(Géographie moderne) bourg du royaume de Naples, où naquit en 1585, Vanini (Lucilio), qui à l'âge de 34 ans, en 1619, fut emprisonné et brulé à Toulouse pour ses impiétés, par arrêt du parlement de cette ville.

Je ne dirai rien ici de sa vie, me contentant de renvoyer le lecteur aux livres suivants qu'il peut consulter. J. M. Schrammaii de vitâ et scriptis famosi athaei Jul. Caes. Vanini. Custrini 1713, in -4°. La Croze, Entretiens sur divers sujets d'histoire et de littérature. Amst. 1711. Apologia pro Jul. Caes. Vanino. Cosmopoli 1714. Durand. La vie et les sentiments de Lucilio Vanini. Rotterdam 1717, in -12.

Les deux ouvrages de Vanini qui ont fait le plus de bruit, sont son Amphithéâtre et ses Dialogues. Le premier parut à Lyon en 1615, in -8°. sous ce titre. Amphiteatrum aeternae providentiae, divino-magicum, christiano-physicum, astrologico-catholicum, adversus vetères philosophos atheos, epicureos, peripateticos et stoicos, autore Julio Caesare Vanino, philosopho, theologo, ac juris utriusque doctore. Il est approuvé par Jean-Claude de Ville, docteur en théologie ; François de Soleil, official et vicaire-général de Lyon ; Jacques de Vègne, procureur du roi ; et M. Seve, lieutenant-général de Lyon, qui s'expriment en ces termes : Fidem facimus, nos hoc opus evolvisse, nihilque in eo catholicae et romanae fidei contrarium aut repugnans, sed peracutas et praevalidas ratione juxtà sanam sublimiorum in sacrâ theologiâ magistrorum doctrinam (ô quàm utiliter !) contineri, etc.

Presque tous les habiles critiques jugent aussi que ce livre est très-innocent du côté de l'Athéisme, et que tout au contraire, l'existence de Dieu y est démontrée ; mais on y découvre en même temps beaucoup de scolastique, des idées bizarres, hasardées, obscures ; un esprit peu judicieux, vainement subtil, courant après les paradoxes, et plein d'assez bonne opinion de lui-même.

Ses Dialogues parurent à Paris en 1616, in -8°. sous ce titre : Julii Caesaris Vanini, neapolitani, theologi, philosophi, et juris utriusque doctoris, de admirandis naturae, reginae, deaeque mortalium, arcanis, libri quatuor, imprimé avec privilège du roi ; et au revers du titre, on lit l'approbation suivante : Nos subsignati, doctores in almâ facultate theologicâ Parisiensi, fidem facimus, vidisse et legisse dialogos Julii Caesaris Vanini philosophi praestantissimi, in quibus nihil religioni catholieae, apostolicae et romanae repugnans aut contrarium reperimus, imò ut subtilissimos, dignissimosque qui typis demandentur. Die 20 mensis Maii 1616. Signé, Franciscus-Edmundus Corradin, guard. conv. fr. min. Paris ; F. Claudius le Petit, doctor regens.

On dit, pour excuser les approbateurs, que Vanini fit plusieurs additions aux cahiers qu'il leur avait fait voir, et qu'il attacha au front de son livre ces mots impies : De admirandis naturae, reginae, deaeque mortalium, arcanis. Il est tout à fait vraisemblable que Vanini n'avait pas d'abord mis ce titre ; et c'est peut-être ce qui a donné lieu d'assurer qu'il avait supposé d'autres cahiers à ceux du manuscrit.

Quoi qu'il en sait, l'ouvrage est aussi méprisable qu'il est ridicule, extravagant et impie. En rendant raison de la figure ronde du ciel, Vanini dit qu'elle était convenable à un animal éternel et divin, parce que cette figure est circulaire. Dans le cinquante-deuxième dialogue, il attribue l'origine et la décadence des religions aux astres, par la vertu desquels se font les miracles. Dans le cinquante-troisième, il déclare que le pouvoir de prédire l'avenir vient de ce que l'on est né sous la constellation qui donne la faculté de prophétiser. Ailleurs, il soutient qu'il n'est pas hors de vraisemblance qu'un nouveau législateur reçoive des astres la puissance de ressusciter les morts. Ce petit nombre de traits suffit pour faire connaître le caractère de ces pitoyables Dialogues, et le génie de leur auteur. Venons aux procédures que le parlement de Toulouse fit contre lui, et tirons-en l'extrait du récit de M. Gramond, qui était alors président de ce parlement.

