PRÉSENT, syn. (Grammaire) Ces deux mots signifient en général ce qu'on donne à quelqu'un sans y être obligé. Voici les nuances qui les distinguent : le présent est moins considérable que le don, et se fait à des personnes moins considérables, excepté dans un cas, dont nous parlerons tout-à-l'heure. Ainsi on dira d'un prince, qu'il a fait don de ses états à un autre, et non qu'il lui en a fait présent. Par la même raison, un prince fait à ses sujets des présents, et les sujets font quelquefois des dons au prince, comme les dons gratuits du clergé et des états. Les princes se font des présents les uns aux autres par leurs ambassadeurs. Deux personnes se font par contrat un don mutuel de leurs biens. On dit au figuré le don des langues, le don des larmes, etc. et en général tout ce qui vient de Dieu s'appelle don de Dieu ; c'est une exception à la règle ci-dessus. On dit des talents de l'esprit ou du corps, qu'ils sont un don de la nature, et des biens de la terre, qu'ils en sont des présents. On dit les dons de Cerés ou de Pomone, et les présents de Flore, parce que les premiers sont de nécessité plus absolue, et les autres de pur agrément. (O)

DON, s. m. (Jurisprudence) la libéralité ou le don gratuit est en général la voie la plus gracieuse pour acquérir ce que Laisel, en ses institutes, exprime par cette maxime, qu'il n'est si bel acquêt que le don.

Dans l'usage ordinaire, le terme de don ne se prend pas pour toutes sortes de donations indifféremment ; on ne l'applique qu'aux dons faits par le roi, aux dons gratuits, dons mobiles, dons mutuels.

Celui qui remet quelque chose à un autre, dit ordinairement dans l'acte de décharge, qu'il lui en fait don et remise. (A)

DON ABSOLU, dans la province de Hainaut, signifie l'avantage qui est fait par père ou mère à quelqu'un de leurs enfants, sans aucune relation à la succession future du donateur, et uniquement pour la bonne amitié qu'il porte au donataire, en sorte que, suivant l'usage de cette province, un tel don est un véritable acquêt en la personne du donataire, attendu qu'il a acquis la chose indépendamment de la disposition de la loi, et comme aurait pu faire quelqu'un étranger à la famille ; au moyen de quoi le seigneur est bien fondé en ce cas à demander au donataire un demi-drait pour la mutation, suivant la coutume de Hainaut, chap. cjv. art. 17. ce qui est contraire au droit commun du pays coutumier, suivant lequel toute donation en ligne directe forme des propres, et n'est point sujette aux droits de mutation. Voyez la jurisprudence du Hainaut français, par Antoine-Français-Joseph Dumées procureur du roi de la ville d'Avenes, imprimée en 1750, tit. Ve art. 3. (A)

DON CHARITATIF : anciennement on a donné quelquefois cette qualification aux dons gratuits ou décimes extraordinaires, que le clergé paye au roi de temps en temps ; on les nommait indifféremment dons gratuits ou octrais charitatifs équipollents à décimes, quoique le terme de charitatif soit encore plus impropre en cette occasion que le terme de don gratuit ; l'épithète de charitatif ne convient qu'à un certain subside, que le concîle accorde quelquefois à l'évêque pour son voyage. Voyez ci-apr. DON GRATUIT et SUBSIDE CHARITATIF. (A)

DONS CORROMPABLES : on appelait ainsi dans l'ancien style, les présents qui pouvaient être faits aux magistrats et autres juges, pour les corrompre.

Ces sortes de présents ont toujours été réprouvés par toutes les lois divines et humaines.

L'Ecriture dit que xenia et munera excaecant oculos judicum.

Chez les Athéniens un juge qui s'était laissé corrompre par argent, était condamné à dédommager la partie lésée, en lui rendant le double de ce qu'il lui avait fait perdre.

Les décemvirs qui rédigèrent la loi des douze tables, ne crurent point cette peine suffisante pour réprimer l'avidité des magistrats injustes ; c'est pourquoi la loi des douze tables ordonna qu'un juge ou arbitre donné par justice, qui aurait reçu de l'argent pour juger, serait puni de mort.

Ciceron dit dans sa quatrième Verrine, que de tous les crimes il n'y en a point de plus odieux ni de plus funeste à l'état, que celui des juges qui vendent leur suffrage.

Il était défendu aux magistrats de rien exiger de ceux qui leur étaient subordonnés ; c'était le crime appelé repetundarum, c'est-à-dire de concussion. Voyez CONCUSSION.

Il n'était même pas permis aux juges de recevoir les présents qui leur étaient offerts volontairement, excepté esculentum et poculentum, c'est-à-dire des choses à boire et à manger, pourvu qu'elles fussent de peu de valeur, et qu'elles pussent se consommer en peu de jours, comme du gibier ou venaison ; mais les lois condamnent absolument celui qui reçoit des présents un peu considérables. Il parait néanmoins que l'on s'était relâché de la sévérité de la loi des douze tables. Lorsque le juge était convaincu d'avoir été corrompu par argent, et d'avoir rendu un jugement injuste, ou d'avoir pris de l'argent des deux parties ; si c'était en cause civile, on le condamnait à restituer le triple, et il était privé de son office ; si c'était en matière criminelle, il était banni et son bien confisqué.

En France il a toujours été défendu aux magistrats et autres juges, d'exiger aucuns présents, ni même d'en recevoir de ceux qui ont des affaires pendantes devant eux.

Il parait seulement que dans la disposition des anciennes ordonnances on n'avait pas poussé si loin le scrupule et la délicatesse, que l'on fait présentement ; ce que l'on doit imputer à la simplicité, ou, si l'on veut, à la grossiéreté des temps où ces règlements ont été faits.

L'ordonnance de Philippe-le-Bel, du 23 Mars 1302, article 17, défend aux conseillers du roi de recevoir des pensions d'aucune personne ecclésiastique ou séculière, ni d'aucune ville ou communauté ; et veut que s'ils en ont, ils y renoncent au plutôt.

On voit par l'article 40 de la même ordonnance, que les baillis, sénéchaux et autres juges devaient faire serment de ne recevoir directement ni indirectement ni or ni argent, ni autre don mobilier ou immobilier, à quelque titre que ce fût, excepté des choses à manger ou à boire. Ils ne devaient cependant en recevoir que modérément, selon la condition de chacun, et en telle quantité que le tout put être consommé en un jour, sans dissipation.

