(Géographie moderne) montagne d'Italie au royaume de Naples, dans la terre de Labour, fameuse par ses incendies et par les feux et les cendres qu'elle jette en abondance. On l'appelle dans le pays Vesuvio, et Monte di somma, à cause d'un château de ce nom qui était bâti tout auprès.

Ce n'est que depuis le règne de la famille Flavienne, c'est-à-dire, depuis Vespasien, que le mont Vésuve a été nommé dans les auteurs l'émule du mont Aetna. Tous les écrivains qui en ont parlé auparavant font l'éloge de sa beauté, de la fertilité de ses campagnes, et de la magnificence des maisons de plaisance bâties aux environs : ceux qui sont venus depuis l'ont dépeint comme un gouffre de flammes, de feu et de fumée. Pline le jeune, l. VI. epist. XVIe en décrivant l'embrasement de cette montagne si fatale à son oncle par la curiosité qui le porta à s'approcher trop près pour examiner ce prodige, dit que son oncle a péri par une fatalité qui a désolé de très-beaux pays, et que sa perte a été causée par un accident mémorable, qui ayant enveloppé des villes et des peuples entiers, doit éterniser sa mémoire.

Cette redoutable montagne est située au milieu d'une plaine, environ à huit milles de la ville de Naples, en tirant vers le midi oriental. Les quatre premiers milles se font entre plusieurs bons villages, en suivant le bord de la mer : ces endroits sont bien cultivés, et ne paraissent pas avoir jamais été exposés aux ravages du volcan, encore que cela leur soit souvent arrivé.

La base de cette montagne peut avoir environ dix lieues de circuit, et vers les deux tiers de sa hauteur, elle se partage en deux pointes distantes l'une de l'autre d'environ 500 taises ; la plus septentrionale se nomme Somma, et l'autre est à proprement parler le Vésuve. Il est vraisemblable que ces deux pointes n'étaient autrefois qu'une seule montagne qui s'est divisée par les différentes éruptions peu-à-peu, et à la suite de plusieurs secousses éloignées les unes des autres.

Pour arriver au volcan, on commence à monter à un village nommé Resina, à cinq quarts de lieue de Naples ; et quoique le chemin soit rude, on peut cependant se servir de mulets. Après avoir traversé environ trois quarts de lieue de pays fertîle et bien cultivé, on rencontre une espèce de plaine remplie de gros éclats de pierres, de torrents immenses de ces matières semblables à du fer, ou à du verre fondu que le volcan a répandu dans ses éruptions, et entrecoupée de ravines profondes qui sont autant de précipices. Cette plaine traversée, on arrive enfin au pied de cette partie de la montagne qui prend la forme d'un cône tronqué ; alors il faut quitter nécessairement les mulets, et grimper à pied le long de cette montagne, aidé si l'on veut par des paysans qui gagnent leur vie à rendre ce service aux curieux. Cette partie du trajet est la plus difficile, le terrain n'étant composé que des cendres que le volcan a vomies dans le temps de ses éruptions, et d'éclats de pierres très-aigus, toujours prêts à rouler sous les pieds.

Le sommet du Vésuve est élevé au-dessus du golfe de 595 taises. Ce sommet n'est ni une pointe, ni une plaine, mais une espèce de trémie ou de bassin d'une figure un peu ovale, dont le grand diamètre dirigé à-peu-près de l'est à l'ouest, peut avoir un peu moins de 300 taises, et dont la profondeur est de 80 ou 100 taises. On peut librement se promener sur la circonférence de ce bassin, dont le fond parait rempli d'une matière brune à-peu-près horizontale, qui cependant offre en plusieurs endroits des monticules et des crevasses, et parait interrompu par de grandes cavités : ce sont-là les bouches du volcan par lesquelles il sort en tout temps une épaisse fumée qui s'aperçoit de très-loin. Il vient quelquefois des coups de vent qui chassent tout-d'un-coup cette fumée tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, ce qui permet alors de voir le haut de l'ouverture.

