FARDEAU, POIDS, FAIX, synon. (Grammaire) termes qui sont tous relatifs à l'impression des corps sur nous, et à l'action opposée de nos forces sur eux, soit pour soutenir, soit pour vaincre leur pesanteur. S'il y a une compensation bien faite entre la pesanteur de la charge et la force du corps, on n'est ni trop ni trop peu chargé : si la charge est grande, et qu'elle emploie toutes les forces du corps ; si l'on y fait encore entrer l'idée effrayante du volume, on aura celle du fardeau : si le fardeau excède les forces et qu'on y succombe, on rendra cette circonstance par faix. Le poids a moins de rapport à l'emploi des forces, qu'à la comparaison des corps entr'eux et à l'évaluation que nous faisons ou que nous avons faite de leur pesanteur par plusieurs applications de nos forces à d'autres corps. On dira donc : il en a sa charge : son fardeau est gros et lourd : il sera accablé sous le faix : il ne faut pas estimer cette marchandise au poids.

Le mot charge a été transporté de tout ce qui donnait lieu à l'exercice des forces du corps, à tout ce qui donne lieu à l'exercice des facultés de l'âme. Voyez dans la suite de cet article différentes acceptions de ce terme, tant au simple qu'au figuré. Le mot charge dans l'un et l'autre cas, emporte presque toujours avec lui l'idée de contrainte.

CHARGE, s. f. (Jurisprudence) ce terme a dans cette matière plusieurs acceptions différentes ; il signifie en général tout ce qui est dû sur une chose mobiliaire ou immobiliaire, ou sur une masse de biens ; quelquefois il signifie condition, servitude, dommage, ou incommodité : c'est en ce dernier sens qu'on dit communément, qu'il faut prendre le bénéfice avec les charges : quem sequuntur commoda, debent sequi et incommoda. Charge se prend aussi quelquefois pour une fonction publique et pour un titre d'office. (A)

* Avant que de passer aux différents articles qui naissent de ces distinctions, nous allons exposer en peu de mots le sentiment de l'auteur de l'esprit des lais, sur la vénalité des charges, prises dans le dernier sens de la division qui précède. L'illustre auteur que nous venons de citer, observe d'abord que Platon ne peut souffrir cette vénalité dans sa république : " c'est, dit ce sage de l'antiquité, comme si dans un vaisseau on faisait quelqu'un pilote pour son argent : serait-il possible que la règle fût mauvaise dans quelque emploi que ce fût de la vie, et bonne seulement pour conduire une république " ? 2°. Il prétend que les charges ne doivent point être vénales dans un état despotique : il semble qu'il faudrait distinguer entre un état où l'on se propose d'établir le despotisme, et un état où le despotisme est tout établi. Il est évident que la vénalité des charges serait contraire aux vues d'un souverain qui tendrait à la tyrannie ; mais qu'importerait cette vénalité à un tyran ? sous un gouvernement pareil est-on plus maître d'une charge qu'on a payée à prix d'argent, que de sa vie ? et y a-t-il plus de danger pour un souverain absolu tel que celui de l'empire ottoman, à révoquer un homme en place qui lui déplait, qu'à lui envoyer des muets et un lacet ? Les sujets ne peuvent causer quelque embarras par la propriété des charges qu'ils ont acquises, que quand la tyrannie est commençante et faible, qu'elle ne s'est point annoncée par de grandes injustices, qu'elle ne s'est point fortifiée par des forfaits accumulés, que les lois ne sont point devenues versatiles comme le caprice de celui qui gouverne, qu'il reste dans la langue le mot liberté, que les usages n'ont pas encore été foulés aux pieds, et que les peuples n'ont pas tout à fait adopté le nom d'esclaves. Mais quand ils sont descendus à cet état de dégradation et d'avilissement, on peut tout impunément avec eux ; il est même utîle au tyran de commettre des actes de violence. Le despotisme absolu ne souffre point d'intermission ; c'est un état si contraire à la nature, que pour le faire durer, il ne faut jamais cesser de le faire sentir. L'esprit de la tyrannie est de tenir les hommes dans une oppression continuelle, afin qu'ils s'en fassent un état, et que sous ce poids leur âme perde à la longue toute énergie. 3°. Mais cette vénalité est bonne dans les états monarchiques ; parce que l'on fait comme un métier de famille ce qu'on ne ferait point par d'autres motifs ; qu'elle destine chacun à son devoir, et qu'elle rend les ordres de l'état plus permanens.

