(Géographie moderne) province d'Angleterre, maritime et septentrionale, dans le diocèse d'Yorck qui en est la capitale. C'est la plus grande province du royaume ; elle a trois cent vingt milles de circuit : on la distingue en trois parties, qui sont Nord, Est et West-Riding. Elle est très-fertîle en blé, bétail, gibier et poisson ; elle produit quantité de beaux chevaux, de la pierre à chaux, du jayet, de l'alun et du fer. Ses principales rivières sont l'Humber, l'Are, la Nyd, l'Ouse, l'Youre, etc. Elle contient soixante villes ou bourgs à marché, ou simples bourgs ; mais elle est encore plus remarquable par la foule des hommes de lettres qui y sont nés. Voici les principaux, entre lesquels se trouvent d'illustres et célèbres personnages.

Je commence par Alcuin (Flaccus), né dans le huitième siècle. Il fut disciple d'Egbert, archevêque d'Yorck, diacre de l'église de cette ville, et abbé de S. Augustin de Cantorbery. En 780, Charlemagne l'invita à venir en France, et le reçut avec de grandes marques de distinction. Ce prince lui donna plusieurs abbayes, entr'autres celle de S. Martin de Tours, où il passa la fin de sa vie, après y avoir formé une école brillante, d'où les sciences se répandirent en plusieurs endroits de la monarchie française.

Pendant qu'Alcuin était à Paris, il y faisait des leçons publiques et particulières ; il eut l'honneur d'instruire Charlemagne, la princesse Giselle sa sœur, les princesses Giselle et Rictrude ses filles ; Riculfe qui fut ensuite évêque de Saissons ; Angilbert, gendre de Charlemagne, et les jeunes seigneurs qui étaient alors élevés à la cour de ce prince. Il leur apprit l'orthographe, qui est le fondement de la littérature, et qui était alors fort négligée : il composa en faveur de la noblesse des traités sur les sept arts libéraux, les mit en forme de dialogues, et y introduisit le prince regnant au nombre des interlocuteurs, ce qui était assez adroit.

Vossius et d'autres savants prétendent que l'école du palais a donné naissance à l'université de Paris, et que cette académie doit son origine à Charlemagne et à Alcuin, c'est une erreur ; il est seulement vrai que le prince et le savant Anglais prirent le soin de faire fleurir les lettres dans ce royaume et de les tirer de la barbarie. Alcuin possédait passablement le latin et le grec, il était de son temps le plus habîle écrivain après Bede et Adelme. Il mourut à Tours en 804, et y fut inhumé.

Ses ouvrages qui subsistent encore aujourd'hui, ont été recueillis en un vol. in-fol. par André Duchesne, et imprimés à Paris en 1617. Ils sont divisés en trois parties ; la première, contient ses traités sur l'écriture ; la seconde, ses livres de doctrine, de discipline et de morale ; la troisième, comprend les écrits historiques, avec les lettres et les poésies. Depuis l'édition de Duchesne, on a imprimé à Londres, à Paris et ailleurs divers autres ouvrages d'Alcuin, ou qui lui sont attribués, la plupart à tort. Tel est la purification de la B. Vierge Marie. Il faut convenir que ses vrais ouvrages sont tous assez médiocres, et à la légère ; il y travaillait quelquefois pendant ses voyages, et manquait par conséquent, comme il le dit lui-même, du repos, du loisir et des livres nécessaires. Quoiqu'il ait écrit avec plus de pureté que les auteurs de son temps, son style est en réalité dur et barbare.