Dans le temps où le volcan est tranquille, on peut se hazarder à descendre dans le fond du bassin ; mais il y a de l'imprudence à pousser si loin sa curiosité ; outre que sans cela on peut découvrir les bouches du volcan, dont il sort presque continuellement des jets de vapeurs et de flammes qui emportent avec eux des masses de ces mêmes matières fondues, dont le volcan répand des fleuves dans ses grandes éruptions, ces jets de flammes sont accompagnés d'un fracas qui égale les grands coups de tonnerre, et dans l'intervalle d'un élancement à l'autre, on entend dans l'intérieur de la montagne une espèce de mugissement, on sent que la montagne s'ébranle sous les pieds, et ses tremblements sont presque toujours subits. Enfin, rien n'est plus dangereux que d'être au bord de ce précipice, lorsque ce terrible volcan, dit poétiquement le chevalier Blackmore,

His fiery roots with subterraneous waves.

Disturbed within, does in convulsion roar,

And casts on high his undigested oar ;

Discharges mossy surfeit on the plains,

Aud empties all his rich metallich veins ;

His ruddy intrails, cinders, pitchy sinoke,

And intermingled flammes, the sun beams choak.

Mais si les éruptions du Vésuve font un spectacle terrible, si même les seules approches de cette montagne annoncent ses ravages, le territoire qui en est à peu de distance se trouve d'une bonté merveilleuse, et du côté de l'orient la montagne est chargée de vignes qui donnent ces fameux vins que nous nommons gréco malatesta, lachrima christi.

Les physiciens prétendent que les espèces de cendres que jette le Vésuve dans la plaine venant à se dissoudre peu-à peu, et à s'incorporer avec le terroir, l'engraissent et contribuent beaucoup à sa fertilité ; les souterrains de cette contrée élaborent les sucs de la terre, et l'air dont elle est environnée dans un heureux degré de chaleur, la défend du froid des hivers.

Il arrive donc à ce mont affreux de procurer quelque bien à cette belle province au milieu de ses cruautés ; mais l'on doit convenir que les faveurs qu'il lui fait, ne sont pas comparables aux fureurs qu'il exerce, puisque dans les transports de sa rage, il attaque tout ensemble, l'air, la terre et la mer, et porte par-tout la crainte, la désolation et la mort. Ajoutez que ses ravages sont longs, et qu'ils ne se répétent que trop souvent, comme le prouve la liste de ses différentes éruptions rapportées dans l'histoire depuis le règne de Titus. Voyez l'article suivant, VESUVE, Eruptions du (Histoire des volcans.) (D.J.)

VESUVE, éruptions du (Histoire des volcans) la plupart des physiciens pensent que le mont Vésuve n'a pas vomi les flammes de son sein sous l'empire de Titus pour la première fais, et que des siècles plus anciens ont été témoins de ce terrible événement, dont les époques se sont perdues dans le long repos où cette montagne était restée. Silius Italicus qui vivait du temps de Néron, dit, l. XVII. Ve 597. que le Vésuve avait causé quelquefois des ravages sur mer et sur terre : voici comme il en parle :

Sic ubi Ve caecâ tandem devictus, ad astra

Et vomuit pastos per saecla Vesuvius ignes,

Et pelago et terris fusa est vulcania pestis.

Vidêre Eoi, monstrum admirabile, seres,

Lanigeros cinere Ausonios canescère lucos.

Le discours de Silius Italicus est appuyé du suffrage de Strabon, qui s'explique ainsi : " Au-dessus de ces lieux est le mont Vésuve extrêmement fertile, si vous exceptez son sommet qui est totalement stérile, et qui parait d'un terrain couleur de cendre ; on y voit même des cavernes remplies de pierres de la même couleur, et comme si elles avaient été brulées et calcinées par le feu ; d'où l'on pourrait conjecturer que ces lieux ont été autrefois enflammés, et qu'il y avait en cet endroit un volcan qui n'a cessé que lorsque les matières inflammables ont été consumées. Peut-être que c'est cela même qui est la fertilité des lieux voisins, comme on a dit des environs de Catane, que le terrain de ce lieu, mêlé des cendres du mont Aetna, était devenu un excellent vignoble ; car les matières, pour être ainsi enflammées, doivent avoir une graisse qui les rend propres à la production des fruits ".