S'ils recevaient du vin, ce ne pouvait être qu'en barrils, ou en bouteilles ou pots, sans aucune fraude ; et il ne leur était pas permis de vendre le superflu. C'est ce qu'ordonne l'art. 42.

Il leur était aussi défendu, article 43, d'emprunter de ceux qui avaient des causes devant eux, sinon jusqu'à concurrence de 50 liv. tournois ; et à condition de les rendre dans deux mois, quand même le créancier voudrait leur faire crédit plus longtemps.

On leur faisait aussi prêter serment de ne faire aucun présent à ceux qui étaient députés du conseil pour aller informer de leur administration ; même de donner rien à leurs femmes, enfants, ou autres personnes subordonnées. Art. 44.

Il est défendu par l'article 48 aux baillis et sénéchaux de recevoir des officiers, qui leur étaient subordonnés, aucun gîte, repas, droit de procuration, ni autres dons.

Enfin l'article 49 leur défend de recevoir aucun présent des personnes religieuses domiciliées dans l'étendue de leur administration, non pas même des choses à manger ou à boire : l'ordonnance leur permet seulement d'en recevoir une fois ou deux l'année, au plus, et lorsqu'ils en seront requis avec grande instance, des chevaliers, seigneurs, bourgeois, et autres personnes riches et considérables.

L'ancienne formule du serment que prêtait le chancelier de France au roi, porte qu'il ne recevra robes, pensions ou profits d'aucun autre seigneur ou dame, sans la permission du roi, et qu'il ne prendra aucun don corrompable.

On faisait prêter le même serment à tous les officiers royaux. Il y a à la chambre des comptes une ordonnance de l'an 1454, qui défend à tous officiers de recevoir aucuns dons corrompables, sous peine de privation de leurs offices.

L'ordonnance d'Orléans, du mois de Janv. 1560, défend, article 43, à tous juges, avocats et procureurs, tant des cours souveraines que des sièges subalternes et inférieurs, de prendre ni permettre être pris des parties plaidantes, directement, aucun don ou présent, quelque petit qu'il sait, de vivres ou autres choses quelconques, à peine de crime de concussion ; mais cette ordonnance est encore imparfaite, en ce que le même article excepte la venaison ou gibier pris ès forêts et terres des princes et seigneurs qui les donneront.

Cette même ordonnance est cependant moins indulgente pour plusieurs autres officiers.

En effet elle défend, art. 77, aux clercs ou commis des greffiers, d'exiger ni prendre des parties aucune chose que le droit des greffiers, non pas même ce qui leur serait offert volontairement, à peine contre le greffier qui le permettra ou dissimulera, de privation de son office, et à l'égard du clerc qui exigerait ou prendrait quelque chose, sous peine de prison et de punition exemplaire.

L'art. 79 défend aux substituts d'exiger ni prendre des parties aucune chose pour la visitation des procès criminels, à peine d'être punis comme de crime de concussion.

L'article 132 de la même ordonnance défend aux élus, procureurs du roi, greffiers, receveurs, et autres officiers des tailles et aydes, de prendre ni exiger des sujets du roi aucun don, soit en argent, gibier, volaille, bétail, grain, foin ou autre chose quelconque, directement ou indirectement, à peine de privation de leurs états ; sans que les juges puissent modérer cette peine.

L'ordonnance de Moulins n'admet point, comme celle d'Orléans, d'exception d'aucuns présents, même modiques ; elle défend purement et simplement, article 19, à tous juges de rien prendre des parties, sinon ce qui est permis par les ordonnances. L'art. 20 fait la même défense aux avocats et procureurs du roi.

On pourrait encore faire quelqu'équivoque sur les termes de cette ordonnance ; mais celle de Blais y a pourvu, art. 114, en défendant à tous officiers et autres ayant charge et commission du roi, de quelqu'état et condition qu'ils soient, de prendre ni recevoir de ceux qui ont affaire à eux, aucuns dons et présents de quelque chose que ce sait, sur peine de concussion : ainsi aucun juge ne peut plus recevoir de présents, même de gibier, vin, ou autres choses semblables.

Les épices étaient dans leur origine, des présents volontaires de dragées et confitures que celui qui avait gagné son procès, avait coutume de faire aux juges ; ce qui passa en usage et devint de nécessité : elles furent ensuite converties en argent, et autorisées par divers règlements. Voyez ÉPICES.

Sur les présents faits aux juges, ou qu'ils exigeraient des parties, voyez Bartol. in l. lex julia, §. ad parent. ff. ad legem juliam repetund. l. plebiscito, ff. de off. praesid. l. solent. §. non vero, ff. de off. proconsul. (A)

DON GRATUIT, signifie en général ce qui est donné volontairement et sans nulle contrainte, par pure libéralité, et sans en retirer aucun intérêt ni autre profit.

On a donné le nom de don gratuit aux subventions que le clergé et quelques-uns des pays d'états paient au roi. Nous parlerons ci-après des dons gratuits du clergé.

Pour ce qui est des dons gratuits que certains pays d'états accordent au roi de temps en temps, c'est un usage qui parait venir des dons et présents que la noblesse et le peuple faisaient tous les ans au roi sous les deux premières races. Ces pays d'états se sont conservés dans cet usage, et ont appelé don gratuit ce que la province paye tous les trois ans pour tenir lieu des impositions que paient les autres sujets du roi.

Il y a dans ces pays d'états un don gratuit ordinaire, qui est d'une somme fixe par an ; un don gratuit extraordinaire, dont l'intendant fait la demande aux états, et que l'on règle à une certaine somme pour les trois années.

Outre ces dons gratuits, la province paye encore au roi, dans les temps de guerre et autres besoins pressants de l'état, des secours extraordinaires.

C'est ainsi que l'on en use dans la province du duché de Bourgogne.

Les états de Bretagne et de Languedoc accordent aussi un don gratuit au roi.

Les états de la principauté souveraine de Dombes payaient aussi autrefois tous les sept ou huit ans un don gratuit au prince ; mais depuis quelques années l'imposition de la taille ayant été établie par l'autorité du prince, a pris la place de ce don gratuit. (A)

DON GRATUIT DU CLERGE, est une subvention ou secours d'argent que le clergé de France paye de temps en temps au roi pour les besoins de l'état.

On appelle ces dons gratuits, ce qui ne devrait signifier autre chose, sinon qu'ils ne sont point faits à titre de prêt, et que le clergé ne retire aucun intérêt des sommes qu'il paye au roi ; cependant l'idée que l'on a attachée communément aux termes de don gratuit, est que c'est une subvention offerte volontairement par le clergé, et non pas une imposition faite par le roi ; et c'est en ce sens que les subventions payées par le clergé, sont aussi nommées dans quelques anciennes ordonnances, dons charitatifs.

