S. m. (Art militaire) c'est l'action de réformer des corps de troupes en tout ou en partie, de congédier et renvoyer dans leurs paroisses les soldats qui le composent.

En France les inspecteurs généraux d'infanterie et de cavalerie sont chargés de cette opération pour les troupes réglées, les intendants des provinces pour les milices.

Troupes réglées. Lorsqu'il s'agit de licencier quelques compagnies d'un corps, l'inspecteur commence par incorporer les moins anciennes ou les plus faibles dans les autres, qu'il complete des soldats les plus en état de servir ; il tire ensuite des compagnies conservées les soldats qui se trouvent ou incapables de continuer leur service, ou dans le cas d'entrer à l'hôtel des Invalides : après eux les soldats les moins bons à conserver, et surtout ceux de nouvelle recrue, comme étant moins propres à entretenir dans le corps l'esprit de valeur qu'ils n'ont pu encore acquérir, et plus capables de reprendre le travail de la terre ; enfin ceux qui par l'ancienneté de leur service ont droit de prétendre d'être congédiés les premiers, et de préférence les hommes mariés. Les capitaines ne peuvent rien répéter aux soldats congédiés du prix de leurs engagements, étant, dans le licenciement, renvoyés comme surnuméraires.

Les réformés sont ensuite partagés par bandes, suivant leurs provinces, et conduits sans armes sur des routes avec étape, par des officiers chargés de leurs congés, qu'ils leur remettent successivement dans les lieux de la route les plus à portée de leurs villages. Pour leur faciliter les moyens de s'y rendre, le roi leur fait payer en même temps trois livres de gratification à chacun, leur laissant de plus l'habit uniforme et le chapeau. Ils doivent s'y acheminer immédiatement après la délivrance de leurs congés, sous peine, à ceux qui sont rencontrés sur les frontières sortant du royaume pour passer à l'étranger, d'être arrêtés et punis comme déserteurs ; et à ceux qui s'arrêtent dans les villages de la route sans raison légitime, d'être arrêtés comme vagabonds.

A l'égard des soldats licenciés des régiments étrangers au service de sa majesté, on les fait conduire sur des routes par des officiers jusqu'à la frontière, où ils reçoivent une gratification en argent pour leur donner moyen de gagner leur pays.

Nous avons l'expérience qu'au moyen de ces prudentes mesures, les réformes les plus nombreuses n'ont pas causé le moindre trouble à la tranquillité publique.

Les précautions sont les mêmes dans les réformes de la cavalerie et des dragons ; les inspecteurs y ajoutent, par rapport aux chevaux, l'attention de faire tuer tous ceux qui sont soupçonnés de morve, de faire bruler leurs équipages, et de réformer toutes les juments, pour être distribuées et vendues dans les campagnes.

Lorsque le licenciement est peu considérable, ou que les réformés se trouvent de provinces différentes et écartés les uns des autres de manière à ne pouvoir être rassemblés pour marcher ensemble, les inspecteurs les laissent partir seuls, et en ce cas leur font délivrer la subsistance en argent à proportion de l'éloignement des lieux où ils doivent se rendre, outre la gratification ordonnée.

Au moment du licenciement on fait visiter les réformés soupçonnés de maux vénériens, de scorbut ou autres maladies contagieuses ; et ceux qui s'en trouvent atteints, sont traités avant leur départ, et guéris dans les hôpitaux militaires.

Milices. Pour exécuter le licenciement d'un bataillon de milice, l'intendant commence par en constater l'état par une revue, en distinguant les miliciens de sa généralité de ceux qui n'en sont pas ; il complete les compagnies de grenadiers et de grenadiers postiches, avec ce qu'il y a de plus distingué, de mieux constitué, et de meilleure volonté dans les soldats des autres compagnies ; il délivre des congés absolus à l'excédent du complet, en les donnant d'abord aux miliciens étrangers à la province, ensuite aux plus anciens miliciens de la province et aux plus âgés de même date de service ; il conserve les sergens et grenadiers royaux qui ont la volonté de continuer à servir, fait déposer en magasin les habits, armes et équipements des soldats, et sépare le bataillon, jusqu'à ce qu'il plaise au roi d'en ordonner l'assemblée, soit pour être employé à son service, soit seulement pour passer en revue et être exercé pendant quelques jours aux manœuvres de guerre. Voyez LEVEES DE TROUPES.

