(Géographie moderne) bourgade de France dans la Normandie, sur la Seine, entre les villes de Mante et de Vernon, avec titre de marquisat et un château.

C'est dans ce château que naquit en 1559, Maximilien de Béthune duc de Sully, l'un des plus grands hommes que la France ait produit, et qui mourut en son château de Villebon en 1641, à 82 ans, après avoir été toujours inséparablement attaché à sa religion et à Henri IV.

Il avait vu, dit M. de Voltaire, Henri II. et Louis XIV. Il fut grand-voyer et grand-maître de l'artillerie, grand-maître des ports de France, sur-intendant des finances, duc et pair, et maréchal de France. C'est le seul homme à qui on ait jamais donné le bâton de maréchal, comme une marque de disgrace. Il ne l'eut qu'en échange de la charge de grand-maître de l'artillerie, que la reine régente lui ôta en 1634. Il était très-brave homme de guerre, et encore meilleur ministre ; incapable de tromper le roi, et d'être trompé par les financiers. Il fut inflexible pour les courtisans, dont l'avidité est insatiable, et qui trouvaient en lui une rigueur conforme au temps et aux besoins d'Henri IV. Ils l'appelaient le négatif, et disaient que le mot de oui n'était jamais dans sa bouche. Avec cette vertu sévère il ne pouvait plaire qu'à son maître, et le moment de la mort d'Henri IV. fut celui de sa disgrace. Il composa dans la solitude de Sully, des mémoires dans lesquels règne un air d'honnête homme, avec un style naïf, mais trop diffus. On y trouve quelques vers de sa façon. Voici ceux qu'il fit en se retirant de la cour, sous la régence de Marie de Médicis.

Adieu maisons, châteaux, armes, canons du roi ;

Adieu conseils, trésors déposés à ma foi ;

Adieu munitions ; adieu grands équipages ;

Adieu tant de rachats ; adieu tant de menages ;

Adieu faveurs, grandeurs ; adieu ce temps qui court ;

Adieu les amitiés, et les amis de cour, &c.

Il ne voulut jamais changer de religion, et comme le cardinal du Perron l'exhortait à quitter le Calvinisme, il lui répondit : " Je me ferai Catholique quand vous aurez supprimé l'Evangîle ; car il est si contraire à l'église romaine, que je ne peux pas croire que l'un et l'autre aient été inspirés par le même esprit ".

Le pape lui écrivant un jour une lettre remplie de louanges sur la sagesse de son ministère, finissait sa lettre comme un bon pasteur, par prier Dieu qu'il ramenât sa brebis égarée, et conjurait le duc de Sully de se servir de ses lumières pour entrer dans la bonne voie. Le duc lui répondit sur le même ton. Il l'assura qu'il priait Dieu tous les jours pour la conversion de sa sainteté : cette lettre est dans ses mémoires. Préf. de la Henr. édit. de 1723.

Il se signala dans les armes jusqu'à l'âge de 40 ans ; il se trouva à la bataille de Coutras, au combat d'Arques, à la bataille d'Ivri, aux sieges de Paris, de Noyon, de Rouen, de Laon, et à toutes les occasions périlleuses. Dans sa place de sur-intendant des finances, il rétablit si bien celles de l'état, qu'il paya deux cent millions de dettes en dix ans, et qu'il remit de grandes sommes dans les trésors de son maître.

Il l'aimait avec un zèle et un attachement inexprimable. Un soir Henri IV. lui fit quelques reproches vifs, et mal-à-propos. Ce bon prince y songea pendant la nuit, et le lendemain de grand matin, il courut à l'arsenal chez Sully pour réparer sa faute. " Mon ami, lui dit-il en l'abordant, j'ai eu tort hier avec vous, je viens vous prier de me le pardonner. Sire, répondit Sully, vous voulez que je meure à votre service, de joie et de reconnaissance ". Voilà le portrait d'Henri IV. et de Sully.

A la mort funeste de ce grand monarque, arrivée en 1610, le duc de Sully se vit contraint de se rendre dans une de ses terres, et d'y mener une vie privée. Quelques années après, le roi Louis XIII. le fit revenir à la cour, pour lui demander son avis sur des affaires importantes. Il y vint quoiqu'avec répugnance. Les jeunes courtisans, qui gouvernaient Louis XIII. voulurent selon l'usage, donner des ridicules à ce vieux ministre, qui reparaissait dans une jeune cour, avec des habits et des airs de modes passés depuis longtemps. Le duc de Sully qui s'en aperçut, dit au roi : " Sire, quand le roi votre père, de glorieuse mémoire, me faisait l'honneur de me consulter, nous ne commençions à parler d'affaires, qu'au préalable on n'eut fait passer dans l'antichambre les baladins et les bouffons de la cour ".

M. l'abbé de l'Ecluse a rédigé dans un nouvel ordre les Oeconomies royales de Sully. C'est un très-bon ouvrage, mais qui n'a point fait tomber le mérite de l'original au jugement des curieux. Il n'a pu insérer dans son abrégé, quantité de choses instructives sur les affaires d'état ; et en même temps il a passé sous silence quelques anecdotes singulières. Telle est, par exemple, celle qu'on lit dans les Oeconomies, p. 219. " Je me souviendrai toujours, dit M. de Sully, de l'attitude et de l'attirail bizarre où je trouvai ce prince (Henri III.), dans son cabinet, en 1586. Il avait l'épée au côté, une cape sur les épaules, une petite toque sur la tête, un panier plein de petits chiens, pendu à son cou par un large ruban ; et il se tenait si immobile, qu'en nous adressant la parole, il ne remua ni tête, ni pieds, ni mains ". (D.J.)