de religion, (Christianisme) attachement pur et éclairé au maintien et au progrès du culte qu'on doit à la Divinité.

Le zèle de religion est extrêmement louable, quand il est de cette espèce, plein de douceur, et formé sur le modèle dont Jésus-Christ nous a donné l'exemple ; mais quand le zèle est faux, aveugle et persécuteur, c'est le plus grand fléau du monde. Il faut honorer la Divinité, et jamais songer à la venger. On ne saurait trop observer, qu'il n'y a rien sur quoi les hommes se trompent davantage, que dans ce qui regarde le zèle de religion. Tant de passions se cachent sous ce masque, et il est la source de tant de maux, qu'on a été jusqu'à dire, qu'il serait à souhaiter pour le bonheur du genre-humain, qu'on ne l'eut pas mis au nombre des vertus chrétiennes. En effet, pour une fois qu'il peut-être louable, on le trouvera cent fois criminel ; il faut bien que cela soit ainsi, puisqu'il opère avec une égale violence dans toutes sortes de religions, quelque opposées qu'elles soient les unes aux autres, et dans toutes les subdivisions de chacune d'elles en particulier.

Abdas, évêque dans la Perse, au temps de Théodose le jeune, fut cause, par son zèle inconsidéré, d'une très-horrible persécution qui s'éleva contre les chrétiens. Ils jouissaient dans la Perse d'une pleine liberté de conscience, lorsque cet évêque s'émancipa de renverser un des temples où l'on adorait le feu. Les mages s'en plaignirent d'abord au roi, qui fit venir Abdas ; et après l'avoir censuré fort doucement, il lui ordonna de faire rebâtir ce temple. Abdas ne voulut pas s'y prêter ; quoique le prince lui eut déclaré. qu'en cas de désobéissance, il ferait démolir toutes les églises des chrétiens. Il exécuta cette menace, et abandonna les fidèles à la merci de son clergé, qui n'ayant Ve qu'avec douleur la tolérance qu'on leur avait accordée, se déchaina contr'eux avec beaucoup de furie. Abdas fut le premier martyr qui périt dans cette rencontre ; il fut, dis-je, le premier martyr, si l'on peut ainsi nommer un homme qui par sa témérité, exposa l'Eglise à tant de malheurs. Les chrétiens qui avaient déjà oublié l'une des principales parties de la patience évangélique, recoururent à un remède qui causa un autre déluge de sang. Ils implorèrent l'assistance de Théodose ; ce qui alluma une longue guerre entre les Romains et les Perses. Il est vrai que ceux-ci eurent le désavantage, mais était-on assuré qu'ils ne battraient par les Romains, et que par le moyen de leurs victoires, la persécution particulière des chrétiens de Perse ne deviendrait pas générale sur les autres parties de l'Eglise ? Voilà ce que le zèle indiscret d'un seul particulier peut produire. A peine trente ans suffirent à la violence des persécuteurs !

Abdas, simple particulier, et sujet du roi de Perse, avait ruiné le bien d'autrui ; et un bien d'autant plus privilégié, qu'il appartenait à la religion dominante ; c'était une mauvaise excuse, de dire que le temple qu'il aurait fait rebâtir, aurait servi à l'idolâtrie : car ce n'eut pas été lui qui l'aurait employé à cet usage, et il n'aurait pas été responsable de l'abus qu'en auraient pu faire ceux à qui il appartenait. D'ailleurs, personne ne peut se dispenser de cette loi de la religion naturelle : " Il faut réparer par restitution ou autrement le dommage qu'on a fait à son prochain ".

Enfin, quelle comparaison y avait-il entre la construction d'un temple, sans lequel les Perses n'auraient pas laissé d'être aussi idolâtres qu'auparavant, et la destruction de plusieurs églises chrétiennes ? Il fallait donc prévenir ce dernier mal par le premier, puisque le prince en laissait la ressource au choix de l'évêque. Voilà pour le zèle inconsidéré. Si quelquefois il peut être excusé, il ne faut jamais le louer, ce serait rendre à l'infirmité humaine un hommage qui n'est dû qu'à la sagesse ; la qualité des personnes, et leurs meilleures intentions, ne changent point le mal en bien.

Si maintenant nous suivions l'histoire cruelle des effets du zèle destructeur, nous la trouverions remplie de tant de scènes tragiques, de tant de meurtres et de carnage, qu'aucun fléau sur la terre n'a jamais produit tant de désastres.

Tristius haud illo monstrum nec saevior ulla

Pestis, et ira Deum stygiis sese extulit undis.

Aeneid. l. III. Ve 214.

Les annales de l'Eglise fourmillent de traits apocriphes de ce genre, qui ont fait au christianisme une si grande plaie, qu'il n'en guérirait point, si la main qui l'a fondé ne le sauvait elle-même. Lisez bien l'histoire, et vous trouverez que les plus grands princes du monde ont eu plus à craindre les passions d'un faux zèle, que les armes de tous leurs ennemis.

Si tout zélateur examinait bien sa conscience, elle lui apprendrait souvent que ce qu'il nomme zèle pour sa religion, n'est à le bien peser qu'orgueil, intérêt, aveuglement ou malignité. Un homme qui suit des opinions reçues, mais différentes de celles d'un autre, s'élève au-dessus de lui dans son propre jugement ; cette supériorité imaginaire excite son orgueil et son zèle. Si ce zèle était véritable et légitime, il serait plus animé contre un mauvais citoyen, que contre un hérétique, puisqu'il y a divers cas qui peuvent excuser ce dernier devant le souverain juge du monde, au-lieu qu'il n'y en a point qui puisse disculper l'autre.

J'aime à voir un homme zélé pour l'avancement des bonnes mœurs, et l'intérêt commun du genre humain ; mais lorsqu'il emploie son zèle à persécuter ceux qu'il lui plait de nommer hétérodoxes, je dis, sur la bonne opinion qu'il a de sa créance et de sa piété, que l'une est vaine, et que l'autre est criminelle. (D.J.)

ZELE, (Critique sacrée) ce mot se prend en plusieurs sens dans l'Ecriture. Il signifie une ardeur pour quelque chose. Phinée était plein de zèle contre les méchants qui violaient la loi du Seigneur, Nomb. xxv. 13. Il désigne l'envie ; les Juifs sont remplis d'envie, Act. XIIIe 45. . Il veut dire la jalousie, Prov. VIe 34. la jalousie (zelus) du mari, n'épargne point l'adultère dans sa vengeance. L'oreille jalouse entend tout, Sage, j. 10. c'est Dieu qui s'appelle un Dieu jaloux. L'idole du zèle, Ezéchiel VIIIe 5. c'est ou l'idole de Baal, qui avait été placée dans le temple du Seigneur, ou c'est celle d'Adonis ; quelques interprêtes croient aussi que le prophête Ezéchiel entend par idole du zèle, toutes sortes d'idoles en général, dont le culte allume le zèle de Dieu contre leurs adorateurs. (D.J.)

ZELE, jugement de, (Critique sacrée) Voyez JUGEMENT de zèle. (D.J.)