ou MOSKOESTROM, (Géographie) c'est ainsi qu'on nomme un gouffre fameux placé près des côtes de Norvège, à environ quarante milles au nord de la ville de Drontheim. En cet endroit de la mer on rencontre une suite de cinq iles, que l'on nomme le district de Lofoden, quoique chacune de ces îles ait un nom particulier. Entre chacune de ces îles le passage n'a jamais plus d'un quart de mille de largeur ; mais au sud-ouest du district de Lofoden, il se trouve encore deux îles habitées, que l'on nomme Woeron et Roeston, qui sont séparées de Lofoden, et les unes des autres par des passages ou détroits assez larges. Entre cette rangée d'iles et le Helgeland, qui est une portion du continent de la Norvège, la mer forme un golfe. C'est entre le promontoire de Lofoden et l'île de Waron, que passe le courant qu'on nomme Mahlstrom. Sa largeur du nord au sud est d'environ deux milles ; sa longueur de l'est à l'ouest est d'environ cinq milles. Il y a aussi un courant entre l'île de Woeron et celle de Roeston, mais il est moins fort que le Mahlstrom. Au milieu du détroit qui sépare Lofoden et Woeron, mais un peu plus du côté du sud, se trouve le rocher appelé Moskoe, qui forme une île qui peut avoir un tiers de mille de longueur, et quelque chose de moins en largeur ; cette île n'est point habitée, mais comme elle a de bons pâturages, les habitants des îles voisines y laissent paitre des brebis l'hiver et l'été. C'est entre cette île de Moskoe et la pointe de Lofoden, que le courant est le plus violent ; il devient moins sensible à mesure qu'il approche des îles de Woeron, et de Roeston.

On trouve dans plusieurs relations des descriptions étonnantes de ce gouffre et de ce courant ; mais la plupart de ces circonstances ne sont fondées que sur des bruits populaires ; on dit que ce gouffre fait un bruit horrible, et qu'il attire à une très-grande distance les baleines, les arbres, les barques et les vaisseaux qui ont le malheur de s'en approcher ; qu'après les avoir attirés, il les réduit en pièces contre les rochers pointus qui sont au fond du gouffre. C'est de cette prétendue propriété qu'est venu le nom de Mahlstrom, qui signifie courant qui moud. L'on ajoute qu'au bout de quelques heures, il rejette les débris de ce qu'il avait englouti. Cela dément le sentiment du père Kircher, qui a prétendu qu'il y avait en cet endroit un trou ou un abîme qui allait au centre de la terre, et qui communiquait avec le golfe de Bothnie. Quelques auteurs ont assuré que ce courant, ainsi que le tournoyement qui l'accompagne, n'était jamais tranquille ; mais on a publié en 1750, dans le tome XII. des mém. de l'académie royale des Sciences de Suède, une description du Mahlstrom, qui ne laisse plus rien à désirer aux Physiciens, et qui en faisant disparaitre tout le merveilleux, réduit tous ces phénomènes à la simple vérité. Voici comme on nous les décrit.

Le courant a sa direction pendant six heures du nord au sud, et pendant six autres heures du sud au nord ; il suit constamment cette marche. Ce courant ne suit point le mouvement de la marée, mais il en a un tout contraire, en effet dans le temps que la marée monte et Ve du sud au nord, le Mahlstrom Ve du nord au sud, etc. Lorsque ce courant est le plus violent, il forme de grands tourbillons ou tournoyements qui ont la forme d'un cône creux renversé, qui peut avoir environ deux famnars, c'est-à-dire douze pieds de profondeur ; mais loin d'engloutir et de briser tout ce qui s'y trouve, c'est dans le temps que le courant est le plus fort, que l'on y pêche avec le plus de succès ; et même en y jetant un morceau de bois, il diminue la violence du tournoyement. C'est dans le temps que la marée est la plus haute et qu'elle est la plus basse, que le gouffre est le plus tranquille ; mais il est très-dangereux dans le temps des tempêtes et des vents orageux, qui sont très-communs dans ces mers, alors les navires s'en éloignent avec soin, et le Mahlstrom fait un bruit terrible. Il n'y a point de trous ni d'abime en ce lieu, et les pêcheurs ont trouvé avec la sonde, que le fond du gouffre était composé de rochers et d'un sable blanc qui se trouve à vingt brasses dans la plus grande profondeur. M. Schelderup, conseiller d'état en Norvège, à qui cette description est dû., dit que tous ces phénomènes viennent de la disposition dans laquelle se trouve cette rangée d'iles, entre lesquelles il n'y a que des passages étroits qui font que les eaux de la pleine mer ne peuvent y passer librement, et par-là s'amassent et demeurent en quelque façon suspendues lorsque la marée hausse ; d'un autre côté lorsque la marée se retire, les eaux qui se trouvent dans le golfe qui sépare ces îles du continent, ne peuvent point s'écouler promptement au-travers de ces mêmes passages étroits. Voyez les mém. de l'académie royale de Suède, année 1760, tome XII.

Les marins donnent en général le nom de Mahlstrom à tous les tournans d'eau qui se trouvent dans la mer. Les voyageurs rapportent qu'il y en a un très-considérable dans l'Océan, entre l'Afrique et l'Amérique ; les navigateurs l'évitent avec grand soin. Les gouffres de Sylla et de Charybde sont aussi des espèces de mahlstroms. (-)