CHARGES ANNUELLES, sont celles qui consistent dans l'acquittement de cens, rentes, pensions et autres prestations qui se réitèrent tous les ans.

Ces sortes de charges sont ou perpétuelles, ou viageres.

CHARGES DE LA COMMUNAUTE DE BIENS ENTRE CONJOINTS, sont les dépenses et dettes qui doivent être acquittées aux dépens de la communauté, et ne peuvent être prises sur les propres des conjoints.

Du nombre de ces charges sont la dépense du ménage, l'entretien des conjoints, les réparations qui sont à faire tant aux biens de la communauté qu'aux propres des conjoints, l'entretien et l'éducation des enfants.

Les dettes mobiliaires créées avant le mariage, seraient aussi une charge de la communauté ; mais on a soin ordinairement de les en exclure par une clause précise.

Pour ce qui est des dettes mobiliaires ou immobiliaires créées pendant le mariage, elles sont de droit une charge de la communauté.

Les dettes mobiliaires des successions échues à chacun des conjoints pendant le mariage, sont aussi une charge de communauté.

On peut voir à ce sujet le traité de la communauté par Lebrun, liv. II. ch. IIIe où la matière des charges de la communauté est traitée fort amplement.

CHARGES DES COMPTES ou SUR LES COMPTES, en style de la chambre des comptes, sont les indécisions qui interviennent sur la recette des comptes, les souffrances et supercessions qui interviennent sur la dépense des comptes, et les débats formés par les états finaux des comptes. Au journal 2. B. fol. 146. du 22 Octobre 1537, les auditeurs, après la clôture de leurs comptes, sont tenus de donner un état des charges d'iceux au procureur général pour en faire poursuite ; mais depuis, cette poursuite a passé au solliciteur des restes, et ensuite au contrôleur général des restes. Voyez CONTROLEUR GENERAL DES RESTES, et SOLLICITEUR.

CHARGES FONCIERES, sont les redevances principales des héritages, imposées lors de l'aliénation qui en a été faite, pour être payées et supportées par le détenteur de ces héritages : tels sont le cens et surcens ; les rentes seigneuriales, soit en argent ou en grain, ou autres denrées ; les rentes secondes non seigneuriales, les servitudes et autres prestations dû.s sur l'héritage, ou par celui qui en est détenteur.

Quoique le cens soit de sa nature une rente foncière, néanmoins dans l'usage quand on parle simplement de rentes foncières sans autre qualification, on n'entend par-là ordinairement que les redevances imposées après le cens.

Toutes charges foncières, même le cens, ne peuvent être créées que lors de la tradition du fonds, soit par donation, legs, vente, échange, ou autre aliénation. Il en faut seulement excepter les servitudes, lesquelles peuvent être établies par simple convention, même hors la tradition du fonds ; ce qui a été ainsi introduit à cause de la nécessité fréquente que l'on a d'imposer des servitudes sur un héritage en faveur d'un autre. Les servitudes différent encore en un point des autres charges foncières, savoir que celui qui a droit de servitude, perçait son droit directement sur la chose ; au lieu que les autres charges foncières doivent être acquittées par le détenteur. Du reste les servitudes sont de même nature et sujettes aux mêmes règles.

Les charges foncières une fois établies sont si fortes, qu'elles suivent toujours la chose en quelques mains qu'elle passe.

L'action que l'on a pour l'acquittement de ces charges, est principalement réelle et considérée comme une espèce de vendication sur la chose. Elles produisent néanmoins aussi une action personnelle contre le détenteur de l'héritage, tant pour le payement des arrérages échus de son temps, que pour la réparation de ce qui a été fait au préjudice des clauses de la concession de l'héritage.

Les charges foncières différent des dettes et obligations personnelles en ce que celles-ci, quoique contractées à l'occasion d'un héritage, ne sont pas cependant une dette de l'héritage, et ne suivent pas le détenteur ; elles sont personnelles à l'obligé et à ses héritiers : au lieu que les charges foncières suivent l'héritage et le détenteur actuel, mais ne passent point à son héritier, sinon en tant qu'il succéderait à l'héritage.

