S. m. (Histoire moderne) ce mot qui est arabe, signifie empereur ou seigneur ; on croit qu'il vient de selatat qui signifie conquérant ou puissant. Le nom de sultan tout court, ou précédé de l'article le désigne alors l'empereur des Turcs ; cependant le titre de padischah est réputé plus excellent ; et les Turcs appellent le sultan Padischahi Alem Penah, c'est-à-dire, empereur, le refuge et le protecteur du monde, ou bien on le nomme Aliothman Padischahi, empereur des enfants d'Othman. Voyez l'article SCHAH. On donne aussi le titre de sultan au fils du kan de la Tartarie Crimée. Le mot sultanum est chez les Turcs un titre de politesse qui répond à celui de monsieur parmi nous.

Le sultan exerce sur ses sujets l'empire le plus despotique. Selon la doctrine des Turcs, leur empereur a le privilège de mettre à mort impunément chaque jour, quatorze de ses sujets, sans encourir le reproche de tyrannie ; parce que, selon eux, ce prince agit souvent par des mouvements secrets, par des inspirations divines, qu'il ne leur est point permis d'approfondir ; ils exceptent cependant le parricide et le fratricide qu'ils regardent comme des crimes, même dans leurs sultants. Cela n'empêche point que les frères des empereurs n'aient été souvent les premières victimes qu'ils ont immolées à leur sûreté. Les sultants les plus humains les tiennent dans une prison étroite dans l'intérieur même du palais impérial ; on ne leur permet de s'occuper que de choses puériles, et très-peu propres à leur former l'esprit, et à les rendre capables de gouverner. Malgré ce pouvoir si absolu des sultants, ils sont souvent eux-mêmes exposés à la fureur et à la licence d'un peuple furieux et d'une soldatesque effrenée qui les dépose et les met à mort, sous les prétextes les plus frivoles.

Le lendemain de son avénement au trône, le sultan Ve visiter en grand cortege un couvent qui est dans un des faubourgs de Constantinople ; là le scheik ou supérieur du monastère, lui ceint une épée, et pour conclure la cérémonie, il lui dit : allez, la victoire est à vous ; mais elle ne l'est que de la part de Dieu. Jamais l'empereur ne peut se dispenser de cette cérémonie qui lui tient lieu de couronnement.

On n'aborde le sultan qu'avec beaucoup de formalités ; nul mortel n'est admis à lui baiser la main ; le grand vizir, lorsqu'il parait en sa présence, fléchit trois fois le genou droit ; ensuite touchant la terre de sa main droite, il la porte à sa bouche et à son front, cérémonie qu'il recommence en se retirant.

Le sultan n'admet personne à sa table ; nul homme n'ose ouvrir la bouche sans ordre dans son palais ; il faut même y étouffer jusqu'aux envies de tousser ou d'éternuer ; on ne se parle que par signe ; on marche sur la pointe des pieds ; on n'a point de chaussure, et le moindre bruit est puni avec la dernière sévérité.

Les résolutions prises par le sultan passent pour irrévocables, quelqu'injustes qu'elles soient ; il ne peut jamais se rétracter. Ses ordres sont reçus comme s'ils venaient de Dieu même, et c'est une impiété que d'y désobéir ; quand il veut faire mourir un grand vizir, il lui signifie sa sentence par écrit en ces termes : tu as mérité la mort, et notre volonté est qu'après avoir accompli l'abdest (c'est-à-dire, l'ablution de la tête, des mains et des pieds ordonnée par la loi), et fait le namaz ou la prière selon la coutume, tu résignes ta tête à ce messager que nous t'envoyons à cet effet. Le vizir obéit sans hésiter, sans quoi il serait déshonoré et regardé comme un impie et un excommunié. Le sultan prend parmi ses titres celui de zillulah qui signifie image ou ombre de Dieu : ce qui donne à ses ordres un caractère divin, qui entraîne une obéissance aveugle.

Malgré tout ce pouvoir, le sultan ne peut point toucher, sans la nécessité la plus urgente, au trésor public de l'état, ni en détourner les deniers à son usage particulier : ce qui occasionnerait infailliblement une révolte ; ce prince n'a la disposition que de son trésor particulier, dont le gardien s'appelle hasnadar bachi, et dans lequel du temps du prince Cantemir, il entrait tous les ans jusqu'à vingt-sept mille bourses, chacune d'environ 1500 livres argent de France ; c'est dans ces trésors qu'entrent toutes les richesses des bachas et des vizirs que le sultan fait ordinairement mourir, après qu'ils se sont engraissés de la substance des peuples dans leurs différentes places qu'ils ont occupées. La confiscation de leurs biens appartient de droit à leur maître.

Les sultants sont dans l'usage de marier leurs sœurs et leurs filles dès le berceau aux vizirs et aux bachas ; par-là ils se déchargent sur leurs maris du soin de leur éducation ; en attendant qu'elles soient nubiles, ceux-ci ne peuvent point prendre d'autre femme avant que d'avoir consommé leur mariage avec la sultane ; souvent le mari est mis à mort avant d'avoir rempli cette cérémonie ; alors la femme qui lui était destinée, est mariée à un autre bacha. En moins d'un an la sœur d'Amurath IV. eut quatre maris, sans que le mariage eut été consommé par aucun d'eux ; aussi-tôt que la cérémonie nuptiale tirait à sa conclusion, le mari était accusé de quelque crime, on le mettait à mort, et ses biens étaient adjugés à sa femme ; mais on prétend qu'ils entraient dans les coffres de l'empereur.

Les sultants ont un grand nombre de concubines. Dans les temps du Bairam ou de la pâque des Mahometants, les bachas envoyent à leur souverain les filles les plus charmantes qu'ils peuvent trouver ; parmi ces concubines il se choisit des maîtresses, et celles qui ont eu l'honneur de recevoir le sultan dans leurs bras et de lui plaire, se nomment sultanes hasekis. voyez cet article. Voyez l'histoire ottomane du prince Cantemir.