S. m. (Grammaire) c'est la quinzième lettre, et la quatrième voyelle de l'alphabet français. Ce caractère a été longtemps le seul dont les Grecs fissent usage pour représenter le même son, et ils l'appelaient du nom même de ce son. Dans la suite on introduisit un second caractère , afin d'exprimer par l'ancien l'o bref, et par le nouveau, l'o long : l'ancienne lettre O ou o, fut alors nommée , o parvum ; et la nouvelle, ou , fut appelée , O magnum.

Notre prononciation distingue également un o long et un o bref ; et nous prononçons diversement un hôte (hospes), et une hotte (sporta dossuaria) ; une côte (costa), et une cotte (habillement de femme) ; il saute (saltat), et une sotte (stulta) ; beauté (pulchritudo), et botté (ocreatus), etc. Cependant nous n'avons pas introduit deux caractères pour désigner ces deux diverses prononciations du même son. Il nous faudrait doubler toutes nos voyelles, puisqu'elles sont toutes ou longues ou breves : a est long dans cadre, et bref dans ladre ; e est long dans tête, et bref dans il tette ; i est long dans gîte, et bref dans quitte ; u est long dans flute, et bref dans culbute ; eu est long dans deux, bref dans feu, et plus bref encore dans me, te, de, et dans les syllabes extrêmes de fenêtre ; ou est long dans croute, et bref dans déroute.

Je crois, comme je l'ai insinué ailleurs (voyez LETTRES), que la multiplication des lettres pour désigner les différences prosodiques des sons n'est pas sans quelques inconvéniens. Le principal serait d'induire à croire que ce n'est pas le même son qui est représenté par les deux lettres, parce qu'il est naturel de conclure que les choses signifiées sont entr'elles comme les signes : de-là une plus grande obscurité sur les traces étymologiques des mots ; le primitif et le dérivé pourraient être écrits avec des lettres différentes, parce que le mécanisme des organes exige souvent que l'on change la quantité du radical dans le dérivé.

Ce n'est pas au reste que je ne loue les Grecs d'avoir voulu peindre exactement la prononciation dans leur orthographe : mais je pense que les modifications accessoires des sons doivent plutôt être indiquées par des notes particulières ; parce que l'ensemble est mieux analysé, et conséquemment plus clair ; et que la même note peut s'adapter à toutes les voyelles, ce qui Ve à la diminution des caractères et à la facilité de la lecture.

L'affinité mécanique du son o avec tous les autres, fait qu'il est commuable avec tous, mais plus ou moins, selon le degré d'affinité qui résulte de la disposition organique : ainsi o a plus d'affinité avec eu, u, et ou, qu'avec a, ê, é, i ; parce que les quatre premières voyelles sont en quelque sorte labiales, puisque le son en est modifié par une disposition particulière des lèvres ; au lieu que les quatre autres sont comme linguales, parce qu'elles sont différenciées entr'elles par une disposition particulière de la langue, les lèvres étant dans le même état pour chacune d'elles : l'abbé de Dangeau, opusc. pag. 62. avait insinué cette distinction entre les voyelles.

Voici des exemples de permutations entre les voyelles labiales, et la voyelle o.

O changé en eu : de mola vient meule ; de novus, neuf ; de soror, sœur, qui se prononce seur ; de populus, peuple ; de cor, cœur.

O changé en u : c'est ainsi que l'on a dérivé humanus et humanitas de homo ; cuisse de coxa ; cuir de corium ; cuit de coctus ; que les Latins ont changé en us la plupart des terminaisons des noms grecs en os ; qu'ils ont dit, au rapport de Quintilien et de Priscien, huminem pour hominem, frundes pour frondes, &c.

Au contraire u changé en o : c'est par cette métamorphose que nous avons tombeau de tumulus, comble de culmen, nombre de numerus ; que les Latins ont dit Hecoba pour Hecuba, colpa pour culpa ; que les Italiens disent indifféremment fosse ou fusse, facoltà ou facultà, popolo ou populo.

O changé en ou : ainsi mouvoir vient de movère, moulin de moletrina, pourceau de porcus, glousser de glocio, mourir de mori, &c.

Les permutations de l'o avec les voyelles linguales sont moins fréquentes ; mais elles sont possibles, parce que, comme je l'ai déjà remarqué d'après M. le président de Brosses (art. Lettres), il n'y a proprement qu'un son diversement modifié par les diverses longueurs ou les divers diamètres du tuyau : et l'on en trouve en effet quelques exemples. O est changé en a dans dame, dérivé de domina : en e dans adversùs, au lieu de quoi les anciens disaient advorsùs, comme on le trouve encore dans Térence ; en i dans imber, dérivé du grec .

