LE LAC, (Géographie) Lemanus lacus, lac situé entre la Savoie et le pays de Vaud, dépendant de la république de Berne. On le nomme communément le lac de Genève, et nous avons déjà dit, je ne sais où, qu'il a porté le nom de lac de Lausanne, lacus Lauzanius.

La figure de ce lac approche un peu de celle d'un croissant, dont les deux cornes seraient émoussées, et dont l'une des mêmes cornes aurait une grande échancrure par-dedans. Il est vrai que nous en avons de bonnes cartes ; mais toutes ne représentent pas sa véritable figure ; ce lac s'étend bien plus contre le nord, et moins du côté de l'orient que plusieurs de ces cartes ne le marquent.

Il est situé entre le 24 degré 10', et le 25 de longitude, à compter cette longueur depuis l'île de Fer, et entre le 46 degré 12', et le 46 degré 31' de latitude.

La longueur de ce lac depuis Genève jusqu'à Villeneuve, en passant par le pays de Vaud, est de 15 lieues de marine, dont il y en a 20 au degré ; et ces 15 lieues font 18 lieues trois quarts communes de France ; mais cette distance prise en ligne droite par dessus le Chablais, n'excède pas 12 lieues de marine.

La plus grande largeur de ce lac, à le prendre de Rolle jusqu'au voisinage de Thonon, est de trois à quatre lieues, ou plutôt à cause du biais qui se trouve entre ces deux endroits, sa plus grande largeur doit être seulement estimée environ sept milles taises de France de six pieds de roi chacune, ce qui fait un peu plus de trois lieues communes du même royaume, mais ce lac se rétrécit beaucoup ensuite en venant vers Genève ; car depuis Rolle jusqu'à Genève, il n'est guère, que je sache, en aucun endroit plus large d'une lieue marine.

La surface du lac Léman est d'environ 26 lieues communes carrées, dont chacune a 2282 taises et deux cinquiemes de côte.

La profondeur de ce lac est dans quelques endroits très-considérable, particulièrement du côté de Savoie ; cependant on n'a point fait encore d'expériences suffisantes pour la justifier, et le fait en vaudrait la peine. Je prie les physiciens du pays de constater cette profondeur ; car nous ne pouvons faire aucun fonds sur des témoignages de pêcheurs mal-habiles ; témoignages d'autant plus suspects que les uns estiment la plus grande profondeur de ce lac, près de Melleria, à 200 brasses, tandis que d'autres la font monter au double. D'après leur même rapport, ce qu'ils appellent le petit lac de Genève, c'est-à-dire le lac qui s'étend depuis la ville de Nion jusqu'à celle de Genève, n'a nulle part plus de 40 brasses de profondeur ; encore un coup leurs assurances demandent une révision.

Il en est presque de même au sujet des trombes qu'on a observés quelquefois sur ce lac, par exemple en 1741 et 1742 ; les trombes dont nous parlons, sont des espèces de vapeurs épaisses qui s'élèvent de temps à autre sur le lac Léman, occupent en largeur des 15 à 20 taises, à peu près autant en hauteur, et se dissipent ensuite dans un instant, sans qu'on soit encore suffisamment éclairé sur leurs causes.

Un phénomène beaucoup moins rare que nous offre le lac Léman, est une espèce de flux et reflux qu'on y remarque sous le nom vulgaire et ridicule de seiches ; cette espèce de flux et reflux, qui se trouve d'une part près de l'embouchure du Rhône, ou bien à l'autre extrémité, près de l'embouchure de l'Arve, doit être vraisemblablement produit par la fonte des neiges, conformément au détail exact et savamment raisonné qu'en a fait M. Jallabert dans l'hist. de l'acad. des Scienc. ann. 1742.

Le lac Léman est en partie formé par le Rhône qui le traverse dans toute sa longueur, en sort à Genève, et y conserve seulement sa couleur jusqu'à une certaine distance : ce lac au contraire de plusieurs autres décroit en hiver, et croit en été quelquefois jusqu'à dix pieds et davantage. Les neiges fondues des montagnes dans cette saison, grossissent de leurs eaux, les ruisseaux et rivières qui entrent dans le lac, et par conséquent le lac lui-même. Il ne se gèlepresque jamais dans les plus grands froids, parce qu'il abonde en sources vives.

Mais si l'on joint à cet avantage sa belle situation, l'aspect admirable qu'il procure de maisons de plaisance, de villes, de bourgs et de villages, de champs cultivés, de coteaux, de vignobles et de campagnes fertiles, l'excellent poisson de plusieurs sortes qu'il fournit en abondance, sa profondeur, son étendue, la bonté du bassin sur lequel il roule des eaux pures, légères et argentines, on ne pourra s'empêcher de le regarder pour un des plus beaux lacs de l'Europe, et de dire à sa gloire, avec le premier poète de nos jours.

Que le chantre flatteur du tyran des Romains,

L'auteur harmonieux des douces Géorgiques,

Ne vante plus ses lacs et leurs bords magnifiques,

Ces lacs que la nature a creusés de ses mains

Dans les campagnes italiques,

Le lac Léman est le premier....

.... C'est sur ces bords heureux,

Qu'habite des humains la déesse éternelle,

L'ame des grands travaux, l'objet des nobles vœux,

Que tout mortel embrasse, ou désire ou rappele,

Qui vit dans tous les cœurs, et dont le nom sacré

Dans les cours des tyrants est tout bas adoré,

La liberté !....

(D.J.)