Ascham (Roger) naquit en 1515, et fit ses études à Cambridge, où il fut reçu maître-ès-arts en 1536. Il écrivait parfaitement bien, et fut chargé par cette raison de transcrire toutes les lettres de l'université au roi ; en 1548, il fut nommé pour instruire la reine Elisabeth, qui fit pendant deux ans des progrès extraordinaires sous lui, en latin et en grec, et elle l'estima toujours infiniment. " Je lui apprends des mots, écrivait-il à l'évêque Aylmer, et elle m'apprend des choses : je lui apprends des langues mortes, et ses regards modestes m'apprennent à agir ". Il accompagna le chevalier Moryson auprès de Charles-Quint, et fut très-utîle à ce ministre. A son retour, il devint secretaire de la reine Marie : Elisabeth à son événement au trône lui donna une prébende dans l'église d'Yorck, et il ne tenait qu'à lui de se procurer de plus grands établissements, s'il avait voulu se prévaloir de son crédit auprès de cette reine. Il mourut en 1568, âgé de 53 ans, généralement regretté, surtout d'Elisabeth, qui dit qu'elle aurait mieux aimé perdre dix mille livres sterling que son Ascham. Ses ouvrages sont estimés : sa méthode d'enseigner le latin fut imprimée en 1570, et a été remise au jour en 1711, in-8°. Ses lettres latines sont élégantes ; il y en a plusieurs éditions, mais la meilleure est celle d'Oxford, en 1703, in-8°. Son livre intitulé Toxophilus, ou l'art de tirer de l'arc, a paru à Londres en 1571 in-4°. il l'avait dédié à Henri VIII. qui récompensa cette dédicace d'une bonne pension annuelle.

Briggs (Henri), un des grands mathématiciens du dix-septième siècle, naquit vers l'an 1560, et fut nommé en 1596 premier professeur en mathématiques dans le collège de Gresham. En 1619, le chevalier Savîle le pria d'accepter la chaire de Géométrie qu'il venait de fonder à Oxford : chaire qui était plus honorable que celle de Londres, et accompagnée de plus grands appointements ; il mourut en 1631, âgé de 70 ans. Ses principaux ouvrages sont, 1°. les six premiers livres d'Euclide rétablis sur les anciens manuscrits, et imprimés à Londres en 1620 infol. 2°. On lui a l'obligation d'avoir perfectionné la doctrine des logarithmes par son bel ouvrage intitulé Arithmetica logarithmica, Londres 1624, in-fol. M. Jones de la société royale, a plusieurs manuscrits latins de Briggs sur les mathématiques, écrits de la main de l'illustre M. Jean Colins.

Gale (Thomas), savant écrivain du dix-septième siècle, naquit en 1636, et devint professeur en langue grecque à Cambridge. C'est-là qu'il publia en 1671 in-8°. un recueil en grec et en latin intitulé Opuscula mythologica, ethica et physica, réimprimés à Amsterdam en 1688 in-8°. Ce recueil précieux contient plusieurs traités, et entr'autres, 1°. Palaephatus de incredibilibus historiis, de inventione purpurae, et de primo ferri inventore. 2°. Phornuti ou Cornuti de naturâ deorum. Ce Cornutus, grec de nation et Stoïcien, fleurissait à Rome sous l'empire de Néron, qui lui demanda son sentiment sur un poème de sa main ; mais Cornutus s'étant expliqué avec trop de liberté au gré du prince, il fut banni. 3°. Sallustius philosophus, de diis et mundo, avec des notes. 4°. Ocellus Lucanus, philosophus, de universâ naturâ, avec la version latine et les notes de Louis Nogarola. 5°. Sextii Pythagorei sententiae, è graeco in latinum à Ruffino versae. M. Gale dit que l'auteur de ces sentences vivait du temps de Jules-César, et que c'est ce même Sextius, philosophe romain, que Plutarque loue dans ses traités de morale, aussi-bien que Sénéque dans sa 59 lettre, où il l'appelle virum acrem, graecis verbis, romanis moribus philosophantem. Enfin, on trouve dans ce recueil des fragments d'Archytas, diverses lettres de Pythagore et autres, ainsi que Heliodori Larissaei capita opticorum.

En 1675, M. Gale publia à Paris en grec et en latin Historiae poèticae antiqui scriptores in-8°. et l'année suivante à Oxford, Rhetores selecti, scil. Demetrius Phalereus, Tiberius rhetor, anonymus sophista, Severus Alexandrinus. Tiberius le rhéteur, qui au jugement de M. Gale est un écrivain ancien, élégant et concis, n'avait point encore paru avant que l'illustre éditeur le publiât avec une version latine. Suidas donne à ce Tiberius le titre de philosophe et de sophiste, et il lui attribue divers écrits.