Il est certain que le clergé prévient ordinairement par des offres volontaires, les secours que le roi est en droit d'attendre de lui pour les besoins de l'état ; il y a néanmoins quelques exemples de sommes qui ont été imposées sur le clergé, en vertu seulement de lettres-patentes du roi ou d'arrêts du conseil, ainsi qu'on le remarquera en son lieu.

Les subventions que le clergé fournit au roi, étaient autrefois toutes qualifiées d'aides, dixiemes ou décimes.

Depuis 1516, temps auquel les décimes devinrent ordinaires et annuelles, le clergé commença à les qualifier de dons et de présents, ou de dons gratuits et charitatifs, équipollents à décimes.

Lorsqu'on imposa en 1527 deux millions sur tous les sujets du roi, pour la rançon des enfants de François I. il fut question dans un lit de justice tenu à ce sujet le 20 Decembre de cette année, de régler comment le clergé contribuerait à cette imposition ; le cardinal de Bourbon dit que l'église pourrait donner et faire présent au roi de 130000 liv. mais ces offres furent rejetées, et le clergé fut imposé comme les autres sujets du roi.

Le clergé ayant octroyé à François I. trois décimes en 1534, il y eut deux déclarations rendues à cette occasion les 28 Juillet et 19 Aout 1535, dans lesquelles ces trois décimes sont qualifiées de don gratuit et charitatif, équipollent à trois décimes ; c'est-à-dire que ce don revenait à ce que le clergé aurait payé pour trois années de décimes.

La déclaration d'Henri II. du 19 Mai 1547, au sujet des décimes, est adressée entr'autres personnes, à tous commissaires commis et à commettre pour faire payer les deniers-subsides, dons et octrais charitatifs qui pourraient ci-après être imposés sur le clergé.

Au lit de justice tenu par Henri II. le 12. Février 1551, le cardinal de Bourbon s'énonça encore à-peu-près comme en 1527. Il dit " que s'étant assemblés la veille jusqu'à six cardinaux, et environ trente archevêques et évêques, tous d'un commun accord avaient arrêté donner au roi si grande part en leurs biens, qu'il aurait matière de contentement ".

Henri II. par un édit du mois de Juin 1557, créa un receveur de toutes les impositions extraordinaires, y compris les dons gratuits des ecclésiastiques ; et par une déclaration du 3 Janvier 1558, il nomme cumulativement les décimes, dons, octrais charitatifs équipollents à icelles à lui accordées, et qu'il a ordonné être levées sur le clergé de son royaume.

Les dons gratuits proprement dits, dans le sens que ces termes s'entendent aujourd'hui, n'ont commencé à être distingués des décimes, que depuis le contrat passé entre le roi et le clergé le 11 Octobre 1561, appelé communément le contrat de Paissy.

Le clergé prit par ce contrat deux engagements différents.

L'un fut d'acquitter et racheter dans les dix années suivantes, le sort principal des rentes alors constituées sur la ville de Paris, montant à 7 millions 5 cent 60 mille 56 liv. 16. s. 8 d. et cependant d'en payer les arrérages en l'acquit du roi, à compter du premier Janvier 1568. C'est-là l'origine des rentes assignées sur le clergé, qui ont depuis été augmentées en divers temps, et dont le contrat se renouvelle avec le clergé tous les dix ans. Ce que le clergé paye pour cet objet, a retenu le nom de décimes : on les appelle aussi anciennes décimes ou décimes ordinaires, pour les distinguer des dons gratuits et autres subventions, que l'on comprend quelquefois sous le terme de décimes extraordinaires.

L'autre engagement que le clergé prit par le contrat de Paissy, fut de payer au roi pendant six ans la somme de 1600000 liv. par an ; revenant le tout à 9 millions 6 cent mille livres. C'est-là l'origine des dons gratuits proprement dits, dans le sens que ces termes s'entendent aujourd'hui. Il y a eu depuis ce temps de pareilles subventions fournies par le clergé à-peu-près tous les cinq ans ; et pour cet effet le clergé passe des contrats séparés de ceux des décimes. Il y a encore quelquefois d'autres dons gratuits ou subventions extraordinaires, qui se paient dans les besoins extraordinaires de l'état.

Pendant le cours des termes portés par le contrat de Paissy, le roi tira encore différents secours du clergé, et notamment par des subventions extraordinaires ou dons gratuits que le clergé paya au roi. Par exemple, en 1573 le clergé accorda au roi 800000 liv. pour les frais du voyage du duc d'Anjou frère du roi, qui était appelé à la couronne de Pologne, et qui fut depuis le roi Henri III. Le clergé accorda aussi deux millions en 1574, pour les besoins pressants de l'état.

Le contrat de 1580 fait mention d'un million de livres imposé en 1575, et d'une autre levée accordée à Blais pour la solde de quatre mille hommes de pied et de mille chevaux.

Par le contrat du 3 Juin 1586, le clergé promit de payer au roi un million, pour être employé aux frais de la guerre que le roi était contraint d'entretenir contre ceux qui voulaient s'opposer à l'exécution de son édit de réunion de tous ses sujets à l'Eglise catholique, apostolique et romaine. Cette levée devait être faite en quinze mois sur les fruits, par forme de décimes ; ou par constitution de rentes sur les bénéfices ; ou par vente de bois, ou autre moyen licite que chaque bénéficier pourrait aviser ; ou subsidiairement, par aliénation de quelque partie du temporel du bénéfice, faute d'autre moyen au bénéficier pour payer sa taxe.

Le contrat des décimes fut renouvellé en 1596, avec la clause qui est ordinaire dans tous ces contrats, de ne demander au clergé pendant les dix ans du contrat, aucunes décimes, emprunts ni dons gratuits ; et il fut néanmoins expédié des lettres-patentes le 4 Mars 1598, pour lever deux décimes extraordinaires en la province de Dauphiné, sur tous les ecclésiastiques et bénéficiers de ce pays, pour subvenir à la dépense de la guerre. Ces décimes extraordinaires étaient la même chose que ce que l'on entend présentement par don gratuit ; mais sur les représentations des agens du clergé, qui réclamèrent l'exécution des contrats de 1586 et de 1596, les deux décimes extraordinaires qui étaient demandées, furent révoquées par d'autres lettres patentes du 22 Avril suivant.