Il y a aussi une différence entre les charges foncières et les simples hypothèques ; en ce que l'hypothèque n'est qu'une obligation accessoire et subsidiaire de la chose, pour plus grande sûreté de l'obligation personnelle qui est la principale : au lieu que la charge foncière est dû. principalement par l'héritage, et que le détenteur n'en est tenu qu'à cause de l'héritage.

Loyseau dans son traité de déguerpissement, remarque douze différences entre les charges ou rentes foncières ; et les rentes constituées : ce qui serait ici trop long à détailler. Voyez CHARGES PERSONNELLES. CHARGES REELLES, RENTES FONCIERES, TIERS DETENTEUR.

CHARGES ET INFORMATIONS, (Jurisprudence) on joint ordinairement ces termes ensemble comme s'ils étaient synonymes ; ils ont cependant chacun une signification différente. Les charges en général sont toutes les pièces secrètes du procès qui tendent à charger l'accusé du crime qu'on lui impute ; telles que les dénonciations, plaintes, procès-verbaux, interrogatoires, déclarations, comme aussi les informations, recollements et confrontations : au lieu que les informations en particulier ne sont autre chose que le procès-verbal d'audition des témoins en matière criminelle. Cependant on prend souvent le terme de charges pour les dépositions des témoins entendus en information. On dit : faire lecture des charges, faire apporter les charges et informations à l'avocat général, c'est-à-dire lui faire remettre en communication les informations et autres pièces secrètes du procès. Sous le terme de charges proprement dites en matière criminelle, on ne devrait entendre que les dépositions qui tendent réellement à charger l'accusé du crime dont il est prévenu ; cependant on comprend quelquefois sous ce terme de charges, les informations en général, soit qu'elles tendent à charge ou à décharge. On dit d'une cause de petit criminel, qu'elle dépend des charges, c'est-à-dire, de ce qui sera prouvé par les informations. Voyez INFORMATIONS.

CHARGES DU MARIAGE, (Jurisprudence) sont les choses qui doivent être acquittées pendant que le mariage subsiste, comme l'entretien du ménage, la nourriture et l'éducation des enfants qui en proviennent, l'entretien et les réparations des bâtiments et héritages de chacun des conjoints. C'est au mari, soit comme maître de la communauté, soit comme chef du ménage, à acquitter les charges du mariage ; mais la femme doit y contribuer de sa part. Tous les fruits et revenus des biens dotaux de la femme appartiennent au mari, pour fournir aux charges du mariage : s'il y a communauté entre les conjoints, les charges du mariage se prennent sur la communauté ; si la femme est non commune et séparée de biens d'avec son mari, on stipule ordinairement qu'elle lui payera une certaine pension pour lui aider à supporter les charges du mariage ; et quand cela serait omis dans le contrat, le mari peut y obliger sa femme.

CHARGES MUNICIPALES, sont celles qui obligent à remplir pendant un temps certaines fonctions publiques, comme à l'administration des affaires de la communauté, à la levée des deniers publics ou communs, et autres choses semblables.

Elles ont été surnommées municipales, du latin munia, qui signifie des ouvrages dû. par la loi, et des fonctions publiques ; ou plutôt de municipium, qui signifiait chez les Romains une ville qui avait droit de se gouverner elle-même suivant ses lais, et de nommer ses magistrats et autres officiers.

Ainsi dans l'origine on n'appelait charges municipales, que celles des villes auxquelles convenait le nom de municipium.

Mais depuis que les droits de ces villes municipales ont été abolis, et que l'on a donné indifféremment à toutes sortes de villes le titre de municipium, on a aussi appelé municipales toutes les charges et fonctions publiques des villes, bourgs et communautés d'habitants qui ont conservé le droit de nommer leurs officiers.

On comprend dans le nombre des charges municipales, les places de prevôt des marchands, qu'on appelle ailleurs maire, celle d'échevins, qu'on appelle à Toulouse capitouls, à Bordeaux jurats, et dans plusieurs villes de Languedoc, bayles et consuls.

