S. f. terme de Grammaire ; ce mot par lui-même est adjectif de syllabe ; mais dans l'usage, on le prend substantivement. a est une syllabe monophtongue, , c'est-à-dire une syllabe énoncée par un son unique ou simple ; au lieu que la syllabe au, prononcée à la latine a-ou, et comme on la prononce encore en Italie, etc. et même dans nos provinces méridionales ; au, dis-je, ou plutôt a-ou, c'est une diphtongue, c'est-à-dire une syllabe qui fait entendre le son de deux voyelles par une même émission de voix, modifiée par le concours des mouvements simultanées des organes de la parole. R R. , bis, et , sonus.

L'essence de la diphtongue consiste donc en deux points.

1°. Qu'il n'y ait pas, du moins sensiblement, deux mouvements successifs dans les organes de la parole.

2°. Que l'oreille sente distinctement les deux voyelles par la même émission de voix : Dieu, j'entens l'i et la voyelle eu, et ces deux sons se trouvent réunis en une seule syllabe, et énoncés en un seul temps. Cette réunion, qui est l'effet d'une seule émission de voix, fait la diphtongue. C'est l'oreille qui est juge de la diphtongue ; on a beau écrire deux, ou trois, ou quatre voyelles de suite, si l'oreille n'entend qu'un son, il n'y a point de diphtongue : ainsi au, ai, eient, etc. prononcés à la française ô, è, ê, ne sont point diphtongues. Le premier est prononcé comme un o long, au-mône, au-ne : les partisans même de l'ancienne orthographe l'écrivent par o en plusieurs mots, malgré l'étymologie or, de aurum, o-reille, de auris : et à l'égard de ai, ait, aient ; on les prononce comme un è, qui le plus souvent est ouvert, palais comme succès, ils av-oien-t, ils avê, &c.

Cette différence entre l'orthographe et la prononciation, a donné lieu à nos Grammairiens de diviser les diphtongues en vraies ou propres, et en fausses ou impropres. Ils appellent aussi les premières, diphtongues de l'oreille, et les autres, diphtongues aux yeux : ainsi l'ae et l'oe, qui ne se prononcent plus aujourd'hui que comme un e, ne sont diphtongues qu'aux yeux ; c'est improprement qu'on les appelle diphtongues.

Nos voyelles sont a, é, è, ê, i, o, u, eu, e muet, ou. Nous avons encore nos voyelles nasales, an, en ; in, on, un : c'est la combinaison ou l'union de deux de ces voyelles en une seule syllabe, en un seul temps, qui fait la diphtongue.

Les Grecs nomment prépositive la première voyelle de la diphtongue, et postpositive la seconde : ce n'est que sur celle-ci que l'on peut faire une tenue, comme nous l'avons remarqué au mot CONSONNE.

Il serait à souhaiter que nos Grammairiens fussent d'accord entr'eux sur le nombre de nos diphtongues ; mais nous n'en sommes pas encore à ce point-là. Nous avons une grammaire qui commence la liste des diphtongues par eo, dont elle donne pour exemple Géographie, Théologie : cependant il me semble que ces mots sont de cinq syllabes, Gé-o-gra-phi-e, Thé-o-lo-gi-e. Nos Grammairiens et nos dictionnaires me paraissent avoir manqué de justesse et d'exactitude au sujet des diphtongues. Mais sans me croire plus infaillible, voici celles que j'ai remarquées, en suivant l'ordre des voyelles ; les unes se trouvent en plusieurs mots, et les autres seulement en quelques-uns.

AI, tel qu'on l'entend dans l'interjection de douleur ou d'exclamation ai, ai, ai, et quand l'a entre en composition dans la même syllabe avec le mouillé fort, comme dans m-ail, b-ail, de l'ail, ati-r-ail ; évan-t-ail ; por-t-ail, etc. ou qu'il est suivi du mouillé faible, la ville de Bl-aye en Guienne, les îles Luc-ayes en Amérique.

