LE, (Géographie moderne) pays de France, avec titre de comté. On le divise en Vexin français et en Vexin normand. Voyez VEXIN-FRANÇOIS et VEXIN-NORMAND. (D.J.)

VEXIN-FRANÇOIS, LE, (Géographie moderne) pays de France, dans la province de l'île de France. Il est ainsi nommé pour le distinguer du Vexin-normand, qui en fut démembré par le roi Louis IV. Ce pays est borné à l'orient par la rivière d'Oyse, au midi par celle de Seine, au couchant par celle d'Epte, qui le sépare du Vexin-normand, et au septentrion par le Beauvaisis. On y remarque Pontaise, capitale, Magny, Chaumont, Mante, Meulan, Paissy, Saint-Germain, Montfort-l'Amaury, Dreux et autres lieux.

Le premier comte du Vexin-français s'appelait Louis. Il vivait sous le règne de Louis d'Outremer, et épousa Eldegarde de Flandre, qui le fit père de Gautier I. Celui-ci fut aïeul de Dreux I. qui s'allia avec Edith, sœur de S. Edouard, roi d'Angleterre. Sa postérité étant éteinte, le Vexin fut uni à la couronne. Depuis ce temps-là, Louis le jeune le donna en dot à Marguerite sa fille, en la mariant avec Henri, fils de Henri II. second roi d'Angleterre ; mais après que Richard II. eut répudié Alix, sœur de Philippe Auguste, ce pays fut incorporé de nouveau à la couronne.

Abelli (Louis) naquit au Vexin-français en 1604. Il succéda à M. de Péréfixe dans l'évêché de Rodez, qu'il quitta pour se retirer à Paris dans la maison de S. Lazare, où il mourut l'an 1691, âgé de 88 ans.

Il a écrit plusieurs ouvrages qui sont aujourd'hui très-méprisés. La moèlle théologique, medulla theologica, lui a fait donner ironiquement par Despréaux (lutrin, chant IV.) le titre de moèlleux.

Alain tousse, et se lève ; Alain ce savant homme,

Qui de Bauny vingt fois a lu toute la somme,

Qui possède Abelli, qui sait tout Raconis,

Et même entend, dit-on, le latin d'à Kempis....

Etudions enfin, il en est temps encore ;

Et pour ce grand projet, tantôt dès que l'aurore

Rallumera le jour dans l'onde enseveli,

Que chacun prenne en main le moèlleux Abeli.

Ce conseil imprévu de nouveau les étonne :

Sur-tout le gras Evrard d'épouvante en frissonne...

(D.J.)

C'est aussi au Vexin-français que naquit en 1568 Pierre du Moulin, fameux théologien calviniste. Il fut ministre à Charenton, et entra en cette qualité auprès de Catherine de Bourbon, princesse de Navarre, sœur du roi Henri IV. mariée en 1599 avec Henri de Lorraine, duc de Bar. Du Moulin refusa en 1619 une chaire de théologie que l'université de Leyde lui offrit, et accepta la chaire de Sedan que le duc de Bouillon lui donna. Il fut employé dans les affaires les plus importantes de son parti. Ses ouvrages, en grand nombre, roulent sur les controverses, et par cette raison même n'ont plus de cours aujourd'hui, quoiqu'il y règne beaucoup d'art et d'esprit.

Pierre du Moulin son fils ainé devint chanoine de Cantorberi, où il mourut en 1684, âgé de 84 ans. Son livre intitulé la paix de l'âme, est également estimé des Catholiques et des Protestants ; la meilleure édition est celle de Genève en 1729, in-8°.

Louis et Cyrus Dumoulin, frères de ce dernier, le premier médecin, et l'autre ministre protestant, sont aussi auteurs de quelques ouvrages. (D.J.)

VEXIN NORMAND, le (Géographie moderne) pays de France, dans la Normandie, dont les principales villes sont Rouen, Gisors, Andely, Ecouy, etc. Le Vexin normand est beaucoup plus fertîle que le Vexin français. Le roi Louis IV. le démembra de la couronne de France en faveur des Normands. Geoffroi et Henri II. rois d'Angleterre le donnèrent au roi Louis le Jeune, pour les frais de la guerre qu'il avait faite à Etienne comte de Boulogne. Marguerite de France, fille du roi Louis, le porta en dot au fils ainé de Henri II. roi d'Angleterre : mais ce prince étant mort sans enfants, Henri II. son père ne voulut point rendre le Vexin au roi, prétendant qu'il était de l'ancien domaine du duché de Normandie. Sur ce refus, Philippe-Auguste lui déclara la guerre en 1198 ; et par le traité qui fut conclu entr'eux, Henri II. lui rendit le Vexin.

L'un des plus polis et des plus aimables poètes français du dernier siècle, Chaulieu (Guillaume Anfrie de) naquit en 1639 dans le Vexin normand, au château de Fontenay qu'il a immortalisé par ces beaux vers :

Fontenay, lieu délicieux,

Où je vis d'abord la lumière ;

Bientôt au bout de ma carrière,

Chez toi je joindrai mes ayeux.