Nous représentons souvent le son o par la diphtongue oculaire au, comme dans aune, baudrier, cause, dauphin, fausseté, gaule, haut, jaune, laurier, maur, naufrage, pauvre, rauque, sauteur, taupe, vautour : d'autres fois nous représentons o par eau, comme dans eau, tombeau, cerceau, cadeau, chameau, fourneau, troupeau, fuseau, gâteau, veau. Cette irrégularité orthographique ne nous est pas propre : les Grecs ont dit et , sulcus (sillon) ; et , vulnus, (blessure) : et les Latins écrivaient indifféremment cauda et coda (queue) ; plaustrum et plostrum (char) ; lautum et lotum au supin du verbe lavare (laver).

La lettre o est quelquefois pseudonyme, en ce qu'elle est le signe d'un autre son que de celui pour lequel elle est instituée ; ce qui arrive par-tout où elle est prépositive dans une diphtongue réelle et auriculaire : elle représente alors le son ou ; comme dans bésoard, bois, soin, que l'on prononce en effet bésouard, boues, souèn.

Elle est quelquefois auxiliaire, comme quand on l'associe avec la voyelle u pour représenter le son ou qui n'a pas de caractère propre en français ; comme dans bouton, courage, douceur, foudre, goutte, houblon, jour, louange, moutarde, nous, poule, souper, tour, vous. Les Allemands, les Italiens, les Espagnols, et presque toutes les nations, représentent le son ou par la voyelle u, et ne connaissent pas le son u, ou le marquent par quelqu'autre caractère.

O est encore auxiliaire dans la diphtongue apparente oi, quand elle se prononce ê ou è ; ce qui est moins raisonnable que dans le cas précédent, puisque ces sons ont d'autres caractères propres. Or oi vaut ê : 1°. dans quelques adjectifs nationaux, anglais, français, bourbonnais, &c : 2°. aux premières et secondes personnes du singulier, et aux troisiemes du pluriel, du présent antérieur simple de l'indicatif, et du présent du suppositif ; comme je lisais, tu lisais, ils lisaient ; je lirais, tu lirais, ils liraient : 3°. dans monnaie, et dans les dérivés des verbes connaître et paraitre où l'oi radical fait la dernière syllabe, ou bien la pénultième avec un e muet à la dernière ; comme je connais, tu reconnais, il reconnait ; je comparais, tu disparais, il reparait ; connaître, méconnaître : que je reconnaisse ; comparaitre, que je disparaisse, que tu reparaisses, qu'ils apparaissent. Oi vaut è : 1°. dans les troisiemes personnes singulières du présent antérieur simple de l'indicatif, et du présent du suppositif ; comme il lisait, il lirait : 2°. dans les dérivés des verbes connaître et paraitre où l'oi radical est suivi d'une syllabe qui n'a point d'e muet ; comme connaisseur, reconnaissance, je méconnoitrai ; vous comparoitrez, nous reparoitrions, disparaissant.

La lettre o est quelquefois muette : 1°. dans les trois mots paon, faon, Laon (ville), que l'on prononce pan, fan, Lan ; et dans les dérivés, comme paonneau (petit paon) qui diffère ainsi de panneau (terme de Menuiserie), laonnais (qui est de la ville ou du pays de Laon) : 2°. dans les sept mots œuf, bœuf, mœuf, chœur, cœur, mœurs et sœur, que l'on prononce euf, beuf, neuf, keur, keur, meurs et seur : 3°. dans les trois mots oeil, oeillet et oeillade, soit que l'on prononce par è comme à la fin de soleil, ou par eu comme à la fin de cercueil. On écrit aujourd'hui économe, économie, écuménique, sans o ; et le nom Oedipe est étranger dans notre langue.

O 'apostrophé devant les noms de famille, est en Irlande un signe de grande distinction, et il n'y a en effet que les maisons les plus qualifiées qui le prennent : o' Briem, o' Carrol, o' Cannor, o' Néal.

En termes de Marine, O veut dire ouest ; S. O. sud-ouest ; S. S. O. sud sud-ouest ; O. S. O. ouest-sud-ouest. Voyez N et RHUMB.

Sur nos monnaies, la lettre o désigne celles qui sont fabriquées à Riom.

Chez les anciens, c'était une lettre numérale qui valait 11 ; et surmontée d'une barre, valait 11000, selon la règle ordinaire :

O numerum gestat qui nunc undecimus extat.

(B. E. R. M.)