La fonction de ces charges consiste à administrer les affaires de la communauté ; en quelques endroits on y a attaché une certaine juridiction plus ou moins étendue.

Il y a encore d'autres charges que l'on peut appeler municipales, telles que celles de syndic d'une communauté d'habitants, et de collecteur des tailles ; celles-ci ne consistent qu'en une simple fonction publique, sans aucune dignité ni juridiction.

L'élection pour les places municipales qui sont vacantes, doit se faire suivant les usages et règlements de chaque pays, et à la pluralité des voix.

Ceux qui sont ainsi élus peuvent être contraints de remplir leurs fonctions, à moins qu'ils n'aient quelqu'exemption ou excuse légitime.

Il y a des exemptions générales, et d'autres particulières à certaines personnes et à certaines charges ; par exemple, les gentilshommes sont exempts de la collecte et levée des deniers publics : il y a aussi des offices qui exemptent de ces charges municipales.

Outre les exemptions, il y a plusieurs causes ou excuses pour lesquelles on est dispensé de remplir les charges municipales ; telles sont la minorité et l'âge de soixante-dix ans, les maladies habituelles, le nombre d'enfants prescrit par les lais, le service militaire, une extrême pauvreté, et autres cas extraordinaires qui mettraient un homme hors d'état de remplir la charge à laquelle il serait nommé.

Les indignes et personnes notées d'infamie, sont exclus des charges municipales, surtout de celles auxquelles il y a quelque marque d'honneur attachée. Loyseau, traité des charges municipales sous le titre d'offices des villes, voyez liv. V. ch. VIIe A son imitation nous en parlerons aussi au mot OFFICES MUNICIPAUX. Voyez les lois civiles, tr. du droit public, liv. I. tit. XVIe sect. 4.

CHARGES et OFFICES. Ces mots qui dans l'usage vulgaire paraissent synonymes, ne le sont cependant pas à parler exactement ; l'étymologie du mot charge pris pour office, vient de ce que chez les Romains toutes les fonctions publiques étaient appelées d'un nom commun munera publica ; mais il n'y avait point alors d'offices en titre, toutes ces fonctions n'étaient que par commission, et ces commissions étaient annales. Entre les commissions on distinguait celles qui attribuaient quelque portion de la puissance publique ou quelque dignité, de celles qui n'attribuaient qu'une simple fonction, sans aucune puissance ni honneur : c'est à ces dernières que l'on appliquait singulièrement le titre de munera publica, quasi onera ; et c'est en ce sens que nous avons appelé charges en notre langue, toutes les fonctions publiques et privées qui ont paru onéreuses, comme la tutele, les charges de police, les charges municipales. On a aussi donné aux offices le nom de charges, mais improprement : et Loyseau, en son savant traité des offices, n'adopte point cette dénomination. Quelques-uns prétendent que l'on doit distinguer entre les charges et offices ; que les charges sont les places ou commissions vénales, et les offices celles qui ne le sont pas : mais dans l'usage présent on confond presque toujours ces termes charges et offices, quoique le terme d'office soit le seul propre pour exprimer ce que nous entendons par un état érigé en titre d'office, soit vénal ou non vénal. Voyez ci-après OFFICE.

CHARGES DE POLICE, sont certaines fonctions que chacun est obligé de remplir pour le bon ordre et la police des villes et bourgs, comme de faire balayer et arroser les rues au-devant de sa maison, faire allumer les lanternes, etc. On stipule ordinairement par les baux, que les principaux locataires seront tenus d'acquitter ces sortes de charges.

