LA, ou SAVOYE, (Géographie moderne) duché souverain d'Europe, entre la France et l'Italie. Il est borné au nord par le lac de Genève, qui le sépare de la Suisse ; au midi par le Dauphiné ; au levant par le Piémont et le Vallais ; au couchant par le Bugey et la Bresse. Il a environ 30 lieues du midi au nord, et 25 de l'orient à l'occident ; mais toute cette étendue n'offre aux yeux qu'un pays stérîle et pauvre, dont ses souverains ne retirent guère plus de deux millions, cependant l'histoire de ce pays nous intéresse.

Le mot Savoie vient du latin Sapaudia, qu'on ne trouve point en usage avant le iv. siècle. Ammien Marcellin est le premier qui ait fait mention du pays de Sapaudia. On appelait ainsi la partie septentrionale du territoire des Allobroges. La Sapaudia s'étendait au-delà du lac de Genève, et comprenait le pays de Vaud, dont la plus grande partie appartenait à la Belgique et à la province nommée maxima Sequanorum.

La Savoie fut anciennement habitée d'une partie des Allobroges, des Centrons, des Nantuates, des Garocelles, des Véragres et des Salasses : les Allobroges occupaient le pays qui est entre le Rhône, au sortir du lac Léman, les Nantuates, les Centrons et l'Isère ; c'est cette île dont parle Tite-Live, où Annibal s'arrêta avant que de passer les Alpes ; elle renfermait une partie du Dauphiné, le duché de Savoie, le Faussigny et le Genevois ; les Centrons demeuraient dans les vallées des Alpes grecques, qui forment à-présent la Tarentaise ; les Garocelles habitaient aux environs du mont - Cenis ; les Véragres étaient entre les Nantuates et les Salasses, dans cette partie du Vallais où est Martigny ; et les Salasses occupaient les vallées des Alpes qu'on nomme aujourd'hui la val d'Aoste.

Tous ces peuples furent vaincus par Auguste, à la réserve des Salasses, que Terentius Varro subjugua. Ils furent compris dans la Gaule narbonnaise, et partagés de façon que les Allobroges furent placés dans la troisième Narbonnaise, et les Véragres et les Salasses dans la cinquième, qu'on nommait autrement la province des Alpes grecques.

Leur pays étant devenu la proie des barbares après la dissipation de l'empire, fut occupé tantôt par les uns et tantôt par les autres ; les Bourguignons en demeurèrent les maîtres, et l'incorporèrent au royaume qu'ils formèrent d'une partie de la Gaule celtique et de la Gaule narbonnaise. Boson, comte d'Ardenne, qui avait épousé Ermengarde, fille de Louis II. empereur d'Italie, se fit élire roi de Provence par les états assemblés à Mentale, au mois d'Octobre de l'année 879. Louis son fils fut aussi roi d'Italie, et on l'a surnommé l'aveugle, parce que Berenger lui fit crever les yeux, comme il allait prendre possession de ce royaume. Il laissa d'Adélaïs, Charles Constantin, prince de Vienne, qui eut de Theberge, Amé, père de Humbert aux blanches mains, chef de la maison de Savoie, dont l'origine a été recherchée par plusieurs écrivains avec peu de succès, et avec beaucoup de prévention pour leurs sentiments.

Sans entrer dans cette discussion généalogique, je dirai seulement que l'empereur Conrard le salique, donna la propriété d'une partie de la Savoie, avec le titre de comte, à Humbert aux blanches mains. Ses descendants s'agrandirent peu-à-peu par leur mérite, par leur habileté et par leurs alliances. Le comte de Romont reçut de l'empereur Richard son neveu, le titre de Vicaire de l'empire, avec l'investiture des duchés de Chablais et d'Aoste. En 1218 il acquit toute la seigneurie de Vaud, et la ville de Berne se mit sous sa protection l'an 1266.

Amé de Savoie qu'on surnomma le grand à cause de sa valeur, fut créé en 1310, lui et ses successeurs, princes de l'empire par Henri VII. il fut arbitre des différents des rois de France et d'Angleterre, et mourut en 1323.

Amé VI. si connu sous le nom de comte verd, acquit la baronie de Vaud, et une partie du Bugey et du Valromey. L'empereur Charles IV. lui céda tous les droits de l'empire sur le marquisat de Saluces. La ville de Coni se donna à lui l'an 1382, et Clément VII. lui fit présent du château de Dian. Il institua l'ordre du collier, qui a depuis été nommé l'ordre de l'Annonciade, et il établit par son testament de l'an 1383 le droit de primogéniture dans sa maison.