On avait promis de même au clergé, par le contrat des décimes ordinaires fait en 1615, de ne lui demander aucunes autres décimes ni dons gratuits pendant les dix années du contrat ; mais la guerre que le roi avait à soutenir contre les religionnaires, l'obligea de demander au clergé en 1621, une subvention extraordinaire ou don gratuit, lequel par contrat du 2 Octobre de ladite année, fut réglé à 303064 livres de rente en fonds, au principal de 3 millions 6 cent mille livres, dont Sa Majesté ou ceux qui auraient ses droits, jouiraient du premier Janvier 1622.

Il fut passé un nouveau contrat entre le clergé et les commissaires du roi, le 11 Février 1626, par lequel les gens du clergé, pour ne pas demeurer seuls à donner quelque secours au roi pour le siège de la Rochelle, et faire paraitre l'obéissance qu'ils voulaient rendre aux commandements de S. M. firent cession et transport au roi de la somme de 1745500 liv. qui devait provenir du contrat fait avec le receveur général du clergé, le 16 Décembre 1625.

Le clergé assemblé extraordinairement à Fontenay-le-Comte en 1628, accorda et donna au roi, par contrat du 17 Juin, trois millions de livres pour employer à la continuation du siège de la Rochelle.

L'assemblée qui devait se tenir en 1630, ayant été remise en 1635, pour diminuer les dépenses du clergé, le contrat ne fut passé que le 9 Avril 1636. Le clergé accorda et consentit au profit du roi, à cause de la guerre étrangère, une subvention extraordinaire de 316000 livres de rente en fonds, pour en disposer par Sa Majesté comme il lui plairait.

Il n'y eut point de subvention extraordinaire payée par le clergé, jusqu'au contrat passé à Mantes le 14 Aout 1641, par lequel le clergé accorda au roi cinq millions cinq cent mille livres payables en trois années.

Le 19 Juillet 1646, environ quatre années après le contrat de Mantes, il en fut passé un autre à Paris, dans lequel on voit que les commissaires du roi exposèrent à l'assemblée, que S. M. les avait chargés de lui demander, tant pour la révocation de plusieurs traités que l'on avait proposé de faire par rapport au clergé, que pour un don extraordinaire, la somme de dix millions de livres. C'est la première fais, à ce qu'il parait, que le roi, ou du moins ses commissaires aient qualifié de don ces subventions. Les députés du clergé eux-mêmes ne se servirent pas de ce terme en cette occasion ; ils alléguèrent seulement que le clergé était hors d'état de payer cette somme, et au lieu de dix millions en accordèrent quatre. Les commissaires du roi accordèrent de leur part que tous les articles qui regardent les immunités et privilèges de l'église, couchés dans les contrats, tant des décimes ordinaires que des dons extraordinaires, seraient ponctuellement observés. Et dans un autre contrat passé à cette occasion le 18 du même mois, pour les arrangements du clergé avec son receveur général, cette subvention est qualifiée de secours extraordinaire demandé et accordé à Sa Majesté.

L'assemblée du clergé tenue en 1650 ne fit aucun contrat avec le roi ; mais suivant la délibération du 25 Janvier 1651, il fut résolu d'un commun consentement, qu'attendu la dépense extraordinaire qu'il convenait de faire pour le sacre du roi, d'accorder à S. M. un département de la somme de 600000 liv. payables en deux termes, savoir Octobre lors prochain, et Février 1652.

On voit par le contrat du 19 Mai 1657, que les commissaires du roi représentèrent à l'assemblée du clergé le besoin que le roi avait d'un secours considérable d'argent, par rapport à la continuation de la guerre, qu'il attendait ce secours du clergé : ce sont leurs termes ; le clergé accorda au roi deux millions sept cent mille liv. Un peu plus loin cette somme est qualifiée de subvention, et dans un autre endroit de don ; mais il n'est pas encore qualifié de gratuit.

Le contrat que le clergé fit le 17 Juin 1661, est à-peu-près du même style que le précédent. Les commissaires du roi demandèrent au clergé assistance de quatre millions ; pour acquitter ce que le roi devait de la récompense de l'Alsace, et pour un don gratuit et ordinaire dans les mariages de nos rois : c'est la première fois que les termes don gratuit aient été employés dans ces contrats. Les députés du clergé, en parlant de cette subvention, ne la qualifièrent pas de don gratuit ; ils disent que le clergé avait donné au roi des secours extraordinaires ; ils ajoutent à la vérité que par le dernier contrat le roi s'était engagé à ne plus requérir l'église de lui faire aucun don gratuit, quoique la guerre continuât plus longtemps : mais cette clause du contrat de 1657 qu'ils rappelent, qualifie seulement de secours la subvention qui fut alors accordée par le clergé. Enfin après diverses observations, les députés concluent que l'assemblée souhaitant témoigner à S. M. qu'elle ne cede point au zèle de quelques assemblées précédentes, lesquelles en des occasions semblables ont fait des présents aux rais, elle accorde deux millions.

Le préambule des députés du clergé dans le contrat du 16 Avril 1666, est encore le même que celui du précédent contrat, si ce n'est qu'en parlant de celui de 1646, ils ne se servent pas du terme de don gratuit, et disent seulement que le roi s'était engagé à ne plus requérir l'église de lui faire aucun don extraordinaire ; mais l'assemblée considérant la guerre nouvellement déclarée contre les Anglais, protecteurs de l'hérésie et les anciens ennemis de l'état, accorda deux millions quatre cent mille liv. dont un million neuf cent mille liv. seraient imposées sur le clergé, et que pour parfaire le don fait à S. M. les 500000 liv. restantes seraient levées sur les officiers des décimes.

Lors du contrat qui fut passé avec le clergé à Pontaise en 1670, la guerre était finie ; mais comme le roi ne laissait pas d'être obligé d'entretenir beaucoup de troupes sur terre et de vaisseaux sur les deux mers, et qu'il y avait encore d'autres dépenses extraordinaires, on demanda au clergé un nouveau secours proportionné aux circonstances ; les députés répondirent d'abord entr'autres choses que le clergé était assez chargé par les décimes ordinaires qu'il paye annuellement et gratuitement, cependant ils accordèrent encore pour cette fois deux millions deux cent mille livres.