CHARGES PUBLIQUES : on comprend sous ce terme quatre sortes de charges ; savoir, 1°. les impositions qui sont établies pour les besoins de l'état, et qui se paient par tous les sujets du Roi : ces sortes de charges sont la plupart annuelles, telles que la taille, la capitation, etc. quelques-unes sont extraordinaires, et seulement pour un temps, telles que le dixième, vingtième, cinquantième : on peut aussi mettre dans cette classe l'obligation de servir au ban ou arriere-ban, ou dans la milice ; le devoir de guet et de garde, etc. 2°. certaines charges locales communes aux habitants d'un certain pays seulement, telles que les réparations d'un pont, d'une chaussée, d'un chemin, de la nef d'une église paroissiale, d'un presbytère, le curage d'une rivière, d'un fossé ou vuidange, nécessaire pour l'écoulement des eaux de tout un canton : 3°. les charges de police, telles que l'obligation de faire balayer les rues, chacun au-devant de sa maison, ou de les arroser dans les chaleurs, d'allumer les lanternes, la fonction de collecteur, celle de commissaire des pauvres, de marguillier, le devoir de guet et de garde, le logement des gens de guerre : on pourrait aussi comprendre dans cette classe la fonction de prevôt des marchands, celle d'échevin, et autres semblables, mais que l'on connait mieux sous le titre de charges municipales : 4°. on appelle aussi charges publiques, certains engagements que chacun est obligé de remplir dans sa famille, comme l'acceptation de la tutele ou curatelle de ses parents, voisins, et amis.

Chacun peut être contraint par exécution de ses biens d'acquitter toutes ces différentes charges, lorsqu'il y a lieu, sous peine même d'amende pécuniaire pour certaines charges de police, telles que celles de faire balayer ou arroser les rues, allumer les lanternes.

CHARGES REELLES ou FONCIERES, sont celles qui sont imposées en la tradition d'un fonds, et qui suivent la chose en quelques mains qu'elle passe. Voyez ci-devant CHARGES FONCIERES ; et Loyseau, tr. du déguerpissement.

CHARGES D'UNE SUCCESSION, DONATION ou TESTAMENT, (Jurisprudence) sont les obligations imposées à l'héritier, donataire, ou légataire, les sommes ou autres choses dû.s sur les biens, et qu'il doit acquitter, comme de payer les dettes, acquitter les fondations faites par le donateur ou testateur, faire délivrance des legs universels ou particuliers ; comme aussi l'obligation de supporter ou acquitter un douaire, don mutuel, ou autre usufruit, de payer une rente viagère, souffrir une servitude en faveur d'une tierce personne, et autres engagements de différente nature, plus ou moins étendus, selon les conditions imposées par le donateur ou testateur, ou les droits et actions qui se trouvent à prendre sur les biens de la succession, donation, ou testament. Comme il y a des charges pour la succession en général, il y en a aussi de communes à l'héritier, et au légataire ou donataire universel, telles que les dettes, auxquelles chacun d'eux contribue à proportion de l'émolument. Il y a aussi des charges propres au donataire et légataire particulier ; ce qui dépend des droits qui se trouvent affectés sur les biens donnés ou légués, et des conditions imposées par le donateur ou testateur.

CHARGES UNIVERSELLES, sont celles qui affectent toute une masse de biens, et non pas une certaine chose en particulier ; telles sont les dettes d'une succession, qui affectent toute la masse des biens, de manière qu'il n'est point censé y avoir aucun bien dans la succession que toutes ces charges ne soient déduites. Loyseau, tr. du déguerpissement, liv. I. ch. XIe et liv. IV. et VI. traite au long de la nature de ces charges universelles, et explique en quoi elles diffèrent des rentes foncières. (A)

* CHARGE, (Arts mécan. Comm. &c.) On donne ce nom à différentes fonctions honorables auxquelles on élève certains particuliers dans les corps et communautés de marchands et d'artisans. Voyez aux articles GRAND-JUGE, JURE, SYNDIC, DOYEN, CONSUL, etc. les prérogatives de ces charges.

CHARGE, terme d'Architecture ; c'est une maçonnerie d'une épaisseur réglée, qu'on met sur les solives et ais d'entrevous, ou sur le hourdi d'un plancher, pour recevoir l'aire de plâtre ou le carreau. Voyez AIRE. (P)

CHARGE, terme d'Architecture ; c'est, selon la coutume de Paris, art. 197. l'obligation de payer de la part de celui qui bâtit sur et contre un mur mitoyen pour sa convenance, de six taises une, lorsqu'il élève le mur de dix pieds au-dessus du rez-de-chaussée, et qu'il approfondit les fondations au-dessous de quatre pieds du sol. (P)

CHARGE, en terme d'Artillerie, est ordinairement la quantité de poudre que l'on introduit dans un canon, un fusil ou un mortier ; etc. pour en chasser le boulet, la balle ou la bombe. Voyez CANON, MORTIER et FUSIL.

