(Géographie moderne) château de Suède, et autrefois du Danemarck, dans la petite île d'Huen ou de Ween, au milieu du détroit du Sund. Long. 30. 22. latit. 55. 54. 5.

Quoique ce château soit ruiné depuis longtemps, le nom en est toujours célèbre, à cause de Tycho-Brahé qui le fit bâtir. Le roi de Danemarck Frédéric II. avait donné à cet illustre et savant gentilhomme l'île de Weene pour en jouir durant sa vie, avec une pension de deux mille écus d'or, un fief considérable en Norvège, et un bon canonicat dans l'église de Roschild.

Cette île convenait parfaitement aux desseins et aux études de Tycho-Brahé ; c'est proprement une montagne qui s'élève au milieu de la mer, et dont le sommet plat et uni de tous côtés domine la côte de Scanie et tous les pays d'alentour : ce qui donne un très-bel horizon, outre que le ciel y est ordinairement serein, et que l'on y voit rarement des brouillards.

Ticho-Brahé riche de lui-même, et rendu très-opulent par les libéralités de Frédéric, éleva au milieu de l'île son fameux château qu'il nomma Uranibourg, c'est-à-dire, ville du ciel, et l'acheva en quatre années. Il bâtit aussi dans la même île une autre grande maison nommée Stellbourg, pour y loger une foule de disciples et de domestiques ; enfin il y dépensa cent mille écus de son propre bien.

La disposition et la commodité des appartements d'Uranibourg, les machines et les instruments qu'il contenait, le faisaient regarder comme un édifice unique en son genre. Aux environs de ces deux châteaux, on trouvait des ouvriers de toute espèce, une imprimerie, un moulin à papier, des laboratoires pour les observations chymiques, des logements pour tout le monde, des fermes et des métairies ; tout était entretenu aux dépens du maître ; rien n'y manquait pour l'agrément et pour les besoins de la vie ; des jardins, des étangs, des viviers et des fontaines rendaient le séjour de cette île délicieux. Ressenius en a donné un ample tableau dans ses Inscriptiones Uraniburgicae, &c.

Ce fut là que Tycho-Brahé imagina le système du monde, qui porte son nom, et qui fut alors reçu avec d'autant plus d'applaudissements, que la supposition de l'immobilité de la terre contentait la plupart des astronomes et des théologiens du XVIe siècle. On n'adopte pas aujourd'hui ce système d'astronomie, qui n'est qu'une espèce de conciliation de ceux de Ptolemée et de Copernic ; mais il sera toujours une preuve des profondes connaissances de son auteur. Tycho-Brahé avait la faiblesse commune d'être persuadé de l'astrologie judiciaire ; mais il n'en était ni moins bon astronome, ni moins habîle mécanicien.

Non-seulement il vivait en grand seigneur dans son ile, mais il y recevait des visites des princes mêmes, admirateurs de son savoir. Jacques VI. roi d'Ecosse, et premier du nom en Angleterre, lui fit cet honneur dans le temps qu'il passa en Danemarck pour y épouser la princesse Anne, fille de Frédéric II.

La destinée de Tycho-Brahé fut celle des grands hommes ; il ne put se garantir de la jalousie de ses compatriotes, qui auraient dû être les premiers à l'admirer ; il en fut au contraire cruellement persécuté après la mort du roi son protecteur. Dès l'an 1596, ils eurent le crédit de le dépouiller de son fief de Norvège et de son canonicat de Roschild. Ils firent raser ses châteaux d'Uranibourg et de Stellbourg, dont il ne reste plus rien que dans les livres de ceux qui ont pris le soin de nous en laisser la description.

Obligé de quitter l'île de Ween en 1597, il vint à Copenhague pour y cultiver l'astronomie dans une tour destinée à cet usage. On lui envia cette dernière ressource. Les ministres de Christiern IV. qui ne se lassaient point de le persécuter, lui firent défendre par le magistrat de se servir de la tour publique pour faire ses observations.