En 1678, Gale mit au jour à Oxford in-fol. Jamblichus chalcidensis, de mysteriis. L'année suivante, parut à Londres, in-fol. son édition d'Hérodote. En 1687, il donna à Oxford, in-fol. Historiae anglicanae scriptores quinque, nunc primùm in lucem editi ; et en 1691, Historiae britannicae, saxonicae, anglo-danicae, scriptores quindecim. Oxoniae, in-fol.

Le docteur Gale a ajouté à ces quinze historiens un appendix, où il donne divers passages touchant la grande-Bretagne ; un catalogue des terres (hydes) de quelques provinces en-deçà l'Humber, avec une relation des lois et des coutumes des Anglo-Saxons, tirée du livre appelé le Doom's-Day-Book, une table alphabétique des anciens peuples, des villes, des rivières et des promontoires, d'après Cambden, et la généalogie des rois bretons, tirée du texte de Rochester (textus Roffensis). Enfin on trouve une ample table pour tout l'ouvrage.

En 1697, il fut installé doyen d'Yorck, et mourut dans cette ville en 1702, dans la 67 de son âge. Il était non-seulement géomètre, mais très-versé dans la connaissance de la langue grecque, et de l'histoire de son pays. M. Roger Gale son fils a publié sur ses manuscrits, à Londres en 1709 in-4°. un fort bel ouvrage intitulé Antonini iter britannicum, avec plusieurs conjectures, et les noms anglais des lieux autant que la chose était possible. Mais comme les distances des lieues sont marquées dans l'itinéraire par milles romains, M. Gale a indiqué sur la carte dressée sur l'itinéraire même, la proportion entre les milles romains et anglais, telle qu'elle a été déterminée par le docteur Edmond Halley.

Les premières notes du docteur Gale regardent le titre de l'ouvrage qu'il commente, Antonini iter britannicum, (quoique son manuscrit porte itinerarium Antonii, et que le docteur Bentley lise Antonii Augusti). Il observe qu'on est avec raison en doute auquel des empereurs romains, du nom d'Antonin, on doit attribuer cet ouvrage, ou même s'il est d'aucun de ces princes. Il croit que divers auteurs y ont travaillé ; la chose est incontestable, si quelqu'un des Antonins y a eu part, puisque le dernier de ces princes a vécu longtemps avant la fondation de Constantinople et de plusieurs villes, dont il est parlé dans cet itinéraire. Le docteur Gale conjecture qu'il a peut-être été commencé par un des Antonins, et continué par d'autres à mesure qu'ils ont eu occasion de connaître plus particulièrement ces parties du monde.

M. Gale remarque sur le mot de Britanniarum, que les Romains appelaient cette île indifféremment Britannio ou Britannia, avant qu'elle fût partagée en provinces. La première division s'en fit du temps de Sevère, par le fameux grand chemin qui allait depuis Clausentium jusqu'à Gabrosentum. Notre auteur l'appelle dans un autre endroit the Fossed-Way, et il dit qu'il Ve au nord en traversant les comtés de Leicester et de Lincoln, reparaissant ensuite à un village nommé Spittle in the Street ; il passe par Hibberstow, Gainstrop, Broughon et Applebey, et vient finir pas fort loin de Wintringham, sur le bord de l'Humber.

Par cette division, toute la partie de la grande-Bretagne située à l'orient du chemin, s'appelait Britannia prima, qui était la plus voisine de la mer, par rapport à Rome, et que Dion nomme . Le pays situé à l'ouest du chemin portait le nom de Britannia secunda : Dion l'appelle . Le docteur Gale rapporte succinctement les divisions de la grande-Bretagne, et il nous apprend ensuite l'ordre des provinces qui était tel : premièrement la Britannia prima ou basse-Bretagne ; c'était du temps de Sevère la partie orientale de l'ile. En second lieu, Britannia secunda, ou haute-Bretagne ; c'était du temps du même empereur, la partie occidentale de l'ile. Constantin le grand ajouta deux nouvelles provinces nommées Flavia Caesariensis, et Maxima Caesariensis, dont la première commençait à Glocester, et s'étendait dans le milieu de l'Angleterre : la seconde comprenait tout ce que les Romains possédaient dans le nord de l'île ; la partie la plus reculée de cette province située entre Sterling-Forth et la muraille des Pictes, et reprise par Théodose, fut appelée Valentia, en l'honneur de l'empereur Valentinien.

