Manufacture de serge de Londres. Quant à la laine, on choisit la plus longue pour la chaine, et la plus courte pour la trame : avant que de faire usage de l'une et de l'autre, on doit premièrement la dégraisser, en la mettant dans une chaudière de liqueur, un peu plus que tiede, composée de trois quarts d'eau bien nette, et un quart d'urine ; après qu'on l'y a laissée assez longtemps pour s'y dissoudre, et avoir ôté la graisse, etc. on la remue brusquement avec un bâton ; on l'ôte ensuite de la liqueur ; on la laisse égoutter, et après l'avoir lavée dans de l'eau courante, et sechée à l'ombre, on la bat avec des bâtons sur un ratelier de bois, pour en chasser l'ordure, et la plus grosse poussière. Après quoi on l'épluche bien proprement avec les mains. Quand elle est ainsi préparée, on la graisse ou on l'imbibe d'huîle d'olive, et l'on peigne avec de grands peignes la partie la plus longue, destinée à la chaine ; on la fait chauffer dans un petit fourneau pour cet usage pour la dégraisser une seconde fais, ou pour lui ôter son huîle ; on la met dans de l'eau de savon très-chaude ; après l'en avoir retirée, on la tord, on la seche et on la fîle au rouet. Quant à la laine la plus courte, dont on veut faire trame, on la carde seulement sur le genou, avec de petites cardes très-fines ; on la fîle ensuite au rouet sans en ôter l'huile. Remarquez que le fil destiné à la chaine doit être toujours beaucoup plus fin et plus retors que celui de la trame.

Quand la laine est filée, tant celle qui est pour la chaine que celle qui est pour la trame, et que l'on a mis le fil en écheveaux, la laine destinée à la trame est mise sur des espolins (à moins qu'elle n'ait été filée dessus) proportionnés à la cavité ou à l'oeil de la navette ; et la laine, qui est pour la chaine, est dévidée sur une espèce de bobines de bois, afin de la préparer à être employée : quand elle est montée, on lui donne de la consistance, c'est-à-dire, qu'on la rend ferme moyennant une espèce de colle, dont celle qui est réputée la meilleure, est faite de coupures de parchemin : quand elle est seche on la met sur le métier.

Quand elle est montée sur le métier, l'ouvrier élevant et abaissant les fils (que l'on passe à-travers une canne ou un réseau), par le moyen de quatre pédales, situées dans la partie inférieure du métier, qu'il fait agir transversalement, également et alternativement l'une après l'autre, avec ses pieds, à proportion que les fils sont élevés et abaissés, il jette la navette à-travers d'un côté à l'autre ; et à chaque fois qu'il jette la navette, et que le fil de la trame est croisé entre les fils de la chaine, il le frappe avec le châssis, auquel est attachée la canne, à travers les dents de laquelle les fils de la chaine sont placés, et il repéte ce coup deux ou trois fais, ou même plus, jusqu'à ce qu'il juge que la croisure de la serge est suffisamment serrée ; et ainsi de suite, jusqu'à ce que la chaine soit entièrement remplie de la trame.

Aussi-tôt que l'on a ôté la serge de dessus le métier, on la porte chez le foulon, qui la foule ou qui l'écure dans l'auge ou le baquet de son moulin, avec une espèce de terre grasse qui sert à cet usage, dont on a eu soin d'abord d'ôter les pierres et les ordures. Après qu'on l'a écurée pendant trois ou quatre heures, on ôte la terre à foulon, en lavant la serge avec de l'eau nette, que l'on met petit-à-petit dans l'auge, d'où on la retire quand elle est entièrement nettoyée de la terre ; ensuite avec une espèce de pinces de fer, on arrache tous les nœuds, les bouts, les pailles, etc. qui s'attachent sur la surface de la serge des deux côtés : après cela on la reporte dans l'auge à foulon, où on la repasse avec de l'eau de savon un peu plus que tiede, pendant environ deux heures : on la lave alors jusqu'à ce que l'eau vienne parfaitement claire, et qu'il n'y ait plus aucune apparence de savon : après quoi on l'ôte de l'auge, on arrache les nœuds, etc. on la met à des crocs ou crochets, afin qu'elle seche ; en prenant bien garde à mesure qu'elle seche, de l'étendre en long et en large, jusqu'à ce qu'elle ait ses justes dimensions ; quand elle est bien seche, on l'ôte des crochets, on la teint, on la tord, et enfin on la presse. Voyez TEINTURE, PRESSE, TENTE.

Serge, étoffe de soie. Cette étoffe est un tissu dont le grain se fait obliquement au moyen du remettage et de l'armure ; elle se fait avec une seule chaîne et la trame dont on met le nombre de bouts proportionné à la force dont on la veut. Cette étoffe a toujours à Lyon 11 vingt-quatriemes d'aune de large. Voyez ETOFFE DE SOIE.

Les serges sont un diminutif du satin, voyez SATIN. Elles ont six lisses et six marches ; chaque marche fait lever et baisser trois lisses. Voici l'armure d'une serge à six lisses.