(Géographie) capitale du Portugal, sur le Tage, à quatre lieues de l'Océan, trente-quatre S. O. de Coïmbre, soixante N. O. de Séville, cent six S. O. de Madrid.

Elle est 12d. 57'. 45''. plus orientale que Paris ; lat. 38d. 45'. 25''. selon les observations de M. Couplet, faites sur les lieux en 1698, et rapportées dans les mémoires de l'académie des Sciences, année 1700, pag. 175.
Long. 10. 49. par les observations de Jacobey, rapportées dans les Transactions philosophiques, et approuvées par M. Delisle, dans les mémoires de l'académie royale des Sciences.
Long. selon M. Cassini, 9d. 6'. 30''. lat. 38d. 43'. et selon M. Couplet, 38d. 45'. 25''.
Long. orientale selon M. le Monnier, 8d. 30'. lat. 38d. 42'. 20''.
M. Bradley a établi 9d. 7'. 30''. ou O. H. 36'. 30''. pour différence de longitude entre Londres et Lisbonne. Voyez les Transactions philosophiques, n°. 394.

Cette ville est le séjour ordinaire du roi et de la cour, le siège du premier parlement du royaume, qu'on nomme relaçao, avec un archevêché, dont l'archevêque prend le titre de patriarche, une université, une douanne, dont la ferme est un des plus grands revenus du prince, et un port sur le Tage d'environ quatre lieues de long, estimé le meilleur et le plus célèbre de l'Europe, quoiqu'exposé quelquefois à de violents ouragans.

On a Ve cette ville briller en amphithéâtre, par sa situation sur sept montagnes, d'où l'on découvre le Tage dans toute son étendue, la campagne et la mer. On vantait, il n'y a pas six ans, la solidité des forts de Lisbonne et de son château, la beauté de ses places et de ses édifices publics, de ses églises, de ses palais, et surtout de celui du roi. Enfin on la regardait avec raison, comme une des principales villes de l'Europe, et le centre d'un commerce prodigieux. Toutes ces belles choses ont été effacées du livre de vie, par une révolution également prompte et inopinée.

" Lisbonne était ; elle n'est plus ", dit une lettre qui nous apprit qu'un tremblement de terre arrivé le premier Novembre 1755, en avait fait une seconde Héraclée ; mais puisqu'on espère aujourd'hui de la tirer de ses ruines, et même de lui rendre sa première splendeur, nous laisserons un moment le rideau sur l'affreuse perspective qui l'avait détruite, pour dire un mot de son ancienneté et des diverses révolutions qu'elle a souffertes, jusqu'à la dernière catastrophe, dont on vient d'indiquer l'époque trop mémorable.

Quoique vivement touché de ses malheurs, je ne puis porter son ancienneté au siècle d'Ulysse, ni croire que ce héros, après la destruction de Troie, en ait jeté les fondements ; de sorte que dès-lors, elle fut appelée Ulyssipone, ou Ulyssipo. Outre que selon toute apparence, Ulysse n'est jamais sorti de la Méditerranée, le vrai nom de cette ville était Olyssipo, comme il parait par l'inscription suivante, qui y a été trouvée. Imp. Caes. M. Julio. Philipp. Fel. Aug. Pontif. Man. Trib. Pot. II. P. P. Cons. III. Fel. Jul. Olissipo. Cette inscription confirme que Lisbonne, après avoir reçu une colonie romaine, prit le nom de Felicitas Julia ; et c'est assez pour justifier son ancienneté.

Elle a été plusieurs fois attaquée, conquise et reconquise par divers peuples. D. Ordogno III. qui régnait dans le dixième siècle, s'en rendit maître, et la rasa. Elle fut à peine rebâtie, que les Maures s'en emparèrent. D. Henri la reprit au commencement du douzième siècle, et bientôt après elle retomba sous la puissance des Sarrasins. C'était le temps des croisades ; D. Alphonse en obtint une pour la retirer des mains des infidèles. On vit en 1145, une flotte nombreuse montée par des Flamands, des Anglais et des Allemands, entrer dans le Tage, attaquer les Maures, et leur enlever Lisbonne. Dès que le comte de Portugal se trouva possesseur de cette ville, il la peupla de chrétiens, et en fit sa capitale, au lieu de Coïmbre, qui l'avait été jusqu'alors. Un étranger nommé Gilbert, fut sacré son premier évêque. Henri, roi de Castille, la soumit à sa couronne en 1373. Elle rentra dans la suite sous le pouvoir des Portugais, et y demeura jusqu'à ce que le duc d'Albe, vainqueur de D. P. d'Achuna, la rangea sous la domination espagnole. Enfin par la révolution de 1640, le duc de Bragance fut proclamé dans Lisbonne roi de Portugal, et prit le nom de Jean IV.

Ses successeurs s'y sont maintenus jusqu'à ce jour. Charmés de la douceur de son climat, et pour ainsi dire de son printemps continuel, qui produit des fleurs au milieu de l'hiver, ils ont agrandi cette capitale de leurs états, l'ont élevée sur sept collines, et l'ont étendue jusqu'au bord du Tage. Elle renfermait dans son enceinte un grand nombre d'édifices superbes, plusieurs places publiques, un château qui la commandait, un arsenal bien fourni d'artillerie, un vaste édifice pour la douanne, quarante églises paroissiales, sans compter celles des monastères, plusieurs hôpitaux magnifiques, et environ trente mille maisons, qui ont cédé à d'affreux tremblements de terre, dont le récit fait frissonner les nations même, qui sont le plus à l'abri de leurs ravages.

