivement propre à cette langue. C'est sous ce point de vue que les héllénismes sont envisagés et traités dans le livre intitulé, Francisci Vigeri Rothomagensis de praecipuis graecae dictionis idiotismis libellus. L'ordre des parties d'oraison est celui que l'auteur a suivi ; et il est entré sur les idiotismes grecs, dans un détail très-utîle pour l'intelligence de cette langue. Dans l'édition de Leyde 1742, l'éditeur Henri Hoogeveen y a ajouté plusieurs idiotismes, et des notes très-savantes et pleines de bonnes recherches.

2°. Ce n'est pas seulement l'hellénisme qui peut passer dans une autre langue, et y devenir une figure de construction ; tout idiotisme particulier peut avoir le même sort, et faire la même fortune. Faudra-t-il imaginer dans une langue autant de sortes de figures de construction, qu'il y aura d'idiomes différents, dont elle aura adopté les locutions propres ? M. du Marsais parait avoir senti cet inconvénient, dans le détail qu'il fait des figures de construction aux articles CONSTRUCTION et FIGURE : il n'y cite l'hellénisme, que comme un exemple de la figure qu'il appelle imitation. Mais il n'a pas encore porté la réforme aussi loin qu'elle pouvait et qu'elle devait aller, quoiqu'il en ait exposé nettement le principe.

3°. Ce principe est, que ces locutions empruntées d'une langue étrangère, étant figurées même dans cette langue, ne le sont que de la même manière dans celle qui les a adoptées par imitation, et que dans l'une comme dans l'autre, on doit les réduire à la construction analytique et à l'analogie commune à toutes les langues, si l'on veut en saisir le sens.

Voici, par exemple, dans Virgile (Aen. iv.) un hellénisme, qui n'est qu'une phrase elliptique :

Omnia Mercurio similis, vocemque, coloremque,

Et crines flavos, et membra decora juventae.

L'analyse de cette phrase en sera-t-elle plus lumineuse, quand on aura doctement décidé que c'est un hellénisme ? Faisons cette analyse comme les Grecs mêmes l'auraient faite. Ils y auraient sousentendu la préposition , ou la préposition ; les Latins y sous-entendaient les prépositions équivalentes secundùm ou per : similis Mercurio secundùm omnia, et secundùm vocem, et secundùm colorem, et secundùm crines flavos, et secundùm membra decora juventae. L'ellipse seule rend ici raison de la construction ; et il n'est utîle de recourir à la langue grecque, que pour indiquer l'origine de la locution, quand elle est expliquée.

Mais les Grammatistes, accoutumés au pur matériel des langues qu'ils n'entendent que par une espèce de tradition, ont multiplié les principes comme les difficultés, faute de sagacité pour démêler les rapports de convenance entre ces principes, et les points généraux où ils se réunissent. Il n'y a que le coup d'oeil perçant et sur de la Philosophie qui puisse apercevoir ces relations et ces points de réunion, d'où la lumière se répand sur tout le système grammatical, et dissipe tous ces fantômes de difficultés, qui ne doivent souvent leur existence qu'à la faiblesse de l'organe de ceux qu'ils effraient. (E. R. M.)