Muses, qui dans ce lieu champêtre

Avec soin me fites nourrir ;

Beaux arbres qui m'avez Ve naître,

Bientôt vous me verrez mourir.

L'abbé de Chaulieu (car il était abbé d'Aumale) avait une conversation charmante, et fit pendant sa vie les délices des personnes de goût et de la première distinction. Ses poésies fourmillent de beautés hardies et voluptueuses ; la plupart respirent la liberté, le plaisir, et une philosophie dégagée de toute crainte après la mort. On sait comme il s'exprime sur ce sujet.

Plus j'approche du terme, et moins je le redoute :

Sur des principes surs mon esprit affermi,

Content, persuadé, ne connait plus le doute :

Des suites de ma fin je n'ai jamais frémi.

L'avenir sur mon front n'excite aucun nuage,

Et bien-loin de craindre la mort,

Tant de fois battu de l'orage,

Je la regarde comme un port

Où je n'essuierai plus tempête, ni naufrage.

Elève de Chapelle, voluptueux, délicat, il ne se fit jamais un tourment de l'art de rimer. Ses vers négligés sont faciles, pleins d'images et d'harmonie. Les sentiments du cœur y sont exprimés avec feu. Il charme le lecteur lors-même qu'il l'entretient de ses maux et des incommodités qui accompagnent sa vieillesse.

En vain la nature épuisée

Tâche à prolonger sagement,

Par le secours d'un vif et fort tempérament,

La trame de mes jours que les ans ont usée ;

Je m'aperçais à tout moment

Que cette mère bienfaisante,

Ne fait plus d'une main tremblante

Qu'étayer le vieux bâtiment

D'une machine chancelante.

Tantôt un déluge d'humeur,

De sucs empoisonnés inonde ma paupière ;

Mais ce n'est pas assez d'en perdre la lumière,

Il faut encor que son aigreur

Dans d'inutiles yeux me forme une douleur,

Qui serve à ma vertu de plus ample matière.

La goutte d'un autre côté

Me fait depuis vingt ans un tissu de souffrance !

Que fais-je en cette extrémité ?

J'oppose encor plus de constance

A cette longue adversité,

Qu'elle n'a de persévérance ;

Et m'accoutumant à souffrir,

J'apprends que la patience

Rend plus légers les maux que l'on ne peut guérir.

Au milieu cependant de ces peines cruelles,

De notre triste hiver, compagnes trop fidèles,

Je suis tranquille et gai. Quel bien plus précieux

Puis-je espérer jamais de la bonté des dieux !

Tel qu'un rocher, dont la tête

Egalant le mont Athos,

Vait à ses pieds la tempête

Troubler le calme des flots ;

La mer autour bruit et gronde ;

Malgré ses émotions,

Sur son front élevé règne une paix profonde,

Que tant d'agitations,

Et que les fureurs de l'onde

Respectent à l'égal du nid des alcyons.

On voit par cette sublime comparaison que les maux ne prenaient rien sur la beauté de son génie.

L'abbé de Chaulieu a fait lui-même son portrait à la prière de M. de la Fare, son intime ami, qui le lui avait demandé. Je voudrais fort pouvoir l'insérer ici tout entier, car le lecteur s'aperçoit bien que je cherche à le délasser de la sécheresse purement géographique ; et pour preuve de ma bonne volonté, voici les premiers traits de ce tableau, qui, dit l'abbé du Bos, durera plus longtemps qu'aucun de ceux du Titien.

O toi, qui de mon âme es la chère moitié,

Toi, qui joins la délicatesse

Des sentiments d'une maîtresse

A la solidité d'une sure amitié !

La Fare, il faut bientôt que la parque cruelle

Vienne rompre de si doux nœuds,

Et malgré nos cris et nos vœux,

Bientôt nous essuierons une absence éternelle.

Chaque jour je sens qu'à grands pas

J'entre dans ce sentier obscur et difficile,

Qui me Ve conduire là-bas

Rejoindre Catulle et Virgile.

Là sous des berceaux toujours verts,

Assis à côté de Lesbie ;

Je leur parlerai de tes vers

Et de ton aimable génie ;

Je leur raconterai comment

Tu recueillis si galamment

La muse qu'ils avaient laissée ;

Et comme elle sut sagement,

Par la paresse autorisée,

Préférer avec agrément

Au tour brillant de la pensée,

La vérité du sentiment,

Et l'exprimer si tendrement,

Que Tibulle encor maintenant

En est jaloux dans l'Elisée.

Mais avant que de mon flambeau

La lumière me soit ravie,

Je vais te crayonner un fantasque tableau

De ce que je fus en ma vie.

Puisse à ce fidèle portrait

Ta tendre amitié reconnaître

Dans un homme fort imparfait

Un homme aimé de toi, qui mérita de l'être.

Après la mort de M. Perrault, l'abbé de Chaulieu sollicita cette place à l'académie française, mais il abandonna ses sollicitations en faveur de M. le cardinal de Rohan. Il finit ses jours à Paris en 1720, à 84 ans. Ses œuvres consistent en épitres, odes, stances, épigrammes, madrigaux, chansons, etc. La meilleure édition est celle de 1751, par M. de Saint-Marc. (D.J.)