(Grammaire) Cette figure n'est aujourd'hui qu'une diphtongue aux yeux, parce que quoiqu'elle soit composée de a et de e, on ne lui donne dans la prononciation que le son de l'e simple ou commun, et même on ne l'a pas conservée dans l'orthographe Française : ainsi on écrit César, Enée, Enéide, Equateur, Equinoxe, Eole, Préfet, Préposition, &c.

Comme on ne fait point entendre dans la prononciation le son de l'a et de l'e en une seule syllabe, on ne doit pas dire que cette figure soit une diphtongue.

On prononce a-éré, exposé à l'air, et de même a-érien : ainsi a-é ne font point une diphtongue en ces mots, puisque l'a et l'e y sont prononcés chacun séparément en syllabes particulières.

Nos anciens auteurs ont écrit par ae le son de l'ai prononcé comme un ê ouvert : ainsi on trouve dans plusieurs anciens Poètes l'aer au lieu de l'air, aer, et de même aeles pour ailes ; ce qui est bien plus raisonnable que la pratique de ceux qui écrivent par ai le son de l'é ouvert, Français, connaître. On a écrit connaître dans le temps que l'on prononçait connaître ; la prononciation a changé, l'orthographe est demeurée dans les livres ; si vous voulez réformer cette orthographe et la rapprocher de la prononciation présente, ne réformez pas un abus par un autre encore plus grand : car ai n'est point fait pour représenter ê. Par exemple, l'interjection hai, hai, hai, bail, mail, etc. est la prononciation du Grec ταῖς, ούσαις.

Que si on prononce par ê la diphtongue oculaire ai en palais, etc. c'est qu'autrefois on prononçait l'a et l'i en ces mots-là ; usage qui se conserve encore dans nos provinces méridionales : de sorte que je ne vois pas plus de raison de réformer François par Français, qu'il y en aurait à réformer palais par palais.

En Latin ae et ai étaient de véritables diphtongues, où l'a conservait toujours un son plein et entier, comme Plutarque l'a remarqué dans son Traité des Festins, ainsi ai que nous entendons le son de l'a dans notre interjection, hai, hai, hai ! Le son de l'e ou de l'i était alors très-foible ; et c'est à cause de cela qu'on écrivait autrefois par ai ce que depuis on a écrit par ae, Musai ensuite Musae, Kaisar et Caesar. Voyez la Méthode Latine de P. R. (F)