(Grammaire, etc.) Il nous importe peu de savoir d'où nous vient la figure de cette lettre ; il doit nous suffire d'en bien connaître la valeur et l'usage. Cependant nous pouvons remarquer en passant que les Grammairiens observent que le D majeur des Latins, et par conséquent le nôtre, vient du delta des Grecs arrondi de deux côtés, et que notre d mineur vient aussi de delta mineur. Le nom que les maîtres habiles donnent aujourd'hui à cette lettre, selon la remarque de la grammaire générale de P. R. ce nom, dis-je, est de plutôt que dé, ce qui facilite la syllabisation aux enfants. Voyez la grammaire raisonnée de P. R. chap. VIe Cette pratique a été adoptée par tous les bons maîtres modernes.

Le d est souvent une lettre euphonique : par exemple, on dit prosum profui, etc. sans interposer aucune lettre entre pro et sum ; mais quand ce verbe commence par une voyelle on ajoute le d après pro. Ainsi on dit, pro-d-es, pro-d-ero, pro-d-esse : c'est le mécanisme des organes de la parole qui fait ajouter ces lettres euphoniques, sans quoi il y aurait un bâillement ou hiatus, à cause de la rencontre de la voyelle qui finit le mot, avec celle qui commence le mot suivant. De-là vient que l'on trouve dans les auteurs mederga, qu'on devrait écrire me-d-ergà, c'est-à-dire erga me. C'est ce qui fait croire à Muret que dans ce vers d'Horace.

Omnem crede diem tibi diluxisse supremum.

I. epist. IVe vers. 13.

Horace avait écrit, tibid iluxisse, d'où on a fait dans la suite diluxisse.

Le d et le t se forment dans la bouche par un mouvement à-peu-près semblable de la langue vers les dents : le d est la faible du t et le t est la forte du d ; ce qui fait que ces lettres se trouvent souvent l'une pour l'autre, et que lorsqu'un mot finit par un d, si le suivant commence par une voyelle, le d se change en t, parce qu'on appuye pour le joindre au mot suivant ; ainsi on prononce gran-t-homme, le froi-t-est rude, ren-t-il, de fon-t-en comble, quoiqu'on écrive grand homme, le froid est rude, rend-il, de fond en comble.

Mais si le mot qui suit le d est féminin, alors le d étant suivi du mouvement faible qui forme l'e muet, et qui est le signe du genre féminin, il arrive que le d est prononcé dans le temps même que l'e muet Ve se perdre dans la voyelle qui le suit ; ainsi on dit, grand'ardeur, gran-d'ame, &c.

C'est en conséquence du rapport qu'il y a entre le d et le t, que l'on trouve souvent dans les anciens et dans les inscriptions, quit pour quid, at pour ad, set pour sed, haut pour haud, adque pour atque, &c.

Nos pères prononçaient advis, advocat, addition, etc. ainsi ils écrivaient avec raison advis, advocat, addition, etc. Nous prononçons aujourd'hui avis, avocat ; adition ; nous aurions donc tort d'écrire ces mots avec un d. Quand la raison de la loi cesse, disent les jurisconsultes, la loi cesse aussi : cessante ratione legis, cessat lex.