On charge le canon en introduisant d'abord au fond de l'âme de la pièce une quantité de poudre du poids du tiers ou de la moitié de la pesanteur du boulet : elle se met avec un instrument appelé lanterne. Voyez LANTERNE. C'est une espèce de cuillere de cuivre rouge, montée sur un long bâton, qu'on nomme hampe. On met sur la poudre un bouchon de foin qu'on presse ou refoule fortement avec le refouloir. Sur ce foin on pose immédiatement le boulet ; et pour qu'il y soit arrêté fixement, on le couvre d'un autre bouchon de foin bien bourré, ou refoulé avec le refouloir. On remplit ensuite de poudre la lumière de la pièce, et on en met une petite trainée sur sa partie supérieure, qu'on fait communiquer avec celle de la lumière. L'objet de cette trainée est d'empêcher que l'effort de la poudre et de la lumière, en agissant immédiatement sur l'instrument avec lequel on met le feu à la pièce, ne le fasse sauter des mains de celui qui est chargé de cette opération : inconvénient que l'on évite en mettant le feu à l'extrémité de la trainée. Dans les nouvelles pièces, pour empêcher que le vent ne chasse ou enlève cette trainée, on pratique une espèce de rigole ou petit canal d'une ligne de profondeur et de six de largeur ; il s'étend depuis la lumière de la pièce jusqu'à l'écu des armes du Roi. On prétend que M. du Brocard, tué à la bataille de Fontenoy où il commandait l'artillerie, est l'auteur de cette petite addition au canon.

Le canon étant dirigé vers l'endroit où on veut faire porter le boulet, on met le feu à la trainée de poudre ; elle le communique à celle de la lumière, et celle-ci à la poudre dont le canon est chargé : cette poudre, en s'enflammant, fait effort en se raréfiant pour s'échapper ou sortir de la pièce ; et comme le boulet lui oppose une moindre résistance que les parois de l'âme du canon, elle le pousse devant elle avec toute la force dont elle est capable, et elle lui donne ainsi ce mouvement violent et prompt dont tout le monde connait les effets.

Nos anciens artilleurs pensaient qu'en chargeant beaucoup les pièces, on faisait aller le boulet plus loin ; et leur usage était de les charger du poids des deux tiers, et même de celui du boulet entier, pour lui donner le mouvement le plus violent.

Mais on a reconnu depuis, du moins en France, que la moitié ou le tiers de la pesanteur du boulet était la charge de poudre la plus convenable pour le canon.

Si toute la poudre dont le canon est chargé pouvait prendre feu dans le même instant, il est clair que plus il y en aurait, et plus elle imprimerait de force au boulet : mais quoique le temps de son inflammation soit fort court, on peut le concevoir partagé en plusieurs instants : dès le premier la poudre commence à se dilater, et à pousser le boulet devant elle ; et si elle a assez de force pour le chasser du canon avant qu'elle soit entièrement enflammée, ce qui s'enflamme ou se brule ensuite ne produit absolument aucun effet sur le boulet. Ainsi une charge d'une force extraordinaire n'augmente point le mouvement du boulet, et le canon doit seulement être chargé de la quantité de poudre qui peut s'enflammer pendant que le boulet parcourt la longueur de l'âme du canon. On ne peut déterminer cette quantité que par l'expérience ; encore ne peut-elle même la donner avec une exacte précision, à cause de la variation de la force de la poudre, dont les effets, quoique produits avec des quantités égales de la même poudre, ont souvent des différences assez sensibles : c'est pourquoi on ne doit regarder les expériences faites à cette occasion, que comme des moyens de connaître à-peu-près la quantité de poudre qu'on veut fixer. Suivant les expériences des écoles de la Fere, faites au mois d'Octobre 1739, les pièces de vingt-quatre, de seize, de douze, et de huit, doivent seulement être chargées du tiers de la pesanteur du boulet, pour qu'il fasse le plus grand effet dont il est capable ; ou bien des pièces de vingt-quatre, de neuf livres de poudre ; celles de seize, de six livres ; celles de douze, de cinq livres ; et celles de huit, de trois livres ; de plus fortes charges n'ont point augmenté l'étendue des portées. A l'égard de la pièce de quatre, sa véritable charge a été trouvée de deux livres, c'est-à-dire la moitié du poids de son boulet. Tr. d'Artill. par M. Leblond.