Le docteur Gale ne croit point que la ville d'Yorck ait jamais été appelée Brigantium par aucun auteur qui fût juge compétent ; il doute que le passage de la Syntaxis magna de Ptolomée, qu'on cite communément pour prouver qu'elle a porté le nom de Brigantium, soit concluant. Voici ce que dit Ptolomée : premièrement il place Brigantium dans le vingt-deuxième parallèle ; il met ensuite le milieu de la grande-Bretagne dans le vingt-troisième, et Cattarick dans le vingt-quatrième ; par où il parait évidemment qu'Yorck et Cattarick ne sont pas à une si grande distance l'une de l'autre. Le docteur soupçonne donc que Brigantium a été mis là pour Segontium ou Brecannioc, Brecknoc, à qui les parallèles de Ptolomée conviennent beaucoup mieux. Il cite quelques autorités pour prouver qu'Yorck a été la capitale d'Angleterre ; et il parle de plusieurs anciennes inscriptions qu'on y trouve. Outre ce détail M. Gale a inséré dans son ouvrage d'autres voyages dans la grande-Bretagne, tirés du même itinéraire.

Garth (Samuel) poète et médecin, encouragea en 1696 la fondation de l'infirmerie, qui était un appartement du collège des Médecins, pour le soulagement gratuit des pauvres. Cette œuvre de charité l'ayant exposé au ressentiment de plusieurs de ses confrères, aussi-bien que des Apoticaires, il les tourna en ridicule avec beaucoup d'esprit et de feu dans un poème intitulé the dispensary. La sixième édition de ce poème ingénieux qui contient six chants, a paru à Londres en 1706, in-8°. avec de nouveaux épisodes.

Le duc de Marlborough affectionnait Garth particuliérement, et le roi George I. le fit chevalier avec l'épée de ce seigneur. Il fut ensuite nommé médecin ordinaire de S. M. et médecin général de l'armée. Il mourut en 1709, estimé de tout le monde. Le lord Lansdowne fit de très-beaux vers sur la maladie de Garth. " Macaon, dit-il, est malade ; admirable en son art, il a plus sauvé de vies que nos guerres n'en ont ravi. Le téméraire buveur, et la femme aventurière, ne peuvent redouter avec lui que la honte ou le remords. Dieu des arts, protège le plus cher de tes enfants ! rétablis celui à la vie duquel la nôtre est attachée ; en conservant Garth, tu nous conserves nous-mêmes ".

Gower (Jean) poète du xiv. siècle florissait sous le règne de Richard II. auquel il dédia ses ouvrages. Il en a écrit en latin, en français et en anglais. Sa confessio amantis en vers anglais, parut à Londres en 1532. L'auteur mourut en 1402 dans un âge fort avancé.

Hickes (George) naquit en 1642, et prit le parti de l'église après avoir fait ses études à Oxford. Il devint chapelain du duc de Lauderdale, et ensuite doyen de Worcester. Il mourut en 1715 âgé de 74 ans. Il entendait parfaitement les anciennes langues du nord, dont il avait joint l'étude à celles de sa profession. Ses ouvrages théologiques sont en grand nombre. On a fait un recueil de ses sermons en 2 vol. imprimés à Londres en 1713, in-8°. Sa grammaire Anglo-saxonne parut à Oxford en 1689 in-4°. mais l'ouvrage qui lui a fait le plus d'honneur, est intitulé antiquae litterariae septentrionalis, libri duo, Oxoniae, 1705. in-fol.