Dans plusieurs généralités, les intendants, lors du licenciement, congédient par préférence, comme surnuméraires et sans distinction d'ancienneté de service de milice, tous les hommes mariés que des conjonctures forcées ont obligé d'y entrer.

On permet, par distinction, aux sergens et grenadiers d'emporter leurs habits, à charge de les tenir et représenter en bon état.

Lors du renvoi des miliciens, on leur paie trois jours de solde après celui de la séparation, pour leur donner moyen de se retirer chez eux.

Tant que dure la séparation des bataillons de milice, le roi accorde trois sols par jour aux sergens des compagnies de grenadiers royaux, un sol aux grenadiers, dix-huit deniers aux tambours desdites compagnies, et deux sols aux sergens des compagnies de grenadiers postiches et de fusiliers.

Les miliciens qui ont servi six années et obtenu leur congé absolu, ne peuvent plus être assujettis au service de la milice ; ils jouissent de l'exemption de la taille pendant l'année de la date de leur congé, en vertu de certificats qui leur sont à cet effet délivrés par les intendants ; et ceux qui se marient dans le cours de cette année, jouissent de ce privilège encore deux années de plus.

L'exemption a lieu tant pour la taille industrielle que pour la personnelle, pour leurs biens propres ou ceux du chef de leurs femmes ; et dans le cas où ils prendraient pendant ce temps des fermes étrangères, ils sont, pour raison de leur exploitation, taxés d'office modérément par les intendants.

Dans les provinces où la taille est réelle, ils y sont sujets, mais exempts des impositions extraordinaires.

Pendant leur service les miliciens doivent être diminués de dix livres sur leurs cottes personnelles pour chaque année ; ils sont aussi exempts de capitation et de collecte pendant ce temps, s'ils ne font valoir que leurs biens propres, et leurs pères de collecte pour le même temps, pendant lequel encore leur cotte à la taille ne peut être augmentée.

Ceux qui ont été incorporés dans les troupes doivent jouir des mêmes exemptions.

C'est par ces adoucissements qu'on tempere, autant qu'il est possible, la rigueur du service forcé du milicien, et la sévérité d'un état auquel il ne s'est pas voué volontairement.

Lors de la séparation des bataillons, on a, pour les miliciens attaqués de maladies contagieuses, la même attention que pour les soldats réformés des autres troupes ; on les fait recevoir, traiter et guérir dans les hôpitaux du roi, avant de permettre leur retour dans les paroisses. Cette sage précaution est aussi glorieuse au prince qu'avantageuse à l'humanité.

L'évenement d'un licenciement désiré par le soldat, est une espèce de disgrace pour l'officier. Il nous reste à dire un mot sur le sort des guerriers malheureux qui s'y trouvent enveloppés.

L'inspecteur examine d'abord les officiers qui par leur âge, leurs blessures ou leurs infirmités sont reconnus hors d'état de continuer à servir, et dans le cas de mériter des pensions de retraite ou d'être admis à l'hôtel des invalides ; sur les mémoires qui en sont dressés, il y est pourvu par le ministère, suivant l'exigence des cas.

Lorsque la réforme du corps est générale, tous les autres officiers sont renvoyés dans leurs provinces, où ils jouissent d'appointements de réforme suivant leurs grades, à l'exception des lieutenans les moins anciens, qui n'ont pu encore mériter cette récompense par leurs services.

S'il ne s'agit que d'une simple réduction de compagnies, le principe est de placer, dans l'arrangement du corps, les plus anciens capitaines à la tête des compagnies conservées ; les moins anciens aux places de capitaines en second ; après eux les plus anciens lieutenans, et de préférence tous les maréchaux des logis ou sergens qui, par la distinction ou ancienneté de leurs services, ont été élevés au grade d'officier. Si quelques circonstances ne permettent pas de conserver ces officiers de fortune, le roi, dans ce cas, leur accorde quinze sols par jour pour les aider à subsister pendant la paix.

Les lieutenans les moins anciens sont renvoyés dans leurs provinces, avec une gratification pour leur donner moyen de s'y rendre, en attendant que les circonstances permettent de les rappeler au service.

Nous nous bornons à ces connaissances générales sur les opérations des deux sortes de licenciements, et renvoyons aux ordonnances militaires pour les autres détails qui y ont rapport. Cet article est de M. DURIVAL cadet.