Privé de tous les moyens de suivre ses plus chères études en Danemarck, il se rendit à Rostock avec sa famille et plusieurs de ses élèves qui ne voulurent jamais l'abandonner ; ils eurent raison, car bientôt après l'empereur Rodolphe se déclara le protecteur de Tycho-Brahé, et le dédommagea de toutes les injustices de ses concitoyens. Il lui donna une de ses maisons royales en Bohème, aux environs de Prague, et y joignit une pension de trois mille ducats. Tycho-Brahé plein de reconnaissance, s'établit avec sa famille et ses disciples dans ce nouveau palais, et y gouta jusqu'à la fin de ses jours, le repos que son pays lui avait envié.

Il était né en 1546, et mourut en 1601, d'une rétention d'urine que lui avait causé son respect pour l'empereur, étant avec lui dans son carrosse, qu'il n'avait osé prier qu'on arrêtât un moment. (D.J.)

Tycho, sur la fin de sa vie, fit transporter de Danemarck à Prague, où il alla s'établir avec toute sa famille, les machines et les instruments dont il s'était servi pour faire un grand nombre d'observations célestes très-importantes. De Prague, il les fit transporter au château de Benach ; et de-là il les fit ramener à Prague dans le palais de l'empereur, d'où on les fit passer dans l'hôtel de Curtz. Après la mort de Tycho, l'empereur Rodolphe, à qui les enfants de cet astronome avaient dédié un de ses ouvrages posthumes, craignant qu'on ne fit quelque aliénation de ces instruments, ou quelque mauvais usage, voulut en avoir la propriété pour le prix de vingt-deux mille écus d'or, qu'il paya aux héritiers de Tycho ; et il y commit une garde à gage, qui tint ce grand trésor si bien renfermé dans l'hôtel de Curtz, qu'il ne fut plus possible à personne de le voir, pas même à Kepler, quoique disciple de Tycho, et favorisé de l'empereur. Ces machines demeurèrent ensevelies de la sorte jusqu'aux troubles de Bohème en 1619 ; l'armée de l'électeur Palatin croyant mettre la main sur un bien qui était propre à la maison d'Autriche, les pilla comme des dépouilles ennemies, en prisa une partie, et en convertit une autre à des usages tout différents. Le reste fut tellement distrait, qu'on n'a pas pu savoir depuis ce que sont devenus tant de précieux monuments. On vint cependant à bout de sauver le grand globe céleste, qui était d'airain : il fut retiré de Prague, et emporté sur l'heure à Neiss en Silésie, où on le mit en dépôt chez les jésuites. Il fut enlevé treize ans après par Udalric, fils de Christiern, roi de Danemarck, conduit à Copenhague et placé dans l'académie royale.

M. de Fontenelle dit, dans l'éloge du czar Pierre, que ce prince ayant Ve à Copenhague un globe céleste fait sur les desseins de Tycho, et autour duquel douze personnes pouvaient s'asseoir, en faisant des observations, demanda ce globe au roi de Danemarck, et fit venir exprès de Petersbourg une frégate qui l'y apporta. C'est apparemment ce même globe dont nous parlons.

M. Picart ayant été faire un voyage à Uranibourg, il trouva que le méridien tracé dans ce lieu par Tycho, s'éloignait du méridien véritable. D'un autre côté cependant M. de Chazelles ayant été en Egypte, et ayant mesuré les pyramides et examiné leur position, il trouva que leurs faces se tournaient exactement vers les pôles du monde. Or comme cette position singulière doit avoir été recherchée vraisemblablement par les constructeurs de ces pyramides, il paraitrait s'ensuivre de-là que les méridiens n'ont point changé. Serait-il possible que les anciens astronomes égyptiens eussent bien tracé leur méridienne, et que Tycho, si habîle et si exact, eut mal décrit la sienne ? C'est sur quoi il ne parait pas aisé de prononcer. Voyez MERIDIEN. (O)