Presque dans le même temps (au mois de Février 1619, dit ce président), fut condamné à mort, par arrêt de notre cour, Lucilio Vanini, que j'ai toujours regardé comme un athée. Ce malheureux faisait le médecin, et était proprement le séducteur de la jeunesse imprudente et inconsidérée ; il ne connaissait point de Dieu, attribuait tout au hasard, adorant la nature comme une bonne mère, et comme la cause de tous les êtres. C'était là son erreur principale, et il avait la hardiesse de la répandre chez les jeunes gens pour s'en faire autant de sectateurs ; il se moquait en même temps de tout ce qui est sacré et religieux.

Quand on l'eut mis en prison, il se déclara catholique, et contrefit l'orthodoxe. Il était même sur le point d'être élargi à cause de l'ambiguité des preuves, lorsque Francon, homme de naissance et de probité, déposa que Vanini lui avait souvent nié l'existence de Dieu, et s'était moqué en sa présence des mystères du Christianisme. On confronta le témoin et l'accusé, et le témoin soutint sa déposition.

Vanini fut conduit à l'audience, et étant sur la sellette, on l'interrogea sur ce qu'il pensait de l'existence de Dieu : il répondit, qu'il adorait avec l'Eglise, un Dieu en trois personnes, et que la nature démontrait évidemment l'existence d'une divinité. Ayant par hasard aperçu une paille à terre, il la ramassa, et étendant la main, il parla à ses juges en ces termes : " cette paille me force à croire qu'il y a un Dieu ". De-là ayant passé à la Providence, il ajouta ; " Le grain jeté en terre semble d'abord détruit, et commence à blanchir, il devient verd et sort de terre, il croit insensiblement ; les rosées l'aident à se développer ; la pluie lui donne encore plus de force ; il se garnit d'épis, dont les pointes éloignent les oiseaux, le tuyau s'élève et se couvre de feuilles ; il jaunit et monte plus haut ; peu après il commence à baisser, jusqu'à ce qu'il meure ; on le bat dans l'aire, et la paille ayant été separée du grain, celui-ci sert à la nourriture des hommes, celle-là est donnée aux animaux créés pour l'usage du genre humain ". Il concluait de cela seul, que Dieu est l'auteur de toutes choses.

Pour répondre à l'objection qu'on aurait pu faire, que la nature était la cause de ces productions, il reprenait son grain de blé, et remontait de cause en cause à la première, raisonnant de cette manière.

Si la nature a produit ce grain, qui est-ce qui a produit l'autre grain, qui l'a précédé immédiatement ? Si ce grain est aussi produit par la nature, qu'on remonte jusqu'à un autre, jusqu'à ce qu'on soit arrivé au premier, qui nécessairement aura été crée, puisqu'on ne saurait trouver d'autre cause de sa production. Il prouva ensuite fort au long que la nature était incapable de créer quelque chose ; d'où il conclut que Dieu était l'auteur et le créateur de tous les êtres. Vanini, continue M. Gramond, disait tout cela par crainte plutôt que par une persuasion intérieure ; et comme les preuves étaient convaincantes contre lui, il fut condamné à la mort. Voyez Gabr. Barthol. Grammundi historia, liv. III. pag. 208. 210.

Quel qu'ait été Vanini, les procédures du parlement de Toulouse, et sa rigueur envers ce malheureux, ne peuvent guère s'excuser. Pour en juger sans prévention, il faut considérer ce misérable tel qu'il parut dans le cours du procès, peser les preuves sur lesquelles il fut condamné, et l'affreuse sévérité d'une sentence par laquelle il fut brulé vif, et au préalable sa langue arrachée avec des tenailles par la main du bourreau.

Il y a toutes les apparences du monde que Vanini s'était depuis longtemps échappé en discours libres, injurieux à la religion, fous et impies ; mais la retractation qu'il en fit devait suffire à des juges, quelles que fussent ses pensées secrètes que Dieu seul connaissait. La déposition d'un unique témoin ne suffisait pas, eusse été celle d'un dauphin même. Le président du parlement ne cite que M. Francon, homme de naissance et de probité tant qu'on voudra ; la loi requérait au-moins outre des preuves par écrit, deux hommes de cet ordre, et la loi ne doit jamais être violée, surtout quand il s'agit de la peine capitale.