Le matin du premier Novembre 1755, à neuf heures quarante-cinq minutes, a été l'époque de ce tragique phénomène, qui inspire des raisonnements aux esprits curieux, et des larmes aux âmes sensibles. Je laisse aux Physiciens leurs conjectures, et aux historiens du Pays, le droit qui leur appartient de peindre tant de désastres. Quaeque ipsa miserrima vidi, et quorum pars magna fui, écrivait une dame étrangère, le 4 Novembre, dans une lettre datée du milieu des champs, qu'elle avait choisis pour refuge à cinq milles de l'endroit où était Lisbonne trois jours auparavant.

Le petit nombre de maisons de cette grande ville, qui échappèrent aux diverses secousses de tremblements de terre de l'année 1755 et 1756, ont été dévorées par les flammes, ou pillées par les brigands. Le centre de Lisbonne en particulier, a été ravagé d'une manière inexprimable. Tous les principaux magasins ont été culbutés ou réduits en cendres ; le feu y a consumé en marchandises, dont une grande partie appartenait aux Anglais, pour plus de quarante millions de creuzades. Le dommage des églises, palais et maisons, a monté au-delà de cent cinquante millions de la même monnaie, et l'on estimait le nombre des personnes qui ont péri sous les ruines de cette capitale, ou dans son incendie, entre 15 à 20000 ames.

Toutes les puissances ont témoigné par des lettres à S. M. T. F. la douleur qu'elles ressentaient de ce triste événement ; le roi d'Angleterre plus intimement lié d'amitié, et par les intérêts de son commerce, y envoya, pour le soulagement des malheureux, des vaisseaux chargés d'or et de provisions, qui arrivèrent dans le Tage au commencement de Janv. 1756, et ses bienfaits furent remis au roi de Portugal. Ils consistaient en trente mille livres sterling en or, vingt mille livres sterling en pièces de huit, six mille barrils de viande salée, quatre mille barrils de beurre, mille sacs de biscuit, douze cent barrils de ris, dix mille quintaux de farine, dix mille quintaux de blé, outre une quantité considérable de chapeaux, de bas et de souliers. De si puissants secours, distribués avec autant d'économie que d'équité, sauvèrent la vie des habitants de Lisbonne, réparèrent leurs forces épuisées, et leur inspirèrent le courage de relever leurs murailles, leurs maisons et leurs églises.

Terminons cet article intéressant de Lisbonne par dire un mot d'Abarbanel, de Govea, de Lobo, et surtout du Camoens, dont cette ville est la patrie.

Le rabbin Isaac Abarbanel s'est distingué dans ses commentaires sur l'ancien Testament, par la simplicité qui y règne, par son attachement judicieux au sens littéral du texte, par sa douceur et sa charité pour les chrétiens, dont il avait été persécuté. Il mourut à Venise en 1508, âgé de soixante-onze ans.

Antoine de Govea passe pour le meilleur jurisconsulte du Portugal ; son traité de juridictione, est de tous ses ouvrages celui qu'on estime le plus. Il est mort en 1565.

Le P. Jérôme Lobo, jésuite, finit ses jours en 1678, âgé de quatre-vingt-cinq ans, après en avoir passé trente en Ethiopie. Nous lui devons la meilleure relation qu'on ait de l'Abyssinie ; elle a été traduite dans notre langue par M. l'abbé le Grand, et imprimée à Paris en 1728, in-4 °.

Mais le célèbre Camoens a fait un honneur immortel à sa patrie, par son poème épique de la Luziade. On connait sa vie et ses malheurs. Né à Lisbonne en 1524 ou environ, il prit le parti des armes, et perdit un oeil dans un combat contre les Maures. Il passa aux Indes en 1553, déplut au viceroi par ses discours, et fut exilé. Il partit de Goa, et se réfugia dans un coin de terre déserte, sur les frontières de la Chine. C'est là qu'il composa son poème ; le sujet est la découverte d'un nouveau pays, dont il avait été témoin lui-même. Si l'on n'approuve pas l'érudition déplacée qu'il prodigue dans ce poème vis-à-vis des Sauvages ; si l'on condamne le mélange qu'il y fait des fables du paganisme, avec les vérités du Christianisme, du-moins ne peut-on s'empêcher d'admirer la fécondité de son imagination, la richesse de ses descriptions, la variété et le coloris de ses images.

On dit qu'il pensa perdre ce fruit de son génie en allant à Macao ; son vaisseau fit naufrage pendant le cours de la navigation ; alors le Camoens, à l'imitation de César, eut la présence d'esprit de conserver son manuscrit, en le tenant d'une main au-dessus de l'eau, tandis qu'il nageait de l'autre. De retour à Lisbonne en 1569, il y passa dix ans malheureux, et finit sa vie dans un hôpital en 1579. Tel a été le sort du Virgîle des Portugais. (D.J.)