Les dépenses extraordinaires pour lesquelles cette somme avait été fournie continuant toujours, le roi demanda une nouvelle subvention au clergé en 1675 ; le contrat fut passé à Saint-Germain-en-Laye le 11 Septembre ; les députés du clergé observèrent que jusqu'alors il avait fait les derniers efforts pour secourir le roi dans tous ses besoins, etc. Mais considérant l'emploi si utîle que S. M. faisait des deniers du clergé, ils veulent bien, disent-ils, pour cette fois (clause qui était déjà dans le précédent contrat) préférer leur devoir et le zèle qu'ils ont pour le service du roi et le bien de l'état, à la considération de leurs immunités et de leur impuissance ; et pour cet effet ils accordent au roi quatre millions cinq cent mille liv. et dans un autre endroit ils qualifient cette subvention de don simplement.

Il y eut encore dans les années suivantes trois contrats passés avec le clergé à Saint-Germain-en-Laye : par le premier, qui est du 10 Juill. 1680, le clergé accorda au roi une subvention extraordinaire de trois millions ; par le second, qui est du 21 Juillet 1685, la subvention fut de la même somme ; et par le troisième, qui est du 17 Juillet 1690, elle fut de douze millions. Ces trois contrats ne contiennent rien de particulier par rapport aux termes dont on s'est servi pour designer ces subventions.

L'assemblée du clergé tenue à Paris en 1693, accorda au roi quatre millions pour lui aider à subvenir aux dépenses de la guerre : il n'y eut point de contrat passé à ce sujet avec le roi.

La délibération du 8 Juillet 1695 porte entr'autres choses, que l'assemblée avait ordonné que l'on pourvoirait au remboursement de tous les ecclésiastiques qui avaient payé le tout ou partie de la taxe qui avait été faite sur eux pour raison des bois.

Jusqu'ici les sommes fournies par le clergé au roi avaient été qualifiées tantôt de secours et de subvention, tantôt de présent ou don simplement : on s'était peu servi des termes de don gratuit ; mais dans la suite on les trouvera plus fréquemment employés, tant de la part des commissaires du roi que des députés du clergé : les uns et les autres se sont cependant quelquefois exprimés autrement.

Par la délibération que le clergé fit le 30 Juin de la même année 1695, il accorda au roi la somme de dix millions ; il ne se sert pas en cet endroit du terme de don gratuit ; mais en parlant des quatre millions qui avaient été accordés en 1693, il les qualifie de don gratuit, quoique la délibération de 1693 ne se servit pas de cette expression ; et il est dit un peu plus loin que, moyennant les secours considérables que le clergé a accordés ci-devant, et qu'il donne encore à S. M. on ne pourra lui demander à l'avenir aucune chose.

Nous ne parlons pas ici d'une autre délibération qui fut faite en la même année, par laquelle le clergé accorda au roi quatre millions par an, pour et au lieu de la capitation qui venait d'être établie, cette subvention extraordinaire ayant un objet particulier différent de celles que l'on appelle communément dons gratuits.

Dans le contrat du 24 Aout 1700, les députés du clergé disent qu'ils ont fait jusqu'ici les derniers efforts pour secourir S. M., particulièrement dans la dernière guerre, dans le cours de laquelle, pour satisfaire au payement des dons gratuits faits à S. M. par les assemblées de 1690, 1693 et 1695, et celui de la subvention extraordinaire accordée par la même assemblée de 1695, ils avaient payé sur leurs revenus courants dix-sept millions de liv. &c..... que considérant néanmoins l'emploi glorieux et utîle que le roi a fait des deniers du clergé pour la défense de l'église et de L'ETAT, ils veulent oublier pour cette fois leur épuisement, et ne consulter que leur zèle pour le service de S. M. : les députés reconnaissaient bien par-là que leurs subventions ne sont pas destinées seulement aux affaires de la religion, mais aussi à celles de l'état ; ils ajoutent que c'est dans l'espérance que la soumission aveugle que leur ordre a eue à tout ce qui porte le caractère de son autorité pendant la terrible guerre qui vient de finir, où on peut dire que la nécessité n'avait point de loi, ne tirera pas dorénavant à conséquence contr'eux, et ne fera pas ainsi une breche irréparable à leurs privilèges ; et pour cet effet ils accordent à S. M. la somme de trois millions cinq cent mille livres.

La guerre d'Espagne ayant obligé le roi de faire des dépenses extraordinaires, on demanda au clergé une subvention de six millions, ce qu'il accorda par sa délibération du 31 Juillet 1705, dans laquelle il ne donne aucune qualification particulière à cette subvention ; le contrat qui fut passé, relativement à cette délibération, le 12 Juillet suivant, annonce le désir que le roi avait de procurer la paix à ses sujets ; que le moyen d'y parvenir était de mettre le roi en état de vaincre ses ennemis ; que le clergé le pouvait, en contribuant de sa libéralité ordinaire à la subsistance de ses nombreuses armées : les députés répondirent que le clergé toujours attaché aux intérêts du roi, toujours touché des besoins de l'état, n'avait de peine que de ne pouvoir donner à S. M. autant qu'il le souhaiterait. Ils accordent ensuite au roi les six millions qui leur étaient demandés de sa part : savoir trois millions de don gratuit, et pareille somme pour prévenir la création des officiers des chambres ecclésiastiques diocésaines et supérieures ; le tout est énoncé de même dans des lettres patentes du 24 Septembre suivant, portant règlement pour la levée de cette subvention.

Les vingt-quatre millions que le clergé paya au roi en 1710, pour le rachat de la capitation, furent quelquefois qualifiés de don gratuit dans un discours des commissaires du roi ; mais dans le contrat qui fut passé à cette occasion le 5 Juillet 1710, on s'est exprimé autrement. Les commissaires y demandent au nom du roi la somme de vingt-quatre millions à titre de rachat de quatre millions de subvention ou secours extraordinaire tenant lieu de capitation. Les députés du clergé disent que les dons que le clergé fait au roi étant une juste contribution pour le bien de l'état, un hommage de sa reconnaissance pour S. M. et par-là un acte de justice et de religion, quelque breche qu'il fasse à ses affaires, elle se peut réparer, etc. Et après quelques autres réflexions, les députés accordent à S. M. de faire l'emprunt de vingt-quatre millions pour le rachat des quatre millions de subvention annuelle tenant lieu de capitation ; et il est dit qu'en considération de ce que le roi ne demandait pas de don gratuit (c'est-à-dire le don qui se paye ordinairement tous les cinq ans), le clergé ne demanderait point au roi les intérêts de ces vingtquatre millions. Ces dernières expressions paraissent justifier ce que nous avons d'abord annoncé, que le sens naturel de ces termes don gratuit, est que c'est une somme que l'on donne sans en tirer d'intérêt.