Ce passage d'un auteur exact, et qui vivait longtemps avant l'événement arrivé sous l'empire de Titus, prouve deux choses ; l'une qu'il était aisé de reconnaître qu'il y avait eu autrefois un volcan sur le Vésuve, mais qui s'était éteint faute de matière ; l'autre, que ce savant géographe ignorait en quel temps cette montagne avait jeté des flammes. Diodore de Sicîle dit aussi que le Vésuve laissait voir des marques d'anciens volcans. Tous les autres auteurs n'ont point connu d'embrasement de cette montagne avant celui qui fit périr Pline, Herculanum et Pompeii.

Cet incendie à jamais mémorable, arriva l'an 79 de l'ère chrétienne, et commença le vingt quatrième d'Aout, sur les sept heures du matin, après avoir été précédé pendant la nuit par des tremblements de terre. Dion Cassius assure que dans cette affreuse éruption du Vésuve, une grande quantité de cendres et de matières sulfureuses, furent emportées par le vent, non-seulement jusqu'à Rome, mais encore au-delà de la Méditerranée. Les oiseaux furent suffoqués dans les airs, et les poissons périrent dans les eaux infectées du voisinage. La mer semblait s'engloutir elle-même, et être repoussée par les secousses de la terre.

Le second incendie du Vésuve, dont Xiphilin a donné la description, arriva sous l'empire de Septime Sévère, l'an 203 ; le troisième se fit voir en 462, Anicius étant empereur d'Occident, et Léon I. empereur d'Orient. Dans le quatrième, arrivé en 512 sous Théodoric roi d'Italie, le Vésuve roula dans la campagne des cendres et des torrents de sable, à la hauteur de plusieurs pieds. Le cinquième embrasement parut en 685, sous Constantin III. le sixième en 993. Dans le septième arrivé en 1036, des torrents de feu liquide sortirent de la cime et des flancs du Vésuve, Dans le huitième, qui se fit en 1049, l'on vit tomber un torrent de bitume qui roula jusqu'à la mer, et se pétrifia dans les eaux. La neuvième éruption arriva en 1138, et la dixième en 1139 ; la onzième parut longtemps après en 1306, et la douzième en 1500.

Le treizième incendie du Vésuve, l'un des plus terribles et des plus fameux dont l'histoire ait parlé, arriva le 16 Décembre 1631. Le torrent de matière enflammée qui sortit des flancs de la montagne, se répandit de différents côtés, et porta par-tout la terreur. On prétend que le port de Naples resta un moment à sec, pendant que la montagne vomissait ses laves de toutes parts. Ce fait est attesté par les deux inscriptions qui en furent dressées et placées, l'une sur le chemin qui Ve à Portici, et l'autre sur celui qui conduit à Torre del Greco, où l'on croit que Pompéii est engloutie.

La quatorzième éruption se fit en 1660, sans être annoncée par aucun bruit, ni accompagnée d'aucune pluie de cendres. Les incendies arrivés en 1682, 1694, 1701, 1704, 1712, et 1730, n'ont rien eu de particulier ; mais je donnerai des détails curieux sur l'incendie de l'année 1717, et c'est par où je terminerai cet article.

La quantité de matières que fit sortir du Vésuve le vingt-deuxième incendie qui parut en 1737, montait, si l'on en croit le calcul de Francisco Serrao, à 319 658 161 pieds cubes de Paris. Le degré de chaleur que devait avoir cette masse enflammée, n'est pas moins considérable ; l'éruption se fit le 20 de Mai, et la matière fut brulante extérieurement jusqu'au 25, et intérieurement jusqu'en Juillet. Le Vésuve ne cessa pendant trois jours de jeter des torrents de cendres, des pierres, et des flèches enflammées. Vous trouverez le détail de cette éruption, dans les Transact. philosoph. n °. 455. sect. j.

Le vingt-troisième et le vingt-quatrième incendie du volcan sont arrivés, l'un en 1751, et l'autre le 17 Décembre 1754. Dans ce dernier, on a Ve la montagne s'ouvrir vers les deux tiers de sa hauteur, et laisser échapper deux laves ou torrents de matières bitumineuses par deux endroits différents, une des laves coulant vers Trécase, et l'autre du côté d'Ottajano, avec une grande rapidité. Cette éruption, tantôt plus, tantôt moins forte, ne finit qu'au mois d'Avril de l'année suivante.

