S. m. (Géographie ancienne) il y a deux montagnes de ce nom également célèbres dans les écrits des anciens, l'une dans la Troade, et l'autre dans l'île de Crète.

Le mont Ida en Troade, pris dans toute son étendue, peut être regardé comme un de ces grands réservoirs d'eau, que la nature a formés pour fournir et entretenir les rivières ; de celles-là, quelques-unes tombent dans la Propontide, comme l'Aesepe et le Granique ; d'autres dans l'Hellespont, comme les deux entre lesquelles la ville d'Abidos était située ; j'entends le Ximais, et le Xante qui se joint avec l'Andrius : d'autres enfin vont se perdre au midi dans le Golphe d'Adramyte, entre le Satnioeis et le Cilée. Ainsi Horace, liv. III. ode 20, a eu raison d'appeler l'Ida de la Troade, aquatique, lorsqu'il dit de Ganymède,

Raptus ab aquosâ Idâ.

Diodore de Sicîle ajoute que cette montagne est la plus haute de tout l'Hellespont, et qu'elle a au milieu d'elle un antre qui semble fait exprès pour y recevoir des divinités ; c'est là où l'on prétend que Paris jugea les trois déesses, qui disputaient le prix de la beauté. On croit encore que dans ce même endroit, étaient nés les Dactyles d'Ida, qui furent les premiers à forger le fer, ce secret si utîle aux hommes, et qu'ils tenaient de la mère des dieux ; ce qui est plus sur, c'est que le mont Ida s'avance par plusieurs branches vers la mer, et de là vient qu'Homère se sert souvent de cette expression, les montagnes d'Ida. Virgile, Aeneid. liv. III. Ve 5. parle de même.

Classemque sub ipsâ

Antandro et Phrygiâ molimur montibus Ida.

En un mot, Homère, Virgile, Strabon, Diodore de Sicile, ne s'expriment guère autrement. En effet le mont Ida qui, comme on sait, est dans cette partie de la Natolie occidentale nommée Aidinzic, ou la petite Aidine, pousse plusieurs branches, dont les unes aboutissent au golfe d'Aidine ou de Booa dans la mer de Marmora ; les autres s'étendent vers l'Archipel à l'ouest, et quelques-unes s'avancent au sud, jusques au golfe de Gueresto, vis-à-vis de l'île de Mételin ; l'ancienne Troade était entre ces trois mers.

Parlons à présent du mont Ida de Crète, situé au milieu de cette ile. Virgile, Aeneid. liv. III. Ve 104. l'appelle mons Idaeus.

Creta Jovis magni medio jacet insula ponto,

Mons Idaeus ubì, et gentis cunabula nostrae.

L'Ida de Crète était fameux, non-seulement par les belles villes qui l'environnaient, mais surtout parce que selon la tradition populaire, le souverain maître des dieux et des hommes, Jupiter lui-même, y avait pris naissance. Aussi l'appele-t-on encore aujourd'hui Monte-Giove, ou Psiloriti.

Cependant cet Ida de Crète n'a rien de beau que son illustre nom ; cette montagne si célèbre dans la Poésie, ne présente aux yeux qu'un vilain dos d'âne tout pelé ; on n'y voit ni paysage ni solitude agréable, ni fontaine, ni ruisseau ; à peine s'y trouve-t-il un méchant puits, dont il faut tirer l'eau à force de bras, pour empêcher les moutons et les chevaux du lieu d'y mourir de soif. On n'y nourrit que des haridelles, quelques brebis et de méchantes chèvres, que la faim oblige de brouter jusques à la Tragacantha, si hérissée de piquans, que les Grecs l'ont appelée épine de bouc. Ceux donc qui ont avancé que les hauteurs du mont Ida de Candie étaient toutes chauves, et que les plantes n'y pouvaient pas vivre parmi la neige et les glaces, ont eu raison de ne nous point tromper, et de nous en donner un récit très-fidèle.

Au reste le nom Ida dérive du grec , qui vient lui-même d', qui signifie voir, parce que de dessus ces montagnes, qui sont très-élevées, la vue s'étend fort loin, tant de dessus le mont Ida de la Troade, que de dessus le mont Ida de Crète. (D.J.)