Cette diphtongue ai est fort en usage dans nos provinces d'au-delà de la Loire. Tous les mots qu'on écrit en français par ai, comme faire, nécessaire, jamais, plaire, palais, etc. y sont prononcés par a-i diphtongue : on entend l'a et l'i. Telle était la prononciation de nos pères, et c'est ainsi qu'on prononce cette diphtongue en grec, ; telle est aussi la prononciation des Italiens, des Espagnols, etc. Ce qui fait bien voir avec combien peu de raison quelques personnes s'obstinent à vouloir introduire cette diphtongue oculaire à la place de la diphtongue oculaire oi dans les mots Français, croire, etc. comme si ai était plus propre que oi à représenter le son de l'è. Si vous avez à réformer oi dans les mots où il se prononce è, mettez è : autrement, c'est réformer un abus par un plus grand, et c'est pécher contre l'analogie. Si l'on écrit Français, j'avais, c'est que nos pères prononçaient Français, j'avais ; mais on n'a jamais prononcé Français en faisant entendre l'a et l'i. En un mot, si l'on voulait une réforme, il fallait plutôt la tirer de procès, succès, très, auprès, dès, etc. que de se régler sur palais, et sur un petit nombre de mots pareils qu'on écrit par ai, par la raison de l'étymologie palatium, et par ce que telle était la prononciation de nos pères ; prononciation qui se conserve encore, non-seulement dans les autres langues vulgaires, mais même dans quelques-unes de nos provinces.

Il n'y a pas longtemps que l'on écrivait nai, natus, il est nai ; mais enfin la prononciation a soumis l'orthographe en ce mot, et l'on écrit né.

Quand les Grecs changeaient ai en dans la prononciation, ils écrivaient , attollo, , attollebam.

Observons en passant que les Grecs ont fait usage de cette diphtongue ai, au commencement, au milieu, et à la fin de plusieurs mots, tant dans les noms que dans les verbes : les Latins au contraire ne s'en sont guère servis que dans l'interjection ai, ou dans quelques mots tirés du Grec. Ovide parlant d'Hyacinthe, dit,

Ipse suos gemitus foliis inscribit : et ai ai

Flos habet inscriptum. Ovid. met. liv. X. Ve 215.

Lorsque les Latins changent l'ae en ai, cet ai n'est point diphtongue, il est dissyllabe. Servius sur ce vers de Virgile,

Aulaï in medio. Aeneid. liv. III. Ve 354.

dit aulaï pro aulae, et est diaeresis de grecâ ratione veniens ; quorum ai diphtongus resoluta ; apud nos duas syllabas facit. Voyez DIERESE.

Mais passons aux autres diphtongues. J'observerai d'abord que l'i ne doit être écrit par y, que lorsqu'il est le signe du mouillé faible.

EAU. Fléau, ce mot est de deux syllabes.

Etre l'effroi du monde et le fléau de Dieu. Corneille.

A l'égard de seau, eau, communément ces trois lettres eau se prononcent comme un o fort long, et alors leur ensemble n'est qu'une diphtongue oculaire ou une sorte de demi-diphtongue dont la prononciation doit être remarquée : car il y a bien de la différence dans la prononciation entre un seau à puiser de l'eau et un sot, entre de l'eau et un os, entre la peau et le Pô rivière ou Pau ville. M. l'abbé Regnier, gramm. pag. 70. dit que l'é qui est joint à au dans cette diphtongue, se prononce comme un é féminin, et d'une manière presqu'imperceptible.

EI, comme en Grec , tendo : nous ne prononçons guère cette diphtongue que dans des mots étrangers, bei ou bey, dei ou dey ; le dey de Tunis ; ou avec le n nazal, comme dans teindre, Rheims, ville.

Selon quelques grammairiens on entend en ces mots un i très-foible, ou un son particulier qui tient de l'e et de l'i. Il en est de même devant le son mouillé dans les mots so-l-eil, con-s-eil, so-m-eil, &c.

Mais selon d'autres il n'y a en ces derniers que l'e suivi du son mouillé ; le v-ie-il-homme, con-s-e-il, some-il, etc. et de même avec les voyelles a, ou, eu. Ainsi selon ces grammairiens, dans oeil qu'on prononce euil, il n'y a que eu suivi du son mouillé, ce qui me parait plus exact. Comme dans la prononciation du son mouillé, les organes commencent d'abord par être disposés comme si l'on allait prononcer i ; il semble qu'il y ait un i ; mais on n'entend que le son mouillé, qui dans le mouillé fort est une consonne : mais à l'égard du mouillé faible, c'est un son mitoyen qui me parait tenir de la voyelle et de la consonne : moi-yen, pa-yen ; en ces mots, yen est un son bien différent de celui qu'on entend dans bien, mien, tien.