Pour charger une pièce de canon, il faut deux canonniers, dont l'un soit à la droite de la pièce, et l'autre à la gauche : il faut de plus six soldats.

Le canonnier porté à la droite de la pièce doit avoir un fourniment toujours rempli de poudre, avec deux dégorgeoirs : c'est à lui d'amorcer la pièce, et d'introduire la poudre dans l'âme du canon pour le charger. Celui de la gauche a soin d'avoir de la poudre dans un sac de cuir, qu'il met dans la lanterne que tient son camarade, après quoi il met le sac à l'abri du feu : il a soin que son boutefeu soit toujours en état de mettre le feu à la pièce au premier commandement.

Les six soldats sont aussi partagés à la droite et à la gauche de la pièce, c'est-à-dire qu'il y en a trois de chaque côté, dont les deux premiers ont soin de refouler et écouvillonner la pièce : le refouloir et l'écouvillon doivent être mis à gauche, et la lanterne à droite. Après avoir refoulé huit ou dix coups sur le fourrage de la poudre, et quatre sur celui du boulet, ils prennent chacun un levier pour passer dans les rais du devant de la roue, les bouts desquels passent sous la tête de l'affut pour faire tourner les roues, en pesant à l'autre bout du levier du côté de l'embrasure.

Le second soldat de la droite doit avoir soin de faire provision de fourrage, et d'en mettre des bouchons sur la poudre et sur le boulet : son camarade de la gauche doit faire provision de boulets, et chaque fois qu'on veut charger la pièce, en apporter un dans le temps qu'on refoule la poudre de la charge : ensuite ils prennent ensemble chacun un levier, qu'ils passent sous le derrière de la roue pour la pousser en batterie.

Les deux autres soldats avec leurs leviers doivent être au côté du bout de l'affut, pour le détourner à droite ou à gauche, suivant l'ordre de l'officier pointeur ; et dans cet état ils doivent la pousser tous ensemble en batterie. Le dernier soldat de la gauche doit encore avoir soin de boucher la lumière avec le doigt pendant qu'on charge la pièce.

Le canonnier de la droite doit avoir un levier prêt pour arrêter la pièce au bout de son recul, en la traversant sous le devant des roues, pour empêcher qu'elle ne retourne en batterie avant que d'être rechargée.

RECAPITULATION des différentes fonctions des Canonniers et soldats servant une pièce de 24.

Mémoires d'Artillerie de Saint-Remy, troisième édition.

Pour mettre le canon, après qu'il est chargé, dans la situation convenable, afin que le boulet porte dans l'endroit désigné, voyez POINTER. (Q)

* CHARGE, (Forges) c'est la quantité de mines, de charbon et de fondants qu'on jette à chaque fois dans le fourneau. Voyez l'article FORGE.

CHARGE, se dit, en Hydraulique, de l'action entière d'un volume d'eau considéré eu égard à sa base et à sa hauteur, et renfermé dans un réservoir ou dans un canal, sous une conduite d'eau. Voyez JET-D'EAU. (K)

CHARGE d'un appui, voyez APPUI et LEVIER.

CHARGE, en termes de Maréchallerie, est un cataplasme, appareil, ou onguent fait de miel, de graisse, et de térébenthine ; on l'appelle alors emmiellure : quand on y ajoute la lie de vin et autres drogues, on l'appelle remolade. Ces deux espèces de cataplasmes servent à guérir les foulures, les enflures, et les autres maladies des chevaux qui proviennent de quelque travail considérable, ou de quelque effort violent. On applique ces cataplasmes sur les parties offensées, ou on les en frotte. Les Maréchaux confondent les noms de charge, d'emmiellure et de remolade, et les prennent l'un pour l'autre.