Louis XIV. ayant par sa déclaration du 14 Octobre 1710, établi la levée du dixième des revenus de tous les biens du royaume sur tous ses sujets, le clergé n'y fut pas compris nommément, et obtint au mois d'Octobre 1711 une déclaration qui l'exempta de la retenue du dixième. Le roi fit dans le même temps demander au clergé une subvention de huit millions, qui lui fut accordée par contrat du 13 Juillet de ladite année ; les députés du clergé en parlant de l'exemption du dixième, dirent que ce nouveau bienfait de S. M. demandait seul toute leur reconnaissance, rien ne leur étant plus sensible que la juste distinction que le roi faisait des biens ecclésiastiques, des biens temporels, et la bonté que S. M. avait de laisser au clergé la liberté de lui offrir volontairement ce qui dépend de lui, et de vouloir bien recevoir de sa part comme des dons, ce qu'il exige de ses autres sujets comme des tributs... que l'assemblée connaissait les pressants besoins de l'état, et était disposée à y contribuer autant qu'elle pourrait ; qu'elle n'opposerait point pour s'en défendre que le clergé avait été déchargé l'année précédente du don gratuit, et que cette décharge n'avait pas été gratuite, puisqu'elle fut le prix de la renonciation que fit l'assemblée à l'intérêt au denier 20 des vingt-quatre millions donnés pour le rachat de la subvention : c'est ainsi que les députés du clergé parlèrent de leurs dons.

L'assemblée suivante du clergé qui fut en 1715, accorda au roi douze millions de don gratuit ; et l'on voit dans le contrat qui fut passé à ce sujet le 31 Octobre, que les commissaires du roi se servirent eux-mêmes du terme de don gratuit ; mais ils se servirent des mêmes termes, en parlant de ce que devaient payer les autres sujets du roi, ajoutant que S. M. ne doutait point qu'à l'exemple du clergé, les pays d'états, les généralités taillables, et les bonnes villes du royaume, se porteraient volontiers à fournir des dons gratuits proportionnés à la libéralité du clergé.

Pendant la régence qui vint ensuite, il n'y eut qu'une seule assemblée du clergé en 1723, dans laquelle il fut accordé au roi douze millions aussi par forme de don gratuit. Dans le contrat qui fut passé le 19 Aout, les commissaires dirent qu'ils venaient exposer au clergé les besoins de l'état, et lui demander une partie des secours nécessaires pour les soulager ; que les dons du clergé devaient être proportionnés à la situation présente de ses affaires ;.. que le clergé était le premier ordre de l'état, et qu'il s'était toujours empressé de donner l'exemple aux deux autres ;... que tout le temps de la minorité s'était écoulé, sans qu'il eut été demandé aucun secours au clergé.

Le contrat du 8 Décembre 1726, par lequel le clergé accorda au roi cinq millions par forme de don gratuit, ne contient rien de particulier par rapport à cette qualification. Nous remarquerons seulement ici qu'à la séance du 18 Novembre 1726, il fut dit que les dons gratuits qui se paient par voie d'emprunt à constitution de rente, sans aucun fond pour le remboursement du capital, ont toujours été imposés un tiers, et même quelquefois davantage sur le pied du département de 1516, et le surplus sur le pied de celui de 1646 ; que les dons gratuits payés par voie d'emprunt à constitution de rente, avec un fond annuel pour le remboursement du capital, sont imposés à raison d'un quart sur le pied de 1516, et trois quarts sur le pied de 1646 : enfin que les dons gratuits qui se lèvent par impositions, sont imposés en entier sur le pied du département de 1641, rectifié en 1646.

Le don gratuit accordé au roi en 1730, ne fut que de quatre millions : on voit dans le contrat qui fut passé le 17 Septembre, que les commissaires du roi, après avoir observé que le clergé est de tous les corps de l'état celui qui a le plus d'intérêt à l'entretien de la paix, et qu'aucuns des sujets du roi ne doivent plus justement que le clergé fournir une partie des secours, dont la destination n'a d'autre but que la conservation de ceux à qui il les demande : les députés du clergé répondirent que le premier corps du royaume se ferait toujours gloire de donner aux autres sujets, l'exemple de la fidélité et de la soumission qui sont dû.s (au roi), etc. que comme ministres du Seigneur ils croyaient toujours juste et légitime l'usage qu'ils feraient des biens, dont ils ne sont que les dépositaires, en les employant au secours du protecteur de la religion ; que comme citoyens ils s'étaient fait dans tous les temps un devoir de partager les charges de l'état avec les autres membres qui le composent.... que les besoins de l'état pour assurer la paix dont ils jouissaient, étant le motif de la demande faite de la part de S. M. il était juste qu'ils y contribuassent afin de se conserver un bien pour lequel ils ne cessaient de faire des prières.

La guerre qui commença en 1733 ayant obligé le roi de demander au clergé un secours extraordinaire, le clergé accorda, en 1734, un don gratuit de 12 millions : les députés du clergé en passant le contrat, le 19 Mars, observèrent seulement, que malgré les dettes immenses contractées par le clergé dans les dernières guerres, il ne consultait que son empressement à donner à S. M. des preuves éclatantes de son fidèle et respectueux attachement.

Lors de l'assemblée ordinaire du clergé, tenue en 1735, la guerre continuait encore ; ce fut un double motif pour demander au clergé un don gratuit de dix millions : le clergé allégua d'abord l'épuisement de ses facultés, et néanmoins il accorda ce qui était demandé, comme il parait par le contrat du 14 Septembre de ladite année.

Le contrat du 18 Aout 1740, est encore plus simple que le précédent : les députés du clergé disent seulement que le clergé a été dans tous les temps jaloux de mériter la protection de ses souverains.... ils prient les commissaires du roi d'assurer S. M. de toute la reconnaissance du clergé, et en conséquence l'assemblée accorde au roi trois millions cinq cent mille livres par forme de don gratuit.

La guerre qui avait recommencé dès 1741, obligea encore le roi de demander au clergé, en 1742, un don gratuit extraordinaire de douze millions ; il fut accordé par le clergé ; et le roi, pour rendre ce don gratuit moins à charge au clergé, lui remit sur le don gratuit accordé en 1740, 100000 livres pour l'année 1742, autant pour l'année 1743, et autant pour 1744 ; il promit même, si la guerre finissait avant 1745, de remettre au clergé tout ce qu'il devrait en ce moment du don gratuit de 1740 ; mais cette clause demeura sans effet, la paix n'ayant été conclue qu'en 1748.