Saunderson (Robert) évêque de Lincoln, naquit en 1587, et fut nommé professeur en théologie à Oxford en 1642. Il souffrit beaucoup pendant les guerres civiles, fut pillé plusieurs fais, blessé en trois endroits de son corps, et réduit à une grande nécessité, ayant femme et enfants. Robert Boyle lui envoya une fois cinquante livres sterling, en le priant d'accepter la même somme chaque année, sa vie durant ; mais sa mauvaise fortune changea de face bientôt après, ayant été promu à l'évêché de Lincoln en 1660. Il mourut en 1663, âgé de 76 ans. Outre la théologie polémique, il était fort versé dans l'étude des antiquités et de l'histoire d'Angleterre. Ses sermons ont été imprimés au nombre de 34 en 1660 in-fol. et au nombre de 36 en 1681, avec la vie de l'auteur par Isaac Walton. Son ouvrage sur les cas de conscience parut en 1678 et en 1685, in-8°. Son livre de juramenti promissorii obligatione, a été imprimé à Oxford, 1646. Londres 1647, 1670, 1676 et 1683, in-8°. On en a donné une traduction anglaise. M. François Peck a publié dans ses desiderata curiosa l'histoire et les antiquités de l'ancienne église cathédrale de Lincoln, recueillies par Saunderson.

Savîle (Henri) naquit en 1549, et après avoir voyagé dans les pays étrangers, pour se perfectionner dans les sciences, dans la connaissance des langues et des hommes, il fut nommé pour enseigner la langue grecque à la reine Elisabeth, qui faisait grand cas de lui. Le roi Jacques I. voulut l'élever aux dignités, mais il les refusa, et se contenta de l'honneur d'être créé chevalier par ce prince. Il mourut à Oxford en 1622. C'était un homme parfaitement versé dans les langues grecque et latine, laborieux à rechercher, et généreux à publier les monuments de l'antiquité ; non-seulement il y employa une grande partie de son bien, mais il s'est immortalisé en fondant en l'année 1619 deux chaires, l'une de géométrie et l'autre d'astronomie, dans l'université d'Oxford.

1°. Sa traduction de Tacite, dédiée à la reine Elisabeth, et accompagnée de notes, parut à Londres en 1581, in-fol. et a été réimprimée plusieurs fois depuis. 2°. Son commentaire sur des matières militaires, imprimé à Londres en 1598, in-fol. a été traduit en latin par Marquard Fréher. 3°. Il a mis au jour en 1596, in-fol. Fasti regum et episcoporum Angliae, usque ad Willemum seniorem. 4°. Il a aussi fait imprimer à Oxford en 1621, in-4°. des praelectiones in elementa Euclidis.

Mais rien ne lui fait plus d'honneur que sa belle édition des œuvres de S. Chrysostome, en grec, imprimée au collège d'Eaton en 1613, en 8 vol. in-fol. avec des notes de sa façon, et d'autres savants hommes qui l'aidèrent dans ce travail, dont la dépense lui couta huit mille livres sterling. Il est vrai que cette édition toute grecque ne peut être à l'usage du grand nombre, et que c'est pour cela qu'elle n'a pas eu grand cours en France ; mais elle sera toujours estimée des connaisseurs qui laisseront aux autres l'avantage de pouvoir lire l'édition grecque et latine de S. Chrysostome, donnée par le P. Fronton le Duc, quelque temps après l'édition de Savile, et faite en réalité furtivement sur l'édition d'Angleterre, à mesure qu'elle sortait de dessous la presse. Ajoutons que l'édition du jésuite n'a des notes que sur les dix premiers tomes, et qu'on est obligé d'avoir recours, pour les tomes suivants, à l'édition de Morel, ou à celle de Commelin.

Sharp (Jean) archevêque d'Yorck, naquit en 1644, et fut nommé doyen de Norwich en 1681 ; mais en 1686, il fut suspendu pour avoir défendu dans un de ses sermons la doctrine de l'église anglicane contre le papisme ; cependant après sa suspension, il fut plus considéré que jamais, et son clergé témoigna plus de déférence pour ses conseils, qu'il n'en avait auparavant pour ses ordres. La cour fut obligée de se tirer de ce mauvais pas comme elle put. En 1692, il fut nommé archevêque d'Yorck à la sollicitation de Tillotson son intime ami, et dont nous parlerons tout-à-l'heure. En 1702, il prêcha au couronnement de la reine Anne, entra dans le conseil, et eut l'honneur d'être grand aumonier de cette reine. Il mourut en 1713, âgé de 69 ans. On admire à juste titre ses sermons. La dernière édition publiée à Londres en 1740, forme sept volumes in-8°.

