ou BRAMENES, ou BRAMINS, ou BRAMENS, s. m. pl. (Histoire moderne) secte de philosophes indiens, appelés anciennement Brachmanes. Voyez BRACHMANES. Ce sont des prêtres qui révèrent principalement trois choses, le dieu Fo, sa loi, et les livres qui contiennent leurs constitutions. Ils assurent que le monde n'est qu'une illusion, un songe, un prestige, et que les corps pour exister véritablement, doivent cesser d'être en eux-mêmes, et se confondre avec le néant, qui par sa simplicité fait la perfection de tous les êtres. Ils font consister la sainteté à ne rien vouloir, à ne rien penser, à ne rien sentir, et à si bien éloigner de son esprit toute idée, même de vertu, que la parfaite quiétude de l'âme n'en soit pas altérée. C'est le profond assoupissement de l'esprit, le calme de toutes les puissances, la suspension absolue des sens, qui fait la perfection. Cet état ressemble si fort au sommeil, qu'il parait que quelques grains d'opium sanctifieraient un brahmane bien plus surement que tous ses efforts. Ce quiétisme a été attaqué dans les Indes, et défendu avec chaleur. Du reste ils méconnaissent leur première origine. Le roi Brachman n'est point leur fondateur. Ils se prétendent issus de la tête du dieu Brama, dont le cerveau ne fut pas seul fécond ; ses pieds, ses mains, ses bras, son estomac, ses cuisses, engendrèrent aussi, mais des êtres bien moins nobles que les Bramines. Ils ont des livres anciens, qu'ils appellent sacrés. Ils conservent la langue dans laquelle ils ont été écrits. Ils admettent la métempsycose. Ils prétendent que la chaîne des êtres est émanée du sein de Dieu, et y remonte continuellement, comme le fil sort du ventre de l'araignée et y rentre. Au reste il parait que ce système de religion varie avec les lieux. Sur la côte de Coromandel, Wistnou est le dieu des Bramines ; Brama n'est que le premier homme. Brama reçut de Wistnou le pouvoir de créer ; il fit huit mondes comme le nôtre, dont il abandonna l'administration à huit lieutenans. Les mondes périssent et renaissent : notre terre a commencé par l'eau, et finira par le feu : il s'en reformera de ses cendres une autre, où il n'y aura ni mer ni vicissitude de saisons. Les Bramines font circuler les âmes dans différents corps ; celle de l'homme doux passe dans le corps d'un pigeon ; celle du tyran dans le corps d'un vautour ; et ainsi des autres. Ils ont en conséquence un extrême respect pour les animaux : ils leur ont établi des hôpitaux : la piété leur fait racheter les oiseaux que les Mahométans prennent. Ils sont fort respectés des Benjans ou Baniants dans toutes les Indes ; mais surtout de ceux de la côte de Malabar, qui poussent la vénération jusqu'à leur abandonner leurs épouses avant la consommation du mariage, afin que ces hommes divins en disposent selon leur sainte volonté, et que les nouveaux mariés soient heureux et bénis. Ils sont à la tête de la religion ; ils en expliquent les rêveries aux idiots, et dominent ainsi sur ces idiots, et par contre-coup sur le petit nombre de ceux qui ne le sont pas. Ils tiennent les petites écoles. L'austérité de leur vie, l'ostentation de leurs jeunes, en imposent. Ils sont répandus dans toutes les Indes : mais leur collège est proprement à Banassi. Nous pourrions pousser plus loin l'exposition des extravagances de la philosophie et de la religion des Bramines : mais leur absurdité, leur nombre et leur durée, ne doivent rien avoir d'étonnant : un chrétien y voit l'effet de la colere céleste. Tout se tient dans l'entendement humain ; l'obscurité d'une idée se répand sur celles qui l'environnent : une erreur jette des ténèbres sur des vérités contiguès, et s'il arrive qu'il y ait dans une société des gens intéressés à former, pour ainsi dire, des centres de ténèbres, bien-tôt le peuple se trouve plongé dans une nuit profonde. Nous n'avons point ce malheur à craindre : jamais les centres de ténèbres n'ont été plus rares et plus resserrés qu'aujourd'hui : la Philosophie s'avance à pas de géant, et la lumière l'accompagne et la suit. Voyez dans la nouvelle édition de M. de Voltaire, la lettre d'un Turc, sur les Bramines.