Nous ne nous arrêterons pas sur les derniers contrats passés par le clergé, qui ne contiennent rien de particulier pour notre objet ; nous dirons seulement que l'assemblée ordinaire du clergé, tenue en 1745, accorda au roi un don gratuit de quinze millions ; que le clergé assemblé extraordinairement en 1747, accorda encore au roi un don gratuit de onze millions, et que l'assemblée de 1748 en accorda un autre de seize millions ; toutes ces subventions paraissent avoir été qualifiées de don gratuit, tant de la part des commissaires du roi, que des députés du clergé.

Dans l'assemblée tenue en 1750, il ne fut point parlé de don gratuit de la part des commissaires du roi ; ils demandèrent de sa part au clergé sept millions cinq cent mille livres, dont la levée serait faite par cinq portions égales, sur le pied de 1500000 liv. par an, à commencer dans cette même année, pour employer au remboursement des dettes du clergé : ils ajoutèrent que le roi toujours plein d'affection pour le clergé, n'entendait rien changer dans l'ancien usage de lui confier le soin de faire la répartition et le recouvrement des sommes pour lesquelles il devait contribuer aux besoins de l'état.... que c'est une distinction éminente, dont le clergé jouit depuis longtemps ; qu'elle le rend en cette partie dépositaire d'une portion de l'autorité du roi.

Les députés du clergé observèrent dans leurs délibérations, que les commissaires du roi ne s'étaient point servis du terme de don gratuit ; que la demande qu'ils étaient venus faire de sa part, ressemblait moins à une demande qui laissât la liberté des suffrages et le mérite de l'offre, qu'à un ordre absolu, après lequel il ne restait plus qu'à imposer ; l'assemblée écrivit au roi une lettre à ce sujet, et le corps du clergé fit, le 10 Novembre 1750, de très-humbles remontrances à S. M. sur la liberté de ses dons.

Le roi ayant fait connaître sa volonté au clergé, tant par plusieurs réponses verbales, que par deux lettres adressées à l'assemblée, en date du 15 Septembre de la même année, rendit le même jour un arrêt en son conseil d'état, portant, qu'à commencer de ladite année 1750, il serait imposé et levé en la manière et dans les termes accoutumés, sur les diocèses du clergé de France, par les bureaux diocésains, et conformément aux départements sur lesquels sont assises les impositions actuelles du clergé de France, la somme de 1500000 liv. annuellement pendant le cours de cinq années ; que par l'assemblée du clergé il serait fait un département de ladite somme de 1500000 livres, dont le recouvrement serait fait par le receveur général du clergé de France, et subordonnément par les receveurs des décimes, pour être la dite somme annuellement employée aux remboursements des capitaux des rentes dû. par le clergé, et ajoutés à celles déjà destinées à ces remboursements.

Le clergé fit encore des remontrances au roi sur cet arrêt ; mais nous ne pouvons en détailler ici la suite, les pièces n'étant point encore devenues publiques. Voyez ce qui a été dit aux mots CLERGE, DECIMES ; voyez aussi les mémoires et procès-verbaux du clergé ; les mémoires de Patru sur les assemblées du clergé, et sur les décimes. (A)

DON MOBILE, en Normandie, est un avantage que la femme accorde ordinairement au mari sur sa dot.

Il ne peut être fait que par contrat de mariage, et en faveur d'icelui, c'est pourquoi quelques-uns l'appellent aussi présent de nôces ; il ne peut être fait depuis le mariage, quand même il n'y aurait point d'enfants de ce mariage, ni espérance d'en avoir.

Le don mobîle n'est point dû de plein droit, nonobstant quelques arrêts que l'on suppose avoir jugé le contraire ; cela résulte des articles 74 et 79 du règlement de 1666, par lesquels il parait que si l'on n'en a point promis au mari, il n'en peut point prétendre.

La femme donne ordinairement en don mobile, à son futur époux, la totalité de ses meubles en propriété, et le tiers de ses immeubles aussi en propriété : il n'est pas permis de donner plus, mais on peut donner moins, cela dépend du contrat de mariage.

Il est permis à la femme mineure, pourvu qu'elle soit autorisée de ses parents, de faire le même avantage à son mari.

Mais une femme qui aurait des enfants d'un précédent mariage, ne pourrait donner à son second mari que jusqu'à concurrence d'une part d'enfant le moins prenant dans sa succession. Art. 405. du règlement de 1666.

Le don mobîle n'est point réciproque, le mari ne pouvant donner à sa femme aucune part de ses immeubles, suivant l'art. 73 du règlement de 1666.

Il n'est pas nécessaire pour la validité du don mobile, que le contrat de mariage soit insinué. Réglement de 1666, article 74 et déclaration du 25 Juillet 1729.

Le mari est saisi du don mobîle du jour de la mort de sa femme, sans qu'il soit obligé d'en former la demande pour entrer en jouissance.

Quand le beau-pere a promis à son gendre une somme pour don mobile, elle ne peut être prise sur les biens de la mère de la femme, au cas que ceux du père ne suffisent pas.

On peut donner au mari, en payement de son don mobile, des héritages de la succession du père de sa femme, et il ne peut pas exiger qu'on lui paye son don mobîle en argent.

Le mari qui n'a point eu de don mobile, doit faire emploi de la moitié des meubles échus à sa femme pendant le mariage. Réglement de 1666, art. 79.

Le don mobîle n'est point détruit par la survenance d'enfants, soit du mariage en faveur duquel il a été promis, ou d'un mariage subséquent.

Le douaire de la femme ne peut être pris sur les immeubles qu'elle a donnés en dot à son mari, que quand ils se trouvent en nature dans sa succession ; car comme le don mobîle est donné au mari pour lui aider à supporter les charges du mariage, il peut l'aliéner et en disposer, même du vivant de sa femme. Voyez les commentateurs de la coutume de Normandie, sur les articles 390, 405, et sur les articles 73 et 39 du règlement de 1666. (A)

DON MUTUEL, ce terme pris dans un sens étendu, peut comprendre toute libéralité que deux personnes se font réciproquement l'une à l'autre ; mais le don mutuel proprement dit, est une convention faite entre mari et femme depuis le mariage, par laquelle ils consentent que le survivant d'eux jouira par usufruit, sa vie durant, de la moitié des biens de la communauté appartenante aux héritiers du prédécédé.

