ou FAQUIR, s. m. (Histoire moderne) espèce de dervis ou religieux mahométan, qui court le pays et vit d'aumônes.

Le mot fakir est arabe, et signifie un pauvre ou une personne qui est dans l'indigence ; il vient du verbe fakara, qui signifie être pauvre.

M. d'Herbelot prétend que fakir et derviche sont des termes synonymes. Les Persans et les Turcs appellent derviche un pauvre en général, tant celui qui l'est par nécessité, que celui qui l'est par choix et par profession. Les Arabes disent fakir dans le même sens. De-là vient que dans quelques pays mahométants les religieux sont nommés derviches, et qu'il y en a d'autres où on les nomme fakirs, comme l'on fait particulièrement dans les états du Mogol. Voyez DERVIS.

Les fakirs vont quelquefois seuls et quelquefois en troupe. Quand ils vont en troupe, ils ont un chef ou supérieur que l'on distingue par son habit. Chaque fakir porte un cor, dont il sonne quand il arrive en quelque lieu et quand il en sort. Ils ont aussi une espèce de racloir ou truelle pour racler la terre de l'endroit où ils s'asseyent et où ils se couchent. Quand ils sont en bande, ils partagent les aumônes qu'ils ont eues par égales parties, donnent tous les soirs le reste aux pauvres, et ne réservent rien pour le lendemain.

Il y a une autre espèce de fakirs idolatres, qui mènent le même genre de vie. M. d'Herbelot rapporte qu'il y a dans les Indes huit cent mille fakirs mahométants, et douze cent mille idolatres, sans compter un grand nombre d'autres fakirs, dont la pénitence et la mortification consistent dans des observances très-pénibles. Quelques-uns, par exemple, restent jour et nuit pendant plusieurs années dans des postures extrêmement génantes. D'autres ne s'asseyent ni ne se couchent jamais pour dormir, et demeurent suspendus à une corde placée pour cet effet. D'autres s'enferment neuf ou dix jours dans une fosse ou puits, sans manger ni boire : les uns lèvent les bras au ciel si longtemps, qu'ils ne peuvent plus les baisser lorsqu'ils le veulent ; les autres se brulent les pieds jusqu'aux os ; d'autres se roulent tout nuds sur les épines. Tavernier, etc. O miseras hominum mentes ! On se rappelle ici ce beau passage de saint Augustin : Tantus est perturbatae mentis et sedibus suis pulsae furor, ut sic dii placentur quemadmodum ne homines quidem saeviunt.

Une autre espèce de fakirs dans les Indes sont des jeunes gens pauvres, qui, pour devenir moulas ou docteurs, et avoir de quoi subsister, se retirent dans les mosquées où ils vivent d'aumône, et passent le temps à l'étude de leur loi, à lire l'alcoran, à l'apprendre par cœur, et à acquérir quelques connaissances des choses naturelles.

Les fakirs mahométants conservent quelque reste de pudeur, mais les idolatres vont tout nuds comme les anciens gymnosophistes, et mènent une vie très débordée. Le chef des premiers n'est distingué de ses disciples, que par une robe composée de plus de pièces de différentes couleurs, et par une chaîne de fer de la longueur de deux aunes qu'il traine attachée à sa jambe. Dès qu'il est arrivé en quelque lieu, il fait étendre quelques tapis à terre, s'assied dessus, et donne audience à ceux qui veulent le consulter : le peuple l'écoute comme un prophète, et ses disciples ne manquent pas de le préconiser. Il y a aussi des fakirs qui marchent avec un étendart, des lances, et d'autres armes ; et sur tout les nobles qui prennent le parti de la retraite, abandonnent rarement ces anciennes marques de leur premier état. D'Herbelot, biblioth. orient. et Chambers. (G)