* CHARGE, (Peinture et Belles-Lettr.) c'est la représentation sur la toîle ou le papier, par le moyen des couleurs, d'une personne, d'une action, ou plus généralement d'un sujet, dans laquelle la vérité et la ressemblance exactes ne sont altérées que par l'excès du ridicule. L'art consiste à démêler le vice réel ou d'opinion qui était déjà dans quelque partie, et à le porter par l'expression jusqu'à ce point d'exagération où l'on reconnait encore la chose, et au-delà duquel on ne la reconnaitrait plus ; alors la charge est la plus forte qu'il soit possible. Depuis Léonard de Vinci jusqu'aujourd'hui, les Peintres se sont livrés à cette espèce de peinture satyrique et burlesque ; mais il y en a peu qui y aient montré plus de talent que le chevalier Guichi, peintre romain, encore aujourd'hui dans sa vigueur.

La Prose et la Poésie ont leurs charges, comme la Peinture ; et il n'est pas moins important dans un écrit que dans un tableau, qu'il soit évident qu'on s'est proposé de faire une charge, et que la charge ne rende pas toutefois l'objet méconnaissable. Il n'est pas nécessaire de justifier la seconde de ces conditions : quant à la première, si vous chargez, et qu'il ne soit pas évident que vous en avez eu le dessein, l'être auquel on compare votre description n'étant plus celui que vous avez pris pour modèle, votre ouvrage reste sans effet. Le plus court serait de ne jamais charger, soit en peinture, soit en Littérature. Un objet peint et décrit frappera toujours assez, si l'on sait le montrer tel qu'il est, et faire sortir tout ce que la nature y a mis.

Je ne sais même si une charge n'est pas plus propre à consoler l'amour propre, qu'à le mortifier. Si vous exagérez mon défaut, vous m'inclinez à croire qu'il faudrait qu'il fût porté en moi jusqu'au point où vous l'avez représenté, soit dans votre écrit, soit dans votre tableau, pour être vraiment repréhensible ; ou je ne me reconnais point aux traits que vous avez employés, ou l'excès que j'y remarque m'excuse à mes yeux. Tel a ri d'une charge dont il était le sujet, à qui une peinture de lui-même plus voisine de la nature eut fait détourner la vue, ou peut-être verser des larmes. Voyez CARICATURE et COMEDIE.

CHARGE, (Rubanier) se dit des pierres qui s'attachent aux cordes des contre-poids. Voyez CONTRE-POIDS.

* CHARGE, (Vénerie) c'est la quantité de poudre et de plomb que le chasseur emploie pour un coup. Cette quantité doit être proportionnée à la force de l'arme, l'espèce de gibier, et à la distance à laquelle on est quelquefois contraint de tirer.

CHARGE, en terme de Blason, se dit de tout ce que l'on rapporte sur l'écusson ; animaux, végétaux ou autre objet. Voyez ÉCUSSON, etc.

Un trop grand nombre de charges n'est pas réputé si honorable qu'un plus petit.

Les charges qui sont propres à l'art du Blason, comme la croix, le chef, la face en pal, s'appellent charges propres, et souvent pièces ordinaires.

Quelques auteurs restraignent le terme de charges aux additions ou récompenses d'honneur ; telles que les cantons, les quartiers, les girons, les flasques, etc.

CHARGE, (Commerce) mesure pour les grains usitée dans la Provence et en Candie. La charge de Marseille, d'Arles et de Candie, qui pese 300 liv. poids de Marseille, d'Arles et de Candie, et 243 liv. poids de marc, est composée de quatre émines qui se divisent en huit sivadières ; l'émine pese 75. liv. poids du lieu, ou 60 liv. un peu plus, poids du marc ; la sivadière pese 9 liv. un peu plus, poids de Marseille, ou 7 liv. un peu plus, poids de marc. La charge ou mesure de Toulon fait trois septiers de ce lieu, le septier une mine et demie, et trois de ces mines font le septier de Paris. (A)

CHARGE, mesure d'épiceries à Venise, pese 400 livres du pays, et revient à 240 de Paris, et à 298 liv. et un peu plus de huit onces de Marseille.

CHARGE, mesure des galles, cotons, etc. pese 300 liv. du pays.

Il y a encore des charges mesures de différents poids et de différentes matières. Exemple : celle d'Anvers est de 242. liv. de Paris ; celle de Nantes, de 300 liv. nantaises, etc. Voyez le dictionn. du Comm. La charge de plomb est de 36 saumons. Voyez SAUMONS et PLOMB.