Ce qui prouve qu'on n'opposait rien de démontré et de concluant pour la condamnation à un supplice horrible, c'est que quelques-uns des juges déclarèrent qu'ils ne pensaient point avoir de preuves suffisantes, et que Vanini ne fut condamné qu'à la pluralité des voix. C'est encore une chose remarquable, qu'il ne parait point qu'on ait allégué ses ouvrages en preuve contre lui, ni le crime qu'on assure qu'il avait commis dans un couvent en Italie.

Après tout, le parlement de Toulouse pouvait et devait reprimer l'impiété de ce malheureux par des voies plus adaptées à la faiblesse humaine, et plus conformes à la justice, à l'humanité et à la religion. En détestant l'impiété qui excite l'indignation, on doit avoir compassion de la personne de l'impie. Je n'aime point voir M. Gramond, président d'un parlement, raconter dans son histoire le supplice de Vanini avec un air de contentement et de joie. Il avait connu Vanini avant qu'il fût arrêté ; il le vit conduire dans le tombereau ; il le vit au supplice, et ne détourna pas les yeux, ni de l'action du bourreau qui lui coupa la langue, ni des flammes du bucher qui consumèrent son corps.

Cependant tous les bons esprits qui joignent les lumières à la modération, ont regardé Vanini, après un mûr examen, comme un misérable fou digne d'être renfermé pour le reste de ses jours. Il joignit à une imagination ardente peu ou point de jugement. La lecture de Cardan, de Pomponace, et d'autres auteurs de cette espèce, lui avaient de fois à autre troublé le sens commun. Il rafolait de l'astrologie, mêlant dans ses ouvrages le faux et le vrai, le mauvais et le bon, disputant à-tort et à-travers ; de sorte qu'on voit moins dans ses écrits un système d'athéïsme, que la production d'une tête sans cervelle et d'un esprit déréglé.

Voilà l'idée que s'en font aujourd'hui des hommes de lettres très-respectables, et c'est en particulier le jugement qu'en porte le savant Brucker dans son hist. crit. philos. tom. IV. part. IV. pag. 580-682. dont je me contenterai de citer quelques lignes qui m'ont paru très-judicieuses ; les voici :

Super stitioni itaque, enthusiasmo et inani de rebus nihili morologiae, stultissimum Vanini se addixisse ingenium, eò minus dubitandum est, quò minùs paucae illae lucis clarioris scintillae, quae hinc indè emicant, superare istas tenebras potuerunt. Ast his se junxerat inepta ambitio, quâ se veteris et recentioris aevi heroïbus tantâ eruditionis jactantiâ praeferebat, ut risum tenere legentes nequeant...

Sufficère haec pauca possunt, ut intelligamus Anticyris opus habuisse cerebrum Vanini, et extremae stultitiae notam sustinere. Quae infelicitas exorbitantis sine regente judicio imaginationis, non potuit non valdè augeri, cùm ineptissimi illi praeceptores contigissent, qui oleum camino addere, quàm aqua ignem dolosè latentem extinguere maluerunt, qualis Pomponatii et Cardani libri, atque disciplina fuerunt. His totus corruptus Vaninus, quid statuerit, de quo certam sententiam figeret, ipse ignoravit ; et sine mente philosophâ blâterants, bona, mala, recta, iniqua, vera, falsa, ambigua, disputandi acie inter se commista attulit, non satis gnarus, ita subrui pietatis et veritatis revelatae, maenia.

Quid quid igitur vel in philosophiam, vel in christianam fidem peccavit Vaninus, peccavisse autem levem, futilemque scriptorem plurima fatemur, non tàm impietati directae et systemati inaedificatae, quàm extremae dementiae hominis mente capti adscribendum esse putamus ; digni qui non flammis, sed ergastulo sapere didicisset.

Tous ces détails ne tomberont point en pure perte pour les jeunes gens avides de s'instruire, et amateurs de la vérité. Ces jeunes gens deviennent quelquefois des magistrats, qui éclairent à leur tour les tribunaux dont ils sont membres, et les dirigent à ne porter que des arrêts qui puissent être approuvés par la postérité. (D.J.)