Les principaux phénomènes observés dans les embrasements du Vésuve, sont la liquéfaction, la coction, et la calcination des corps contenus dans les entrailles du volcan ; les flammes en sortirent impétueusement avec de la fumée, du soufre, du bitume, des cendres, du sable, des corps spongieux et salins, des pierres ponces, des pierres naturelles, des écumes, des pyrites, du talc, des marcassites, etc.

Il me reste à extraire la description donnée par M. Edward Berckley dans les Transact. philos. n °. 354. de l'éruption du Vésuve arrivée en 1717, et qu'il observa pendant toute sa durée.

Le 17 Avril 1717, je parvins, dit il, avec beaucoup de peine au sommet du mont Vésuve, où je vis une ouverture considérable remplie de fumée qui cachait aux yeux sa profondeur. On entendait dans cet horrible gouffre un bruit semblable au mugissement des vagues, et quelquefois comme un bruit de tonnerre accompagné d'éclats. Etant remonté le 5 Mai dans le même lieu, je le trouvai tout différent de ce que je l'avais vu, et je pus apercevoir le gouffre qui paraissait avoir environ un mille de circonférence, et cinquante taises de profondeur. Il s'était formé depuis ma dernière visite, une montagne conique dans le milieu de cette embouchure. On y voyait deux ouvertures ou foyers, l'un jetait du feu avec violence, et lançait par intervalles avec un bruit terrible un grand nombre de pierres enflammées, à la hauteur de quelques centaines de pieds ; ces pierres retombaient perpendiculairement dans l'entonnoir, dont elles augmentaient le monticule conique. L'autre trou était rempli d'une matière enflammée et liquide semblable à celle qu'on voit dans le fourneau d'une verrerie, qui s'élevait par ondes comme les vagues de la mer, avec un bruit violent et interrompu. Le vent nous étant favorable, continue M. Berckley, nous eumes le loisir d'examiner ce spectacle surprenant pendant plus d'une heure et demie ; et nous remarquâmes que toutes les bouffées de fumée, de flammes, et de pierres brulantes, sortaient d'un des trous, tandis que la matière liquide coulait de l'autre.

Dans la nuit du 7, on entendit à Naples un bruit effrayant qui dura jusqu'au lendemain, et qui ébranlait les vitres des maisons de la ville. Depuis lors, il se déborda une quantité prodigieuse de matières fondues qui se répandit en torrents le long de la montagne. Le 9 et le 10 l'éruption recommença avec plus de furie, et avec un bruit si terrible, qu'on l'entendait de l'autre côté de Naples, à quelques milles de distance.

Epris de curiosité d'approcher de la montagne, nous débarquâmes, ajoute M. Berckley, à Torre del Greco. Le mugissement du volcan ne faisait que croitre, à mesure que nous en approchions. Depuis le rivage jusqu'au volcan, il nous tombait perpétuellement des cendres sur la tête. Toutes ces circonstances, augmentées par le silence de la nuit, formaient un spectacle le plus extraordinaire et le plus capable d'effrayer, à mesure que nous approchions. Pour s'en former une idée, qu'on imagine un vaste torrent de feux liquides, qui roulait du sommet le long de la montagne, et qui dans sa fureur, renversait tout ce qui se rencontrait sur son passage, les vignobles, les oliviers, les figuiers, les maisons ; le ruisseau le plus large, semblait avoir un demi mille d'étendue. Le courant de soufre ôtait dans l'éloignement la respiration ; le Vésuve lançait avec mugissement de grandes bouffées de flammes, des colonnes de feu, et des pierres brulantes, qui s'élevaient perpendiculairement à perte de vue au-dessus du sommet de la montagne.

Le 12, les cendres et la fumée obscurcissaient le soleil, et les cendres tombaient jusques dans Naples. Le 15, la plupart des maisons de la ville en furent couvertes. Le 17. la fumée diminua beaucoup. Le 18, tout cessa ; la montagne parut entièrement tranquille, et l'on ne vit plus ni flammes, ni fumée.

Les curieux peuvent consulter sur les éruptions de ce terrible volcan, les Transact. philosoph. les Mém. de l'acad. des sciences, ann. 1750 ; l'Histoire des phénomènes des embrasements du Vésuve, par Castera, Paris, 1741, in-12, avec fig. et surtout Storia è fenomeni del Vesuvio esposti dal p. d. Gio. Maria della Torre, in Napoli 1755, in 4°. avec fig. (D.J.)