Tillotson (Jean) archevêque de Cantorbéry, et fils d'un drapier d'un bourg de la province d'Yorck, naquit en 1630, et étudia dans le collège de Clare à Cambridge. Il eut successivement plusieurs petites cures que son mérite lui procura. En 1689, il fut installé doyen de l'église de S. Paul, et en 1691, il fut nommé à l'archevêché de Cantorbéry. Il mourut en 1694, dans la soixante-sixième année de son âge.

Pendant qu'il fut dans une condition ordinaire, il mettait toujours à part deux dixiemes de son revenu pour des usages charitables ; il continua cette pratique le reste de sa vie, et mourut si pauvre que le roi donna à sa veuve une pension annuelle de six cent livres sterling. Après sa mort on trouva dans son cabinet un paquet de libelles très-violents, que l'on avait faits contre lui, sur lequel il avait écrit de sa main : " Je pardonne aux auteurs de ces livres, et je prie Dieu qu'il leur pardonne aussi ".

Je ne m'étendrai point sur la beauté de son génie, et l'excellence de son caractère ; c'est assez de renvoyer le lecteur à l'histoire de sa vie, et à son oraison funèbre, par Burnet évêque de Salisbury. La reine parlait de lui avec tant de tendresse, que quelquefois même elle en versait des larmes. En 1675, il donna au public le Traité des principes et des devoirs de la religion naturelle, de l'évêque Wilkins ; et il y mit une préface. En 1683, il fut l'éditeur des œuvres du docteur Barrow, et l'année suivante, de celles de M. Ezéchias Burton ; mais ses sermons ont rendu son nom immortel ; il en avait paru pendant sa vie un volume in-fol. Après sa mort le docteur Barker, son chapelain, donna les autres en 2 vol. in-fol. dont le manuscrit se vendit deux mille cinq cent guinées. Ce fut la seule succession qu'il laissa à recueillir à sa famille, parce que sa charité consommait tout son revenu annuel aussi régulièrement qu'il le recevait. Les sermons de ce digne mortel, passent pour les meilleurs qu'on ait jamais faits, et se réimpriment sans cesse en anglais. M. Barbeyrac en a donné une traduction française en six vol. in-12. et depuis on en a publié deux autres volumes tirés des Oeuvres posthumes. La traduction hollandaise forme six volumes in-4°.

M. Burnet dit qu'il n'a jamais connu d'homme qui eut le jugement plus sain, le caractère meilleur, l'esprit plus net, et le cœur plus compatissant ; ses principes de religion et de morale étaient grands et nobles, sans la moindre tache de relâchement ou de superstition ; sa manière de raisonner simple, claire, et solide, jointe à ses autres talents, l'ont fait regarder par tous les connaisseurs, comme ayant porté la prédication au plus haut degré de perfection dont elle soit susceptible. Je ne sache pas, dit le spectateur, avoir jamais rien lu qui m'ait fait tant de plaisir : son discours sur la sincérité est d'un mérite rare, en ce que l'auteur en fournit lui-même l'exemple, sans pompe et sans rhétorique. Avec quelle douceur, en quels termes si convenables à sa profession, n'expose-t-il pas à nos yeux le mépris que nous devons avoir pour le défaut opposé ; pas la moindre expression trop vive ou piquante ne lui est échappée ; son cœur était mieux fait, et l'homme de bien l'emportait toujours de beaucoup sur le bel esprit.

Walton (Brian), évêque de Chester, naquit en 1600, et étudia à Cambridge en qualité de servant (seizer). Il obtint successivement de petits bénéfices, et fut nommé en 1639, chapelain ordinaire du roi ; mais il fut continuellement maltraité dans le temps de la guerre civile. Enfin, après le rétablissement de Charles II. il fut sacré évêque de Chester, en 1660, et mourut l'année suivante à Londres, dans la soixante-unième année de son âge.