Amé VII. son fils, fut un des plus sages et des plus vaillans princes de son siècle. Les habitants des comtés de Nice, de Vintimiglia, de Barcelonnete, et des vallées voisines, se soumirent à lui. Il se tua d'une chute de cheval en 1391 en poursuivant un sanglier aux environs de Ripaille.

Amé VIII. obtint du comte de Genève, moyennant quarante-cinq mille francs d'or, tous les droits que les comtes de Genève avaient dans le Dauphiné, le Viennais et le Graisivaudan. L'empereur Sigismond érigea pour lui en 1416 le comté de Savoie en duché. Dans la suite ayant renoncé à ses états sans qu'on en ait pu découvrir la raison, il se retira à Ripaille, fut élu pape par le concîle de Bâle, prit le nom de Félix V. consentit ensuite à sa déposition, et mourut à Genève en 1451.

Louis de Savoie son fils déclara le domaine de Savoie inaliénable, et fut reconnu par les Fribourgeois pour leur souverain.

Amé IX. eut une longue maladie qui le rendit incapable du gouvernement. Le règne de son successeur Philibert I. fut déchiré par des guerres civiles qui faillirent à ruiner la Savoie. Il mourut en 1482, âgé seulement de 17 ans. Charles I. son frère, qui lui succéda, finit sa carrière en 1489, dans la 21 année de son âge, après avoir remporté de grands avantages sur ses ennemis. Charles II. son fils mourut en 1496.

Charles III. eut un règne long, pénible et malheureux, outre que son duché devint le théâtre de la guerre entre François I. et Charles-quint. Les Bernais s'emparèrent en 1536 du pays de Vaud, du pays de Gex, du Genevois et du Chablais ; mais Emmanuel Philibert, fils de Charles III. ayant remporté sur le connétable de Montmorency la célèbre victoire de S. Quentin, fut rétabli dans ses états par le traité de Cateau-Cambrésis, et il épousa Marguerite de France, sœur du roi Henri II.

Charles-Emmanuel né de ce mariage, lui succéda l'an 1580. Ce fut un des plus grands princes de son temps, habîle dans le cabinet, savant dans le métier de la guerre, et profond en politique. Il mourut à Savillan en 1630.

Victor-Amédée hérita des vertus de son père, et suivit les mêmes vues pour ses intérêts. Il entra dans la ligue du cardinal de Richelieu, et mourut à Verceil en 1637 dans la 7. année de son règne.

Charles-Emmanuel II. du nom, se maintint dans une grande harmonie avec la France, et mourut l'an 1675, laissant pour successeur Victor-Amédée II. né en 1666. Ce prince épousa en 1684, Anne, fille de Philippe de France, duc d'Orléans, dont il a eu un fils Charles-Emmanuel III. aujourd'hui roi de Sardaigne, né en 1701 ; il tient le sceptre avec gloire.

Ce souverain, outre la Sardaigne et la Savoie, possède encore le Piémont, le Mont-Ferrat, la partie occidentale du Milanais, et d'autres états. La Sardaigne ne lui vaut pas grand chose ; mais le Piémont lui rapporte seul plus de quinze millions. Charles-Emmanuel disait à ce sujet qu'il tirait de la Savoie ce qu'il pouvait, et du Piémont ce qu'il voulait.

Le roi de Sardaigne, c'est aujourd'hui son nom, gouverne ses états avec une autorité absolue, et entretient en temps de paix vingt mille hommes sur pied, outre dix mille hommes de milice, dont cinq mille sont habillés, et ont un sou par jour, et cinq mille autres qui sont désignés et à qui il ne donne rien.

La justice est administrée dans trois sénats, auxquels on appelle des tribunaux inférieurs. Le premier pour la Savoie est établi à Chamberi, capitale ; le second pour le Piémont, et le troisième pour le comté de Nice et ses dépendances. Turin a encore un conseil qui connait en dernier ressort des affaires des pays de-là les monts.

La religion catholique était autrefois la seule dont l'exercice fût permis dans les états de Savoie ; mais le roi de Sardaigne qui règne aujourd'hui connait mieux ses avantages et ses intérêts. Le pays de Savoie est rempli de montagnes presque toujours couvertes de neige et de gibier. On recueille dans quelques endroits de ce duché du blé et du vin. Il est arrosé par l'Isere, l'Arve et l'Arche.

On divise tout ce pays en six petites provinces, qui sont la Savoie, le Genevois, le Chablais, le Faussigny, la Tarentaise, et la Maurienne.

La Savoie particulière est entre le Genevois, la Tarentaise, la Maurienne, le Dauphiné et le Bugey : elle est partagée en neuf mandements, qui sont ceux de Chamberi, Montmélian, Rumilly, Aiguebelle, Conflans, Aix, Beauges, Pont-Beauvoisin et les Echelles. (D.J.)