IA, d-ia-cre, d-ia-mant, surtout dans le discours ordinaire : fiacre ; les Pl-éia-des, de la v-ian-de, négoc-iant, inconvé-n-ien-t.

IE. P-ié ou p-iéd, les p-ié-ds, ami-ti-é, pi-t-ié, pre-m-ier, der-n-ier, mé-t-ie-r.

IE ouvert. Une v-iè-le instrument, vol-iè-re. Gu-iène province de France, V-iè-ne ville, ou verbe, veniat, n-iai-s, b-iai-s ; on prononce niès, biès, f-iè-r, un t-iè-rs ; le c-ie-l, Ga-br-ie-l, es-sen-t-ie-l, du mie-l, f-ie-l.

IEN, où l'i n'est point un mouillé faible ; b-ien, m-ien, t-ien, s-ien, en-tre-t-ien, ch-ien, comé-d-ien, In-d-ien, gar-d-ien, pra-ti-c-ien ; l'i et la voyelle nazale en sont la diphtongue.

IEU ; D-ieu, l-ieu, les c-ieu-x, m-ieu-x.

IO ; f-io-le, capr-io-le, car-io-le, v-io-le, surtout en prose.

ION ; p-ion, que nous ai-m-ion-s, di-s-ion-s, etc. ac-t-ion, occa-s-ion : ion est souvent de deux syllabes en vers.

IOU ; cette diphtongue n'est d'usage que dans nos provinces méridionales, ou bien en des mots qui viennent de-là ; Mon-tes-qu-iou, Ch-iou-r-me, O-l-iou-les ville de Provence ; la Ciotat, en Provence on dit la C-iou-tat.

YA, YAN, YE e muet, YE, etc. l'i ou l'y a souvent devant les voyelles un son mouillé faible ; c'est-à-dire un son exprimé par un mouvement moins fort que celui qui fait entendre le son mouillé dans Versailles, paille ; mais le peuple de Paris qui prononce Versa-ye, paye, fait entendre un mouillé faible ; on l'écrit par y. Ce son est l'effet du mouvement affoibli qui produit le mouillé fort ; ce qui fait une prononciation particulière différente de celle qu'on entend dans mien, tien, où il n'y a point de son mouillé, comme nous l'avons déjà observé.

Ainsi je crois pouvoir mettre au rang des diphtongues les sons composés qui résultent d'une voyelle jointe au mouillé faible ; a-yan-t, vo-yan-t, pa-yen, pai-yan-t, je pai-ye, em-plo-ye-r, do-yen, afin que vous so-ye-z, dé-lai-ye-r, bro-ye-r.

OI. La prononciation naturelle de cette diphtongue est celle que l'on suit en grec, ; on entend l'o et l'i. C'est ainsi qu'on prononce communément voi-ye-le, voi-ye-r, moi-yen, loi-yal, roi-yaume : on écrit communément voyelle, voyer, moyen, loyal, royaume. On prononce encore ainsi plusieurs mots dans les provinces d'au-delà de la Loire ; on dit Sav-oi-e, en faisant entendre l'o et l'i. On dit à Paris Sa-v-o-ya-rd ; ya est la diphtongue.

Les autres manières de prononcer la diphtongue oi ne peuvent pas se faire entendre exactement par écrit : cependant ce que nous allons observer ne sera pas inutîle à ceux qui ont les organes assez délicats et assez souples pour écouter et pour imiter les personnes qui ont eu l'avantage d'avoir été élevées dans la capitale, et d'y avoir reçu une éducation perfectionnée par le commerce des personnes qui ont l'esprit cultivé.

Il y a des mots où oi est aujourd'hui presque toujours changé en oe, d'autres où oi se change en ou, et d'autres enfin en oua : mais il ne faut pas perdre de vue que hors les mots où l'on entend l'o et l'i, comme en grec , il n'est pas possible de représenter bien exactement par écrit les différentes prononciations de cette diphtongue,

OI prononcé par oe où l'e a un son ouvert qui approche de l'o ; f-oi, l-oi, fr-oi-d, t-oi-ct, m-oi, à f-oi-son, qu-oi, c-oi-ffe, oi-seau, j-oi-e, d-oi-gt (digitus), d-oi-t (debet), ab-oi-s, t-oi-le, &c.