Il forma le magnifique projet de la polyglotte d'Angleterre, et mit la dernière main à cet ouvrage qui parut à Londres en 1657, en six volumes in-fol. J'ai parlé ailleurs de cette polyglotte, à l'impression de laquelle plusieurs personnes de distinction contribuèrent généreusement.

Wharton (Thomas), célèbre médecin anglais, naquit vers l'an 1610, devint un des professeurs du collège de Gresham, et mourut à Londres en 1673. Il publia en 1656, son Adenographia, réimprimé à Amsterdam en 1659, in-8°. Il donne dans cet ouvrage une description de toutes les glandes du corps humain, plus exacte qu'il n'en avait encore paru, et leur assigne des fonctions plus nobles que celles qu'on leur attribuait avant lui, comme de préparer et de dépurer le suc nourricier ; il a fait connaître les différences des glandes et leurs maladies ; enfin il à découvert le premier le conduit des glandes maxillaires, par lequel la salive passe dans la bouche.

Je ne dois pas oublier de dire que le fameux Jean Wicliffe, ou Wiclef, naquit environ l'an 1324, proche de Richemont, bourg de l'Yorck-shire. Après avoir fait ses classes, il fut aggregé à Oxford, en 1341, au collège de Merton ; et s'y distingua par ses talents. Non content d'exceller dans l'étude de l'Ecriture sainte, et des ouvrages des pères ; il apprit aussi le droit civil, le droit canon, et les lois d'Angleterre. Il composa des homélies, qui lui valurent le tire de docteur évangelique.

L'an 1369, Wiclef s'acquit l'estime de l'université, en prenant son parti contre les moines mendiants, qui prétendaient être reçus docteurs en théologie, sans subir les examens requis ; mais cette entreprise lui couta cher : car en 1367, il fut chassé de l'université par Langham, archevêque de Cantorbery, qui affectionnait les moines et la cour de Rome. Ajoutez que l'année précédente il avait pris le parti du roi Edouard, et du parlement, contre le pape ; cependant en 1372, il fut nommé malgré les moines, professeur en théologie à Oxford, et pour lors il attaqua ouvertement dans ses leçons, les abus qui régnaient dans les ordres mendiants.

Il fut un des députés d'Edouard auprès de Grégoire XI. qui siégeait à Avignon, pour le prier de ne plus disposer des bénéfices d'Angleterre. A son retour il combattit le luxe et la doctrine de Rome, l'ignorance et la vanité des prélats de cette cour. Le pape extrêmement irrité, écrivit au roi, à l'université d'Oxford, à l'archevêque de Cantorbery, et à l'évêque de Londres, de faire emprisonner Wiclef.

Le duc de Lancastre le protégea, et l'accompagna à Londres où il avait été cité ; cette grande protection lui fut favorable, et l'assemblée convoquée à ce sujet, se sépara sans rien prononcer contre lui. Wiclef écrivit peu de temps après, un livre touchant le schisme des pontifes, et la nécessité de rejeter tous les dogmes qui ne sont pas fondés sur l'Ecriture.

Son entreprise de la traduction de la Bible en anglais, déplut fort aux ecclésiastiques ; il ne les irrita pas moins en attaquant ouvertement la transubstantiation. On le persécuta, on saisit ses livres, et on lui ôta son professorat. Il se retira dans sa cure à Lutterworth, où il mourut en 1384. Ses disciples se multiplièrent prodigieusement, surtout depuis la loi que le parlement fit en 1400, contre le wicléfisme. Cette loi portait la peine du feu contre ceux qui enseigneraient cette doctrine, ou qui favoriseraient ses sectateurs.

En 1428, Richard Flemming, évêque de Lincoln, à la sollicitation du pape, fit ouvrir le caveau de Wiclef, bruler ses os, et jeter ses cendres dans un courant qui porte le nom de Swift ; mais ses livres en grand nombre ne furent que plus recherchés, et le wicléfisme adopté en secret, jeta tacitement de profondes racines, qui produisirent un siècle après la révolution de la religion aujourd'hui régnante dans la Grande-Bretagne. (D.J.)