On ne doit pas confondre le don mutuel avec la donation mutuelle. Celle-ci peut être faite entre toutes sortes de personnes autres que les conjoints par mariage, et elle peut comprendre tous les biens dont il est permis par la loi de disposer. Les futurs conjoints peuvent aussi, par contrat de mariage, se faire de semblables donations mutuelles ; au lieu que le don mutuel n'a lieu qu'entre conjoints, et ne comprend que l'usufruit de la moitié que le prédécédé avait en la communauté. Voyez ci-après DONATION MUTUELLE.

Le don mutuel, entre les conjoints, était inconnu chez les Romains ; les conjoints avaient toute liberté de s'avantager par testament, mais ils ne pouvaient rien se donner entre-vifs : il y a donc lieu de croire que l'usage du don mutuel vient plutôt des Germains ; en effet, on le pratiquait déjà en France dès le temps de la première race de nos rais, comme il parait par les formules de Marculphe, chap. XIIe liv. I. où M. Bignon applique l'art. 280. de la coutume de Paris, qui concerne le don mutuel.

Quelques anciens praticiens l'appellent le soulas des mariés privés d'enfants, parce qu'il ne peut avoir lieu que dans le cas où les conjoints n'ont point d'enfants ni autres descendants, soit de leur mariage commun ou d'un précédent mariage.

Il a été introduit afin que les conjoints qui n'ont point d'enfants ne se dégoutent point de travailler pour le bien de la communauté, afin que le survivant n'ait point le chagrin de voir, de son vivant, passer à des collatéraux du prédécédé la moitié du fruit de leur commune élaboration, et afin que les deux conjoints concourent par leurs soins à augmenter la communauté, dans l'espérance que chacun d'eux peut avoir, de jouir de la totalité en vertu du don mutuel.

Deux conjoints mineurs, ou dont l'un est mineur, peuvent se faire un don mutuel, parce que l'avantage est égal de part et d'autre.

Les conditions requises, suivant le droit commun, pour la validité du don mutuel, sont

1°. Que les conjoints soient en santé lors de la passation du don mutuel, et qu'il y ait entr'eux communauté de biens. Le don mutuel fait par une femme enceinte est valable, quand même elle accoucherait peu de jours après, et que par l'évenement elle viendrait à décéder.

2°. Que le don mutuel soit fait par les deux conjoints, par un même acte devant notaire, et qu'il y en ait minute.

3°. Qu'il y ait égalité, en sorte que chacun donne au survivant l'usufruit de sa part de la communauté, ou du moins la jouissance d'une portion égale à celle que lui donne l'autre conjoint ; c'est pourquoi lorsqu'un des conjoints a tout donné à l'autre par contrat de mariage, ils ne peuvent plus faire de don mutuel, parce qu'il n'y aurait pas égalité.

4°. Que les conjoints ou l'un d'eux n'aient point d'enfants ni autres descendants, ainsi qu'on l'a déjà expliqué.

5°. Le don mutuel doit être insinué dans les quatre mois du jour qu'il est fait, ou du moins du vivant des deux conjoints : l'insinuation faite à la diligence de l'un d'eux sert pour l'autre, et les quatre mois ne courent contre la femme que du jour du décès du mari.

Quelques coutumes requièrent encore qu'il y ait égalité d'âge entre les conjoints, comme Nivernais, Auxerre, et Senlis. Cette égalité ne se prend pas strictement et numériquement, il suffit qu'il n'y ait pas une trop grande disproportion d'âge ; ainsi le don mutuel ne laisse pas d'être bon, quoiqu'un des conjoints ait douze ou quinze ans plus que l'autre ; mais si la différence d'âge était plus grande, il n'y aurait plus d'égalité.

La coutume de Paris ne requiert pas l'égalité d'âge, mais seulement que les conjoints soient en santé lors du don mutuel : il en doit être de même dans les autres coutumes qui n'exigent point l'égalité d'âge.

Chaque coutume règle les conditions du don mutuel, pour les biens situés dans son territoire, et ce qui doit entrer dans le don mutuel.

L'acceptation expresse n'est pas nécessaire dans le don mutuel comme dans les autres donations, parce que la réciprocité emporte implicitement une acceptation.

Le don mutuel étant insinué, ne peut plus être révoqué que du consentement mutuel des conjoints ; mais la révocation n'est pas sujette à insinuation.

Le survivant donataire mutuel n'est point saisi de plein droit ; il doit demander aux héritiers du prédécédé la délivrance de son don mutuel, et il ne peut l'avoir qu'en donnant bonne et suffisante caution ; il doit aussi faire inventaire, mais il n'est pas obligé de faire vendre les meubles, parce qu'il a droit d'en jouir en nature, et à son décès on les rend en l'état qu'ils sont.

La renonciation de la femme ou de ses héritiers à la communauté, n'empêche pas l'effet du don mutuel, mais la faculté de reprendre, accordée aux héritiers du conjoint décédé, rend le don mutuel inutile. Voyez Dumolin, tom. I. pag. 407. et son conseil 53. Ricard, t. II. traité 1. Franc. Marc, t. II. quest. 130. Coquille, tom. II. quest. 136. Auzanet, sur l'art. 280. de la coutume de Paris, liv. II. des arrêts, et aux arrêtés. Voyez les autres commentateurs sur le même art. 280. et ceux des autres coutumes aux titres des donations et dons mutuels ; Bouchel, au mot don mutuel. (A)

DONS DU ROI, sont les libéralités qu'il fait à ses sujets, soit par brevet ou par des lettres-patentes, par lesquels il leur confère quelque bénéfice, office ou commission ; ou leur fait don de quelque confiscation, amende, ou biens échus par droit d'aubaine, deshérence ou bâtardise.

On voit par les lois du code, que du temps des empereurs il était défendu de demander les biens confisqués ; il était seulement permis de les recevoir, quand le prince les donnait proprio motu.

En France le roi ne peut donner aucune portion du domaine de la couronne ; et lorsqu'il en a été fait quelques donations, elles ont été dans la suite révoquées.

Mais le roi peut donner ou disposer autrement des confiscations, amendes, et autres biens casuels qui n'ont pas encore été unis au domaine de la couronne.

Les dons excessifs qui avaient été surpris de la libéralité de quelques rais, ont été plusieurs fois révoqués, ou du moins réduits à moitié ou autre portion. Voyez les ordonnances, édits, déclarations et lettres-patentes cités dans le dictionnaire des arrêts, au mot Dons du Roi. (A)

DON (le) ou LE TANAÏS, un des fleuves principaux de l'Europe, qu'il sépare de l'Asie. Il prend sa source dans la province de Rezan en Moscovie, arrose un grand nombre de villes, et se jette dans le Palus-Méotide.