S. f. (Grammaire) on le dit des mots qui composent les divers membres d'une période, lorsque ces mots ne conviennent pas entre eux, soit parce qu'ils sont construits contre l'analogie, ou parce qu'ils rassemblent des idées disparates, entre lesquelles l'esprit aperçoit de l'opposition, ou ne voit aucun rapport. Il semble qu'on tourne d'abord l'esprit d'un certain côté, et que lorsqu'il croit poursuivre la même route, il se sent tout-d'un-coup transporté dans un autre chemin. Ce que je veux dire s'entendra mieux par des exemples.

Un de nos auteurs a dit que notre réputation ne dépend pas des louanges qu'on nous donne, mais des actions louables que nous faisons.

Il y a disconvenance entre les deux membres de cette période, en ce que le premier présente d'abord un sens négatif, ne dépend pas ; et dans le second membre on sousentend le même verbe dans un sens affirmatif. Il fallait dire, notre réputation dépend, non des louanges, etc. mais des actions louables, &c.

Nos Grammairiens soutiennent que lorsque dans le premier membre d'une période on a exprimé un adjectif auquel on a donné ou le genre masculin ou le féminin, on ne doit pas dans le second membre sousentendre cet adjectif en un autre genre, comme dans ce vers de Racine :

Sa réponse est dictée, et même son silence.

Les oreilles et les imaginations délicates veulent qu'en ces occasions l'ellipse soit précisément du même mot au même genre, autrement ce serait un mot différent.

Les adjectifs qui ont la même terminaison au masculin et au féminin, sage, fidèle, volage ne sont pas exposés à cette disconvenance.

Voici une disconvenance de temps, il regarde votre malheur comme une punition du peu de complaisance que vous avez eue pour lui dans le temps qu'il vous pria, etc. il fallait dire, que vous eutes pour lui dans le temps qu'il vous pria.

On dit fort bien : les nouveaux philosophes disent que la couleur EST un sentiment de l'âme ; mais il faut dire, les nouveaux philosophes veulent que la couleur SOIT un sentiment de l'âme.

On dit ; je crois, je soutiens, j'assure que vous êtes savant, mais il faut dire, je veux, je souhaite, je désire que vous SOYEZ savant.

Une disconvenance bien sensible est celle qui se trouve assez souvent dans les mots d'une métaphore ; les expressions métaphoriques doivent être liées entr'elles de la même manière qu'elles le seraient dans le sens propre. On a reproché à Malherbe d'avoir dit,

Prends ta foudre, Louis, et vas comme un lion.

Il fallait dire, comme Jupiter : il y a disconvenance entre foudre et lion.

Dans les premières éditions du Cid, Chimene disait,

Malgré des feux si beaux qui rompent ma colere.

Feux et rompent ne vont point ensemble ; c'est une disconvenance, comme l'académie l'a remarqué. Ecorce se dit fort bien dans un sens métaphorique, pour les dehors, l'apparence des choses ; ainsi l'on dit que les ignorants s'arrêtent à l'écorce, qu'ils s'amusent à l'écorce. Ces verbes conviennent fort bien avec écorce pris au propre ; mais on ne dirait pas au propre, fondre l'écorce : fondre se dit de la glace ou du métal. J'avoue que fondre l'écorce m'a paru une expression trop hardie dans une ode de Rousseau :

Et les jeunes zéphirs par leurs chaudes haleines

Ont FONDU l'ECORCE des eaux. l. III. ode 6.

Il y a un grand nombre d'exemples de disconvenances de mots dans nos meilleurs écrivains, parce que dans la chaleur de la composition on est plus occupé des pensées, qu'on ne l'est des mots qui servent à énoncer les pensées.

On doit encore éviter les disconvenances dans le style, comme lorsque traitant un sujet grave, on se sert de termes bas, ou qui ne conviennent qu'au style simple. Il y a aussi des disconvenances dans les pensées, dans les gestes, etc.

Singula quaeque locum teneant sortita decenter.

Ut ridentibus arrident, ita flentibus adsunt

Humani vultus. Si vis me flere, dolendum est

Primum ipse tibi, etc. Horat. de Arte poèt. (F)

DISCONVENANCE, correlatif de convenance. Voyez l'article CONVENANCE.