OI prononcé par oa ; m-oi-s, p-oi-s, n-oi-x, tr-oi-s, la ville de Tr-oi-e, etc. prononcez, m-oa, p-oa, &c.

OI prononcé par oua ; b-oi-s (lignum), prononcez b-ou-a.

OIN : s-oin, l-oin, be-s-oin, f-oin, j-oin-dre, m-oin-s, on doit plutôt prononcer en ces mots une sorte d'e nazal après l'o, que de prononcer ouin ; ainsi prononcez soein plutôt que souin.

Il faut toujours se ressouvenir que nous n'avons pas de signes pour représenter exactement ces sortes de sons.

OU A écrit par ua ; éq-ua-teur, éq-ua-tion, aq-uatique, quin-q-ua-gésime ; prononcez é-c-oua-teur, é-q-oua-tion, a-q-oua-tique, quin-q-oua-gésime.

OE : p-oe-te, p-oe-me ; ces mots sont plus ordinairement de trois syllabes en vers ; mais dans la liberté de la conversation on prononce poe comme diphtongue.

OU AN : Ec-ouan, Rouan, villes, diphtongues en prose.

OUE : oue-st, sud-oue-st.

OUI : b-oui-s, l-oui-s, en prose ; ce dernier mot est de deux syllabes en vers ; oui, ita.

Oui, ce sont ces plaisirs et ces pleurs que j'envie.

Oui, je t'acheterai le praticien français. Racine.

OUIN : bara-g-ouin, ba-b-ouin.

UE : statue éq-ue-stre, ca-s-ue-l, an-ue-l, éc-ue-le, r-ue-le, tr-ue-le, surtout en prose.

UI : l-ui, ét-ui, n-uit, br-uit, fr-uit, h-uit, l-ui-re, je s-uis, un s-ui-s-se.

UIN : Al-c-uin théologien célèbre du temps de Charlemagne. Q-uin-quagésime, prononcez quin comme en latin ; et de même Q-uin-ti-l-ien, le mois de J-uin. On entend l'u et l'i nasal.

Je ne parle point de Caèn, Laon, paon, Jean, etc. parce qu'on n'entend plus aujourd'hui qu'une voyelle nasale en ces mots-là, Can, pan, Jan, &c.

Enfin il faut observer qu'il y a des combinaisons de voyelles qui sont diphtongues en prose et dans la conversation, et que nos poètes font de deux syllabes.

Un de nos traducteurs a dit en vers,

Voudrais-tu bien chanter pour moi, cher Licidas,

Quelqu'air si-ci-li-en. Longepierre ?

On dit si-ci-lien en trois syllabes dans le discours ordinaire. Voici d'autres exemples.

La foi, ce nœud sacré, ce li-en pré-ci-eux.

Brebeuf.

Il est juste, grand roi, qu'un meurtri-er périsse.

Corneille.

Allez, vous devri-ez mourir de pure honte. Mol.

Vous perdri-ez le temps en discours superflus.

Fontenelle.

Cette fière raison dont on fait tant de bruit,

Contre les passi-ons n'est pas un sur remède.

Deshoulières

Non, je ne hais rien tant que les contorsi-ons

De tous ces grands faiseurs de protestati-ons.

Moliere.

La plupart des mots en ion et ions sont diphtongues en prose. Voyez les divers traités que nous avons de la versification française.

Au reste, qu'il y ait en notre langue plus ou moins de diphtongues que je n'en ai marqué, cela est fort indifférent, pourvu qu'on les prononce bien. Il est utile, dit Quintilien, de faire ces observations ; César, dit-il, Cicéron, et d'autres grands hommes, les ont faites ; mais il ne faut les faire qu'en passant. Marcus Tullius orator, artis hujus diligentissimus fuit, et in filio ut in epistolis apparet.... Non obstant hae disciplinae per illas euntibus, sed circa illas haerentibus. Quint. instit. orat. lib. I. cap. VIIe in fine. (F)