NAIVETé LA, s. f. (Grammaire) il faut que les étrangers apprennent la différence que nous mettons dans notre langue entre la naïveté, et une naïveté.

Ce qu'on appelle une naïveté, est une pensée, un trait d'imagination, un sentiment qui nous échappe malgré nous, et qui peut quelquefois nous faire tort à nous-mêmes. C'est l'expression de la vivacité, de l'imprudence, de l'ignorance des usages du monde. Telle est la réponse de la femme à son mari agonisant, qui lui désignait un autre époux : prends un tel, il te convient, crois-moi : Hélas, dit la femme, j'y songeais.

La naïveté est le langage du beau génie, et de la simplicité pleine de lumières ; elle fait les charmes du discours, et est le chef-d'œuvre de l'art dans ceux à qui elle n'est pas naturelle.

Une naïveté sied bien à un enfant, à un villageais, parce qu'elle porte le caractère de la candeur et de l'ingénuité : mais la naïveté dans les pensées et dans le style, fait une impression qui nous enchante, à proportion qu'elle est la peinture la plus simple d'une idée, dont le fonds est fin et délicat ; c'est pour cela que nous goutons ce madrigal de Chapelain.

Vous n'écrivez que pour écrire

C'est pour vous un amusement,

Moi qui vous aime tendrement

Je n'écris que pour vous le dire.

Nous mettons enfin de la différence entre le naturel et le naïf ; le naturel est opposé au recherché, et au forcé ; le naïf est opposé au réflechi, et n'appartient qu'au sentiment. Tel que cette aimable rougeur, qui tout-à-coup, et sans le consentement de la volonté, trahit les mouvements secrets d'une âme ingénue. Le naïf échappe à la beauté du génie, sans que l'art l'ait produit ; il ne peut être ni commandé, ni retenu. (D.J.)